‏ Exodus 16

LVIII. (Ib 16, 4.) Sur la tentation de la part de Dieu.

– « Alors le Seigneur dit à Moïse : Voilà que je vous ferai pleuvoir des pains du ciel ; et le peuple ira en amasser ce qui suffira pour chaque jour, afin que je tente s’il marche, ou « non, dans la loi. » Cette tentation est une épreuve, et non un entraînement au péché ; et si Dieu éprouve, ce n’est pas pour apprendre ce qu’il ignorait, mais afin que les hommes se connaissant mieux et devenus plus humbles, implorent le secours de Dieu et ne méconnaissent pas sa grâce.

LIX. (Ib 16, 8.) Sur ces mots : Que sommes-nous?

– Entre autres paroles, Moïse et Aaron adressent celles-ci au peuple : « Parce que le Seigneur a entendu le murmure que vous faites éclater contre lui. Pour nous, qu’est-ce que nous sommes ? Car ce n’est pas contre nous ; mais contre Dieu, que s’élève votre murmure. » Chargés d’une mission divine, ils ne veulent pas pour cela se croire autant que Dieu ; car ils disent : « Que sommes-nous ? » afin de leur faire comprendre que leurs murmures attaquaient celui qui les avait envoyés et qui se servait d’eux comme d’instruments pour ses prodiges. Ce n’est pas dans le même sens que Pierre dit à Ananie « Comment as-tu osé mentir à l’Esprit-Saint ? Ce n’est pas aux hommes que tu as menti, mais à Dieu a. » Car il ne dit pas : Comment as-tu osé me mentir ? Ce n’est pas à moi que tu as menti mais à Dieu : s’il avait tenu ce langage, il aurait parlé comme Moïse et Aaron. Il n’a pas dit non plus : Comment as-tu osé mentir à l’Esprit-Saint ? ce n’est pas à l’Esprit-Saint que, tu as menti, mais à Dieu : un tel langage eût été la négation de la divinité du Saint-Esprit. Mais après avoir dit « Comment as-tu osé mentir à l’Esprit-Saint ? » sachant qu’Ananie croyait avoir menti à des hommes, Pierre ajouta pour montrer la divinité du Saint-Esprit : « Ce n’est pas aux hommes que tu as menti ; mais à Dieu. »

LX. (Ib 16, 12.) Ce qui est signifié par les chairs et les pains que Dieu envoie à son peuple.

– Dieu fait dire à son peuple par l’intermédiaire de Moïse : « Ce soir vous mangerez de la chair, et le matin, vous serez rassasié de pains. » Les pains ne sont pas marqués ici pour désigner toute espèce d’aliments : car ces termes comprendraient également la chair qui sert d’alimentation. Les pains dont il vient d’être fait mention ne sont pas non plus ceux qu’on pétrit avec le froment et auxquels on donne communément le nom de pains ; mais c’est la manne qui est ainsi appelée. Or, ce n’est pas sans raison que Dieu promet de donner de la chair, le soir, des pains le matin. Car ce qui arriva à Élie, quand un corbeau lui apportait sa nourriture b a une signification semblable. La chair que Dieu envoyait le soir, et le pain qu’il envoyait le matin, ne sont-ils pas une figure de celui qui s’est livré pour nos péchés, et qui est ressuscité pour notre justification c ? Car, le soir, il est mort dans sa faiblesse et il a été enseveli ; et le matin étant ressuscité par sa propre vertu, il est apparu à ses disciples.

LXI. (Ib 16, 33.) La mesure de manne planée devant Dieu.

– « Moïse dit à Aaron : Prends un vase d’or, mets dans ce vase, plein un gomor de manne, et tu le placeras devant Dieu, afin qu’elle se conserve pour les races à venir, selon que Dieu l’a ordonné. » On peut demander comment Aaron put placer devant Dieu le vase rempli de manne, puisqu’il n’y avait point d’image en l’honneur de la divinité, et quelle arche d’alliance n’était pas encore construite. Le futur, « tu placeras » n’est-il pas mis pour donner à entendre que le vase pourrait être placé devant Dieu, quand l’arche existerait ? Ou plutôt, ces expressions : « devant Dieu » ne marquent-elles pas la piété qui devait présider à l’offrande d’Aaron, en quelque lieu d’ailleurs que le vase serait placé ?car où Dieu n’est-il pas ? Mais ce qui suit : « Et Aaron mit ce vase en réservé devant le tabernacle » fait préférer le premier sens. Car alors l’Écriture dit par anticipation ce qui s’est réalisé dans la suite, quand le tabernacle du témoignage fut érigé.

