Judges 1
LIVRE SEPTIÈME.
QUESTIONS SUR LES JUGES.
Cette traduction est l’œuvre de M. l’abbé POGNON PREMIÈRE QUESTION. (Juges. I.) Introduction. – Vers la fin du livre de Josué, l’histoire poursuit succinctement son récit jusqu’au temps où les enfants d’Israël tombèrent dans l’idolâtrie. Dans le livre des Juges, on reprend l’ordre et le détail des événements qui suivirent la mort de Josué. Ce livre ne commence donc pas à l’époque de la chute des Israélites dans l’idolâtrie, mais à une époque antérieure, dans le cours de laquelle s’accomplirent les évènements qui précédèrent cette défection. II. (Ib 1, 1-3) La tribu de Juda et la tribu de Siméon marchent seules contre les Chananéens. – « Et ceci : arriva après la mort de Josué les enfants d’Israël interrogeaient le Seigneur, disant qui marchera avec nous comme chef de guerre pour combattre le Chananéen ? Et le Seigneur dit : Juda marchera, voici que j’ai livré le pays en ses mains. » Ici on demande si c’est un homme en particulier qui est appelé Juda, ou si c’est la tribu qui est, suivant l’usage, désignée par ce nom. Ceux qui consultaient le Seigneur après la mort de Josué demandaient un chef ; ce qui fait penser qu’il serait question d’un homme : mais comme l’Écriture n’est pas dans l’usage de désigner les chefs nouvellement établis sans rappeler en même temps leur origine et leurs ancêtres, et qu’on sait d’ailleurs qu’après la mort de Josué, le peuple d’Israël eut des chefs dont le premier fut Othoniel fils de Cénez, on est plus fondé à voir ici sous le nom de Juda, la tribu de Juda. Le Seigneur voulut que cette tribu commençât l’extermination des Chananéens, et comme le peuple demandait un chef, Dieu par sa réponse fit comprendre qu’il ne voulait pas que la nation en masse prit les armes contre les Chananéens ; c’est pourquoi il dit : «Juda marchera. » L’Écriture poursuit en ces termes : « Et Juda dit à Siméon son frère » c’est-à-dire, la tribu de Juda à la tribu de Siméon. À cette époque en effet les deux enfants de Jacob, connus parmi leurs frères sous les noms de Juda et de Siméon, n’étaient plus en vie ; c’est la tribu de Juda qui dit à la tribu de Siméon : « Marche avec moi à la conquête de ce qui m’est échu par le sort, et nous ferons la guerre aux Chananéens, et moi je marcherai également avec toi pour te mettre en possession du pays que le sort t’a donné. » Il est évident que la tribu de Juda a réclamé l’appui d’une autre tribu, promettant à celle-ci de lui rendre le même service, quand elle en aurait besoin, pour sa prise de possession. III. (Ib 1, 9-12.) Événements racontés par anticipation. – « Et Caleb dit : À celui qui attaquera la Cité des lettres et s’en emparera je donnerai ma fille Axa pour épouse. » Ce fait a été mentionné déjà au livre de Josué a ; mais on demande avec raison s’il arriva du vivant de Josué et se trouve rappelé ici par mode de récapitulation ; ou bien s’il eut lieu après la mort de ce chef, quand Dieu eut dit : « Juda marchera » et que Juda en effet eut entrepris la guerre contre les Chananéens, guerre dans laquelle l’événement est placé parle récit. Il est plus probable que les choses se passèrent après la mort de Josué, et qu’elles ont été, comme d’autres, rapportées d’abord par anticipation. En effet, on expose ici les combats livrés aux Chananéens par la tribu de Juda. Parmi les autres exploits de cette tribu, dont après la mort de Josué le Seigneur avait dit : « Juda marchera ; » le récit renferme ce qui suit : « Et ensuite les enfants de Juda descendirent pour combattre les Chananéens qui habitaient dans le pays des montagnes, vers le midi et dans la plaine. Et Juda s’avança contre le Chananéen qui habitait à Hébron, et le Chananéen sortit d’Hébron à sa rencontre. Or, le nom d’Hébron était Chariat Harbo Sepher. Et il défit Sésaï, et Achiman et Cholmi enfants d’Enac, et de là on marcha contre les habitants de Dabir. Or, Dabir était autrefois le nom de la Cité des lettres. Et Caleb dit : À celui qui attaquera la Cité des lettres, et s’en emparera, je donnerai ma fille pour épouse. » L’ensemble de ce récit montre avec évidence que ces événements arrivèrent après la mort de Josué. Mais en rapportant que ces villes furent données à