‏ Exodus 8

XXIII. (Ib 8, 7.) Comment les magiciens purent imiter Moïse et Aaron, après la seconde plaie et la troisième.

– « Mais les enchanteurs Égyptiens firent la même chose par leurs sortilèges ; et ils firent venir des grenouilles sur la terre d’Égypte. » De quel endroit, demande-t-on, si déjà ce prodige était accompli partout ? Mais il faut demander aussi comment ils changèrent l’eau en sang, si déjà dans toute l’Égypte l’eau avait subi ce changement miraculeux. On doit donc supposer que le pays habité par les enfants d’Israël ne fut pas frappé de plaies semblables : alors les enchanteurs ont pu y puiser de l’eau qu’ils ont changée en sang, ou en tirer des grenouilles, uniquement pour montrer leur puissance magique. Rien n’empêche non plus d’admettre qu’ils se sont livrés à ces maléfices après que les vrais miracles eurent cessé. Le rapprochement des faits, dans le récit de l’Écriture, n’indique pas qu’ils se soient accomplis simultanément.

XXIV. (Ib 8, 15.) Sur la patience de Dieu.

– « Et Pharaon vit qu’il y avait un peu de relâche, et son cœur s’appesantit, et comme le Seigneur l’avait dit, il ne les écouta point. » On voit ici que si Pharaon tomba dans l’endurcissement, ce ne fut pas seulement parce que les enchanteurs faisaient la même chose que Moïse et Aaron ; mais ce fut encore à cause de la patience et de la longanimité de Dieu. La patience divine à l’égard du cœur de l’homme est utile à quelques-uns, qui en profitent pour se repentir ; inutile à d’autres, qui en abusent pour s’obstiner contre Dieu et persévérer dans le mal : cependant son inutilité ne vient pas de sa nature, mais, ainsi que nous l’avons dit, de la dépravation du cœur. C’est aussi ce que dit l’Apôtre : « Ignores-tu que la patience de Dieu t’invite au repentir ? Mais par la dureté de ton cœur et par ton impénitence, tu l’amasses un trésor de colère pour le jour de la vengeance et de la manifestation du juste jugement de Dieu, qui rendra à chacun selon ses œuvres » a. Et ailleurs, après avoir dit : « Nous sommes partout la bonne odeur du Christ » il ajoute : « Et à l’égard de ceux qui se sauvent, et à l’égard de ceux qui se perdent b. » Il ne dit pas qu’il est la bonne odeur du Christ pour ceux qui se sauvent, et la mauvaise pour ceux qui se perdent : mais il dit qu’il est uniquement la bonne odeur. Or, ceux qui se sauvent, gagnés parla bonne odeur du Christ, meurent, ainsi que nous l’avons dit souvent, à cette disposition de l’âme qui doit faire place en eux à une volonté bonne inspirée par la grâce divine ; ils commencent alors à profiter des jugements de Dieu, qui font le malheur des cœurs dépravés. De là cette hymne sortie d’un cœur heureusement transformé : « Mon âme vivra et vous louera ; et vos jugements me soutiendront » c. Il ne dit pas : Vos bienfaits, ou Vos récompenses, mais vos jugements. Or c’est beaucoup de pouvoir dire avec une sincère confiance : « Éprouvez-moi, Seigneur, attentez-moi ; brûlez mes reins et mon cœur. » Et dans la crainte de paraître attribuer à ses forces quoi que ce soit, il se hâte d’ajouter : « Car votre miséricorde est devant mes yeux, et je me suis complu dans votre vérité d. » Il rappelle la miséricorde dont il a été l’objet, et qui l’a aidé à se conduire selon la vérité : c’est que « toutes les voies du Seigneur sont miséricorde et vérité e. »

XXV. (Ib 8, 19.) Les magiciens ne peuvent produire des moucherons : pourquoi ?

– Lorsque les magiciens dirent à Pharaon : « Le doigt de « Dieu est ici » réduits qu’ils étaient à l’impossibilité de produire des moucherons ; ils pensèrent assurément, tant ils connaissaient la puissance de leurs coupables artifices, que leurs efforts pour produire des moucherons avaient été rendus inutiles, non par un art semblable au leur, en ce sens que Moïse s’y serait montré supérieur à eux, mais par le doigt de Dieu, qui agissait en la personne de Moïse. Or, par le doigt de Dieu, on entend le Saint-Esprit, suivant le langage très-net de l’Évangile. Car, tandis qu’un Évangéliste fait dire au Seigneur : « Si je chasse les démons par le doigt de Dieu f » un autre Évangéliste, rapportant le même fait et voulant expliquer ce que c’est que le doigt de Dieu, se sert de ces expressions : « Si je chasse les démons par l’Esprit de Dieu g. » Bien que les magiciens, dont le pouvoir inspirait une extrême confiance à Pharaon, aient avoué alors que le doigt de Dieu était sur Moïse, par qui ils avaient été vaincus et réduits à l’impuissance, néanmoins le cœur de Pharaon s’endurcit d’une manière tout à fait étonnante. Mais pourquoi la défaite des magiciens à cette troisième plaie ?car les plaies commencèrent lorsque l’eau fut changée en sang. 2 est difficile de s’en rendre compte et d’en donner l’explication. Car ils pouvaient être frappés d’impuissance dès le premier prodige, celui du changement de la verge en serpent, et à la première plaie, lorsque l’eau fut changée en sang ; et à la seconde, celle des grenouilles, si le doigt de Dieu, c’est-à-dire, l’Esprit de Dieu, l’avait voulu. Quel est en effet l’homme assez insensé pour dire que le doigt de Dieu put arrêter les efforts des magiciens à ce prodige, et qu’il en fut incapable à ceux qui précédèrent ? Il y a donc certainement une raison pour laquelle ils ont eu la liberté d’opérer jusque-là des choses merveilleuses. Peut-être ceci a-t-il rapport à la Trinité : il est certain, et cela résulte de l’examen de leurs écrits, que les plus grands philosophes de la gentilité n’on point connu le Saint-Esprit, quoiqu’ils aient parlé du Père et du Fils : on trouve aussi cette remarque dans l’ouvrage de Didyme sur le Saint-Esprit
Didym.liv. 1 sur l’Esp. St.
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XXVI. (Ib 8, 21-23.) Les plaies d’Égypte ne s’étendaient pas sur la terre de Gessen.

