Deuteronomy 25
XLV. (Ib 25, 1-3.) Tout péché est une impiété plus ou moins grave. — « S’il s’élève un différend entre deux hommes ; et qu’ils aillent devant le tribunal ils le jugeront, et justifieront le juste. » C’est-à-dire, les juges rendront la justice, et non les parties intéressées. « Et ils reprendront l’impie. Et si celui qui s’est rendu coupable d’impiété, mérite d’être battu ; vous le placerez en présence des juges, et ils le frapperont de verges devant eux, suivant la mesure de son impiété : ils le frapperont de quarante coups, et ne dépasseront pas ce nombre. Et s’ils dépassent ce nombre de quarante coups, votre frère sera couvert de honte devant vous. » Chose très remarquable ; après avoir prescrit la flagellation, et une flagellation si modérée, pour des fautes quine méritent point la peine de mort, la Loi qualifie cependant le coupable du nom flétrissant d’homme impie. Ceci nous apprend que les Écritures ne tiennent pas le même langage que le commun des hommes ; nous ne savons pas les lire, quand nous pensons que l’adultère, crime puni de mort par la Loi, n’est pas une impiété, par ce motif que celui qui le commet semble n’avoir offensé qu’un de ses semblables ; il en est de même, quand nous estimons les impiétés, des péchés plus considérables que l’adultère, tandis que la Loi réduit à quarante coups de verges le châtiment réservé à plusieurs d’entre elles. Il y a donc une impiété légère, qui est digne du fouet, et il y a une impiété plus grave, qui mérite la mort : de même, parmi les péchés qui semblent s’attaquer aux hommes plutôt qu’à Dieu, il y en a qui rendent dignes de mort, et d’autres qui méritent un châtiment différent, la flagellation, ou un autre peine plus douce. Il est constant, en effet, que les Septante qualifient aussi d’impiété la conduite de celui qui a mérité d’être battu de verges. XLVI. ([b. 25, 5.) 1. De la loi sur le Lévirat. – « Si deux frères habitent ensemble, et que l’un d’eux meure sans enfants ; la femme du mort ne sera pas à un autre qui ne lui est pas proche ; le frère de son mari ira à elle, la prendra pour épouse, et cohabitera avec elle. Et l’enfant qui naîtra sera admis au nom du défunt, et son nom ne sera pas effacé d’Israël. » En voulant que la veuve soit épousée par le frère de son mari, la Loi semble n’avoir eu d’autre but que de susciter une postérité à celui qui était mort sans enfants. Or, ces mots : « L’enfant sera admis au nom du défunt, et son nom » celui du défunt, « ne sera pas effacé d’Israël » paraissent signifier qu’en prenant le nom porté par le défunt, l’enfant formera en quelque sorte sa postérité. Aussi, dans la question soulevée par l’Évangile, à propos des deux pères de saint Joseph, dont l’un, cité par saint Matthieu, engendra Joseph, et dont l’autre, nommé par saint Luc, eut Joseph pour fils, nous avons admis l’adoption comme la solution la plus plausible de cette contradiction apparente ▼ ; attendu que saint Joseph ne redut le nom ni de l’un ni de l’autre. Mais peut-être ces paroles : « Il sera admis « au nom du défunt » ne signifient-elles pas qu’il en prendra le nom, mais qu’il sera de ce chef établi son héritier, c’est-à-dire, en qualité de fils, non de celui qui l’engendra, mais du défunt, à qui furent suscités des enfants. En effet, ces expressions : « Et son nom ne sera pas effacé « d’Israël » peuvent signifier, non que l’enfant sera tenu de porter le nom du défunt, mais que celui-ci semblera n’être pas mort sans postérité, et que son nom, c’est-à-dire, sa mémoire sera ainsi sauvée de l’oubli. Sans aucun doute, s’il avait eu lui-même un fils, il n’aurait pas eu besoin de lui donner son nom, pour le rendre impérissable en Israël ; mais par cela seul qu’il ne serait pas mort sans postérité, son nom n’eût pas péri : or, ce qui