‏ Deuteronomy 24

XXXIX. (Ib 24, 7.) Vous retrancherez le méchant ou le mal du milieu de vous : deux interprétations plausibles.

– « Ce voleur »c’est-à-dire celui qui a volé un de ses frères, « mourra, et vous ôterez le méchant du milieu de vous. » L’Écriture se sert constamment de cette manière de parler, quand elle prescrit de mettre à mort les méchants ; et l’Apôtre, lui aussi, l’emploie dans ce passage : « Car, pourquoi entreprendrai-je de juger ceux qui sont hors de l’Église ?n’est-ce pas de ceux qui sont dans l’Église que vous avez droit de juger ? Retranchez le méchant du milieu de vous a. » Le Grec porte : « τὸν πονηρὸν » comme ici : or, cette expression signifie plutôt d’ordinaire « le méchant » que « le mal » Nous lisons en effet non pas, « τὸ πονηρὸν » au neutre, ce qui veut dire « le mal » mais « τὸν πονηρὸν » au masculin, ce ; qui signifie « le méchant. » Le sens du passage précité est donc, apparemment, que celui qui a commis cette faute, est digne d’excommunication. L’excommunication, en effet, tient aujourd’hui dans l’Église la place que la peine de mort occupait en ce temps-là. Le texte de l’Apôtre pourrait cependant recevoir cette autre interprétation : Que chacun est obligé d’arracher le mal ou la méchanceté de son cœur. Sens qui serait admissible, si le grec portait le neutre au lieu du masculin : mais il est plus probable qu’il est question ici de l’homme, non du vice. Peut-être, cependant, a-t-on voulu, par un tour de phrase heureux, faire entendre que l’homme doit se débarrasser de l’homme mauvais, conformément à ces paroles : « Dépouillez-vous du vieil « homme » dont ces autres mots forment le commentaire : « Que celui qui dérobait, ne dérobe plus b. »

XL. (Ib 24, 8.) Les Prêtres étaient tous Lévites ; mais tous les Lévites n’étaient pas prêtres.

— « Toute la loi, telle que vous l’affirmeront par serment les prêtres Lévites. » On voit par ces paroles que tous les prêtres étaient Lévites ; cependant tout Lévite n’était pas prêtre pour cela.

XLI.(Ib 24, 10-13) Sur le gage demandé au débiteur par le créancier.

– « Si quelque chose vous est due par votre prochain, vous n’entrerez point dans sa maison pour en emporter un gage : vous vous tiendrez dehors, et l’homme chez qui est ce qui vous est dû, vous portera le gage dehors. Que s’il est pauvre, vous ne dormirez pas avec son gage ; vous lui rendrez son vêtement vers le coucher du soleil, et il dormira dans son vêtement, et il vous bénira, et vous serez trouvés miséricordieux devant le Seigneur votre Dieu. » C’est avec raison qu’on voit une œuvre de miséricorde dans la conduite du créancier, qui n’entre pas dans la maison de son débiteur, de peur d’y apporter le trouble ; mais le débiteur n’en est pas moins obligé de donner lui-même sur le seuil de sa maison un gage au créancier. La condition imposée par la loi de rendre, le même jour, au débiteur pauvre le gage qu’il a donné, pour qu’il puisse dormir avec cet objet qui lui est absolument nécessaire, donne lieu naturellement à l’objection suivante : Pourquoi n’est-il pas défendu au créancier d’emporter un gage, qu’il devra rendre le même jour ? Si le but de la Loi est de presser le débiteur négligent, comment se hâtera-t-il de donner un gage, qui doit, il le sait, rentrer le même jour en sa possession ? Mais, peut-être, le but du Législateur est-il de rappeler au débiteur la dette qu’il a contractée, et de l’exempter de payer dans le cas où il n’a vraiment rien : alors en effet, le débiteur sera surtout porté à payer, quand il verra que son créancier a usé envers lui de générosité, et mérite sa reconnaissance en lui rendant le gage dont il a besoin pour dormir ; et de son côté le créancier, n’ayant rien reçu de son débiteur, sera tenu de croire à l’insolvabilité d’un homme tellement misérable, que son gage doit lui être rendu pour qu’il puisse dormir.

