Genesis 46
CXLIX. (Ib 46, 6-7.) Que signifie ses filles et les filles de ses filles ? – « Jacob entra en Égypte avec toute sa famille, avec ses fils et les fils de ses fils, ses filles et les filles de ses filles. » Pourquoi : « ses filles et les filles de ses filles » puisque nous lisons qu’il n’en eut qu’une seule ? Nous avions dit plus haut qu’on pouvait parfaitement sous ce nom de filles entendre les petites-filles de Jacob, comme on dit tous les enfants d’Israël pour tout le peuple sorti de lui. Mais maintenant quand l’Écriture dit : les filles de ses filles, quoique Jacob n’ait eu que Dina, elle emploie le pluriel pour le singulier, comme par fois elle emploie le singulier pour le pluriel. On pourrait dire encore cependant que le nom de filles est donné ici aux belles-filles : les belles-filles de Jacob. CL. (Ib 46, 15.) Que faut-il entendre par les âmes sorties de Jacob ? – L’Écriture disant que Lia enfanta tant d’âmes ou que tant et tant d’âmes sont sorties de Jacob, il faut voir ce qu’il convient de répondre sur ce texte à ceux qui s’en emparent ; pour soutenir que les parents engendrent à la fois et les âmes et les corps. Que l’on dise : les âmes pour les hommes, la partie étant prise pour tout, nul ne le conteste. Mais la partie employée pour le tout, l’âme seule nommée et mise pour signifier l’homme tout entier, comment la séparer dans ces mots : Ces âmes sortirent de Jacob, et conclure qu’il ne donna naissance qu’au corps ? Il faut avoir égard aux manières de parler propres à l’Écriture. CLI. (Ib 46, 15.) Sur les trente-trois âmes de Lia en Mésopotamie. – « Ce sont là les fils que Lia eut de Jacob en Mésopotamie de Syrie avec Dina sa fille ; ses fils et sa fille étaient en tout trente-trois âmes. » Comment ces trente-trois âmes sont-elles toutes nées de Lia en Mésopotamie de Syrie ? Assurément il n’est question ici que des six fils de Lia et de son unique fille, desquels sont issus les petits-fils mentionnés en même temps. Si donc une objection s’était élevée déjà au sujet du seul Benjamin, lorsque l’Écriture, après avoir énuméré les douze enfants de Jacob et les avoir cités nommément ajoute : « Ce sont là les enfants qui vinrent à Jacob eu Mésopotamie de Syrie ; n à combien plus forte raison faudrait-il maintenant demander comment ces trente-trois âmes ont pu naître de Lia en Mésopotamie de Syrie. Mais la même locution reproduite dans ces deux passages nous autorise à admettre que dans l’Écriture tous les enfants sont considérés comme originaires du pays où sont nés leurs parents. Il est également hors de doute que l’on dit ici les filles pour la fille, et que le pluriel est mis pour le singulier. CLII. (Ib 46, 26-27.) Sur le nombre des personnes qui accompagnèrent Jacob en Égypte. — Quand on lit que soixante-six âmes entrèrent avec Jacob en Égypte non compris les enfants de Joseph et qu’après les avoir énumérées, l’Écriture ajoute : « Les âmes avec lesquelles Jacob entra en Égypte étaient au nombre de soixante-quinze » il faut entendre ce passage en ce sens : les âmes qui étaient dans la maison de Jacob lorsqu’il était en Égypte. Il est évident en effet qu’il n’y entra pas avec ceux qu’il y trouva. Mais comme en recherchant exactement la vérité on se convainc qu’à son arrivée Ephrem et Manassés étaient déjà nés tous deux : car les exemplaires hébreux en font menton en cet endroit et la version des Septante l’affirme au livre de l’Exode, les Septante, en complétant le nombre, n’ont pas ce me semble commis d’erreur. Il suffit pour les justifier que Jacob vécut encore quand, de ses deux fils Manassés et Ephrem, naquirent ceux qu’ils ont jugé à propos d’ajouter au dénombrement de sa famille, usant dans cette circonstance pour quelque raison mystérieuse d’une sorte de liberté prophétique. Toutefois, comme il est constant que Jacob vécut dix-sept ans en Égypte a, on ne voit pas comment les fils de Joseph purent avoir des petits-enfants du vivant de leur aïeul. En effet Jacob entra en Égypte la seconde année de la famine b, et Joseph eut ses deux fils dans les années