‏ Joshua 24

XXVIII. (Ib 24, 19.)Les Israélites présumèrent d’eux-mêmes plutôt que de la miséricorde de Dieu. – Que signifient ces paroles de Josué au peuple : « Vous ne pouvez servir le Seigneur, parce que c’est un Dieu saint ? » Veut-il dire que la fragilité humaine ne peut monter, pour ainsi parler, au niveau de la Sainteté divine par une fidélité irréprochable ? Après avoir entendu Dieu, les Israélites auraient dû non-seulement choisir son service, mais encore mettre toute leur confiance dans son secours et sa miséricorde : il était bien pénétré du besoin de cette miséricorde, celui qui s’exprime ainsi dans les psaumes : « N’entrez pas en jugement avec votre serviteur, parce « que nul être vivant ne sera trouvé juste en votre présence a. » Mais les Israélites aimèrent mieux présumer d’eux-mêmes et croire qu’ils pouvaient demeurer irréprochables dans le service de Dieu ; ils commencèrent dès lors à vérifier cette parole de l’Apôtre qui les peint : « Ne connaissant point la justice de Dieu, et s’efforçant d’établir la leur propre, ils ne se sont « point soumis à la justice de Dieu b. » Ainsi la Loi survenait déjà, pour eux, afin de donner lieu à l’abondance du péché, et ensuite à la surabondance de la grâce par Jésus-Christ, qui est la fin de la Loi pour la justification de tous ceux qui croient en lui c.

XXIX. (Ib 24, 23.) Défense de conserver les idoles. – Que signifient encore ces autres pales de Josué au peuple : « Maintenant donc ôtez les dieux étrangers qui sont parmi vous, et tournez vos cœurs vers le Seigneur Dieu d’Israël ? » Il ne faut pas croire que les Israélites aient conservé parmi eux quelque idole des nations, puisque Josué vient de faire l’éloge de leur obéissance ; et s’ils en avaient eus encore, après les menaces effrayantes de la Loi, qu’ils auraient été favorisés de tant de bienfaits ; puisque le larcin, commis par un d’entre eux dans les dépouilles livrées à l’anathème, attira sur le peuple un châtiment si terrible. Jacob tint le même langage à ceux qui vinrent avec lui de la Mésopotamie, où le culte des idoles était tellement en vigueur, que Rachel déroba celles de son père d ; mais quand Jacob eut parlé, chacun lui donna celles qu’il possédait e : voyant bien par ses paroles que le patriarche n’ignorait pas qu’ils en avaient. Au contraire nul Israélite n’en porta après l’avertissement de Josué. On ne doit pourtant pas croire que son commandement fût inutile ; car il ne dit point : s’il y a des dieux étrangers parmi vous, faites les disparaître ; mais avec toute l’autorité que donne une science certaine : « Ôtez, dit-il, les idoles qui sontparmi vous. » Le saint Prophète discernait par conséquent dans leurs cœurs des pensées peu convenables sur Dieu, et il les avertissait de les en arracher. Car quiconque s’imagine Dieu tel qu’il n’est pas, porte assurément dans son cœur un Dieu faux et étranger. Or, quel est celui qui s’imagine Dieu tel qu’il est ? C’est donc un devoir pour les fidèles, tant qu’ils sont éloignés du Seigneur f, d’arracher de leurs cœurs les vains fantômes qui s’y pressent et leur représentent Dieu avec des imperfections qui ne peuvent lui être attribuées ; ils doivent encore avoir soin de tourner leurs cœurs vers lui, afin qu’il se fasse connaître à eux par son Esprit, dans la mesure et de la manière qu’il sait nous convenir, jusqu’à ce que toute erreur disparaisse, car il est écrit : « Tout homme est sujet à l’erreur g » et non-seulement, jusqu’à ce que toute erreur impie disparaisse, mais même les apparences et les énigmes, et qu’il nous soit ainsi donné de le connaître face à face, comme nous sommes connus de lui ; ce sont les expressions de l’Apôtre : « Nous voyons maintenant, dit-il, comme en un miroir et en énigme, mais alors nous le verrons face à face : je le connais maintenant d’une manière imparfaite ; mais alors je le connaîtrai comme je suis connu de lui h. »

