‏ Genesis 35

CX. (Ib 35, 1.) Apparitions de Dieu à Jacob.

– « Or Dieu dit à Jacob : Lève-toi et monte à Bethel, et demeure en cet endroit : et dresse là un autel au. Dieu qui t’apparut, lorsque tu fuyais devant ton frère Esaü. » Pourquoi Dieu ne dit-il pas : Dresse là un autel pour moi, qui t’apparus ? Pourquoi dit-il : « Dresse là un autel au Dieu qui t’apparut ? » Serait-ce le Fils qui se fit voir à Jacob et le Père qui tient ce langage ? Ou bien est-ce une manière quelconque de s’exprimer ?

CXI. (Ib. XXXV, 2) Amulettes des idoles.

– Sur le point de monter à Bethel, où un autel devait être dressé par ses soins, Jacob dit à sa maison et à tous ceux de sa suite : « Jetez loin de vous les dieux étrangers qui sont au milieu de vous, etc. » Il est dit encore plus loin : « Et ils donnèrent à Jacob les dieux étrangers qui étaient entre leurs mains, et les pendants attachés à leurs oreilles. » On demande pour quoi : et les pendants d’oreilles ? S’ils servaient comme des ornements, ils n’avaient point de rapport à l’idolâtrie : ne faut-il donc pas croire que ces pendants étaient des amulettes des dieux étrangers ? L’Écriture dit en effet que Rébecca reçut des pendants d’oreilles du serviteur d’Abraham : ce qui n’eût pas eu lieu, s’il avait été défendu de porter des pendants-d’oreilles comme ornements. Les pendants d’oreilles qui furent apportés, comme on l’a dit, avec les idoles, étaient donc des amulettes des idoles.

CXII. (Ib 35, 5.) Comment Dieu agit sur l’esprit des hommes.

– « Et la crainte de Dieu se répandit dans les villes d’alentour, et l’on ne poursuivit point les enfants d’Israël. » Remarquons, à partirde cet endroit, comment Dieu agit sur l’esprit des hommes. Car à qui attribuer la crainte de Dieu répandue sur ces villes, si ce n’est à celui qui se montrait fidèle à ses promesses envers Jacob et ses enfants ?

CXIII. (Ib 35, 6.) Changement de noms.

– « Or, Jacob vint à Luza, qui est la même que Bethel, dans la terre de Chanaan. » Observons ici les trois noms déjà donnés à cette ville : Ulammaüs, le premier nom qu’elle portait, a-t-il été dit, lorsque Jacob y vint en se rendant en Mésopotamie a ; Bethel, nom qu’il lui donna lui-même b et qui signifie Maison de Dieu ; et enfin Luza, qu’on vient de rappeler. Ce fait ne doit pas étonner ; car il arrive dans beaucoup de pays, et pour des raisons différentes, que des fleuves, d’autres objets et les hommes eux-mêmes, ajoutent à leurs noms, ou en prennent de nouveaux.

CXIV. (Ib 35, 9-10.) Sur le nom d’Israël donné à Jacob.

– Dieu apparut encore à Jacob, à Luza, et lui dit : « Tu ne seras plus nommé Jacob, mais Israël sera ton nom. » C’est pour la seconde fois que Dieu adresse ces paroles à Jacob en le bénissant, et c’est ainsi qu’il confirme.lagrande promesse attachée à ce nom. Voici un fait remarquable : ceux auxquels on a donné même une seule fois un nom nouveau ne portent plus leur ancien nom ; le nouveau qu’ils ont reçu est le seul absolument qui leur soit donné. Au contraire, et durant toute sa vie, et dans la suite, Jacob porta son premier nom, quoique Dieu lui ait dit à plusieurs reprises « Tu ne t’appelleras plus Jacob, mais Israël sera ton nom c. » Il s’ensuit donc que ce nom a rapport à la promesse que Dieu fait, de se montrer un jour autrement qu’il ne s’est fait voir aux Patriarches. Alors il n’y aura plus de noms anciens ; car tout sera renouvelé, même dans le corps ; et la vision de Dieu sera la – suprême récompense.

CXV. (Ib 35, 11.) Que signifie : Des peuples.etdes multitudes de peuples ?

– Il est dit dans les promesses faites à Jacob : « Des peuples et des multitudes des peuples sortiront de toi. » Des peuples selon la chair, et des multitudes de peuples selon la foi : est-ce là le sens de ces expressions ? ou bien chacune d’elles a-t-elle rapport à la foi des gentils, dans le cas où le peuple d’Israël selon la chair ne pourrait, à lui seul, être désigné sous le nom de peuples ?

CXVI. (Ib 35, 13-15.) Jacob imitait-il les idolâtres, en élevant des monuments ?

– « Dieu remonta du lieu où il s’était entretenu avec lui : « et Jacob éleva, dans le lieu où il avait parlé avec Dieu, un monument de pierres, sur lequel il offrit du vin et répandit de l’huile ; et Jacob appela Bethel, le lieu où Dieu s’entretint avec lui. » Ce qui s’était déjà fait s’est-il reproduit ici ? Ou bien est-ce le même évènement qu’on rappelle ? Quoi qu’il en soit, ce n’est pas à la pierre, mais sur une pierre, que Jacob offrit un sacrifice. Il n’imita donc pas les idolâtres, qui dressent des autels devant des pierres, et sacrifient à des pierres comme à des dieux.

