bSir 11, 10

‏ Exodus 18

LXVI. (Ib 18, 12.) Que signifie : Devant Dieu?

– « Araon et tous les anciens d’Israël vinrent manger du pain avec le beau-père de Moïse devant Dieu » (ante Deum), ou suivant d’autres exemplaires, en présence de Dieu (coram Deo) : en grec, ἐναντίον τοῦ θεοῦ. On demande où ce repas se fit devant Dieu, puisque le tabernacle et l’arche d’alliance n’existaient pas encore et furent érigés seulement dans la suite. Nous ne pouvons pas rapporter ce fait à un temps à venir, comme nous l’avons dit pour la manne placée dans un vase d’or
Ci-dessus, Ques. LXI.
. On doit donc regarder comme fait devant Dieu ce qui se fait pour sa gloire : car où Dieu n’est-il pas ?

LXVII. (Ib 18, 15.) Éternité de la loi de Dieu.

– Moïse dit à son beau-père : « Le peuple vient à moi pour recevoir le jugement de Dieu ; lorsqu’il leur arrive quelque différend et qu’ils viennent à moi, je juge chacun d’eux, et je les instruis des ordonnances et des lois de Dieu. » On peut demander comment un pareillangage.setrouve dans la bouche de Moïse, puisque la loi de Dieu n’était pas encore écrite. N’est-ce point parce que la loi de Dieu est éternelle et que toutes les âmes pieuses la consultent, afin de conformer leurs actions, leurs ordres ou leurs défenses avec ses préceptes, qui reposent sur l’immuable vérité ? Se persuadera-t-on, en effet, que Moïse, bien qu’admis à des entretiens familiers avec Dieu, le consultait ordinairement pour chaque difficulté, quand parfois il était retenu du matin au soir dans l’exercice de la justice pour terminer les différends survenus parmi cette multitude ? Et cependant s’il n’avait pas consulté le Seigneur comme le guide de sa conscience, et s’il ne s’était sagement inspiré de son éternelle loi, il n’aurait pu juger les différends suivant les règles de la plus stricte justice.

LXVIII. (Ib 18, 18-19.) Excellent conseil de Jéthro à Moïse.

– À propos du conseil que Jéthro donna à son gendre, Moïse, de ne pas se consumer lui et son peuple dans les intolérables embarras de la justice, on demande d’abord pourquoi Dieu, qui honorait son serviteur de révélations si nombreuses et si importantes, permit qu’un étranger lui fit une leçon. L’Écriture nous apprend par là qu’un bon conseil, de quelque part qu’il vienne, ne doit pas être méprisé. Il faut voir encore si Dieu n’a pas voulu qu’un étranger reprit Moïse sur un point où l’orgueil avait pu le tenter, puisque seul il siégeait pour rendre les arrêts de la justice souveraine en présence de tout le peuple. C’est ce qu’indique le texte, car Jéthro veut qu’on choisisse, pour juger les causes du peuple, des hommes ennemis de la superbe. De plus, on voit assez dans ce passage combien il faut être fidèle aux conseils que donne l’Écriture en un autre endroit : « Mon fils, ne t’engage point dans une multitude d’actions b. » Enfin les termes, dans lesquels est conçu l’avis de Jéthro à Moïse, sont à considérer : « Maintenant donc, lui dit-il, écoute-moi, et je te donnerai un conseil, et Dieu sera avec toi. » Le sens qui me paraît en résulter, c’est que l’esprit humain, trop appliqué aux actions humaines, se vide en quelque sorte de Dieu, et qu’il s’en remplit à mesure qu’il se porte plus librement vers les choses célestes et éternelles.

LXIX. (Ib 18, 19-20.) Encore sur le conseil de Jéthro à Moïse.

– Ce qu’ajoute Jéthro : « Sois pour le peuple dans tout ce qui regarde Dieu, et tu rapporteras à Dieu leurs paroles et tu leur apprendras les ordonnances et la loi divines ; et tu leur montreras les voies par lesquelles ils marcheront, et ce qu’ils auront à accomplir » fait voir que toutes ces choses concernent le peuple pris en masse. Car Jéthro ne dit pas : Tu rapporteras à Dieu les paroles de chacun, mais « leurs paroles » après qu’il venait de dire : « sois pour le peuple dans tout ce qui regarde Dieu. » Ensuite il veille à ce que le soin des affaires particulières ne soit pas délaissé : des hommes justes et puissants, ennemis de l’orgueil et serviteurs fidèles de Dieu, seront choisis pour être établis les uns sur mille hommes, les autres sur cent, les autres sur cinquante, les autres enfin sur dix. C’est ainsi que, sans accabler ces derniers, il déchargea Moïse d’occupations graves et épineuses. En effet mille hommes étant confiés à la conduite d’un seul, qui avait au-dessous de lui, dix, vingt et cent autres chefs, il arrivait nécessairement que chacun de ceux-ci avait à peine de quoi juger. On découvre aussi dans ce passage un exemple d’humilité dans là personne de Moïse : favorisé d’entretiens particuliers avec Dieu, il ne conçut point de dédain ni de mépris pour le conseil que lui donnait un étranger, son beau-père. Cependant, comme Jéthro n’était pas Israélite, faut-il le compter aussi bien que Job, étranger aussi à ce peuple, parmi les adorateurs du vrai Dieu et les sages éclairés par la religion ? Cette question mérite d’être posée et parait devoir être résolue affirmativement. Il est vrai que le texte ne dit pas clairement s’il a sacrifié au vrai Dieu parmi son peuple, quand il vit son gendre, ou si c’est Moïse qui l’a adoré ; mais quand même on dirait positivement que Moïse l’adora, l’honneur rendu par lui à son beau-père n’eût différé en rien des marques de respect familières aux patriarches à l’égard des hommes : ainsi est-il dit qu’Abraham adora le fils de Chet c. Quant aux γραμματοεισαγωγεῖς, que le texte désigne après les décurions, il n’est pas facile de savoir ce qu’ils étaient : car ce nom est tout à fait inusité parmi ceux qui exercent nos charges ou nos emplois. Quelques-uns le traduisent par doctores, docteurs, comme si l’on disait : maîtres des lettres, qui introduisent la connaissance des lettres ; c’est le sens du mot grec. On voit par là que les Hébreux avaient une littérature, avant la publication de la Loi : mais quand a-t-elle commencé, je ne sais s’il est possible de s’en assurer. Car il en est qui pensent que l’usage des lettres remonte aux premiers hommes, qu’elles passèrent à Noé, de lui aux ancêtres d’Abraham, et ensuite au peuple d’Israël : mais comment en établir les preuves, je l’ignore.

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