Caleb, l’historien devançant l’avenir expose par occasion ce qui arriva ensuite. Cependant je pense que l’Écriture a en quelque raison de rapporter à deux reprises que la fille de Caleb fut donnée en récompense au vainqueur. IV. (Ib 1,14-15.) Récits concordants dit livre de Josué et du livre des Juges. – À propos de la fille de Caleb on soulève une autre question. Au livre de Josué, il est ainsi parlé d’elle : « Et comme elle se mettait en chemin, elle tint conseil avec lui, (son mari Othoniel) disant : « Je demanderai un champ à mon père. Et de dessus son âne, elle éleva la voix » elle reste ; elle demande à son père un champ, et l’obtient b. Ici, au livre des Juges, il est dit : « Et comme il (son mari) se mettait en chemin, Othoniel l’avertit de demander un champ à son père. » Là il est dit : « Comme elle se mettait en chemin ; » Ici : « comme il se mettait en chemin ; » mais il n’y a pas contradiction : l’un et l’autre s’étaient mis en route en même temps. Là, au livre de Josué, il est dit : « elle tint conseil avec lui » c’est-à-dire, avec son mari, « disant : Je demanderai un champ à mon père ; et de dessus son âne elle éleva la voix et demanda. » Dans le conseil qu’elle tint elle reçut l’avis de demander. Là il est fait mention du conseil tenu ; ici de l’avis qui fut donné. C’est comme si.l'ondisait : Elle tint conseil avec lui, disant : je demanderai un champ à mon père, et lui l’ayant conseillée, elle cria de dessus son âne. Mais dans Josué il est dit qu’elle demanda un champ, et le nom de ce champ est même désigné ; et ici on voit qu’avertie par son époux de demander un champ, elle demanda non pas un champ, mais « le rachat de l’eau » parce que le lieu où elle était mariée était au midi. Il est dit dans Josué qu’elle éleva la voix de dessus l’âne qu’elle montait ; ici on dit : « élevant la voix de dessus l’animal accoutumé au joug. » L’Écriture ajoute : « Et Caleb lui donna suivant « ses désirs le rachat des lieux élevés, et le rachat des lieux bas. » Tout ceci est obscur. Peut-être demanda-t-elle un champ dont le revenu devait servir à acheter des eaux qui manquaient dans la contrée où elle se trouvait établie par son mariage. « Et Caleb lui donna le rachat des lieux élevés, et le rachat des lieux bas. » Je ne vois pas ce qui est sous-entendu ici, sinon ce mot : Les cours d’eau, c’est-à-dire les cours d’eau sur les lieux élevés, dans les montagnes, les cours d’eau dans les lieux bas, dans les planés où les vallées. V. (Ib 1, 18-19.) Dieu éprouve les siens pour les préserver de l’orgueil. – « Et Juda ne posséda point Gaza et sa frontière, ni Ascalon et sa frontière, ni Azothet les pays environnants. Et le Seigneur était avec Juda, et il occupa la montagne, n’ayant pu se rendre maître des habitants de la vallée, parce que Réchab s’opposa à eux, et qu’il avait des chariots de fer. » Expliquant dans le livre de Josué le passage où il est dit : « Et le Seigneur donna à Israël toute « la terre » bien que les Israélites n’en possédassent point encore une grande étendue ; toute la terre, ai-je dit, a été donnée en ce sens que ce qui n’était point occupé servait à exercer le peuple de Dieu ▼▼Ci-dessus, Jos. Quest. XXI
. C’est ce qui apparaît ici avec une plus grande évidence. On énumère les villes que Juda ne posséda point, et on dit : « Et le Seigneur était avec Juda, et il occupa la montagne, n’ayant pu se rendre maître des habitants de la vallée. » Qui ne comprend que cela même est la conséquence de ce que le Seigneur était avec Juda ? Car, si celui-ci s’était emparé de tout le pays sans coup férir, ne pouvait-on pas craindre qu’il ne s’enflât d’orgueil ? L’Écriture ajoute : « parce que Réchab s’opposa à eux, et qu’il avait des chariots de fer ; » non que ces chariots aient inspiré de l’épouvante au Seigneur lui-même qui était avec Juda ; mais ce fut Juda que la crainte saisit. Pourquoi eut-il peur, Dieu étant avec lui ? Voici la réponse que suggère à cette question une réflexion prudente Dieu dans sa miséricorde pour les siens réprime dans leurs cœurs l’enflure qui naît de l’excès de la prospérité : il leur fait tirer profit de leurs ennemis, non-seulement quand ils en triomphent, mais encore quand ils les redoutent : sa bonté