n’a pas été en son pouvoir, la Loi le commande à son frère, en lui ordonnant d’épouser la veuve du défunt. Au reste, à défaut du frère, le parent le plus proche épousait la femme de l’Israélite décédé sans enfants, afin de lui susciter une postérité : c’est ainsi que Booz épousa Ruth, afin de susciter des enfants à un proche parent, dont elle avait été la femme, sans avoir eu de lui des enfants ; le fils qui naquit d’elle fut admis au nom du défunt, puisqu’on l’appela son fils ; et ainsi la mémoire du défunt ne périt point en Israël, quoique l’enfant n’ait point porté son nom. 2. Continuation. Les deux généalogies de Saint Matthieu et de Saint Luc. – Que si cela est vrai, nous avons alors un second moyen de résoudre l’objection tirée de l’Évangile : l’un des deux pères de saint Joseph, nommés par S. Matthieu et S. Luc, aurait été proche parent de l’autre, dont il épousa la veuve, en un degré tel que tous deux purent avoir des ascendants et des ancêtres différents. – En effet, s’ils avaient été enfants de deux frères, ils n’auraient eu qu’un commun aïeul ; ce qui n’est pas : car, suivant saint Matthieu, Mathan est le grand-père de Joseph ; et suivant saint Luc, ce n’est pas Nathan, mais Mathath. Que si, à raison de la similitude des noms, on prétend voir ici une erreur de copiste, trop petite et trop futile pour qu’il en soit tenu compte, que dira-t-on des noms de leurs pères ? En effet, suivant saint Luc, Mathath était fils de Lévi ; suivant saint Matthieu, Mathan eut pour père Eléazar ; et ainsi, en remontant, les noms des pères et des grands-pères varient ; ensuite les noms des ancêtres jusqu’à Zorobabel, qui est, selon saint Luc, presque le vingtième ancêtre de Joseph, et selon saint Matthieu, le onzième seulement. Ce qui porte à croire qu’il y a ici un seul et même personnage, cité par les deux Évangiles, c’est que l’un et l’autre lui donnent pour père Salathiel ; mais il peut se faire que deux personnes portent le même nom, et que leurs pères soient dans le même cas. En remontant plus haut, en effet, les noms diffèrent de nouveau ainsi suivant saint Luc, Zorobabel est petit-fils de Neri ; suivant saint Matthieu, de Jéchonias. Cette diversité continue jusqu’à ce qu’on arrive à David, en passant par Salomon, dans S. Matthieu, et en saint Luc, par Nathan. Or, il est très difficile d’admettre qu’il n’y ait pas eu, pour épouse la veuve d’un frère, de parent plus proche que celui qui descendait de David en un degré si éloigné et n’avait avec le mari défunt d’autre lien de parenté ; puisque David, dans saint Luc, est presque le quarantième ancêtre de Joseph, et dans saint Matthieu, à peu près le vingt-septième. Cependant, si les proches du côté des femmes étaient appelés à épouser les veuves de leurs frères, il a pu se faire qu’un parent de ce côté eût engendré Joseph de son union avec la femme de son proche parent mort sans enfants ; de la sorte, Joseph aurait eu un père naturel et un père légal : ce qui expliquerait l’absence de parenté dans les pères, les aïeuls et les ancêtres, parce que la parenté viendrait du côté des femmes et non du côté des hommes. Mais, dans cette hypothèse, David ne serait pas l’unique père de Joseph. Si l’on prétend que cette hypothèse n’a rien d’inadmissible, n’avons-nous pas remarqué quelque part que l’Écriture n’a pas l’usage de mettre dans les généalogies les femmes à la place des hommes, ainsi qu’on le voit par les Évangélistes ? Là, en effet, où l’on trouve le nom des mères, ce n’est jamais qu’à côté du nom des pères ▼▼II Rétr. c. 55, n. 3
. En conséquence, ou il faut remonter à David pour établir la parenté, au défaut d’un plus proche parent qui épousât la femme du défunt, où l’adoption donna à Joseph un second père.
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