XXX. (Ib 24-27.)

1. Significations mystérieuses de la pierre placée par Josué sous un térébinthe. – « Josué fit alliance avec le peuple en ce jour-là, et lui donna la Loi et la justice à Silo, devant le tabernacle du Seigneur Dieu d’Israël. Et il écrivit ces paroles dans le livre de la Loi de Dieu ; et il prit une grande pierre qu’il plaça sous un térébinthe en présence du Seigneur. Et il dit au peuple : Voilà que cette pierre vous servira de témoignage, parce qu’elle a entendu toutes les paroles que le Seigneur vous a dites aujourd’hui, et elle.vousservira de témoignage jusqu’aux jours les plus reculés, quand vous mentirez au Seigneur votre Dieu. » Quiconque entend ces ; expressions, non point d’une manière superficielle, mais en allant plus à fond, doit croire que ce grand homme ne fut pas assez inepte pour imaginer qu’une pierre inanimée pût entendre les paroles de Dieu à son peuple ; lors-même que le ciseau de l’ouvrier lui eût donné la forme d’un homme, elle n’aurait mérité que d’être rangée parmi ces idoles dont le Psalmiste a dit : « Elles ont des oreilles et n’entendent point i. » Pour être de pierre, les idoles des nations n’entendent pas plus que si elles étaient d’or ou d’argent. Mais cette pierre figure certainement « la pierre de scandale, celle contre laquelle se sont heurtés les Juifs incrédules j : » pierre mystérieuse « que les architectes ont rejetée, mais qui est « devenue la pierre capitale de l’angle k. » Elle fut également signifiée par ce rocher d’où jaillit, d’un coup de verge, l’eau qui désaltéra le peuples l : or parlant de cette eau du rocher, l’Apôtre a dit : « Nos pères buvaient à cette pierre spirituelle qui les accompagnait, et cette pierre était Jésus-Christ m. » C’est pour la même raison que cet illustre chef du peuple hébreu prit des couteaux de pierre pour la circoncision, et ces couteaux furent ensevelis avec lui dans son tombeau, comme un symbole mystérieux des biens réservés à la postérité. Ce qui est dit de cette pierre visible, placée sous un arbre par Josué, doit donc s’entendre dans le sens spirituel, et c’est ainsi qu’il témoignera à l’avenir contre ces Juifs infidèles, c’est-à-dire, menteurs, dont parle le Psalmiste : « Les ennemis de Dieu lui ont rendu un culte menteur n. » – Quoique Moïse, le serviteur de Dieu, ou plutôt Dieu lui-même par son intermédiaire, eût déjà donné au peuple l’Alliance qui était placée dans l’arche, appelée pour cette raison l’Arche d’Alliance, et dans les livres de la Loi, si pleins de mystères et de prescriptions ; cependant ce n’est pas sans raison que nous lisons dans ce passage : « Josué fit alliance avec le peuple en ce jour-là. » Cette nouvelle alliance symbolise, en effet, le nouveau Testament ; nous trouvons le même symbole dans le Deutéronome, qui veut dire Seconde Loi, et dans les secondes tables qui remplacèrent les premières o. Ainsi nous voyons figuré par plusieurs types ce qui n’a été accompli que d’une seule manière. Quant au térébinthe, sous lequel fut placée la pierre, il signifie la même chose que la verge appliquée au rocher, pour en faire sortir de l’eau : ici en effet, nous retrouvons encore le bois avec la pierre. Or, la pierre a été placée dessous, parce que Notre-Seigneur n’aurait pas été élevé sur la Croix, s’il ne s’était soumis et abaissé ; ou parce que le mystère était encore voilé, quand Josué accomplissait cette œuvre symbolique. Enfin le térébinthe, cet arbre que désignent ici les Septante, quoique, selon d’autres interprètes, ce fût un chêne, distille des larmes médicinales.

2. Ce n’est point par malice, mais par, faiblesse, que les Israélites n’observèrent point strictement le commandement au Seigneur. – Il est étonnant, sans doute, que Josué, cet homme de Dieu, n’ait pas, du moins dans les dernières paroles qu’il adressa au peuple, fait un reproche aux Israélites d’avoir épargné les nations, condamnées par Dieu à l’anathème et à l’extermination. Voici en effet ce qui est écrit : « Lorsque les enfants d’Israël se furent fortifiés, ils soumirent ces Chananéens à leur obéissance, mais ils ne les exterminèrent pas entièrement p. » L’Écriture, il est vrai, atteste qu’ils en furent incapables d’abord ; mais dans la suite, quand ils purent se les rendre tributaires, ils désobéirent certainement au Seigneur en ne les exterminant pas : faute dont Josué ne se rendit jamais coupable, tant qu’il fut à la tête de l’armée. Pourquoi donc dans le dernier discours qu’il leur adressa omit-il de leur en faire un reproche ? Comme l’Écriture dit qu’ils n’en étaient point capables auparavant, c’est-à-dire, tant qu’ils ne furent pas en force, ne doit-on pas croire qu’ils craignirent, même après s’être fortifiés, de soulever contre eux, par une rigueur intempestive, et de pousser au désespoir, des nations disposées à se soumettre, et dont ils n’auraient pu triompher ? Le Seigneur ne voulut donc point leur faire un crime de cette crainte humaine dans laquelle se trahit un certain manque de foi ; si cette foi avait été plus forte, la guerre aurait eu alors les mêmes conséquences qu’au temps où Josué commandait. Mais, comme elle ne fut pas aussi grande, même après qu’ils furent devenus supérieurs en force à l’ennemi, ils n’osèrent, gagnés par la peur, entreprendre contre eux une guerre d’extermination. Cette peur inspirée, non par la méchanceté, ni par l’orgueil ou le mépris du commandement divin, mais par une faiblesse de volonté, Dieu, ainsi que je l’ai dit, ne voulut pas la leur imputer, lorsqu’il leur donna d’entendre Josué pour la dernière fois. L’Apôtre s’est inspiré de la conduite de Dieu, quand il a dit : « Alexandre, l’ouvrier en cuivre, m’a fait beaucoup de mal : le Seigneur lui rendra selon ses œuvres q. » Puis, venant à ceux qui l’avaient abandonné dans le péril, non par malice mais par crainte : « La première fois, dit-il, que j’ai défendu ma cause, nul ne m’a assisté, mais tous m’ont abandonné : que cela ne leur soit point imputé r. »

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