1 John 2
Le début du commentaire du chapitre 2 et la fin du commentaire du chapitre 1 son semblable.DEUXIÈME TRAITÉ.
DEPUIS CE VERSET : « JE VOUS ÉCRIS, MES PETITS ENFANTS, PARCE QUE VOS PÉCHÉS VOUS SONT « REMIS AU NOM DE JÉSUS-CHRIST », JUSQU’À CELUI-CI : « CELUI QUI A FAIT LA VOLONTÉ DE « DIEU, DEMEURE ÉTERNELLEMENT, COMME IL DEMEURE LUI-MÊME PENDANT TOUTE L’ÉTERNITÉ ». (Chap 2, 12-17.)
LA CHARITÉ, SOURCE DE LUMIÈRES.
Le Sauveur est mort, mais il est ressuscité et il a fondé son Église : cette Église est répandue parmi toutes les nations ; si les hérétiques ne la voient pas, c’est qu’ils sont plongés dans les ténèbres du péché : s’ils ne sont pas en union avec elle, c’est qu’ils n’ont pas la charité. Voulons-nous bien connaître Dieu, aimons-le ; mais que notre amour pour lui soit dégagé de l’amour exclusif du monde : pour nous préserver de cet amour adultère des créatures, jetons les yeux sur le Sauveur : il nous apprendra, de parole et d’exemple, ce que nous devons dire et faire au moment où il nous tentera. 1. Les passages de nos saints livres dont on nous fait lecture, sont destinés à nous instruire et à nous sanctifier ; aussi devons-nous les écouter avec la plus sérieuse attention. Mais s’il en est parmi eux que nous devions plus particulièrement graver dans notre mémoire, ce sont ceux à l’aide desquels il est plus aisé de réfuter les hérétiques ; car ils ne cessent, par leurs insidieuses erreurs, de circonvenir les plus faibles et les plus insouciants d’entre les chrétiens. Ne l’oubliez pas : notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ est mort et ressuscité pour nous ; oui, il est mort à cause de nos fautes, et il est ressuscité pour notre justification a. Ainsi, tout à l’heure vous avez entendu que les disciples dont il avait fait la rencontre avaient les yeux comme fermés et ne pouvaient le reconnaître. Au moment où il les avait joints, ils n’avaient plus de confiance en la rédemption du Christ ; à leur sens, l’homme, en lui, avait souffert et il était mort ; mais ils étaient loin de penser que, comme Fils de Dieu, il fût encore vivant ; à les entendre, il était si bien mort, que jamais il ne reviendrait à la vie, pareil en cela aux Prophètes du nombre desquels il leur semblait faire partie. Voilà le sens de leur conversation ; voilà ce que vous avez entendu tout à l’heure si vous étiez attentifs à ce qu’on nous lisait. Alors Jésus leur fit connaître le sens caché des Écritures commençant par Moïse et continuant par tous les Prophètes, il leur montra que toutes les circonstances de sa passion avaient été annoncées par avance ; son dessein, en cela, était d’empêcher que la résurrection du Seigneur vînt à les ébranler davantage encore lorsqu’elle leur serait connue ; il voulait aussi préserver leur foi d’un affaiblissement plus complet, en leur faisant voir que tous ces événements avaient été prédits dès longtemps. Ce qui donc affermit particulièrement notre foi, c’est que tous les événements de la vie et de la mort du Christ ont été prédits. Les disciples ne le reconnurent qu’à la fraction du pain ; de fait, quiconque ne boit ni ne mange son jugement, reconnaît le Christ à la fraction du pain b. Plus tard, les onze disciples eux-mêmes s’imaginèrent voir un fantôme ; après s’être livré aux Juifs pour être crucifié, le Sauveur s’offrit à ses Apôtres pour être touché ; pour être mis à mort par ses ennemis et pour être touché par ses amis ; et c’était pour les guérir tous, ceux-là de leur impiété, ceux-ci de leur incrédulité. La lecture des Actes des Apôtres vous a fait connaître combien d’hommes, parmi les bourreaux du Christ, ont cru en lui c. Si ceux qui l’ont mis à mort ont ensuite cru en lui, ceux qui éprouvaient à son égard un doute de quelques instants, devaient-ils lui refuser l’hommage de leur foi ? Néanmoins (et vous devez remarquer particulièrement et vous souvenir que Dieu a voulu nous faire trouver dans les Écritures le plus solide soutien de notre foi ; car quiconque prétend aujourd’hui ; être considéré comme chrétien, respecte ces saints livres au moins dans ses paroles) ; néanmoins, après s’être offert à ses disciples pour en être touché, il aurait cru ne pas les avoir assez profondément convaincus, s’il ne leur avait encore apporté le témoignage des Écritures. En effet, nous qui devions venir plus tard, nous étions présents à sa pensée ; et puisque nous ne pouvons le toucher, nous avons du moins sous les yeux la preuve écrite de sa nouvelle vie. Ses disciples ont cru en lui parce qu’ils l’ont possédé au milieu d’eux et touché de leurs mains. Et nous, quelle sera la cause de notre foi ? Jésus est maintenant au ciel, et il n’en descendra qu’à la fin des temps, pour juger les vivants et les morts ; qu’est-ce donc qui nous portera à croire en lui, sinon le motif qu’il a voulu mettre à leur disposition, lors même qu’ils le touchaient déjà de leurs mains ? De fait, il leur donna le sens des Écritures, leur montrant qu’il fallait que le Christ souffrît, et qu’en lui fût accompli ce qui avait été écrit de lui dans la loi de Moïse, dans les Prophètes et les Psaumes ; il épuisa ainsi tous les passages de l’Ancien Testament tout ce qu’ils renferment nous parle du Christ, à condition pourtant de rencontrer en nous des oreilles attentives. Le Sauveur ouvrit donc à ses disciples le sens des Écritures, afin de les leur faire comprendre, et si nous avons une prière à lui adresser, c’est qu’il veuille bien aussi éclairer notre entendement. 2. Le Seigneur leur fit voir ce qui était écrit de lui dans la loi de Moïse, dans les Prophètes et les Psaumes ; mais qu’est-ce qui y était écrit ? Que leur montra-t-il ? Il va nous le dire lui-même. L’Évangéliste résume en peu de mots tous ces passages des livres saints, et nous fait ainsi brièvement connaître ce que nous devons croire et la manière dont nous devons le comprendre. Les pages et les livres qui composent nos Écritures sont en grand nombre, et tous renferment ce que le Christ a dit, en quelques mots, à ses disciples. Que leur a-t-il dit ? écoute : « Il fallait que le Christ souffrît et ressuscitât le troisième jour ». Tu es donc déjà instruit de ce qui concerne l’époux : « Il fallait que le Christ souffrît et ressuscitât ». Voilà pour l’époux. Voyons maintenant ce qu’il a dit de l’épouse ; alors, quand tu auras appris à connaître l’époux et l’épouse, tu ne viendras pas aux noces sans savoir pourquoi. Toute fête chrétienne est une cérémonie nuptiale : on y célèbre les noces de l’Église. Le fils d’un roi doit se marier, et ce fils de roi est roi lui-même ; tous ceux qui assistent à la solennité, sont l’épouse qu’il doit prendre. Hyménée bien différent des noces charnelles où l’on voit, d’une part les assistants, et de l’autre celle qui contracte l’union conjugale ; dans l’Église, en effet, ceux qui fréquentent nos solennités deviennent eux-mêmes l’épouse, à condition d’y bien assister ; car toute l’Église est l’épouse du Christ ; la chair du Christ en est le chef et les prémices ; l’époux et l’épouse y sont unis dans la chair. Pour appeler l’attention de ses disciples sur ce mystère de son corps, Jésus rompit le pain, et ce fut avec raison qu’à la fraction du pain les disciples ouvrirent les yeux et le reconnurent. Au dire du Sauveur, qu’est-ce qui était écrit de lui dans la loi de Moïse, dans les Prophètes et les Psaumes ? « Il fallait que le Christ souffrit et ressuscitât ». S’il n’avait ajouté : « et ressuscitât », ces hommes dont les yeux étaient fermés se seraient chagrinés justement ; mais il avait été prédit « qu’il ressusciterait ». Pourquoi cela ? Pourquoi fallait-il que le Christ souffrît et ressuscitât ? A cause du psaume que nous avions si particulièrement recommandé à votre attention mercredi, jour de la semaine dernière où nous nous sommes réunis pour la première fois : « Les peuples les plus éloignés se souviendront du Seigneur et se tourneront vers lui ; toutes les nations se prosterneront devant lui et l’adoreront d ». Sachez qu’il fallait « que le Christ souffrît et ressuscitât ». En effet, après nous avoir parlé de l’époux, en quels termes nous parle-t-il de l’épouse ? Qu’ajoute-t-il ? « Et qu’on prêchât en son nom la pénitence et la rémission des péchés à tous les peuples, en commençant par Jérusalem ». Vous avez entendu, mes frères ; n’oubliez pas. Personne ne peut douter qu’il soit ici question de l’Église, puisqu’elle se trouve dans tous les pays ; encore une fois, le doute n’est permis à personne, puisqu’elle a pris naissance à Jérusalem, et que de là elle s’est répandue par toute la terre. Nous savons en quel champ la vigne a été plantée ; mais depuis qu’elle est devenue grande, nous ne la distinguons plus des autres, car on la voit partout. Où l’Église a-t-elle commencé ? « A Jérusalem ». Jusqu’où s’est-elle étendue ? « Jusqu’aux extrémités du monde ». Des peuples en petit nombre sont encore en dehors de son domaine ; plus tard, ils lui appartiendront tous. En attendant qu’elle exerce sur eux tous sa puissance, le maître de la vigne voyant que certains sarments étaient inutiles, a jugé à propos de les couper ; de là des hérésies et des schismes. Puissent ces malheureux sarments, retranchés du cep, ne point vous entraîner avec eux ; car vous en seriez aussi séparés ; exhortez plutôt ces branches mortes à se regreffer sur le pied de vigne auquel elles n’appartiennent plus. Il est évident que le Christ a souffert, qu’il est ressuscité et monté au ciel ; l’Église a paru, puisqu’on prêche en son nom la pénitence et la rémission des péchés parmi tous les peuples. Où a-t-elle commencé ? « En commençant par Jérusalem ». L’insensé entend, l’homme léger ne voit rien ; pourrais-je lui donner un autre nom que celui d’aveugle, puisqu’il n’aperçoit point cette immense montagne, puisqu’il ferme les yeux pour ne pas contempler le flambeau placé sur le candélabre ? 