d’abondance. Or quelle que soit l’année d’abondance à laquelle on rapporte leur naissance ; on compte neuf années depuis la première année d’abondance jusqu’à la seconde année de disette, dans laquelle Jacob entra en Égypte ; en ajoutant à ces neuf années les dix-sept années que Jacob y vécut on trouve en tout vingt-six années. Comment donc des jeunes gens âgés de moins de vingt-six ans ont-ils pu avoir de petits-enfants ? Il n’y a rien, même dans le texte hébreu, qui donne la clef de cette question. De plus comment Jacob, avant son entrée en Égypte put-il avoir tant de petits-enfants, même de Benjamin qui avait le même âge quand il vint auprès de son frère ? Or l’Écriture ne dit pas seulement qu’il eut des fils, mais des petits-fils et un arrière-petit-fils, qui tous ensemble forment le nombre de soixante-six personnes, avec lesquelles Jacob entra en Égypte, même selon le texte original. Pourquoi encore, après qu’il est dit que Joseph et ses fils n’étaient pas plus de huit et que Benjamin et ses fils étaient au nombre die onze personnes, voyons-nous que ces deux nombres réunis, onze et huit, ne font pas dix-neuf, mais qu’on compte dix-huit personnes en tout ? et pourquoi ensuite est-il dit que Joseph et ses fils formaient non pas huit âmes, mais neuf, tandis qu’on n’en trouve que huit c ? Toutes ces particularités, qui semblent inexplicables, ont, il ne faut pas en douter, une profonde raison d’être ; mais je ne sais s’il est possible de tout expliquer littéralement, surtout les nombres, qui à en juger par plusieurs dont nous avons pu pénétrer le sens, sont certainement très dignes de respect et remplis des mystères les plus profonds. CLIII. (Ib 46, 32.) Pourquoi l’Écriture loue dans les Patriarches la profession, de pasteurs de troupeaux. – On loue dans les Patriarches la profession de pasteurs de troupeaux, qu’ils ont exercée depuis leur enfance et sous les yeux de leurs parents. Et c’est à boa droit : car, lorsque les animaux obéissent à l’homme, et que l’homme leur commande, cette obéissance d’une part et ce commandement de l’autre sont assurément justes. Aussi Dieu dit-il en créant l’homme Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblante et qu’il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel et sur tous les animaux de la terre d. » Ces paroles donnent à entendre que la raison doit avoir l’empire sur tout ce qui n’est point raisonnable. Mais que l’homme devienne l’esclave de l’homme, c’est le péché ou l’adversité qui en sont la cause le péché suivant ces paroles : « Chanaan sera maudit, il sera le serviteur de ses frères e » l’adversité, comme il arriva même à Joseph, qui, vendu par ses frères, devint l’esclave d’un étranger f. C’est pourquoi les premiers esclaves, ceux pour qui la langue latine créa ce nom, furent des victimes de la guerre. L’homme vaincu par son semblable, pouvait, en vertu du droit de la guerre, être mis à mort ; conservé à la vie, servatus, il fut appelé esclave, servus ; on lui donna aussi le nom de mancipium, parce qu’il avait été t’ait captif à main armée. L’ordre naturel veut aussi que dans la société les femmes obéissent aux maris, et les enfants aux parents : il est juste, en effet, que la raison la plus faible se soumette à la raison la plus forte. En fait de commandement et d’obéissance, il est donc évidemment de la justice que ceux qui l’emportent par la raison, l’emportent aussi par le commandement : et quand cet ordre est troublé en ce monde, soit par l’iniquité de l’homme, soit par les différentes espèces d’animaux, les justes supportent ce dérèglement dans le temps, assurés qu’ils jouiront dans L’éternité d’un bonheur parfaitement conforme à l’ordre. CLIV. (Ib 46, 34.) Les Égyptiens, figure du monde présent. — « Car tout pasteur de brebis est un objet d’abomination pour les Égyptiens. » Que les Égyptiens, figure du siècle présent où abonde l’iniquité, aient en abomination tous les pasteurs de troupeaux, c’est dans l’ordre : car le juste est un sujet d’abomination pour le méchant.
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