Exodus 23
LXXXVII. (Ib 23, 2.) Le mauvais exemple du grand nombre n’excuse pas du péché. – « Tu ne seras pas avec le plus grand nombre pour le mal. » Juste condamnation de ceux qui excusent leur conduite sur l’exemple du plus grand nombre, ouqui pensent être par cela même irréprochables. LXXXVIII. (Ib 22, 3.) Sur la miséricorde et la justice – « Tu n’auras pas compassion du pauvre, en le jugeant ». Sans cette addition, « en le jugeant » le texte précité eût donné lieu à une grave question. D’ailleurs quand cette addition n’eût pas été écrite, il aurait fallu la suppléer par la pensée. Plus haut, le texte porte : « Tu ne te joindras pas à la multitude, pour te laisser aller avec le plus grand nombre à porter un jugement injuste » quand on lit ensuite « Et tu n’auras pas compassion du pauvre » on pouvait donc sous-entendre : « devant la justice. » Mais dès lors que l’addition s’y trouve, la raison de ce précepte est évidente : il ordonne que quand nous rendons la justice, si nous voyons que le riche ait droit contre le pauvre, nous ne favorisions pas le pauvre contrairement à la justice, sous prétexte d’humanité. La miséricorde est donc bonne, mais elle ne doit pas être contraire au jugement, c’est-à-dire, pour interpréter ce mot de l’Écriture, à ce qui est juste. Dans la crainte qu’on ne conclue de cette maxime que Dieu défend la miséricorde, le texte qui vient ensuite dit avec beaucoup d’à propos : « Si tu rencontres le bœuf de ton ennemi, ou sa bête de somme, lorsqu’ils sont égarés, tu les ramèneras et les lui rendras » afin donc que tu saches que l’exercice de la miséricorde ne t’est pas défendu, pratique-la, même à l’égard de tes ennemis, quand tu le peux, en dehors de la justice : car en ramenant et en rendant à ton ennemi son bœuf égaré, tu n’es plus un, juge qui siège sur son tribunal et exerce ses fonctions. LXXXIX. (Ib 23, 10.) Sur le repos de la terre pendant la septième année. – « Tu sèmeras ta terre pendant six ans, et tu en recueilleras les fruits ; mais tu feras relâche la septième année, et tu la laisseras reposer ; et les pauvres de ton peuple auront à manger : ce qu’ils laisseront, les bêtes sauvages le mangeront. Tu feras de même pour ta vigne et ton plant d’oliviers. » On peut demander ce que le pauvre trouve à recueillir, si le possesseur laisse ses champs sans même les ensemencer. Car ce n’est pas à la vigne, ni aux oliviers que se rapportent ces mots. « Les pauvres de ton peuple auront à manger » d’une terre non ensemencée, incapable de porter des moissons, ils n’auront rien à recueillir, et quant à la vigne et aux oliviers, il est dit qu’il faut faire la même chose : il s’agit donc ici des champs qui fournissent le froment. À ces paroles : « Tu sèmeras ta terre pendant six ans, et tu en recueilleras les fruits » faut-il donner l’interprétation suivante : pendant six ans tu sèmeras et tu recueilleras ; mais la septième année, tu ne recueilleras pas, sous-entendu, après avoir semé ? Ainsi pendant six ans, le possesseur sèmerait et recueillerait, mais la septième année il abandonnerait ce qu’il aurait semé ? Autrement qu’est-ce qui en reviendrait aux pauvres, dont les restes sont encore réservés aux bêtes sauvages, c’est-à-dire à celles qui peuvent se nourrir des mêmes aliments, tels que les sangliers, les cerfs et autres animaux d’espèce semblable ? Cette prescription doit néanmoins voiler quelques figures. Car, si Dieu en donnant les préceptes aux hommes, ne s’inquiète pas de bœufs a : – ce qui signifie, non qu’il ne nourrît pas les animaux qui ne sèment, qui ne moissonnent ni n’amassent point dans des greniers, mais que ses préceptes n’ont point pour objet de prescrire à l’homme le soin qu’il doit avoir de son bœuf ; – combien moins s’inquiète-t-il de lui prescrire le soin qu’il doit avoir des bêtes sauvages. Ne les nourrit-il pas lui-même des trésors qu’il a déposé dans le sein fécond de la nature, et – n’a-t-il pas soin de leur nourriture