3. Quand nous leur disons : Si vous êtes chrétiens catholiques, mettez-vous donc en communion avec cette Église qui évangélise toute la terre ; vivez en accord avec cette Jérusalem ; quand nous leur parlons ainsi, ils nous répondent : Nous ne communiquons pas avec cette ville où notre roi a.été. mis à mort, où Notre-Seigneur a été assassiné comme s’il était question de la cité déicide où est mort notre Sauveur ! Les Juifs ont crucifié Jésus pendant qu’il vivait sur la terre ; ceux-ci le maudissent, maintenant qu’il règne dans les cieux. Quels sont les plus méchants ? Ceux qui l’ont méprisé parce qu’ils le croyaient un pur homme, ou ceux qui rejettent ses sacrements, quoiqu’ils reconnaissent sa divinité ? Mais oui, ils détestent la ville témoin du meurtre de leur Dieu. Les hommes pieux et pleins de tendresse ! Ils pleurent amèrement sur la mort violente du Christ, et ils ne craignent pas de le tuer dans le cœur des hommes ! Pour lui, il a aimé cette ville, et il en a eu pitié ; il a dit que la prédication de son Évangile y prendrait naissance : « En commençant par Jérusalem ». Il a établi à Jérusalem le berceau de la prédication de son nom, et tu as horreur de vivre en communion avec cette ville ! Ah ! je ne m’étonne plus que tu la détestes ; tu en as été arraché comme de ta racine ! Qu’est-ce que Jésus dit encore à ses disciples ? « Demeurez dans la ville, parce que je vous enverrai bientôt celui que je vous ai promis e ». Voilà quelle ville ils haïssent. Peut-être l’aimeraient-ils, si les meurtriers du Christ, si les Juifs l’habitaient encore. Or, il est de notoriété publique que tous les assassins de Jésus, c’est-à-dire. les Juifs ; en ont été chassés, et la cité qui abrita jadis les bourreaux du Sauveur n’a plus aujourd’hui, pour habitants, que des adorateurs de l’Homme-Dieu. Si donc les hérétiques la détestent, c’est qu’elle ne renferme que des chrétiens. Jésus a voulu que ses disciples y demeurassent, et que l’Esprit-Saint y descendît sur eux. En quel lieu l’Église a-t-elle pris naissance, si ce n’est là où le Saint-Esprit, venant d’en haut, a rempli de ses, dons les cent vingt personnes qui s’y tenaient ensemble ? Le nombre primitif de douze se trouve décuplé. Les cent vingt hommes étant là, le Saint-Esprit descendit du ciel et remplit toute la maison, et l’on entendit comme le bruit d’un vent violent qui s’approchait, et on vit comme des langues de feu qui se partageaient. On vous a lu, tout à l’heure, les Actes des Apôtres, et vous avez entendu précisément le récit de cet événement : « Ils commencèrent à parler diverses langues, selon que l’Esprit-Saint les faisait parler ». Et tous les Juifs de nationalités différentes qui se trouvaient là, reconnaissaient leur propre langage et s’étonnaient que des hommes ignorants et sans lettres eussent appris à parler, non pas une ou deux langues, mais toutes les langues sans exception f. Dès lors que toutes les langues se faisaient entendre, il était évident que toutes les langues embrasseraient la foi. Mais pour les hérétiques qui aiment le Christ de tout leur cœur et refusent, en conséquence, de se mettre en rapport avec la ville où il a été mis à mort, ils honorent le Christ au point de dire qu’il s’en est tenu à deux langues, la langue latine et la langue punique, ou africaine. Le Christ ne tient-il sous sa puissance que les peuples de, deux langues ? C’est à ces deux langues toutes seules que se borne le parti de Donat ; il n’y en à pas davantage. Alertes, mes frères ; considérons, plutôt le don de l’Esprit de Dieu ; croyons à ce qui a été dit de lui avant sa venue, et reconnaissons comme accompli l’oracle prononcé dès avant lui par le Psalmiste. « Il n’est point de discours, point de langage dans lequel on n’entende cette voix ». Ne t’imagine pas que ces langues aient retenti en un seul lieu ; crois plutôt que le don du Christ s’est étendu à toutes langues, car écoute ce qui suit : « Son éclat s’est répandu dans tout l’univers, il a retenti jusqu’aux extrémités de la terre ». Pourquoi cela ? « Parce que Dieu a placé son pavillon dans le soleil g », c’est-à-dire à la vue de tous. Son corps, voilà son pavillon ; son pavillon, c’est l’Église ; elle a été placée dans le soleil, non pas au sein des ténèbres, mais à la lumière du jour. Mais pourquoi les hérétiques ne la reconnaissent-ils pas ? Revenez-en à la leçon àlaquelle nous nous sommes arrêtés hier, et vous remarquerez bien la cause de leur aveuglement : « Celui qui hait son frère marche dans les ténèbres, et il ne sait où il va, parce que les ténèbres lui ont fermé les yeux ». Voyons donc ce qui suit, et nous ne serons point plongés dans les ténèbres. Comment parviendrons-nous à rester dans la lumière ? En aimant nos frères. Et comment prouverons-nous que des sentiments fraternels à l’égard de nos semblables nous animent ? En ne détruisant pas l’unité, en conservant la charité. 4. « Je vous écris, mes petits enfants, parce a que vos péchés vous sont remis à cause du « nom de Jésus-Christ ». Vous êtes donc mes petits enfants, parce qu’à votre naissance vos péchés vous sont replis. Mais au nom de qui les péchés sont-ils remis ? Serait-ce au nom d’Augustin ? Ce n’est donc pas davantage au nom de Donat. Car qu’est-ce qu’Augustin ? Qu’est-ce que Donat ? Tu le sais. Ce n’est non plus ni au nom de Paul, ni au nom de Pierre. Tandis que quelques-uns se partageaient l’Église et tâchaient d’établir des partis aux dépens de l’unité, notre mère, la charité, mettant au mondé des enfants, montrait son sein, déchirait, d’une certaine manière, en paroles, ses mamelles, pleurait les nouveau-nés qu’on arrachait de ses entrailles, s’efforçait de ramener à l’unité de nom ceux qui voulaient lui en substituer plusieurs, les engageait à N’oublier eux-mêmes pour n’aimer que le Christ, et leur disait par l’organe de Paul : « Paul a-t-il été crucifié pour vous ? Ou bien « Est-ce au nom de Paul que vous avez été baptisés h ? » Que dit-elle par là ? Je ne veux pas que vous soyez à moi, mais je veux que vous soyez avec moi ; soyez donc avec moi ; soyons tous à Celui qui est mort et qui a été crucifié pour nous. De là ces paroles de Jean a vos péchés vous sont remis en son nom », et non pas au nom d’un homme, quel qu’il soit. 5. « Je vous écris, pères ». Pourquoi, d’abord, les a-t-il appelés enfants ? « Parce que vos péchés vous sont remis à cause de son nom », et que vous êtes régénérés pour une nouvelle vie. Vous êtes donc enfants. Mais pourquoi pères ? « Parce que vous avez connu Celui qui est dès le commencement ». Car le commencement a rapport à la qualité de père. Comme homme, le Christ est de fraîche date, mais il est ancien en tant que Dieu. Selon nous, à quelle époque remonte son grand âge ? quel est le nombre de ses années ? Est-il, à notre avis, plus ancien que sa mère ? Oui, certes, il est plus ancien qu’elle ; car par lui toutes choses ont été faites i. S’il a créé toutes choses, il était donc assez âgé pour créer aussi sa mère, pour donner aussi l’être à celle qui devait lui donner la vie du temps. Mais n’existait-il qu’avant sa mère ? Il était si ancien qu’il existait même avant les ancêtres de sa mère. Abraham était du nombre des aïeux de Marie, et le Seigneur a dit : « Avant qu’Abraham fût, je suis j ». Nous disons qu’il existait avant Abraham. Avant le premier homme ont été faits le ciel et la terre : et, avant eux a été le Seigneur, ou, pour mieux dire, avant eux il est. Pour une raison profondément juste, il a dit, non pas : J’ai été avant Abraham ; mais : « Avant qu’Abraham fût, je suis ». Ce dont on dit : Il a été, n’est plus ; et ce dont on dit : Il sera, n’est pas encore. Le Christ ne connaît que l’être. En tant que Dieu, il connaît l’être ; mais il ignore ce que c’est qu’avoir été ou devoir être. Son existence ne compte qu’un jour, mais un jour éternel, mais un jour qui ne peut être ni précédé d’une veille ni suivi d’un lendemain. Lorsque, en effet, le jour d’hier a pris fin, aujourd’hui a commencé pour laisser bientôt sa place à demain. Ce jour unique qui est celui de – Dieu, ne connaît ni ténèbres, ni ombres nocturnes ; on n’y compte ni espaces, ni dimensions, ni heures. Dis de lui ce que tu voudras : si tu veux, c’est un jour, une année, des milliers d’années ; car il est dit de lui : « Et vos années ne s’écouleront pas k ». Mais quand a-t-il reçu le nom de jour ? quand il a été dit au Seigneur : « Je vous ai engendré « aujourd’hui l ». Éternellement engendré par son Père, engendré de l’éternité, engendré dans l’éternité, il est sans commencement, sans fin, sans étendue, parce qu’il est ce qui est, parce qu’il est celui qui est. Il s’est ainsi nommé en parlant à Moïse : « Tu leur diras : Celui qui est m’a envoyé vers vous m ». Était-il donc avant Abraham ? avant Noé ? avant Adam ? écoute ce passage de l’Écriture : « Je vous ai engendré avant l’aurore n ». Il était même avant le ciel et la terre. Pourquoi ? Parce que « toutes choses ont été faites par lui, et que sans lui rien n’a été fait o ». Comprenez donc pourquoi Jean emploie le nom de pères : puisqu’on devient père en reconnaissant ce qui est dès le commencement. 6. « Je vous écris, jeunes gens ». Ils sont tout à la fois enfants, pères et jeunes gens enfants, parce qu’ils naissent ; pères, parce qu’ils reconnaissent le principe ; et jeunes gens, pourquoi ? « Parce que vous avez vaincu l’esprit malin ». Aux enfants la naissance, aux pères l’ancienneté, aux jeunes gens la force. Si les adolescents remportent la victoire sur le malin esprit, c’est qu’il lutte avec nous : il nous livre bataille, mais il ne nous met pas hors de combat. Pourquoi ? Est-ce parce que nous sommes forts par nous-mêmes, ou parce que nous puisons notre force en celui qui, entre les mains de ses ennemis, s’est montré revêtu de faiblesse ? Celui qui n’a pas opposé la moindre résistance à ses bourreaux, nous a remplis de vigueur ; car il a été crucifié selon la faiblesse de la chair, mais il est vivant par la puissance de Dieu p. 7. « Enfants, je vous écris ». Pourquoi enfants ? « Parce que vous avez connu le Père. Pères, je vous écris ». Il revient à la charge, pour nous recommander ces paroles : « Parce que vous avez connu Celui qui est dès le principe ». Souvenez-vous que vous êtes pères : si vous oubliez celui qui est dès le principe, vous avez déjà perdu ce beau titre. « Jeunes gens, je vous écris ». Considérez attentivement, oui, considérez bien que vous êtes jeunes ; combattez donc de manière à remporter la victoire : devenez vainqueurs pour mériter la couronne ; soyez humbles, pour ne point périr dans la lutte. « Jeunes gens, je vous écris, parce que vous êtes forts, parce que la parole de Dieu demeure en vous et que vous avez vaincu le malin esprit ». 8. Nous sommes tout cela, mes frères, et parce que nous connaissons ce qui est dès le principe, et parce que nous sommes forts, et parce que nous connaissons aussi le Père, et nous devons y trouver un motif puissant d’acquérir cette science divine ; mais ne devons-nous pas y trouver encore un motif de charité ? Si nous apprenons à connaître, apprenons, de même, à aimer ; car la connaissance, sans l’amour, est incapable de nous conduire au salut. La science enfle, la charité édifie q. Si vous prétendez confesser de bouche sans aimer, vous ressemblez déjà aux démons. Les démons reconnaissaient hautement le Fils de Dieu, et disaient : « Qu’y a-t-il entre toi et nous r ? » Et ils se voyaient repoussés. Confessez-le, et l’affectionnez. Les démons le craignaient en raison de leurs iniquités. Pour vous, aimez-le, car il vous a pardonné vos fautes. Mais comment pouvons-nous aimer Dieu, si nous aimons le monde ? Il nous dispose donc à devenir la demeure de la charité. Il y a deux amours, celui du monde et celui de Dieu ; si l’amour du monde habite en nous, il n’y a plus de place pour l’amour de Dieu ; que celui du monde s’éloigne de notre cœur, que celui de Dieu y habite ; donnons-y place au meilleur des deux ; dès lors que tu auras retiré ton âme du milieu des affections terrestres, tu puiseras à la source de l’amour divin, et alors habitera en toi la charité qui ne peut aucunement engendrer le mal. L’Apôtre émonde maintenant nos cœurs ; écoutez donc ses paroles. Pour lui, le cœur humain est comme un champ ; mais dans quel état le trouve-t-il ? S’il y rencontre des épines, il les arrache ; si ce champ lui apparaît bien émondé, il y fait une plantation. Il veut y planter un arbre, la charité. Quelles épines veut-il en arracher ? L’amour du monde. Jean veut donc débarrasser le champ de ce malfaisant buisson ; écoute-le : « N’aimez point le monde », et il ajoute : « ni ce qui est dans le inonde. Si quelqu’un aime le monde, l’amour du Père n’habite point en lui ». 9. Vous l’avez entendu : « Si quelqu’un aime le monde, l’amour de Dieu n’habite point en lui ». Mes frères, que personne d’entre nous ne taxe intérieurement de fausseté ces paroles : elles viennent de Dieu lui-même ; en les prononçant, l’Apôtre n’est que l’organe de l’Esprit-Saint ; par conséquent, rien de plus vrai. « Si quelqu’un aime le monde, l’amour de Dieu n’est point en lui ». Veux-tu posséder l’amour de Dieu, pour devenir le cohéritier de son Fils ? N’aime pas le monde, débarrasse-toi de ce misérable attachement aux choses de la terre ; ainsi acquerras-tu l’amour de Dieu. Tu es un vase, mais un vase encore plein ; répands au-dehors ce que tu contiens, et l’on te remplira de ce que tu ne contiens pas encore. Évidemment nos frères ont reçu dans l’eau et le Saint-Esprit une nouvelle naissance que nous y avons nous-mêmes puisée depuis un certain nombre d’années. Il nous est avantageux à tous de ne pas aimer le monde, car les sacrements serviraient à nous faire condamner, au lieu de nous affermir dans la voie qui mène au salut. Être affermi dans le chemin du salut, c’est être enraciné dans la charité ; c’est avoir la vigueur, et non pas seulement l’apparence de la piété. Cette apparence est déjà précieuse, elle est sainte ; mais à quoi bon l’apparence sans la racine de la charité ? Ne jette-t-on pas au feu le sarment qu’on a retranché du cep ? Aie donc cette forme de la piété, mais qu’elle soit soutenue par la charité. Or, comment vous enraciner de manière a ne pas être déracinés ? Attachez-vous à la charité, selon l’expression de l’Apôtre Paul : « Soyez enracinés et fondés dans la charité s ». Et toutefois, par quel moyen s’enracinera-t-elle en nous au milieu des ronces et des épines que l’amour du monde y fait croître en foule ? Arrachez tous ces buissons sauvages : vous devez jeter dans le champ de votre âme une semence qui réclame beaucoup de terrain ; il n’y faut, par conséquent, rien laisser dont cette semence puisse souffrir ; voici qui nous aidera à défricher le champ de votre âme ; ce sont les paroles de Jean, précédemment citées : « N’aimez ni le monde, ni ce qui est dans le monde ; si quelqu’un aime le monde, la charité du Père n’est point en lui. 10. « Car tout ce qui est dans le monde, est ou convoitise de la chair, ou concupiscence des yeux, ou orgueil de la vie », trois choses distinctes, « et tout cela ne vient point du Père, mais du monde ; or, le monde passe, et, aussi, sa concupiscence, mais celui qui fait la volonté de Dieu demeure éternellement ». Pourquoi n’aimerais-je pas ce que Dieu a fait ? Que veux-tu ? Aimer les choses du temps et passer avec lui, ou ne pas aimer le monde et vivre éternellement avec Dieu ? Il y a danger à se laisser entraîner par le courant des choses de ce temps ; mais l’on a vu apparaître comme un arbre, sur le bord de ce fleuve rapide : c’est Notre-Seigneur Jésus-Christ. Il a pris un corps, il est mort, ressuscité et monté au ciel, il a voulu se planter en quelque sorte sur les rives du fleuve des choses terrestres. Les eaux de ce fleuve te poussent vers l’abîme ? Accroche-toi aux branches de cet arbre. L’amour du monde t’entraîne ? Embrasse fortement le Christ ; il est devenu temporel pour toi, afin de te rendre éternel ; car il est devenu temporel, de manière à demeurer lui-même éternel. Il a pris quelque chose du temps, sans rien perdre de son éternité. Pour toi, tu es né dans le temps, le péché t’a rendu temporel ; tu es devenu temporel par l’effet de tes fautes ; et lui s’est fait tel en raison de sa miséricorde, afin de te les pardonner. Lorsque deux personnes se trouvent dans la même prison, l’une en qualité de coupable, l’autre pour la visiter, quelle différence y a-t-il entre elles ? Il arrive parfois, en effet, qu’un homme entre