‏ Exodus 21

LXXVII. (Ib 21, 2.) Sur la loi relative aux esclaves.

– La loi de Moïse règle que l’esclave hébreu servira pendant six ans, et qu’à la septième année il sera renvoyé libre et quitte de toute obligation. Dans la crainte que les esclaves chrétiens ne réclament de leurs maîtres un semblable privilège, Saint Paul, s’appuyant sur son autorité apostolique, ordonne aux esclaves d’obéir à ceux dont ils sont les serviteurs, afin que le nom de Dieu et sa doctrine ne soient point outragés par des blasphèmes a. Au reste, cette prescription mosaïque renferme quelque mystère : ce qui le prouve, c’est l’ordre donné par Dieu de percer avec une alêne, contre un poteau ; l’oreille de celui qui refusait le bénéfice de la liberté.

LXXVIII. (Ib 21, 7-11.) Sur la loi relative aux filles esclaves.

– « 1. Si quelqu’un a vendu sa fille pour esclave, elle ne sortira point comme font les autres servantes. Si elle a déplu à son maître, qui ne lui a pas donné son nom, il lui donnera une récompense. Mais il n’est pas le maître de la vendre à un peuple étranger, parce qu’il l’a méprisée. S’il la fait épouser à son fils, il la traitera comme il est juste de traiter les filles. Et s’il en prend une autre pour son fils, il ne refusera pas de lui donner l’entretien, le vêtement et la cohabitation. S’il ne lui accorde point ces trois choses, elle sortira, sans qu’il en puise tirer d’argent. » Ce passage est rendu si obscur par l’emploi de termes et de constructions inusités, que nos commentateurs savent à peine comment en expliquer le sens. Cet endroit n’est pas plus facile à comprendre dans le grec. J’essayerai pourtant de dire ce que j’y vois.

2. « Si quelqu’un, porte le texte sacré, a vendu sa fille pour servante » c’est-à-dire pour qu’elle soit servante, ce que les Grecs expriment parle mot ὁιχέτνς, « elle ne s’en ira point comme se retirent les servantes. » Cela veut dire qu’elle ne se retirera pas, comme les servantes juives au bout de six ans. Car il faut admettre que, devant cette loi mosaïque, la femme était mise sur le même pied que l’homme. Pourquoi donc ne se retirera-t-elle point la septième année, si ce n’est parce que, durant son service, son maître l’a avilie, en abusant d’elle ? Les paroles qui suivent viennent confirmer cette interprétation. Voici en effet ce que nous lisons : « Si elle ne plaît pas à son maître, qui ne lui a pas donné son nom », c’est-à-dire, ne l’a pas prise pour épouse, « il lui donnera une récompense » ce qui signifie, comme il a été dit plus haut, « qu’elle ne s’en ira point comme s’en vont les servantes. » La justice veut en effet qu’elle reçoive un dédommagement pour avoir été avilie, puisque son maître ayant eu commerce avec elle, il ne l’a pas prise pour épouse, en d’autres termes, ne lui a pas donné son nom. Plusieurs interprètes traduisent : « il l’a rachètera », ce que nous avons rendu par « il la récompensera. » Si le grec avait porté ἀπολυτρῶσεται, on l’aurait traduit comme dans ce passage du Psaume : « Il rachètera lui-même Israël b » où on lit ἀπολυτρῶσεται. Mais ici nous lisons : ἀπολυτρῶσετει: ce qui donne à entendre que le maître reçoit, plutôt que de donner quelque chose pour le rachat de sa servante. À qui, en effet, le maître donnera-t-il, pour racheter celle qu’il possède en qualité de servante ? « Il n’est pas le maître de la vendre à un peuple « étranger, parce qu’il a eu du mépris pour elle. » Le mépris qu’il a eu pour elle, ne lui donne pas le droit de la vendre ; en d’autres termes, il n’en sera – pas tellement le maître, qu’il ait le droit de la vendre à un peuple étranger. Avoir eu du mépris pour elle, ou l’avoir méprisée, c’est la même chose ; l’avoir méprisée, signifie l’avoir avilie, c’est-à-dire avoir eu commerce avec elle sans la prendre pour épouse. Le grec porte ὴθέτησεν, qui correspond à notre mot : sprevit; dont l’Écriture se sert dans Jérémie : « Comme une femme méprise celui avec « qui elle a commerce c. ».

