Exodus 4
VII. (Ib 4, 10.) Moïse est convaincu que Dieu peut tout-à-coup, lui délier la langue – Quand Moïse dit à Dieu : « Seigneur, je vous prie de considérer que je ne parle facilement ni d’hier, ni d’avant-hier, ni depuis que vous avez commencé de parler à votre serviteur » on voit qu’il avait la ferme confiance que Dieu pouvait, si c’était son bon plaisir, lui accorder tout-d’un-coup le don de la parole, puisqu’il ajoute : « ni depuis que vous avez commencé de parler à votre serviteur. » Celui, pensait-il, qui jusque-là n’avait pas eu le don de la parole, pouvait tout d’un coup l’acquérir, dès lors que Dieu s’entretenait avec lui. VIII. (Ib 4, 11.) Sur ces mots : « C’est Dieu qui a fait le muet, etc. » – « Qui a fait le muet et celui qui entend, celui qui voit et celui qui est aveugle ? N’est-ce pas moi, le Seigneur Dieu ? » Il en est qui font un reproche à Dieu, ou plutôt à l’Ancien-Testament, d’avoir dit que c’est Dieu qui a fait l’aveugle et le muet. Que pensent-ils donc de cette parole si nette de Notre-Seigneur Jésus-Christ dans l’Évangile : « Je suis venu pour que ceux qui ne voient point, voient, et que ceux qui voient, deviennent aveugles a ? » Mais quel homme, à moins d’être insensé, croira qu’il puisse exister dans son semblable un défaut corporel, contrairement à la volonté divine ? Au surplus, personne ne doute que Dieu est juste dans toutes ses volontés. IX. (Ib 4, 12.) Le commencement même de la volonté est l’œuvre de la grâce. – Lorsque le Seigneur dit a Moïse ; « Va maintenant, et j’ouvrirai ta bouche, et je t’apprendrai ce que tu auras à dire », on voit aisément dans ce passage qu’il appartient à la volonté et à la grâce de Dieu, non seulement d’enseigner à parler, mais même d’ouvrir la bouche. Dieu ne dit pas, en effet : Ouvre ta bouche et je t’instruirai, mais il promet l’un et l’autre : j’ouvrirai, et j’instruirai. Il dit ailleurs, aux psaumes : «Ouvre ta bouche, et je la remplirai b. » Ces mots marquent, dans l’homme, la volonté de recevoir le don que Dieu fait à celui qui le veut. Ouvre ta bouche, voilà qui se rapporte au commencement de la volonté ; et je la remplirai, voilà l’œuvre de la grâce. Mais Dieu dit ici : « J’ouvrirai ta bouche, et je t’instruirai » X. (Ib 4, 14-16.) Sur la colère de Dieu. – « Le Seigneur, ému de colère, lui dit. » La colère de Dieu, n’est pas chez lui, comme chez l’homme, le résultat d’un trouble déraisonnable ; une fois pour toutes, il faut retenir cette réflexion, et en faire usage dans les cas où L’Écriture emploie de pareilles expressions, afin que nous ne soyons pas obligés de redire souvent les mêmes choses. Mais on demande avec raison pourquoi, dans sa colère, il dit à Moïse que son frère parlera pour lui au peuple car il semble qu’il punit sa défiance en ne lui accordant pas le pouvoir très-étendu qu’il devait lui donner, et en voulant qu’ils soient deux pour accomplir ce qu’il aurait pu faire à lui seul, s’il avait eu confiance. Cependant toutes ces paroles, à les bien prendre, ne signifient pas que Dieu dans sa colère se vengea par les faveurs accordées à Aaron. Voici en effet ce qu’il est dit : « Aaron ton frère, fils de Lévi, n’est-il pas là ? Je sais qu’il parlera de sa propre bouche. » Ces paroles font voir que Dieu le reprend plutôt de ce que, ayant un frère qui pouvait dire de sa part au peuple ce qu’il voudrait, il s’excuse d’obéir, sur son incapacité, et objecte qu’il a la voix grêle et la langue embarrassée, tandis qu’il aurait dû tout attendre de Dieu. Ce qu’il avait promis peu auparavant, le Seigneur le confirme après la colère qu’il a éprouvée. Il avait dit en effet : « J’ouvrirai ta bouche, et je t’instruirai » il dit maintenant : « J’ouvrirai ta bouche et la sienne, et je vous instruirai de ce que vous devez « faire » mais comme il ajoute : « Et il parlera pour toi au peuple » il semble avoir ouvert la bouche à Moïse, parce qu’il s’était plaint que sa langue fût embarrassée. Quant à sa voix grêle, Dieu ne la change point, mais pour y suppléer, il lui donne l’aide de son frère, dont la voix pourra suffire à enseigner le peuple. Ce qu’il dit : « Tu mettras mes paroles dans sa bouche » fait bien voir que Moïse devait charger son frère du soin de les exprimer : car si Aaron devait seulement les entendre comme le peuple, c’est à ses oreilles et non dans sa bouche qu’il fallait les faire arriver. Il dit un peu plus loin : « Il parlera pour toi au peuple, et il sera ta bouche » sous-entendu, ici, devant le peupla. Et quand il