dans une prison pour y rendre visite à son ami : on les y voit donc tous les deux en même temps ; mais quelle distance les sépare, et qu’ils sont différents l’un de l’autre ! Celui-ci s’y trouve retenu par sa faute, celui-là y a été amené par un sentiment d’humanité. Ainsi en est-il de notre condition ici-bas ; nous y étions captifs en punition de nos crimes ; la miséricorde y a fait descendre le Christ ; il s’est approché de nous pour briser nos chaînes, et non pour les river. Il a donc répandu son sang, il nous a rachetés, il a complètement changé notre avenir. Nous portons encore le fardeau de notre chair mortelle, mais nous espérons l’immortalité future ; les flots de la mer nous ballottent, mais l’ancre de l’espérance nous tient déjà fixés au port. 11. Mais n’aimons ni le monde, ni ce qui est dans le monde ; car ce qui est dans le monde, est « ou convoitise de la chair, ou concupiscence des yeux, ou orgueil de la vie ». Voilà, en trois mots, ce qui est dans le inonde ; par conséquent, personne ne peut dire : Dieu a fait ce qui est dans le monde, c’est-à-dire le ciel et la terre, la mer, le soleil, la lune, les étoiles, tout ce qui embellit la voûte du firmament. Qu’est-ce qui fait l’ornement de la mer ? Tous les poissons. Et, celui de la terre ? Les animaux, les arbres, les oiseaux. Tous ces êtres sont dans le monde ; c’est Dieu qui les a créés. Pourquoi donc n’aimerais-je pas les créatures du Tout-Puissant ? Que l’Esprit de Dieu se trouve en toi, pour te montrer qu’elles sont toutes bonnes ; mais malheur à toi, si tu viens à aimer les créatures et à oublier le Créateur ! Elles t’apparaissent revêtues de beauté ; mais combien plus magnifique est celui qui les a tirées du néant ? Que votre charité le remarque. Des comparaisons peuvent vous instruire, et vous empêcher de croire aux suggestions de Satan, quand il vous dira ce qui se dit d’habitude : Puissiez-vous trouver votre bonheur dans les créatures de Dieu ; car s’il les a faites, n’est-ce point pour votre avantage ? Sur de telles paroles, il en est qui s’enivrent, qui se perdent, qui oublient leur Créateur ; car, en usant sans mesure, et suivant toute l’ardeur de leurs convoitises, des choses créées, ils détournent leurs regards de celui qui les a faites. C’est de telles gens que l’Apôtre a dit : « Ils ont adoré et servi la créature plutôt que le créateur, qui est béni dans tous les siècles t ». Dieu ne s’oppose pas à ce que tu aimes ses créatures, mais il te défend de les aimer de manière à y trouver ton bonheur ; admire-les, fais-en l’éloge ; qu’elles te portent à aimer leur Auteur. Par exemple, mes frères, si un mari donne une bague à son épouse, et que celle-ci préfère la bague donnée en cadeau, au mari qui lui en a fait présent, n’affiche-t-elle pas, à l’égard de ce présent, des sentiments adultères, quoiqu’elle aime l’objet à elle donné par son époux ? Évidemment, oui ; elle aime le présent de son mari ; toutefois, si elle dit : Cet anneau me suffit ; aussi, je ne veux plus voir mon époux, qui est-elle ? Quelqu’un peut-il ne pas condamner une pareille folie ? Ne donne-t-elle pas à tous une preuve convaincante de la culpabilité de ses affections ? Tu donnes tes préférences à l’or de ton mari, au lieu de les donner à ton mari lui-même ; tu aimes, non pas ton époux, mais son anneau. S’il en est ainsi de toi, que tu reportes tes affections, non sur ton époux, mais sur la bague dont il t’a fait présent, et que tu désires ne plus le voir, il t’a évidemment donné des arrhes pour te repousser loin de lui, au lieu d’attacher ton cœur à sa personne. Mais si un époux donne des arrhes, c’est dans l’intention de se faire aimer dans l’objet de sa générosité. Puisque Dieu t’a donné tout ce qui est dans le monde, aime donc l’Auteur de ces diverses créatures. Il veut te communiquer bien plus que toutcela ; en d’autres termes, il veut te donner celui qui a tiré du néant tous ces êtres, il veut se donner lui-même à toi. Mais si tu affectionnes l’œuvre de ses mains, et que tu oublies le Créateur pour aimer le monde, les sentiments de ton cœur ne seront-ils pas avec justice regardés comme adultères ? 12. Pour s’appeler monde, il n’y a pas que l’œuvre créée, sortie des mains de Dieu, et qui comprend le ciel, la terre, la mer, les choses visibles et les choses invisibles ; sous cette dénomination viennent aussi se ranger ceux qui vivent dans le monde ; c’est ainsi que le nom de maison désigne les murs et les habitants d’une demeure. Aussi faisons-nous parfois l’éloge d’un bâtiment, tout en formulant un blâme contre ceux qu’il abrite. Nous disons, en effet : Voilà une bonne maison, parce que le marbre et de superbes lambris s’y rencontrent. Et nous disons encore dans un autre sens : Voilà une bonne maison, parce que personne n’y a d’injustice à souffrir, ni de rapines à endurer, ni de mauvais traitements à supporter. Dans ce dernier cas, l’objet de nos éloges n’est pas la demeure matérielle, ce sont ceux qui l’habitent ; l’une et les autres portent néanmoins également le nom de maison. Tous les amateurs du monde habitent le monde, parce qu’ils y fixent leurs affections, comme habitent le ciel ceux dont le cœur est en haut, quoiqu’ils vivent ici-bas : tous les amateurs du monde s’appellent donc le monde ; à eux ces trois choses exclusivement, la concupiscence de la chair, la convoitise des yeux et la soif des biens de la terre. Car ils désirent boire, manger, faire l’œuvre de la chair, se rassasier de voluptés. Mais n’y a-t-il pas mesure en cela ? Ou quand on dit : N’aimez point le monde, veut-on dire : Ne mangez pas, ne buvez pas,.n’engendrez pas d’enfants ? Non, on ne vous dit pas cela ; cependant, mettez de la mesure dans vos affections, par respect pour votre Créateur ; de la sorte, l’attrait des créatures ne fera point de vous des esclaves ; vous ne les aimerez pas comme votre bien propre, car vous ne les avez reçues que pour vous en servir. On ne peut savoir où vous en êtes à cet égard, qu’au moment où l’on vous propose de deux choses l’une : celle-ci ou celle-là : la justice ou le bénéfice.— Je n’ai ni de quoi vivre, ni de quoi manger, ni de quoi boire. Eh quoi ! ne peux-tu donc te procurer tout cela sans avoir recours à l’iniquité ? Ne vaut-il pas mieux pour toi aimer ce qu’on ne peut te ravir, que te rendre coupable de péché ? Tu sais la somme que tu gagnes, mais tu ne saurais apprécier le dommage porté à ta foi. Voilà donc ce que Jean appelle la convoitise de la chair, c’est-à-dire de toutes les choses qui se rapportent au corps, comme les aliments, l’œuvre de la chair et toutes autres semblables. 13. « Et concupiscence des yeux ». Par concupiscence des yeux, l’Apôtre entend toute espèce de curiosité. En combien de manières se montre la curiosité ? Voyons-nous autre chose dans les spectacles, les théâtres, les mystères du démon, l’art de la magie, les maléfices ? Elle va aussi parfois jusqu’à tenter les serviteurs de Dieu, en les portant à vouloir presque faire des miracles, à savoir si Dieu répondra à leurs prières par quelque prodige : c’est là de la curiosité ; voilà la concupiscence des yeux : ce sentiment ne vient pas de Dieu. Si le Seigneur t’a communiqué le don des miracles, fais-en ; car cette grâce a été mise à ta disposition pour que tu en profites. Quant à ceux qui n’en font pas, ils ne seront point, à cause de cela, exclus du royaume des cieux. Un jour, les Apôtres se réjouissaient de ce que les démons leur étaient soumis ; que leur dit Jésus ? « Ne vous réjouissez pas de ce que les esprits vous sont soumis ; mais réjouissez-vous plutôt de ce que vos noms sont écrits dans les cieux u ». Le Sauveur voulait voir les Apôtres puiser leur joie à la source où tu puises la tienne. Car, malheur à toi si ton nom n’est pas écrit dans les cieux ! Mais pourrais-je bien dire : Malheur à toi, si tu n’as ressuscité aucun mort ? si tu n’as point marché sur les eaux de la mer ? si tu n’as pas chassé de démons ? Si tu as reçu le pouvoir d’opérer ces prodiges, use de ce pouvoir humblement, sans orgueil ; car le Sauveur a dit, même de certains Prophètes, qu’ils feraient des miracles et des choses étonnantes v. N’ambitionnons donc pas les avantages du monde ; car ce désir immodéré est orgueil ; l’homme ambitieux cherche sa gloire dans les honneurs, il se croit grand par cela même qu’il est riche ou qu’il jouit d’une certaine autorité. Voilà les trois passions de l’homme. En dehors de cette convoitise de la chair, de cette concupiscence des yeux et de cet orgueil de la vie, impossible de trouver pour la cupidité humaine d’autres sources de tentations : c’est sous ce triple rapport que Jésus a été tenté par le démon. Il a éprouvé le désir de la chair, quand, après avoir jeûné, il a eu faim, et que Satan lui a dit : « Si tu es le Fils de Dieu, ordonne