XLII. (Ib 24, 16.) Sur l’imputation des fautes.

– « Les pères ne mourront point pour les enfants, ni les enfants pour les pères : chacun mourra pour son péché. » Ainsi, ce n’est pas seulement dans les Prophètes c, mats encore dans la Loi, qu’il est écrit que chacun mourra pour sa faute, et non pour celle de son père ou de son fils. Mais comment cela se concilie-t-il avec cet autre passage : « Je suis le Dieu qui punis les péchés des pères sur les enfants jusqu’à la troisième et la quatrième génération d? » Est-il question ici des enfants qui n’ont pas encore reçu le jour, et du péché originel qui a passé d’Adam au genre humain ; tandis que ces paroles ; « chacun mourra pour son péché » s’appliqueraient à ceux qui sont déjà nés ? En effet celui qui vivait déjà, quand son père s’est rendu coupable, ne participe pas à sa faute. Et même comme le Seigneur ajoute : « à l’égard de ceux qui me haïssent e » il est évident que sa menace peut ne pas être mise à exécution si les enfants ne sont pas les imitateurs de la conduite de leurs pères. En ce qui concerne le péché d’Adam, nous en sommes les héritiers dans le temps, puisqu’il est la cause de la mort de tous les hommes ; mais il n’entraîne pas la mort éternelle de ceux qui ont reçu la génération spirituelle par la grâce et qui l’ont conservée jusqu’à la fin. Si les péchés des parents sont punis sur les enfants de ceux qui haïssent Dieu, pourquoi, peut-on demander, est-ce jusqu’à la troisième et la quatrième génération ? Et comment n’est-il rien dit ni de la première ni de la seconde, ni des autres, dans le cas où les enfants continueraient à imiter l’impiété et l’inconduite de leurs pères ? Par ce nombre, qui forme le septénaire, le texte sacré n’a-t-il pas voulu dire toutes les générations en général ? Et s’il n’a pas employé le nombre sept en ce sens, et dit « jusqu’à la septième génération » n’est-ce point parce que l’autre manière de s’exprimer rend plus sensible la perfection de ce nombre ? La perfection du nombre sept vient, en effet, de la réunion de deux nombres : du nombre trois qui est le premier impair complet, et du nombre quatre qui est le premier nombre pair complet. Aussi quand on lit à plusieurs reprises dans les Prophètes : « Après les crimes commis trois et quatre fois, je ne changerai pas mon, arrêt f », on doit comprendre par là toutes les iniquités réunies, plutôt que trois ou quatre péchés.

XLIII. (Ib 24, 17.) De la véritable veuve.

– « Vous ne refuserez pas de rendre la justice à l’étranger, à l’orphelin et à la veuve. Vous ne prendrez point engage le vêtement de la veuve. » Pourquoi Moïse ne dit-il pas : Vous ne prendrez pas en gage leur vêtement ? Pourquoi, après avoir voulu qu’on rendit justice à ces trois sortes de personnes, ne défend-il de prendre que le vêtement de la veuve, sans parler de celui des autres, si ce n’est parce que toutes les personnes désignées ont droit, au même titre, à ce que justice leur soit rendue ? Toutes manquent de défenseurs : l’étranger, parce qu’il habite un autre pays ; l’orphelin, le pupille, parce qu’il est privé de ses parents ; la veuve, parce qu’elle n’a plus de mari. Mais quand il défend d’ôter à la veuve son vêtement, je pense que c’est une manière très convenable de faire entendre que les veuves vraiment dignes de ce nom sont celles qui ont en même temps la pauvreté en partage. L’Apôtre le démontre avec évidence dans ces paroles : « Si quelque veuve a des fils ou des petits-fils, qu’elle apprenne avant toutes choses à inspirer la piété à sa famille, et à reconnaître ce que ses parents ont fait pour elle : car c’est une chose agréable au Seigneur. Quant à celle qui est vraiment veuve et délaissée, elle espère dans le Seigneur et persévère nuit et jour dans la prière g. » Il appelle vraiment veuve celle qui est dépourvue de tout appui ; parce qu’elle est privée non seulement de son mari, mais encore de postérité et de toute espèce de secours car si elle était riche il ne dirait pas qu’elle est délaissée. C’est donc parce qu’elle est pauvre qu’on ne doit pas prendre en gage son vêtement ; et cette défense même de lui prendre son vêtement, est la preuve de sa pauvreté. Autrement, le créancier ne prendrait-il pas l’argent ou autre chose de préférence au vêtement ? Mais que répondre à cette objection : Si elle avait plusieurs vêtements qui ne lui fussent pas nécessaires, mais superflus ? Le voici : Comment comprendre qu’une véritable veuve vive autrement que dans ta désolation et en dehors de la mollesse ? « Pour celle qui vit dans les délices, ajoute l’Apôtre, elle est morte, quoiqu’elle paraisse vivante h. » Voilà le portrait qu’il met en opposition avec celui de la véritable veuve, pour faire voir qu’elle n’en a pas les qualités. On célèbre la continence des veuves riches, qui ont refusé de contracter un nouveau mariage ; mais on ne dit rien de leur désolation. Ces femmes ne sont veuves que de leurs maris, et non des autres choses.

XLIV. (Ib 24, 19.) Sur la recommandation de laisser aux pauvres les grains et les fruits oubliés après la récolte.

– À propos de l’avertissement donné au peuple, de ne pas recueillir avec un soin avide la javelle oubliée dans la moisson, l’olive ou le raisin laissés sur les arbres ou sur le cep, mais de les abandonner aux indigents, une pensée s’élève peut-être dans l’esprit : Quelle est l’utilité de cette loi, si les fruits abandonnés par le maître sont recueillis par des hommes sans probité, et non par les indigents ? Mais il faut considérer d’abord que celui qui abandonne de bon cœur, en faveur des pauvres, ce qui lui appartient, exerce la miséricorde. Ensuite, comme la loi s’adresse à tout le peuple, ceux qui ne sont pas dans le besoin, sont avertis qu’ils n’ont pas le droit de recueillir ces fruits. S’ils s’arrogent ce droit, n’est-on pas autorisé à les regarder comme des ravisseurs du bien d’autrui, et, ce qui est plus grave, du bien des pauvres ? La Loi avertit donc et les uns et les autres : les propriétaires, de laisser dans leurs champs quelques fruits, par un sentiment d’humanité ; et ceux qui ne sont pas indigents, de n’y pas toucher ; voilà pourquoi elle désigne en même temps, et ceux qui doivent exercer la miséricorde, et ceux à qui cette faveur doit profiter.

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