CXVII. (Ib 35, 26.) Benjamin naquit-il en Mésopotamie ?

1. Après le dénombrement des douze enfants d’Israël, il est dit : « Ce sont là les fils qui naquirent à Israël en Mésopotamie » et pourtant Benjamin ne vint au monde que longtemps après, quand Jacob eut quitté Bethel pour aller à Bethléem. Quelques interprètes s’efforcent inutilement de trancher cette question, en disant qu’il ne faut pas lire : natisunt, comme portent la plupart des exemplaires latins, mais factisunt, conformément au texte grec egenonto. D’après ce sentiment, Benjamin ne serait pas né en Mésopotamie, mais il y aurait été formé ; il aurait été en germe au sein maternel, et Rachel serait sortie de la contrée, le portant déjà en elle. Mais on en pourrait dire autant, si on lisait : natisunt; car Benjamin était né déjà au sein maternel, puisqu’il était conçu. C’est ainsi qu’il est dit à Joseph, au sujet de sainte Marie : « Car ce qui né en elle, vient de l’Esprit-Saint d. »

2. Mais il est une chose qui rend inadmissible cette solution : c’est que si Benjamin était déjà conçu dans ce pays, les aînés de Jacob pouvaient avoir à peine douze ans. En effet Jacob y passa vingt ans, les sept premières années sans être marié, et il n’obtint de l’être, que par ses services. Si donc il lui vint un fils la première année de son mariage ; étant l’aîné de la famille, celui-ci pouvait avoir douze ans quand il partit de Mésopotamie. Et si Benjamin était déjà conçu, tout ce grand voyage, ainsi que tout ce qui est écrit sur le voyage, s’est accompli dans l’espace de deux mois. Il s’ensuit que les enfants de Jacob étaient bien jeunes quand, pour leur sœur Dina, ils ont fait tant de carnage, tué tant de monde, et pris la ville comme il est dit ; que deux, d’entre eux, Siméon et Lévi, qui l’épée à la main sont parvenus les premiers jusqu’à ces hommes et les ont luis à mort, se trouvaient âgés l’un de onze et l’autre de dix ans, leur mère eût-elle eu sans interruption, un enfant chaque année. Mais il est incroyable que des enfants de cet âge aient pu faire tout cela, quand d’ailleurs Dina elle-même avait à peine six ans.

3. Il faut donc une solution différente. Si après le dénombrement des douze fils, il est dit : « Tels sont les fils de Jacob, qui lui vinrent en Mésopotamie de Syrie » c’est parce que entre tous les membres de cette famille si nombreuse, il n’y en eut qu’un seul qui n’était pas né en ce pays. Dans un sens néanmoins il y reçut le principe de son existence, car ce fut là que sa mère s’unit à son père. Mais cette solution doit s’appuyer sur quelque exemple de locution semblable.

4. Il n’y a pas de moyen plus facile de la résoudre que de l’expliquer par l’emploi de la synecdoche. En effet là où une partie est plus grande ou plus importante, on comprend ordinairement, sous son nom, même ce qui ne s’y rapporte pas. Ainsi Judas étant mort avant la résurrection du Seigneur, n’était plus du nombre des douze Apôtres, et cependant l’Apôtre conserve ce nombre douze dans son Epître, quand il dit qu’il apparut aux douze e. – Les exemplaires grecs portent en effet l’article
Le grec porte : toisdodeka, douze, et la vulgate, undecim, onze.
, et ne permettent pas de croire que c’était douze hommes quelconques, mais bien les Apôtres que leur nombre même rend célèbres entre tous. Il me semble que c’est dans le même sens que le Seigneur a dit : « Ne vous ai-je pas choisis au nombre de douze ? et cependant l’un de vous est un démon g » pour faire voir que celui-ci ne faisait point partie des apôtres de son choix. Il serait difficile en effet de montrer le nom d’élu, de choisi, pris dans un mauvais sens, excepté quand les méchants choisissent les méchants. Si nous pensons que ce Judas a été choisi pour amener la passion du Seigneur par le moyen de sa trahison, c’est-à-dire, que sa malice a été choisie dans un but déterminé ; Dieu sachant faire servir au bien les méchants mêmes, il faut faire attention à cette autre parole du Fils de Dieu : « Je ne parle pas de vous tous ; je sais ceux que j’ai choisis h » car il déclare ici que les bons seuls font partie de l’élection. Ces mots : « Je vous ai choisis au nombre de douze » ont donc été dits par synecdoche ; sous le nom de la partie la plus grande et la meilleure se trouve renfermé ce qui n’appartient même pas à ce nombre.

5. De même dans ce livre de la Genèse, quand Emmor vient parler à Jacob et lui demander sa fille Dina pour son fils Sichem, les fils du patriarche, qui étaient absents, étant arrivés, Emmor dit à tous : « Mon fils Sichem a choisi votre fille par affection : donnez-la-lui donc pour épouse i. » La personne du père étant la plus vénérable, il dit : votre fille par synedoche, et dans cette expression il comprend les frères eux-mêmes, dont certes elle n’était pas la fille. On explique de même ce passage : « Cours vers les brebis, et rapporte m’en deux chevreaux. » Les brebis et les chevreaux paissaient ensemble ; mais comme les brebis étaient la portion principale du troupeau, l’interlocuteur a compris en même temps les chèvres sous le nom des brebis. Ainsi, parce que le nombre des onze enfants de Jacob, qui naquirent en Mésopotamie, était le plus considérable, l’Écriture, après avoir parlé d’eux, fait entrer dans ce nombre Benjamin, qui n’y était pas né, et elle dit : « Ce sont là les enfants de Jacob, qui naquirent en Mésopotamie de Syrie. »

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