à ces pierres qu’elles deviennent du pain ». Mais comment a-t-il éloigné de lui le tentateur ? Comment a-t-il appris au chrétien à se battre en soldat ? écoute avec attention sa réponse : « L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu ». Le Christ a été tenté sur la concupiscence des yeux à propos de miracle, quand le démon lui a parlé en ces termes : « Jette-toi d’en haut, car il est écrit qu’il t’a a confié à ses anges et qu’ils te porteront dans leurs mains, de peur que ton pied ne heurte contre la pierre ». Il a résisté au tentateur, car, en opérant un prodige, il aurait semblé n’agir que parce qu’il cédait aux suggestions du malin esprit ou parce que la curiosité le poussait ; il en a fait quand il a voulu, comme Dieu, mais dans le seul but de soulager des infirmes. Si, à l’instigation du démon, il avait opéré un prodige, on aurait eu lieu de croire qu’il avait voulu, en quelque sorte, faire un miracle uniquement pour en faire un ; mais pour détourner des hommes une telle pensée, il fit une réponse que tu dois écouter attentivement, afin de la faire aussi toi-même lorsque tu seras en butte à pareille tentation : « Arrière, Satan ; car il est écrit : Tu ne tenteras point le Seigneur ton Dieu ». C’est-à-dire, si je fais ce que tu me dis, je tenterai Dieu. Voilà sa réponse : il veut qu’elle soit aussi la tienne. Lorsque l’ennemi te suggère cette pensée : Quel homme, quel chrétien es-tu ? Jusqu’à ce jour, as-tu fait seulement un miracle ? Où sont les morts que tes prières ont fait sortir du tombeau ? Quels fiévreux as-tu guéris ? En réalité, si tu étais de quelque valeur, tu opérerais quelque prodige. Réponds-lui en ces termes : « Il est écrit : Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu ». Je ne tenterai donc pas. Dieu, comme si un prodige opéré par moi devait être la preuve que je lui appartiens ; comme si, en ne faisant pas ce miracle, je prouvais que je ne lui appartiens nullement. Où sont ces paroles du Sauveur : « Réjouissez-vous de ce que vos noms sont écrits dans le ciel ? » A quel moment le Christ fut-il tenté sur la concupiscence des choses de ce monde ? Lorsque le démon le transporta sur un lieu élevé, et lui dit : « Je te donnerai tout a cela, si tu te prosternes devant moi et que tu m’adores ». L’orgueil de posséder un royaume terrestre, tel fut le sentiment que l’esprit de ténèbres voulut inspirer au Roi des siècles. Mais le Dieu qui a fait le ciel et la terre, foula aux pieds une pareille suggestion. Y a-t-il merveille à ce que le Seigneur remporte la victoire sur le démon ? Que répondit-il donc à celui-ci ? Ce qu’il veut te voir répondre à ton tour. « Il est écrit : Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu w ». Tenez-vous-en là, et vous ne serez jamais dominés par la concupiscence des choses du monde ; et par cela même que vous serez à l’abri de cette concupiscence, vous ne deviendrez les esclaves ni de la convoitise de la chair et des yeux, ni de l’orgueil de la vie, et vous ferez place à la charité qui s’approchera de vous, et vous aimerez Dieu. Que l’amour du monde habite en votre cœur, l’amour de Dieu ne s’y trouvera pas. Attachez-vous de préférence à aimer Dieu ; Dieu étant éternel, vous demeurerez aussi, comme lui, éternellement ; car chacun de nous participe à la nature de l’objet qu’il affectionne. Aimes-tu la terre ? Tu seras terre. Aimes-tu Dieu ? Que te dirai-je ? Tu seras Dieu. Je n’oserais, de moi-même, tenir un pareil langage. Ecoutons les Écritures : « Moi, j’ai dit : Vous êtes des dieux ; vous êtes tous les enfants du Très-Haut x ». Si donc, vous voulez être des dieux ou les enfants du Très-Haut, « n’aimez ni le monde, ni ce qui est dans le monde. Si quelqu’un aime le monde, la charité du Père n’est pas en lui. Parce que tout ce qui est dans le monde est concupiscence de la chair, ou convoitise des yeux ou orgueil de la vie, et tout cela ne vient pas du Père, mais du monde », c’est-à-dire de ceux qui aiment le monde. « Or, le monde passe avec sa concupiscence ; mais celui qui fait la volonté de Dieu, demeure éternellement, comme éternellement Dieu lui-même demeure ».TROISIÈME TRAITÉ.
DEPUIS LES PAROLES SUIVANTES : « MES PETITS ENFANTS, VOICI LA DERNIÈRE HEURE », JUSQU’À CES AUTRES : « SON ONCTION VOUS ENSEIGNE TOUT ». (Chap 2, 18-27.)
L’ANTÉCHRIST.
Puisque nous avons trouvé en Jésus-Christ une nouvelle vie, nous devons aussi prendre en lui de l’accroissement, c’est-à-dire, apprendre à le connaître, non seulement comme homme, mais aussi comme Dieu. Efforçons-nous d’acquérir cette science, car il y a au milieu de nous des antéchrists qui pourraient nous séduire par leurs paroles et surtout par leurs exemples, qui nient la divinité du Sauveur soit doctrinalement soit en pratique. Si nous tenons ferme à ce que la foi nous enseigne relativement au Christ, nous aurons à lutter, mais nous recevrons, pour récompense, la vie éternelle. 1. « Mes petits enfants, voici la dernière heure ». Dans cette leçon, l’Apôtre s’adresse à ses disciples, comme à de petits enfants, qu’il exhorte à grandir vite, parce que la dernière heure approche. Le développement du corps est indépendant de la volonté humaine ; aussi ne grandit pas corporellement qui veut, comme on ne vient pas au monde au gré de sa volonté ; mais quand on est libre de naître, on peut aussi librement prendre de l’accroissement. Aucun homme ne puise la vie dans l’eau et l’Esprit-Saint, à moins qu’il n’y consente ; d’où il suit que croître et décroître dépendent de sa volonté. Qu’est-ce que croître ? c’est avancer. Et décroître ? c’est reculer. Quiconque sait qu’il a pris naissance, doit savoir qu’il est un enfant, et même un enfant en bas âge ; qu’il suce évidemment les mamelles de sa mère, et aussitôt il grandira ; sa mère, c’est l’Église, et les mamelles de sa mère ne sont autres que les deux Testaments des divines Écritures. Voilà où il nous faut puiser le lait de toutes les merveilles opérées dans le temps pour notre salut, afin que, nourris et fortifiés, nous parvenions à recevoir le nutritif aliment dont il est dit : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu y ». Le Christ abaissé, voilà notre lait ; le même Christ égal au Père, voilà notre aliment solide. Il te donne d’abord du lait, afin de pouvoir, un jour, te donner du pain ; car toucher par le cœur et spirituellement Jésus, c’est apprendre qu’il est égal au Père. 2. Aussi le Sauveur empêchait-il Marie de le toucher, et lui disait-il : « Ne me touche point, car je ne suis pas encore remonté vers mon Père ». Eh quoi ! il avait permis à ses Apôtres de le toucher, et il empêche Marie d’en faire autant ? N’est-il pas celui-là même qui a dit au disciple incrédule : « Mets tes doigts, et touche mes plaies z ? » Alors était-il déjà remonté vers son Père ? Pourquoi donc arrêter Marie et lui dire : « Ne me touche point, car je ne suis pas encore remonté vers mon Père ? » Dirons-nous qu’il n’a pas craint le contact des hommes, mais qu’il a redouté celui des femmes ? Pour n’importe qui, le toucher, c’est se purifier. A-t-il craint de se laisser toucher par ceux qu’il a voulu rendre les premiers témoins de sa résurrection ? Ne l’a-t-il pas fait connaître aux hommes par l’intermédiaire des femmes, afin de vaincre le serpent par un procédé tout différent du sien ? En effet, comme une femme a donné au premier homme la nouvelle de la mort, ainsi une autre femme a-t-elle donné aux hommes la nouvelle de la vie. Si donc le Christ n’a point permis à Madeleine de le toucher, n’est-ce pas évidemment parce qu’il voulait faire allusion à son contact spirituel ? Un tel contact vient d’un cœur pur, et celui-là touche le Christ, avec un cœur pur, qui le regarde comme égal au Père. Pour l’homme qui n’a pas encore l’idée de la divinité du Christ, il est près de l’humanité du Sauveur, mais il se trouve encore loin de sa divinité. Est-ce chose merveilleuse de parvenir où sont parvenus les bourreaux qui l’ont crucifié ? Voici qui est admirable ; comprendre que le Verbe Dieu était en Dieu au commencement, et qu’il a fait toutes choses ; avoir de lui l’idée qu’il voulait en donner, lorsqu’il disait à Philippe : « Philippe, je suis avec vous depuis si longtemps, et « vous ne me connaissez pas encore ? Celui qui me voit, voit aussi mon Père aa ». 3. Pour qu’aucun d’entre vous ne soit lent à marcher, écoutez bien ceci : « Mes petits enfants, voici la dernière heure ». Marchez, courez, grandissez ; voici la dernière heure. Cette dernière heure est de longue durée, mais enfin elle est la dernière. Sous le nom d’heure, Jean désigne les derniers temps, car c’est dans les derniers temps que viendra Notre-Seigneur Jésus-Christ. Mais, dira quelqu’un, comment sont-ce les derniers temps ? comment est-ce la dernière heure ? Il est sûr que d’abord l’antéchrist viendra, et qu’alors luira le jour du jugement. L’Apôtre a prévu cette objection ; afin de ne pas laisser les hommes dans une trompeuse sécurité, pour ne pas les laisser croire que l’heure présente n’est pas la dernière heure, sous prétexte que l’antéchrist viendra auparavant, il leur dit : « Et comme vous avez ouï dire que l’antéchrist doit venir, maintenant aussi il y a plusieurs antéchrists ». Pourrait-il y avoir beaucoup d’antéchrists, si la dernière heure n’était pas déjà venue ? 