– « Voici que j’envoie des mouches contre toi, contre tes serviteurs et contre ton peuple, et les maisons des Égyptiens en seront remplies ; afin que tu saches que je suis le Seigneur Dieu de toute la terre et je mettrai une séparation entre mon peuple et ton peuple. » Ce que l’Écriture observe ici, pour ne pas le répéter constamment, il faut le comprendre, s’est produit dans les miracles qui ont suivi ou précédé celui-ci : le pays habité par le peuple de Dieu ne fut affligé d’aucune de ces plaies. Mais il était convenable de placer franchement en cet endroit cette observation ; ici, en effet commencent les prodiges que les magiciens n’essayèrent pas même d’imiter : et très-certainement, c’est parce que les moucherons remplissaient tout le royaume de Pharaon, à l’exclusion de la terre de Gessen, que les magiciens s’efforcèrent, mais sans le moindre succès, d’en produire aussi dans cette dernière contrée. Tant que leur art n’a pas été en défaut, le texte sacré ne dit pas que la terre de Gessen ait été préservée, mais il signale la séparation des deux pays quand commencent les prodiges que les magiciens n’osèrent pas même imiter.

XXVII. (Ib 8, 25.) Permission dérisoire

– « Le texte latin porte : « Allez sacrifier au Seigneur votre Dieu dans ce pays » et le grec : « Venez sacrifier au Seigneur votre Dieu dans ce pays. » Car il ne voulait pas les laisser aller où ils demandaient ; mais il exigeait qu’ils offrissent leur sacrifice en Égypte. Ceci ressort évidemment de la réponse de Moïse : car il dit que cela ne peut se faire ; parce qu’ils seraient un objet d’abomination pour les Égyptiens.

XXVIII. (Ib 8, 26.) Les sacrifices des Israélites abominables aux yeux des Égyptiens.

– Ces paroles de Moïse : « Cela ne peut se faire ainsi : car nous sacrifierons au Seigneur notre Dieu les abominations des Égyptiens » signifient : Nous ferons des sacrifices odieux aux Égyptiens, par conséquent nous ne pouvons sacrifier parmi eux ; tel est le sens qui résulte clairement des paroles suivantes : « Car si nous sacrifions des abominations sous leurs propres yeux, nous serons lapidés. » Plusieurs de nos interprètes, se méprenant sur le sens de ce passage, l’ont traduit de cette manière : Cela ne peut se faire ainsi ; est-ce que nous sacrifierons au Seigneur notre Dieu ce qui est abominable aux yeux des Égyptiens ? Mais l’Écriture a précisément voulu dire que les Hébreux devaient immoler ce qui était une abomination pour les Égyptiens. D’autres encore parmi les latins traduisent : Cela ne peut se faire ainsi, parce que nous ne ferons pas au Seigneur notre Dieu des sacrifices que les Égyptiens considèrent comme abominables. L’addition de la particule négative constitue un contre-sens, puisque Moïse a dit : « Cela ne peut se faire ainsi ; car nous sacrifierons au Seigneur notre Dieu des abominations pour les Égyptiens » et s’ils exprimaient la volonté d’aller au désert, c’était afin que les Égyptiens ne fussent pas témoins de leurs abominations. Il faut voir ici le même sens mystérieux, que nous avons déjà signalé à propos des pasteurs, qui étaient détestés des Égyptiens i ; c’est le motif pour lequel les Israélites reçurent une contrée à part, quand ils vinrent en Égypte. Les sacrifices des Israélites sont un objet d’horreur pour les Égyptiens, comme la vie des justes pour les méchants.

XXIX. (Ib 8, 32.) L’endurcissement de Pharaon volontaire dans son principe.

– Après la disparition des sauterelles, il est dit de Pharaon « Mais en ce temps-là encore Pharaon endurcit son cœur, et ne voulut point permettre au peuple de s’en aller. » Cette fois à coup sûr nous ne lisons pas de cœur de Pharaon fut endurci, mais « Pharaon endurcit son cœur. » C’est ce qui arriva certainement à toutes les plaies. Les vices ont en effet leur principe dans la volonté de l’homme. Des causes, souvent les mêmes, meuvent les cœurs des hommes de différentes manières, les uns dans un sens, les autres dans un autre, chacun suivant les dispositions particulières, qui ont leur principe dans la volonté.

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