‏ Judges 15

LV. (Ib 15, 8, 45.) Sens de ces paroles : la jambe sur la cuisse. – Pourquoi est-il dit que : « Samson frappa les étrangers, la jambe sur la cuisse ? » Oui à la jambe sur la cuisse ? la jambe n’est au-dessous de la cuisse que depuis le genou jusqu’au talon. Si l’Écriture a voulu marquer l’endroit du corps où ils furent frappés par Samson, pense-t-on que tous ceux qui furent blessés le furent au même endroit ? Si cela était vraisemblable peut-être pourrions-nous supposer que Samson s’était servi de la jambe de quelque animal en guise de bâton, et qu’il les aurait frappés sur les cuisses, comme il est écrit qu’il tua mille hommes avec une mâchoire d’âne. Mais on ne peut croire que dans la lutte il se soit essayé à ne les frapper qu’au même endroit. L’Écriture ne dit pas du reste qu’il les frappa sur la cuisse avec un tibia, mais qu’il les frappa «la jambe sur la cuisse. » L’obscurité du sens provient de l’emploi d’une locution inusitée. Cette façon de parler signifie qu’il les frappa d’une manière tout à fait étonnante; c’est-à-dire, que saisis d’étonnement et de stupeur ils mirent la jambe sur la cuisse, ou une jambe sur l’autre, comme font ceux qui sont frappés d’une grande stupeur. C’est comme si l’on disait : il les frappa la main à la mâchoire, c’est-à-dire, d’une si grande plaie que dans leur étonnement ils réfléchissaient tristement la joue appuyée sur la main. C’est le sens qui ressort de la version faite sur l’hébreu ; on y lit : « Il les frappa d’une grande plaie, tellement que saisis d’étonnement ils mirent la jambe sur la cuisse. » C’est comme si l’on disait : le tibia sur la cuisse : le tibia ou la jambe, c’est la même chose.

LVI. (Ib 15, 12.) L’usage seul peut apprendre le sens d’une locution. – Quel est le sens de cette parole de Samson aux hommes de Juda « Faites-moi serment que vous ne me tuerez pas, et livrez-moi à eux, de peur que vous ne veniez à ma rencontre? » Quelques-uns ont interprété ainsi cette locution : de peur que vous ne veniez contre-moi. Samson leur demandait par là qu’ils ne le tuassent point ; ce sens ressort de ce qu’on lit au livre des Rois. Salomon ordonne qu’un homme soit mis à mort et il dit : « Va, cours à sa rencontre a. » Ce qui fait que nous ne comprenons pas, c’est que cette locution n’est pas en usage parmi nous. Ainsi les autorités militaires disent : va, allège-le, ce qui signifie mets-le à mort. Mais qui pourrait comprendre le sens de cette locution, si l’usage n’en avait donné la connaissance ? C’est ainsi que vulgairement on dit parmi nous : il l’a raccourci, ce qui signifie : il l’a mis à mort. Personne ne comprend, sinon celui à qui l’usage a révélé le sens de cette façon de dire. Ainsi en est-il de toutes les locutions : elles ont une énergie qui ne peut être comprise, comme les langues elles-mêmes, qu’en les entendant, ou en les étudiant.

Cette traduction est l’œuvre de M. l’abbé POGNON

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