4. A qui Jean donne-t-il le nom d’antéchrist ? Il continue et s’explique : « Ce qui nous fait connaître que voici la dernière heure ». Qu’est-ce qui nous le fait connaître ? c’est que plusieurs sont devenus des antéchrists : « Ils sont sortis du milieu de nous ». Nous déplorons ce malheur. Mais voici le motif, de nous consoler : « Mais ils n’étaient pas des nôtres ». Tous les hérétiques, tous les schismatiques sont sortis du milieu de nous ; c’est-à-dire ils sortent de l’Église, mais ils n’en sortiraient pas s’ils étaient des nôtres. Donc, avant d’en sortir, ils n’étaient déjà pas des nôtres ; et si, avant d’en sortir, ils n’étaient pas des nôtres, il y en a plusieurs dans nos rangs qui n’en sont pas sortis et qui sont néanmoins des antéchrists. Nous osons tenir ce langage ; pourquoi ? sinon afin qu’aucun de ceux qui se trouvent parmi nous ne soit un antéchrist ? L’Apôtre décrira le caractère des antéchrists, et les désignera clairement, et alors nous les connaîtrons. Et chacun de nous doit interroger sa conscience, et se demander s’il est un antéchrist. En latin, ce mot veut dire : adversaire du Christ. Quelques-uns lui attribuent un sens différent, et tirent son étymologie de ce qu’il doit précéder le Christ, et de ce que le Christ viendra après lui ; mais ce mot ne doit ni s’interpréter, ni s’écrire en ce sens, mais bien en celui-ci : antéchrists, c’est-à-dire ennemi du Christ. Quel est l’ennemi du Christ ? D’après les signes qu’en donne l’Apôtre, vous le voyez, et vous comprenez que l’Antéchrist seul peut sortir de nos rangs ; quant à ceux qui ne sont point opposés au Christ, ils ne peuvent nullement le faire. Quiconque n’est pas l’adversaire du Christ, ne fait qu’un avec son corps et compte parmi ses membres, et jamais les membres ne sont opposés l’un à l’autre ; l’ensemble du corps se compose d’eux tous. Que dit l’Apôtre de leur mutuelle union ? « Dès qu’un membre souffre, tous les autres souffrent avec lui, et si un membre reçoit de l’honneur, tous les autres se réjouissent avec lui ab ». Si tous les membres se réjouissent, lorsqu’un d’entre eux reçoit de l’honneur, et si tous partagent les douleurs de celui qui souffre, ils sont entre eux si intimement unis, qu’on n’y remarque aucun antéchrist. Il en est qui se trouvent dans l’intérieur du corps de Jésus-Christ ; car son corps est encore sujet à l’infirmité, et il ne jouira d’une santé parfaite qu’à la résurrection des morts ; il en est, dis-je, qui se trouvent dans l’inférieur du corps de Jésus-Christ, comme de mauvaises humeurs. Quand le corps les évacue, il se porte mieux ; de même en est-il des méchants : lorsque l’Église les rejette de son sein, elle se voit plus robuste. Au moment où le corps se débarrasse de ces humeurs malsaines et les rejette au loin, le corps tient ce langage : Elles sont sorties de mon sein, mais elles ne faisaient point partie de moi. Qu’est-ce à dire : Elles ne faisaient point partie de moi ? Elles n’ont pas été retranchées de mon corps, mais elles me serraient la poitrine, lorsqu’elles s’y trouvaient. 5. « Ils sont sortis du milieu de nous, mais n, ne vous attristez pas, ils n’étaient point de nous ». La preuve ? « Car s’ils avaient été de nous, ils seraient demeurés avec nous ». Que votre charité le remarque donc : il y en a plusieurs qui ne sont pas de nous et qui, néanmoins, reçoivent avec nous les sacrements, le Baptême, ce que les fidèles savent recevoir, la Bénédiction, l’Eucharistie, et tout ce qui se trouve dans les saints sacrements ; ils entrent, avec nous, en participation de l’autel lui-même, et ils ne sont pas d’avec nous. Qu’ils ne soient pas d’avec nous, il est facile d’en trouver la preuve au moment où la tentation les éprouve. Quand elle fond sur eux, ils s’envolent au-dehors, comme si le vent les emportait, parce qu’ils ne sont pas du grain. Nous devons le leur répéter souvent, ils s’envoleront tous, lorsque au jour du jugement le Seigneur viendra vanner ce que renferme son aire. « Ils sont sortis du milieu de nous, mais ils n’étaient point de nous ; s’ils avaient été de nous, ils seraient demeurés avec nous ». Voulez-vous, mes très-chers, vous convaincre de l’indubitable certitude avec laquelle on peut vous dire que ceux qui sont sortis de nos rangs pour y rentrer ensuite, ne sont ni des antéchrists, ni, par conséquent, des adversaires du Sauveur ? Il est impossible à ceux qui ne sont pas des antéchrists de rester loin de nous. C’est par un effet de sa volonté propre que chacun de nous est contre le Christ ou pour le Christ ; nous sommes du nombre de ses membres, ou nous faisons partie des mauvaises humeurs de son corps. Quiconque devient meilleur est un de ses membres, mais l’on se transforme en humeurs mauvaises, en persévérant dans le mal, et sitôt que l’on s’écarte du corps, ceux que l’on gênait se trouvent soulagés. « Ils sont sortis du milieu de nous, mais ils n’étaient point de nous ; s’ils avaient été de nous, ils seraient demeurés avec nous ; mais c’est afin qu’on reconnaisse que tous ne sont pas de nous ». Jean ajoute « Afin qu’on reconnaisse que tous ne sont pas de nous » ; car ils ont beau se trouver dans nos rangs, ils ne sont pas de nous ; tant qu’ils y restent, on ne les connaît pas, mais on les connaît dès qu’ils en sortent. « Pour vous, vous avez reçu l’onction du Saint, afin devons connaître parfaitement les uns les autres ». L’onction spirituelle n’est autre que le Saint-Esprit, et son sacrement consiste dans l’onction extérieure. Suivant l’Apôtre, tous ceux qui ont reçu cette onction du Christ connaissent les boas et les méchants ; pas n’est besoin. pour eux qu’on les instruise à ce sujet ; ils trouvent dans l’onction la source même de la science. 6. « Je ne vous écris pas comme à des hommes qui ignorent la vérité, mais comme à des hommes qui la connaissent et qui savent que nul mensonge ne peut venir de la vérité ». Nous sommes avertis : voilà comment nous reconnaissons l’antéchrist. Qu’est le Christ ? La vérité ; car il a dit lui-même : « Je suis la Vérité ac ». Or, « nul mensonge ne peut venir de la vérité ». Aussi, tous ceux qui mentent n’appartiennent-ils pas encore au Christ. Jean ne dit point : Quelque mensonge vient de la vérité ; il y a quelques mensonges qui ne viennent pas de la vérité. Remarquez bien la portée de ses paroles : ne vous caressez pas, ne vous flattez pas, ne vous trompez pas, ne vous laissez pas tomber dans l’illusion : « Nul mensonge ne peut venir de la vérité. Comme il y a des mensonges de plus d’une sorte », voyons comment les antéchrists peuvent mentir. « Qui est menteur, sinon celui qui nie que Jésus soit le Christ ? » Autre est la signification du mot Jésus, autre celle du mot Christ : quoique notre Sauveur Jésus-Christ ne soit qu’une seule personne, le nom de Jésus lui appartient néanmoins en propre. Comme Moïse, Élie, Abraham, ont eu leur nom particulier, ainsi Notre-Seigneur a-t-il en propre celui de Jésus : celui de Christ s’applique à une chose mystérieuse. De même qu’on dit un prophète, un prêtre ; de même, en prononçant le mot Christ, c’est comme si l’on disait : Un homme oint, qui doit sauver tout le peuple d’Israël. La nation juive attendait la venue de ce Christ ; et parce qu’il est venu sans apparat, elle ne l’a pas reconnu ; parce qu’il était une petite pierre, elle s’est buttée contre lui, et brisée. La pierre a grossi, elle est devenue une montagne immense ad. Que dit à son sujet l’Écriture ? « Quiconque heurtera cette pierre, s’y brisera, et elle écrasera celui sur qui elle tombera ae ». Remarquez bien ces paroles : La pierre brisera celui qui se buttera contre elle, et elle écrasera celui sur qui elle tombera. Pour commencer, et parce que le Sauveur avait apparu tout petit, les hommes l’ont heurté : plus tard, il viendra dans l’éclat de sa grandeur, pour juger le monde, et alors il écrasera celui sur qui il tombera. À son second avènement, il n’écrasera pas celui qu’il n’aura pas brisé lors de sa première venue. Quiconque ne l’aura pas heurté au temps de son humiliation, ne le redoutera pas au temps de sa grandeur. Le Christ est une pierre de scandale pour tous les méchants : quoi qu’il dise, ses paroles leur déplaisent. 