LXII. (Ib 16, 35.) Sur la manne.

– « Or, les enfants d’Israël mangèrent de la manne pendant quarante ans, jusqu’à ce qu’ils.vinssentdans la terre qui est habitée. Ils mangèrent de la manne, jusqu’à ce qu’ils vinssent sur les confins de la Phénicie. » L’Écriture anticipe ; racontant par anticipation ce qui arriva dans la suite, elle dit ici que les enfants d’Israël n’eurent d’autre nourriture que la manne dans le désert. Car c’est le sens de ces mots : « jusqu’à la terre qui est habitée » c’est-à-dire, celle qui n’est déjà plus le désert. Ce n’est pas qu’ils aient cessé de manger de la manne, aussitôt qu’ils furent parvenus à la terre habitable ; mais ils n’ont pas cessé auparavant. On dit en effet que lorsqu’ils eurent opéré le passage du Jourdain, la manne ne tomba plus, et qu’ils mangèrent des pains du pays. Quand ils eurent atteint la terre habitable avant d’avoir traversé le Jourdain, ils purent donc vivre uniquement de manne, ou de manne et de pain : il est permis de le conjecturer, puisque, comme l’Écriture nous l’apprend, la manne cessa seulement de tomber après le passage du Jourdain. Mais pourquoi, au milieu des privations du désert, désirèrent-ils avoir des viandes, puisqu’ils emmenèrent à leur sortie d’Égypte des quantités considérables de troupeaux ? Cette question a de l’importance. Ne peut-on point dire que les pâturages du désert étant de moindre valeur, la fécondité de leurs animaux leur parut devoir en souffrir, et qu’ils épargnèrent leurs troupeaux, dans la crainte que tous venant à manquer, il, n’y eût plus même de victimes pour les sacrifices ? Ne pourrait-on encore, pour la solution de cette difficulté, trouver quelque autre explication ? On croit, avec plus de raison, qu’ils ne désirèrent point les viandes qu’auraient pu leur procurer leurs troupeaux, mais celles qui leur manquaient, c’est-à-dire la chair de poisson, car ils n’en trouvaient point dans ce désert : c’est pourquoi Dieu leur envoya des râles ; la plupart des traducteurs latins disent des cailles, quoique ces oiseaux, sans différer beaucoup, soient cependant d’espèces différentes. Dieu savait ce qui faisait l’objet de leurs désirs et l’espèce de viande qui pouvait les rassasier. Mais l’Écriture ayant dit qu’ils désiraient des viandes, sans observer quelle sorte de viandes ils réclamaient, nous devions traiter cette question.

LXIII. (Ib, 16, 35.) Quelle est cette Phénicie dont parle l’Exode?

– « Ils mangèrent de la manne, jusqu’à ce qu’ils vinssent sur les confins « de la Phénicie. » Déjà l’auteur sacré avait dit « jusqu’à ce qu’ils vinssent dans la terre habitée » mais comme il n’avait pas indiqué expressément en quelle terre, il semble qu’il a voulu le dire en propres termes, dans ces mots : « sur les confins de la Phénicie. » Il y a lieu de croire que tel était alors le nom de ce pays ; mais aujourd’hui, on lui en donne un autre. Il est vrai que la réunion de Tyr et de Sidon s’appelle Phénicie ; mais nous ne lisons pas que les enfants d’Israël aient passé par là. Cependant l’Écriture a pu donner le nom de Phénicie à la région où commençaient les palmiers, sur la limite du désert, parce que palmier en grec s’exprime de la même manière
palmier.
. Au commencement du voyage, ils trouvèrent un lieu où étaient douze fontaines et soixante-dix palmiers ; après, commença pour eux la vaste solitude du désert, où rien de semblable ne leur apparut, jusqu’à ce qu’ils eussent atteint les ; régions habitées. Mais il est plus probable que ce pays portait à cette époque le nom de Phénicie. Car il en est de beaucoup de contrées et de pays comme des fleuves et des cités, qui dans la longue suite du temps, ont changé leurs noms antiques pour des raisons particulières.

Copyright information for FreAug