‏ Genesis 24

LXII. (Ib 24, 3.) Serment exigé par Abraham.

– L’ordre que donne Abraham à son serviteur de mettre sa main sous sa cuisse, et le serment qu’il lui fait prêter au nom du Seigneur Dieu du ciel, et du Seigneur de la terre, déconcertent ordinairement les lecteurs inhabiles ; ils ne remarquent pas qu’il y a ici une grande prophétie relative au Christ. Il est effectivement, le Seigneur Dieu du ciel et le maître de la terre, et il devait venir un jour dans une chair issue du sang d’Abraham.

LXIII. (Ib 24, 12-14.) En quoi la demande d’un prodige diffère de la consultation des augures.

— Il faut rechercher en quoi les auguresdéfendus différent de la demande d’un prodige, demande que fit le serviteur d’Abraham, lorsqu’il pria Dieu de lui montrer que la femme de son maître Isaac serait celle qui lui dirait, après qu’il aurait demandé à boire : « Bois tout d’abord, et je donnerai à boire à tes chameaux jusqu’à ce qu’ils cessent d’avoir soif. » Autre chose est de demander un miracle qui soit un vrai prodige ; autre chose est d’observer ce qui n’a rien de merveilleux et n’a de sens que dans la vaine et superstitieuse interprétation des devins. Mais encore, est-il permis de demander un prodige, pour être assuré de ce qu’on veut savoir ? Ce n’est pas là une petite question. Car, c’est le lieu de le dire, on convient que ceux qui font cela sans raison suffisante tentent Dieu. Lorsque le Seigneur lui-même fut tenté par le démon, il eut recours à ce témoignage des Écritures : « Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu a. » En effet, on lui demandait comme s’il eût été un simple mortel, de montrer par quelque preuve ce qu’il était, c’est-à-dire, la grandeur de son pouvoir auprès de Dieu : ce qui est en soi un mal. Mais il ne faut pas confondre avec cette tentation mauvaise la conduite de Gédéon, pressé d’engager la bataille avec l’ennemi b : il consultait Dieu dans cette circonstance plutôt qu’il ne le tentait. Achaz lui aussi, dans Isaïe, craint de solliciter un prodige, de peur de paraître tenter Dieu, au moment où le Seigneur lui donne par le prophète le conseil d’en demander un c. Il croyait sans doute que le prophète cherchait à savoir s’il se souvenait du précepte qui défend de tenter Dieu.

LXIV. (Ib 24, 37-38.) Des différences qui portent sur les mots, non sur la pensée.

– Le serviteur d’Abraham, racontant les ordres qu’il a reçus de son maître, dit qu’ils lui ont été donnés en ces termes « Tu ne prendras pas d’épouse pour mon fils parmi les filles des Chananéens, dans le pays desquels j’habite ; mais tu iras dans la maison de mon père, et dans ma tribu, et tu prendras là une épouse pour mon fils. » Or si l’on se rend compte de la manière dont tous ces ordres furent donnés on trouve que le sens est le même ; mais les paroles ne sont pas toutes identiques, ou sont rendues autrement. Je fais cette observation pour les sots et les ignorants, qui reprochent aux Évangélistes de ne pas s’accorder parfaitement dans quelques expressions, tandis que pour les choses et les pensées ils ne sont nullement en désaccord. Il n’y eut certainement qu’un seul auteur pour écrire ce livre ; et il aurait pu se relire pour se répéter textuellement, si la chose lui avait paru convenable : mais la vérité du récit ne porte que sur les choses et les pensées, et il suffit que la volonté, pour la manifestation de laquelle les paroles sont faites, soit comprise assez clairement.

LXV. (Ib 24, 41.) Serment et malédiction.

– Dans le discours où le serviteur d’Abraham expose les ordres de son maître, les exemplaires latins lui font dire : « Alors tu seras déchargé de mon serment, ou, de mon jurement » tandis que le grec porte : de ma malédiction. Orkos veut dire en effet serment, et ara malédiction ; d’où viennent kataratos ou epikataratos qui signifient maudit. Or on demande comment un serment peut être pris pour une malédiction ; n’est-ce point en ce sens que celui-là sera maudit qui contreviendra à son serment ?

LXVI. (Ib 24, 49.) Sur la miséricorde et la justice.

– « Si donc vous exercez la miséricorde et la justice envers mon maître, dites-le-moi. » Ici commencent à apparaître ces deux attributs divins, la miséricorde et la justice, toujours inséparablement unies dans les autres livres des saintes Écritures et principalement dans les Psaumes. Car miséricorde et vérité ont la même signification que miséricorde et justice.

LXVII. (Ib 24, 51.) Réponse de Bathuël à Eliézer.

– « Voici Rébecca devant toi ; prends-la et retourne ; qu’elle soit la femme du fils de ton maître, selon ce que le Seigneur a dit. » À quel moment le Seigneur a-t-il dit cela ? Les parents de Rébecca voyaient donc dans la personne d’Abraham un prophète, et ils acceptaient ce qu’il avait dit comme une parole prophétique inspirée de Dieu : ou bien, ce qu’ils entendaient nommer parole de Dieu, c’était le signe arrivé an serviteur du patriarche et rapporté par lui : cette dernière interprétation s’applique mieux à Rébecca. Ce qu’avait dit Abraham n’avait pas effectivement Rébecca pour objet, mais une femme quelconque de sa tribu ou de sa parenté ; et dans l’un et l’autre cas, le serviteur devait être déchargé de son serment, s’il n’obtenait pas ce qu’il demandait. Or on ne parle pas ainsi, quand on prophétise quelque chose. Car la certitude est une condition de la prophétie.

LXVIII. (Ib 24, 60.) Adieux, faits à Rébecca par ses frères.

– Quand les frères de Rébecca lui disent à son départ : « Tu es notre sœur ; sois la mère de mille milliers d’enfants ; que ta postérité possède l’héritage et les villes de ses ennemis » ils ne prophétisent point ; ces souhaits magnifiques ne leur sont pas non plus inspirés par l’orgueil ; mais ils ne purent ignorer les promesses que Dieu avait faites à Abraham.

LXIX. (Ib 24, 63.) Exercice d’Isaac.

– Il est écrit : « Isaac sortit vers le milieu du jour dans la campagne pour s’exercer. » Ceux qui ne connaissent pas le mot qui correspond dans le grec, croient que cette expression exerceri marque un exercice du corps. Mais le grec porte adoleskhesai ; or, adoleskhein s’entend d’un exercice de l’esprit et généralement en mauvaise part ; souvent néanmoins l’Écriture prend ce terme en bonne part. Les uns le traduisent par exercice ; les autres, par causerie, sorte de verbiage, mot qui, dans la langue latine, ne se retrouve jamais ou presque jamais employé en bonne part ; mais, comme je l’ai dit, presque toujours il est pris en bonne part dans l’Écriture et je crois que cette expression signifie l’état d’une âme profondément absorbée dans la méditation et y trouvant ses délices. Ceux qui entendent mieux le grec y verront peut-être un sens préférable.

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