7. écoutez-moi, je vous en donnerai la preuve. Évidemment, tous ceux qui sortent de l’Église, qui sont retranchés de l’unité de l’Église, sont des antéchrists ; personne ne peut en douter : Jean en a fait la déclaration formelle : « Ils sont sortis du milieu de nous, mais ils n’étaient pas de nous ; car, s’ils avaient été de nous, ils seraient demeurés avec nous ». Tous ceux qui ne demeurent pas avec nous, mais qui sortent du milieu de nous, sont donc des antéchrists. Et où se trouve la preuve qu’ils sont des antéchrists ? Dans leur mensonge. « Qui est menteur, si « non celui qui nie que Jésus soit le Christ ? » Interrogeons les hérétiques : lequel d’entre eux nie que Jésus soit le Christ ? Que votre charité remarque un grand mystère. Faites attention à ce que le Seigneur Dieu nous aura inspiré, à ce que je voudrais vous faire comprendre. Il en est qui sont sortis de nous, pour devenir les Donatistes. Nous leur demandons si Jésus est le Christ, et aussitôt ils avouent que Jésus est le Christ. Si, pour être antéchrist, il faut nier que Jésus soit le Christ, les Donatistes ne peuvent nous regarder comme des antéchrists, et il nous est tout aussi impossible de formuler contre eux pareille accusation, parce que nous sommes les uns et les autres unanimes à déclarer que Jésus est le Christ. S’ils ne nous désignent pas sous le nom d’antéchrists, et si nous ne leur donnons pas davantage cette épithète, ils ne se sont donc pas plus éloignés de nous, que nous ne nous sommes éloignés d’eux. Et puisque nous ne sommes point séparés les uns des autres, nous sommes en communauté de croyances ; dès lors, à quoi bon deux autels dans cette ville ? Pourquoi les familles et les ménages sont-ils divisés ? Pourquoi un lit commun et deux Christs ? L’Apôtre nous avertit ; il veut que nous confessions la vérité. Ou bien les Donatistes sont sortis de nos rangs, ou bien nous sommes sortis des leurs. Mais non, nous ne venons pas d’eux, car nous possédons le titre de l’hérédité du Sauveur : nous le lisons, et nous nous y trouvons désignés : « Je te donnerai les nations pour héritage, et la terre pour empire af ». On voit chez nous l’héritage du Christ ; on ne le voit pas chez les Donatistes : ils ne sont pasen communion avec l’univers, avec tous ceux que le Sauveur a rachetés au prix de son sang. Nous avons pour nous Notre-Seigneur lui-même, car après sa résurrection, ses disciples étant plongés dans le doute, il se montra à eux et leur donna la facilité de le toucher ; et comme leur doute ne se dissipait point, il leur dit : « Il fallait que le Christ souffrît, et qu’il ressuscitât le troisième jour, et qu’on prêchât en son nom la pénitente et la rémission des péchés ». En quel endroit ? par où ? à qui ? « A toutes les nations, en commençant par Jérusalem ag ». Nous sommes tranquilles : l’unité de l’héritage nous appartient. Quiconque n’est pas en communion avec cet héritage, en est sorti. 8. Mais ne nous affligeons pas : « Ils sont sortis du milieu de nous, mais ils n’étaient pas de nous, car s’ils avaient été de nous, ils seraient demeurés avec nous ». S’ils nous ont quittés, ils sont donc des antéchrists ; s’ils sont des antéchrists, ils sont des menteurs ; s’ils sont des menteurs, ils nient que Jésus soit le Christ. Nous revenons de nouveau à la difficulté proposée. Interroge-les tous, les uns après les autres : en Jésus, ils reconnaissent le Christ. Les termes dont Jean se sert, ne nous laissent pas le champ libre ; ils sont trop précis pour cela. Vous apercevez certainement la difficulté : pour nous comme pour eux, elle est un sujet de trouble, si nous n’en avons pas une idée claire. Ou c’est nous qui sommes des antéchrists, ou ce sont les Donatistes : ils nous appliquent cette dénomination, et disent que nous nous sommes séparés d’eux : de notre côté, nous agissons de même à leur égard ; mais l’épître indique le caractère distinctif des antéchrists. Celui-là en est un, qui nie que Jésus soit le Christ. Cherchons donc à savoir qui lui refuse ce titre : ne nous arrêtons pas aux mots : allons droit aux faits. Car, interrogeons-les tous, et tous d’une seule voix, ils nous répondront que Jésus est le Christ. Laissons, pour un moment, leurs langues en paix, examinons leurs œuvres. Si nous parvenons à nous assurer de ce que dit l’Écriture, à savoir qu’on peut nier une chose, non-seulement par parole, mais encore par action, nous constaterons, de manière à n’en pas douter, que beaucoup d’antéchrists confessent de bouche le Christ, tandis que, par leur conduite, ils le renient. En quel endroit de l’Écriture trouvons-nous cette sentence ? écoute l’apôtre Paul ; en parlant de tels hommes, il a dit : « Ils font profession de connaître Dieu, mais ils le renoncent par leurs œuvres ah ». Nous voyons qu’ils sont eux-mêmes des antéchrists, car quiconque renonce le Christ par sa conduite, en est un. Je n’entends pas ce qu’il dit, mais je vois ce qu’il fait. Ses œuvres parlent, et nous lui demandons des paroles ? Où est, en effet, le méchant qui ne cherche pas à dire de belles choses ? Mais qu’est-ce que le Seigneur dit à des gens de ce caractère ? « Hypocrites, comment pourriez-vous dire de bonnes choses, puisque vous êtes méchants ai ? » Vous faites retentir à mes oreilles les accents de votre voix ; moi, j’examine vos pensées secrètes ; j’aperçois en vous des intentions perverses et vous me faites voir des fruits trompeurs. Je sais quelle récolte vous me préparez ; on ne cueille point de figues sur des chardons, et les épines n’ont jamais produit de raisins : on reconnaît tous les arbres à leurs fruits aj. Plus menteur est l’antéchrist, qui fait profession de reconnaître le Christ en Jésus, et qui, par ses actes, refuse de le croire. Il est un menteur, puisqu’il parle d’une manière et agit d’une autre. 9. Par conséquent, mes frères, si nous examinons la conduite des hommes, nous remarquons non-seulement qu’un grand nombre d’antéchrists sont déjà sortis de nos rangs, mais aussi que beaucoup sont encore inconnus, parce qu’ils sont restés, jusqu’à présent, au milieu de nous ; car, tout ce qu’il y a dans l’Église de parjures, de fraudeurs, de scélérats, d’amateurs de sortilèges, d’adultères, d’ivrognes, d’usuriers, d’embaucheurs, de personnes mauvaises qu’il nous est impossible d’énumérer, est opposé à la doctrine du Christ, à la parole de Dieu ; or, le Verbe de Dieu, c’est le Christ, et tout ce qui est opposé au Verbe de Dieu appartient à l’antéchrist, puisque l’antéchrist est l’adversaire du Christ. Et voulez-vous savoir combien ouvertement les méchants résistent au Christ ? Il arrive parfois qu’ils agissent contrairement à leurs devoirs, et que leurs fautes attirent une réprimande : n’osant blasphémer contre le Christ, ils blasphèment contre ses ministres, qui les reprennent de leurs péchés. Montre-leur que tu leur parles au nom du Christ, et non pas au tien ; ils s’efforcent, autant que possible, de te prouver que tes reproches viennent de toi, et non du Christ ; mais si tu parviens à leur démontrer que le Christ lui-même les condamne, ils s’en vont même contre lui, et commencent à le gourmander ; ils s’écrient : Comment et pourquoi nous a-t-il ainsi bâtis ? Ne tiennent-ils pas, tous les jours, ce langage, les hommes condamnés par leur conduite ? Pervertis par le seul fait de leur mauvais vouloir, ils en rejettent la faute sur leur auteur. Du haut du ciel, le Créateur (car celui qui a réparé notre être nous l’a aussi donnée), leur crie : Que t’ai-je fait ? J’ai fait l’homme, et non pas l’avarice ; j’ai fait l’homme, et non le brigandage ; j’ai fait l’homme, et non l’adultère. Tu l’as entendu : mes œuvres chantent ma gloire ; de la bouche des trois enfants sortait la louange de celui qui les préservait des flammes ak. Les œuvres du Seigneur publient ses louanges ; le ciel, la terre, la mer les publient, comme aussi tout ce qui est dans le ciel ; les anges, les étoiles, le soleil et la lune, les poissons, les oiseaux, les animaux, les reptiles, tous les êtres louent le Seigneur. Mais as-tu jamais entendu dire que l’avarice chante la gloire de Dieu, que l’ivrognerie, la luxure, le badinage soient un hymne en son honneur ? Rien de ce que tu n’entends pas louer le Tout-Puissant, n’a été fait par lui. Corrige le fruit de tes œuvres, et tu sauveras l’œuvre de Dieu en toi. Si tu n’y veux consentir, si tu aimes tes défauts et que tu t’y abandonnes, tu es opposé au Christ. Que ce soit intérieurement, que ce soit à l’extérieur, peu importe, tu n’en es pas moins un antéchrist : que tu sois de la paille manifestement ou d’une manière occulte, tu es toujours de la paille. Pourquoi ne l’es-tu pas ouvertement ? parce que la tempête ne s’est pas élevée pour le faire voir. 10. Tout cela, mes frères, est clair comme le jour. Voici maintenant pour nous empêcher de dire : Je n’adore pas le Christ, mais j’adore Dieu, son Père : « Quiconque nie le Fils, ne reconnaît ni le Fils, ni le Père ; et qui confesse le Fils, reconnaît et le Père et le Fils ». Vous, qui êtes froment, c’est à vous qu’il s’adresse : puissent ceux qui sont paille, l’entendre et devenir eux-mêmes froment. Que quiconque, en examinant sa conscience, se reconnaît comme amateur du monde, se convertisse ; qu’il devienne un amateur du Christ, pour ne pas être un antéchrist. Si l’on dit à un amateur du monde qu’il est un antéchrist, il se met en colère et regarde comme une injure à lui faite ce qu’on lui dit ; peut-être va-t-il jusqu’à menacer de faire inscrire la personne qui conteste avec lui et l’appelle antéchrist. Le Christ lui dit Sois patient ; si ce qu’on te reproche est faux, réjouis-toi avec moi, car j’ai été moi-même calomnié par des antéchrists : si, au contraire, ce que tu as entendu est vrai, attaque ta conscience ; tu redoutes les accusations, crains davantage encore de les mériter. 