pendant les six années où l’on récolte ce que l’on a semé. XC. (Ib 23 19.) L’agneau ne doit pas être cuit DANS LE LAIT DE SA MÈRE. – « Tu ne feras pas cuire l’agneau dans le lait de sa mère. » Est-il possible de prendre ce passage dans le sens propre et littéral, je n’en sais vraiment rien. Car si l’on admet que la défense de faire cuire l’agneau dans le lait symbolise quelque mystère, je réponds que l’usage de cuire un agneau dans le lait n’existe nulle part. Et si l’on veut que ces mots signifient : pendant qu’il est encore à la mamelle, quel est, observerai-je, le Juif qui a jamais attendu, pour faire cuire un agneau, qu’il cessât de téter ? Mais que signifie : dans le lait de sa mère; est-ce que, en admettant ce dernier sens, la loi ne serait pas transgressée si l’agneau, que l’on fait cuire ayant perdu sa mère, était allaité par une autre brebis ? Il n’est personne qui ne reconnaisse à cette loi un sens figuratif. Les prescriptions mêmes qui peuvent être observées à la lettre, n’ont pas été commandées sans motif ; elles ont leur signification. Ici je ne vois pas quel sens littéral a, ou pourrait avoir ce commandement. Cependant j’admets l’interprétation, qui y voit une prophétie relative à Jésus-Christ : il ne devait pas, dans son enfance, être mis à mort par les Juifs, mais échapper aussi à la cruauté d’Hérode, qui cherchait à le faire mourir b ; alors cette expression.:« Tu feras cuire » désignerait le feu de la Passion, en d’autres termes, la tribulation. L’Écriture ne dit-elle pas, en effet : « La fournaise éprouve les vases du potier, et l’épreuve de la tribulation, les hommes justes c. » Comme Jésus-Christ n’a point souffert dans son enfance, lorsque poursuivi par Hérode il semblait sur le point de succomber au danger, on doit reconnaître une prédiction de cet évènement dans ces paroles : « Tu ne feras pas cuire « l’agneau dans le lait de sa mère. » Il ne serait peut-être pas non plus déraisonnable d’admettre, avec certains commentateurs, que le Prophète a voulu, par ce commandement, empêcher les vrais Israélites de s’associer aux mauvais Juifs, qui ont fait souffrir le Christ. Comme un agneau dans le lait de sa mère, c’est-à-dire, au jour anniversaire de sa conception. On dit en effet des femmes que, du jour où elles ont conçu, elles amassent du lait. Or, la conception et la passion du Christ ont eu lieu dans le même mois, comme l’attestent la célébration de la Pâque et le grand jour, si connu dans les églises, consacré à la fête de sa Nativité. Venu au monde au terme des neuf mois, le huit de calendes de janvier, il a été conçu nécessairement vers le huit des calendes d’avril ; or ce fut aussi dans ce temps qu’eut lieu sa passion, dans le lait de sa mère, c’est-à-dire au temps ou sa mère vivait encore. XCI. (Ib 23, 20-21.) Sur l’Ange conducteur des Hébreux. – « Voici que j’envoie mon Ange devant toi, pour qu’il te garde dans le chemin, qu’il te conduise dans la terre que je t’ai préparée. Écoute-le, et garde-toi de ne point te confier à lui : il ne te pardonnera rien ; car mon nom est sur lui. » Ces paroles s’appliquent à celui dont le nom a été changé en celui de Jésus, ou Josué : c’est lui en effet qui a introduit le peuple dans la terre promise. XCII. (Ibi 23, 25-27.) Sur les récompenses temporelles. – « Tu serviras le Seigneur ton Dieu ; et je bénirai ton pain, et ton vin, et ton eau, et j’éloignerai de vous l’infirmité. Il n’y aura point d’homme qui n’ait des enfants, point de femme stérile dans ta terre. Je remplirai le nombre de tes jours. Et j’enverrai la crainte pour te précéder ; et je ferai perdre la raison aux nations « chez lesquelles tu entreras, etc. » Ces promesses peuvent être prises aussi dans le sens spirituel ; mais entendues de la félicité temporelle, elles forment le type caractéristique de l’ancien Testament. Là, si nous en exceptons les commandements qui cachent une signification mystérieuse, nous trouvons les mêmes préceptes