dit : « Il parlera pour toi au peuple » Dieu fait assez entendre que Moïse tient la première place, et qu’Aaron ne tient que la seconde. Enfin dans ces dernières paroles : « Et toi, tu le représenteras dans tout ce qui a rapport à Dieu » se cache peut-être un mystère profond figuré par Moïse, médiateur entre Dieu et Aaron, tandis que celui-ci est médiateur entre Moïse et le peuple. XI. (Ib 4, 24-25.) Sur la rencontre de Moïse avec l’Ange qui vient le mettre à mort. – « Et il arriva que l’Ange se présenta à lui dans le chemin, au moment du repas, et cherchait à le mettre à mort ; et Séphora, ayant pris une pierre, circoncit la chair de son fils ; et elle se jeta à ses pieds et dit : Le sang de la circoncision de mon fils s’est arrêté. Et l’Ange se retira de lui ; c’est pourquoi Séphora dit : Le sang de la circoncision a cessé. » Sur ce texte on fait d’abord cette question : était-ce Moïse que l’ange voulait mettre à mort, puisqu’il est dit : « L’ange vint au-devant de lui et cherchait à le faire mourir ? » Car à qui pensera-t-on que l’ange se présenta, si ce n’est à celui qui était en tète de tous les siens et leur servait de guide ? Ou bien l’ange voulait-il la mort de l’enfant, que sa mère sauva par l’opération de la circoncision ? Dans ce cas, l’Ange aurait voulu la mort de l’enfant parce qu’il n’était pas circoncis, et ce châtiment sévère eût été la sanction du précepte de la circoncision. S’il en est ainsi, on ne voit pas à qui s’appliquent ces paroles qui précèdent : « Il cherchait à le mettre à mort » il faut rester dans l’ignorance à ce sujet, à moins que la suite ne le découvre. Assurément l’Écriture, se sert d’une locution fort extraordinaire, quand elle dit : « Il se présenta à lui et cherchait à le tuer » à propos de quelqu’un dont elle n’avait pas parlé auparavant. Mais la même manière de parler se trouve dans le Psalmiste : « Ses fondements sont établis sur les montagnes saintes ; le Seigneur aime les portes de Sion c. » Tel est en effet le début du Psaume, et rien n’avait été dit auparavant de celui ou de celle à qui il est fait allusion dans ces paroles : « Ses fondements sont établis sur les montagnes saintes. » Mais, comme il est dit ensuite : « Le Seigneur aime les portes de Sion » il est question nécessairement dans ce passage des fondements du Seigneur ou de Sion, et mieux, dans un sens plus naturel, des fondements de cette cité. Toutefois comme le pronom ejus est d’un genre indéterminé (car il est de tout genre, masculin, féminin et neutre,) tandis qu’en grec on dit ἀυτὴς au féminin, et ἀυτοῦ pour le masculin et le neutre, et que le texte grec porte du ἀυτοῦ, il s’agit évidemment ici, non point des fondements de Sion, mais des fondements du Seigneur, c’est-à-dire, de ceux qu’il a établis conformément à ces paroles : « C’est le Seigneur qui bâtit Jérusalem d. » Et cependant avant de dire : « Ses fondements sont établis sur les montagnes saintes » le Psalmiste n’avait parlé ni de Sion ni du Seigneur ; de même, ici, sans qu’il eût été fait mention de l’enfant, il est dit : « Il se présenta à lui, et cherchait à le mettre à mort » et c’est parla suite du récit que nous découvrons de qui il est question. Néanmoins si quelqu’un préfère appliquer ce passage à Moïse, il ne faut pas beaucoup disputer avec lui sur ce point. Mieux vaut, s’il est possible, avoir l’intelligence de ce qui suit : Pourquoi l’Ange se garda-t-il de mettre à mort l’un ou l’autre, quand la femme eut dit : « Le sang de la circoncision de l’enfant s’est arrêté ? » Car l’Écriture ne dit pas l’Ange laissa l’enfant, parce que sa mère le circoncit, mais, parce que le sang de la circoncision s’arrêta ; non parce qu’il sortit à flots, mais parce qu’il cessa de couler. Si je ne me trompe, il y a ici un grand mystère. XII. (Ib 4, 20.) Contradiction apparente. – Il est dit que Moïse mit sa femme et ses enfants sur des chars, pour se rendre avec eux en Égypte, et plus loin, que Jéthro, son beau-père, vient au-devant de lui avec les mêmes personnes, après que Moïse a tiré son peuple de l’Égypte e ; on peut demander comment la vérité s’accorde avec ces deux passages. Mais il faut croire que Séphora reprit avec ses enfants le chemin de son pays, lorsque l’Ange menaça de mort Moïse ou l’enfant. Car, au sentiment de plusieurs interprètes, l’Ange mit l’épouvante dans son âme, afin que la compagnie d’une femme ne fût point un obstacle à la mission que Moïse avait reçue de Dieu.
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