11. « Que tout ce que vous avez appris dès le commencement demeure donc toujours en vous. Et si ce que vous avez appris dès le commencement demeure en vous, vous demeurerez aussi dans le Fils et dans le Père. C’est ce que lui-même nous a promis ». Peut-être chercherais-tu une récompense et dirais-tu : Je garde soigneusement en moi le dépôt de ce que j’ai entendu dès le commencement, je m’y conforme ; les périls, les peines, les tentations, je supporte tout pour le conserver intact. Quel bénéfice, quelle récompense en aurai-je ? Qu’est-ce que Dieu me donnera plus tard pour avoir supporté ici-bas tant d’épreuves ? Je ne vois pas qu’il y ait sur la terre la moindre tranquillité : le corps appesantit l’âme et cette enveloppe corrompue l’entraîne à des choses indignes d’elle ; mais je supporte tout, afin que demeure en moi ce que j’ai entendu dès le commencement, et que je puisse dire à mon Dieu : « A cause des paroles sorties de votre bouche, j’ai suivi des voies difficiles al ». Pour quelle récompense ? écoute, et ne perds pas courage. Si la tribulation t’énervait, que, du moins, la récompense promise te rende ton courage. Celui qui travaille dans une vigne perd-il jamais le souvenir du salaire final. Fais en sorte qu’il n’y pense plus ; et par là même tu lui casseras les bras. Le souvenir de la rémunération promise donne le courage de persévérer dans le travail, et, pourtant, celui qui te l’a promise est un homme ; il peut manquer à sa parole. Combien plus courageux tu dois être à cultiver le champ du Seigneur, puisque tu as reçu la parole de la vérité même, qui ne peut avoir de remplaçant, qui est incapable de mourir ou de tromper ceux à qui elle a fait une promesse ? Et qu’est-ce qui t’a été promis ? Voyons : quel est l’objet de ses promesses ? Est-ce de cet or que les hommes aiment si vivement, ou de l’argent ? Sont-ce des propriétés pour l’acquisition desquelles les hommes sacrifient leur or, quoiqu’ils l’aiment tant ? Sont-ce d’agréables prairies, de vastes habitations, des esclaves en grand nombre, des troupeaux immenses ? Ce n’est point là la digne récompense qu’il nous promet pour nous faire persévérer dans le travail. Quel est son nom ? La vie éternelle. Vous l’avez entendu et vous avez jeté un cri d’allégresse : portez vos affections sur ce qu’on vient de vous nommer, et tirez-vous de vos épreuves pour vous reposer dans la quiétude de l’éternelle vie. Voilà donc ce que Dieu a promis, une vie qui ne finira jamais. Voici ce dont il nous menace : un feu qui ne s’éteindra pas. Que dira-t-il aux hommes placés à sa droite ? « Venez, bénis de mon Père, entrez en possession du royaume qui vous a été préparé dès le commencement du monde ». Et, aux hommes placés à sa gauche ? « Allez au feu éternel qui a été préparé pour le diable et pour ses anges am ». Tu n’aimes pas encore le royaume des élus, crains du moins le séjour des damnés. 12. Souvenez-vous donc, mes frères, que le Christ nous a promis la vie éternelle. Voilà, nous dit l’Apôtre, « ce qu’il nous a lui-même promis en nous annonçant la vie éternelle. J’ai cru devoir vous écrire ceci à l’égard de ceux qui vous séduisent ». Que personne ne vous séduise pour vous faire mourir ; désirez voir s’accomplir pour vous la promesse de la vie éternelle. Que peut vous promettre le monde ? Qu’il vous promette ce qu’il voudra, ne mourrez-vous pas peut-être demain ? De quel front oseras-tu paraître en présence de l’Éternel ? – Mais on me fait des menaces ; c’est un homme puissant qui veut me faire du mal.— De quoi te menace-t-il ? De la prison, des chaînes, du feu, des tourments, des bêtes ? Te menacerait-il du feu éternel ? Tremble plutôt en présence des menaces du Tout-Puissant ; aime ce qu’il te promet ; et, alors, le monde entier te semblera méprisable, soit qu’il veuille te flatter, soit qu’il cherche à t’inspirer de l’effroi. « J’ai cru devoir vous écrire ceci à l’égard de ceux qui vous séduisent, afin que vous sachiez que vous avez reçu l’onction, et que nous conservions en nous cette onction que nous avons reçue ». C’est le sacrement de l’onction, dont la vertu cachée est l’onction invisible, l’Esprit-Saint : et l’onction invisible n’est autre que la charité ; n’importe en qui elle se trouve, elle y est comme une racine que ne peuvent dessécher même les plus ardents rayons du soleil ; tout ce qui est bien enraciné puise, non pas un élément de destruction, mais un principe de vie dans la chaleur du soleil. 13. « Et vous n’avez pas besoin que quelqu’un vous instruise, parce que son onction vous enseigne tout ». Que faisons-nous donc, mes frères, en vous instruisant ? Si l’onction de Dieu vous enseigne tout, ne semblons-nous pas travailler inutilement ? Pourquoi tant crier ? Abandonnons-nous donc à son onction, et qu’elle vous instruise elle-même. Mais maintenant je me fais une question, et je l’adresse aussi à l’Apôtre puisse-t-il écouter un enfant qui l’interroge. Je dis donc à Jean : Ceux à qui vous parliez avaient-ils l’onction ? Vous avez dit : « Parce que son onction vous enseigne tout ». Pourquoi avez-vous écrit cette épître ? Pourquoi instruisiez-vous ceux à qui vous l’adressiez ? Pourquoi les enseigner ? Pourquoi les édifier ? Remarquez ici, mes frères, une grande et mystérieuse chose. Le bruit de nos paroles frappe vos oreilles, mais le maître vous parle intérieurement. N’allez pas vous imaginer qu’un homme puisse en instruire un autre. Nous pouvons, par le son de notre voix, vous adresser des leçons ; mais si Dieu n’est pas dans votre cœur pour vous instruire, c’est inutilement que nous nous faisons entendre. En voulez-vous une preuve, mes frères ? N’avez-vous pas tous entendu mon discours ? Combien, néanmoins, sortiront d’ici sans avoir été instruits ? Autant qu’il a dépendu de moi, je me suis adressé à tous ; mais ceux à qui cette onction n’aura point parlé, ceux que l’Esprit-Saint n’aura point instruits, s’en retourneront sans m’avoir compris. au-dehors se trouvent des maîtres, des aides, des leçons ; mais au ciel est la chaire de celui qui instruit intérieurement ; aussi le Sauveur a-t-il dit lui-même dans l’Évangile : « Gardez-vous d’appeler maître sur la terre aucun d’entre vous, car votre Maître, c’est le Christ an ». Qu’il vous parle lui-même au cœur, puisqu’aucun homme ne se trouve là ; quand même, en effet, tu aurais quelqu’un à côté de toi, le Christ est seul dans ton cœur. Que ton cœur ne soit pas absolument seul ; que le Christ s’y trouve, comme aussi son onction ; ainsi, quand ton cœur sera sec, il ne sera pas dans un désert où les eaux capables de le rafraîchir lui feraient défaut. Il y a donc, à l’intérieur, un maître qui instruit : c’est le Christ, c’est son inspiration. Là, où son inspiration et son onction font défaut, les paroles se font inutilement entendre à l’extérieur. Ainsi en est-il, mes frères, de celles que nous faisons parvenir à vos oreilles : à votre égard nous remplissons le rôle du jardinier vis-à-vis de l’arbre : il travaille en dehors de cet arbre ; il emploie l’eau et donne une culture soignée ; mais il a beau faire extérieurement, forme-t-il les fruits ? A-t-il le pouvoir de couvrir la nudité des branches d’un vêtement de feuilles ? Est-il capable de faire quoi que ce soit à l’intérieur de cet arbre ? Qu’est-ce qui fait tout cela ? écoutez un jardinier, l’apôtre Paul voyez ce que nous sommes, apprenez que nous avons un maître au dedans de nous « J’ai planté, Apollo a arrosé, mais c’est Dieu qui a donné l’accroissement. Celui qui plante n’est rien, non plus que celui qui arrose, mais c’est Dieu qui donne l’accroissement ao ». Nous vous parlons donc, et soit que nous plantions en parlant, soit que nous arrosions, nous ne sommes rien ; Dieu, qui donne l’accroissement, c’est-à-dire, son onction, qui nous enseigne toutes choses, est tout.
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