moraux que dans la loi nouvelle, mais les promesses sont toutes charnelles et terrestres. Aussi, au Psaume soixante-douzième, l’homme de Dieu dit-il que ses pieds ont presque fléchi et qu’il a été sur le point de tomber, lorsqu’il voyait d’un œil jaloux la paix dont jouissaient les pécheurs d. Il voyait les impies posséder en abondance ces biens qu’annonçait l’Alliance antique, et qu’il attendait du Seigneur Dieu, comme la récompense de sa soumission. De là cette pensée impie qui commençait à gagner son cœur : Dieu ne s’inquiète pas de l’homme ; mais il s’arrête, dit-il, n’osant condamner la conduite des saints ; alors la lumière commence à descendre dans son âme, et il s’écrie : « C’est là un travail difficile pour moi, jusqu’à ce que j’entre dans le sanctuaire de Dieu et que je comprenne quelle sera la fin e. » Là en effet seront données les récompenses qui sont le privilège du nouveau Testament, et les impies n’y auront point de part : alors les châtiments atteindront les impies, et nul d’entre les saints n’éprouvera leurs tourments. XCIII. (Ib 23, 28.) Sur les guêpes dont le Seigneur fait précéder son peuple dans la terre promise – « Et j’enverrai devant toi des guêpes et elles chasseront loin de toi les Amorrhéens, les Evéens, les Chananéens et les Chettéens. » Que faut-il entendre par ces guêpes ? Dieu promet qu’il les enverra, et le livre de la Sagesse affirme qu’il a rempli sa promesse : « Et il envoya ; y lisons-nous, des guêpes en avant de son armée f. » Cependant nous ne lisons la relation de cet événement ni au temps de. Moïse, ni à l’époque de Josué, fils de Navé, ni enfin sous le gouvernement des Juges ou des Rois. Il est donc permis d’entendre par ces guêpes les aiguillons de la crainte qui tourmentaient les peuples cités plus haut et les forçaient à se retirer devant les enfants d’Israël. C’est Dieu qui parle et si sa parole, contenant un sens figuré, ne s’accomplit point dans le sens littéral et suivant la propriété des termes, cela n’empêche point d’ajouter foi à l’histoire où la vérité du récit apparaît. Il en est de même de ce que rapportent les Évangélistes : les faits réels n’y perdent rien de leur crédibilité, parce que le Christ tient quelquefois un langage figuré. XCIV. (Ib 23, 33.) Sur le service et l’adoration qui sont dus à Dieu. – « Si tu sers leurs dieux, ils seront pour toi un sujet de scandale. » Ici le texte grec porte δουλεύσης, tu serviras, au lieu de λατρεὐσης, tu adoreras. Il suit de là que le service, δουλεία, est dû à Dieu en sa qualité de Seigneur, mais que l’adoration, λατρεία, n’est due qu’à Dieu et par cela même qu’il est Dieu XCV. (Ib 24, 1-3.) Sur les ordonnances du Seigneur. – Et il dit à Moïse : « Monte vers le Seigneur, toi et Aaron, et Nadab, et Abiud, et les soixante-dix anciens d’Israël, et ils adoreront le Seigneur de loin, et Moïse s’approchera seul du Seigneur, mais pour eux ils ne s’approcheront pas, et le peuple né montera pas avec eux. Or, Moïse vint et rapporta au peuple toutes les paroles et toutes les ordonnances de Dieu, et le peuple répondit tout d’une voix, en disant : Nous ferons et nous écouterons tout, ce que le Seigneur a dit. » On voit qu’il est question, jusqu’à cet endroit de l’Écriture, des ordonnances qui furent faites au peuple et qu’il fut recommandé d’observer. Comme il ressort du texte lui-même, elles commencent par la loi relative à l’esclave hébreu, dont l’oreille devait être percée contre un poteau, et c’est là que ce mot d’ordonnance est écrit pour la première fois. Or, il faut bien distinguer dans toutes ces ordonnances les règles qu’on peut en tirer pour la conduite et la conservation des bonnes mœurs. Car on trouve en elles beaucoup de choses qui renferment plutôt un sens mystérieux que des règles de morale. Les interprètes latins ont bien rendu parle mot ordonnances, justificationes, ce que les Grecs expriment par le mot διχαιώματα.
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