3. L’Écriture dit ensuite : « S’il lui fait porter le nom de son fils, il la traitera comme il est juste de traiter les filles. » Ici revient l’expression employée précédemment : « à qui il n’a pas donné son nom. » Or, ces paroles : « S’il lui fait porter le nom de son fils » que signifient-elles, sinon qu’il la lui donne pour épouse ? Car il est marqué : « Il la traitera comme il est juste de traiter les filles » c’est-à-dire qu’il la mariera comme une fille en lui apportant une dot. L’Écriture ajoute : « Mais s’il prend une autre femme pour son fils » autrement, s’il ne lui donne pas l’esclave pour épouse, et lui en accorde une autre, « il ne refusera pas à cette servante l’entretien, le vêtement et la cohabitation » parce qu’elle n’est pas demeurée l’épouse de son fils, il lui donnera ce qui convient ; ce qu’il lui aurait accordé, s’il ne lui eût pas fait prendre son nom, après l’avoir cependant avilie par le commerce charnel. « Il ne lui refusera pas la cohabitation », le grec porte : ὁμιλιαν, manière chaste de désigner le commerce charnel. Maintenant que signifie : « Il lui donnera en place une récompense ? » Au livre de Daniel d, les vieillards qui accusent faussement Suzanne, déposent en ces « termes : Un jeune homme qui était caché, est venu, et a commis le péché avec elle. » Daniel interroge l’un des deux à ce sujet et leur dit : « Sous « quel arbre les as tu vus parler ensemble ? » expression modeste qu’il substitue à celle dont ils s’étaient servis. Puis, s’adressant à l’autre et le convainquant de mensonge : « Race de Chanaan, lui dit-il, et non de Juda, la beauté t’a séduit, et la passion a perverti ton cœur. C’est ainsi que vous traitiez les filles d’Israël, et elles, ayant peur, vous obéissaient. » On lit dans le grec : Elles vous parlaient : ces expressions désignent le commerce charnel. Car dans ce passage : « Sous quel arbre les avez-vous surpris » le grec s’exprime de cette sorte : Les avez-vous surpris parlant ensemble : ce qui, encore une fois, signifie l’union des corps.

4. Quant aux autres paroles qu’on lit dans l’Écriture : « S’il ne fait pas ces trois choses, elle sortira sans rien recevoir », en voici le sens : S’il ne l’avilit point par le commercé charnel, s’il ne la donne point pour épouse à son fils, ou la renvoie sans avoir marié son fils à une autre, « elle se retirera sans qu’on paie rien pour elle » c’est-à-dire qu’il lui suffira de ne plus être tenue en servitude. Elle s’en ira, comme un esclave hébreu, sans rien recevoir. Il n’est pas permis à son maître de la marier à un autre qu’à un hébreu, pas plus qu’il ne lui est permis de la vendre à un peuple étranger. Mais s’il la marie à un hébreu, il faut comprendre qu’elle se retirera avec son mari, sans qu’on paie rien pour elle et sans qu’on puisse non plus la séparer de lui.

LXXIX. (Ib 21, 12) Sur l’homicide volontaire et involontaire.

– « Si quelqu’un frappe un homme au point de le faire mourir, qu’il soit puni de mort. S’il n’a pas voulu la mort de cet homme, mais que Dieu l’ait fait tomber entre ses mains, je te donnerai un lieu où il pourra se réfugier. » On demande quel est le sens de ces paroles : « S’il n’a pas voulu donner la mort, mais que Dieu ait livré entre ses mains. » Ne semblerait-il pas que celui qui commettrait un homicide volontaire, serait dans son droit, si Dieu ne faisait pas tomber la victime en ses mains ? Mais voici la signification de ce passage : quand l’homicide a été involontaire, Dieu seul intervient dans cet acte, et c’est précisément pour exprimer cette pensée, qu’il est dit : « Que Dieu a fait tomber la victime sous les coups » du meurtrier. Mais quand l’homicide a été volontaire, il y a à la fois l’intervention du meurtrier et celle de Dieu qui livre la victime entre ses mains. Dans le premier cas, apparaît donc exclusivement l’action de Dieu, dans le second, l’action de Dieu et l’action libre, volontaire de l’homme : seulement l’homme n’intervient pas à la manière de Dieu. Dieu en effet n’est que juste, tandis que l’homme est digne de châtiment, non pour avoir tué celui dont Dieu ne voulait pas la mort, mais pour avoir donné la mort injustement. Il n’a pas été l’instrument de la volonté de Dieu, mais l’esclave de sa malice et de sa passion. Dans un seul et même acte se trouvent donc réunis ces deux extrêmes Dieu, dont il faut bénir la justice mystérieuse, et l’homme, qui mérite la punition de son crime. Judas, qui a livré le Christ à la mort e, n’est point excusable, parce que Dieu n’a pas épargné son propre fils et l’a livré pour nous tous f.

LXXXII. (Ib 21-35.) Sur le taureau qui blesse et tue un autre taureau.

– « Si le taureau de quelqu’un frappe de sa corne le taureau du voisin, et qu’il en meure, ils vendront le taureau qui est vivant ; et ils en partageront le prix, et ils partageront le bœuf. » Est-ce que cette loi ne devait avoir d’application que pour le taureau, et non pour tous les autres animaux en pareil cas ? Il est évident qu’ici encore la partie est mise pour le tout ; seulement si la chair de l’animal tué était de celle dont on ne mangeait point, la loi n’avait plus en ce point de raison d’être.

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