est rendue sensible dans un cas, et dans l’autre l’orgueil est réprimé. L’ange de Satan est assurément l’ennemi des Saints, et l’Apôtre néanmoins assure que cet ange lui a été donné pour le souffleter, de peur qu’il ne s’enorgueillisse de la grandeur de ses révélations d. VI. (Ib 1, 20.) Récapitulation. – « Et on donna à Caleb Chébron, comme Moïse l’avait déterminé, et il obtint de là trois villes des enfants d’Énac, et il extermina trois fils d’Enac. » Ceci a été déjà rapporté au livre de Josué e comme ayant eu lieu du vivant de Josué. Le même fait est rappelé ici par mode de récapitulation, parce que l’Écriture raconte ce qui concerné la tribu de Juda, dont Caleb faisait partie. VII. (Ib 1,21, 8.) Les anciens habitants de Jérusalem ne furent pas tous détruits. – On demande pourquoi il est dit que les enfants de Benjamin « ne s’emparèrent pas du Jébuséen habitant à Jérusalem, et » que « le Jébuséen habita avec les enfants de Benjamin à Jérusalem, jusqu’à ce jour » puisqu’on dit plus haut que cette même ville fut prise par Juda, livrée aux flammes, et les Jébuséens qui l’habitaient exterminés. – Il faut savoir que les deux tribus de Juda et de Benjamin eurent cette ville en commun, comme on le voit dans le partagé même du pays qui fut fait par Josué f. Or cette ville de Jébus est la même que Jérusalem. Aussi, les deux tribus restèrent-elles auprès du temple du Seigneur, quand les autres, â l’exception de la tribu sacerdotale de Lévi, qui n’eut point de terres dans le partage, se séparèrent avec Jéroboam du royaume de Juda. – Il faut donc penser que, à la vérité, la ville fut prise et incendiée par Juda, et que tous les Jébuséens qui s’y trouvaient furent exterminés ; mais non pas que tous les Jébuséens absolument aient été détruits, soit qu’il, y en ait eu hors de la ville, soit qu’ils aient pu s’enfuir. Ce furent ces restes, de la nation des Jébuséens que les enfants de Benjamin laissèrent habiter avec eux dans la ville qui leur était commune avec Juda C’est pourquoi, quand il est dit que « les enfants de Benjamin ne s’emparèrent pas du Jébuséen » cela veut dire qu’ils ne purent ou ne voulurent pas rendre les Jébuséens tributaires ; cette parole « Il ne s’empara pas du Jébuséen » signifie, en tout, cas, que Benjamin n’occupa point le pays à l’exclusion du peuple qui en était possesseur. VIII. (Ib 1, 27.) Comment les Scythes ont-ils pu bâtir une ville en Palestine? – « Et Manassès n’obtint pas Bethsan, qui est une ville des Scythes. » C’est, dit-on, cette ville qui porte aujourd’hui le nom de Scythopolis. On pourra s’étonner que dans ces contrées si éloignées de la Scythes, il ait pu se trouver une ville de Scythes. Mais on pourrait s’étonner pareillement qu’Alexandre de Macédoine ait fondé une ville d’Alexandrie, si loin de la Macédoine, ce qu’il fit pourtant après avoir porté la guerre au loin de tout côté. Les Scythes ont pu de même créer cette ville, dans leurs lointaines expéditions. On lit en effet dans l’histoire profane que l’Asie presque tout entière fut un certain temps au pouvoir des Scythes, quand ils marchèrent contre un roi d’Égypte qui leur avait spontanément déclaré la guerre, et qui, saisi de terreur à leur arrivée, regagna ses états. IX. (Ib 1, 27.) Les villes fondées par une métropole en sont appelées les filles. – « Et Manassès n’obtint pas Bethsan, qui est une ville des Scythes, ni ses filles. » L’écrivain appelle « filles » de Bethsan, les autres villes fondées par cette métropole. X. (Ib 1, 28.) Un même fait raconté dans deux livres différents. – «. Et quand Israël l’eut emporté, il soumit le Chananéen au tribut, et il ne l’extermina pas. » Déjà quelque chose de semblable a été rapporté au livre de Josué, presque dans les mêmes termes g. C’est donc ici un résumé, ou bien c’était alors une anticipation, c’est-à-dire, ici on récapitule, ou bien alors ou racontait à l’avance. XI. (Ib 1, 34.) Encore un fait raconté deux fois. – « Et l’Amorhéen inquiéta les fils de Dan sur la montagne, et il ne les laissa pas descendre dans la plaine. » Ce fait a été pareillement raconté au livre de Josué par anticipation h, ou bien c’est encore ici une récapitulation.
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