‏ Leviticus 19

LXVIII. (Ib 19, 11.) Sur le mensonge. – « Vous ne déroberez point, vous ne mentirez point, et personne ne fera de calomnie contre son prochain. » La défense relative au vol se trouve dans le Décalogue. Je serais étonné que ces autres prohibitions : « Vous ne mentirez « point, et personne ne fera de calomnie, contre son prochain », ne fussent aussi contenues dans ce commandement du Décalogue : « Tu ne diras point de faux témoignage contre ton prochain a : » car il ne peut pas y avoir de calomnie sans mensonge, et le mensonge est renfermé dans l’idée générale de faux témoignage. Mais ce qu’il y a de mal dans ces actions peut-il être compensé par un bien qui autorise à les faire ? Question d’une haute importance. C’est une persuasion presque universelle qu’il est permis de mentir pour sauver sa vie, quand ce mensonge ne nuit à personne. Peut-on en dire autant du vol ? N’est-il pas permis de dérober, lorsque le vol ne fait tort à personnel Cela est parfaitement permis, quand on se propose le bien de celui que l’on vole : ainsi, par exemple, si quelqu’un veut se donner la mort, il est permis de lui prendre son épée. Quant à la calomnie, je ne sais sil est possible d’en user contre quelqu’un pour son bien : à moins qu’on n’admette, par exemple, que Joseph cri accusant faussement ses frères, d’avoir volé sa coupe et d’être des espions, se proposait de leur procurer dans la suite une grande joie b. Si nous essayons de préciser ces choses, peut-être nous sera-t-il permis de dire qu’il n’y a de vol que quand on l’ait du tort au prochain en dérobant secrètement ce qui lui appartient ; qu’il n’y a de calomnie formelle, que quand on nuit au prochain, en l’accusant d’un crime supposé. Mais pour le mensonge nous ne pouvons dire qu’il n’existe que quand il est nuisible au prochain : que le prochain soit lésé ou non, il y a mensonge, dès qu’on dit sciemment une fausseté. La question si importante de savoir si le mensonge peut parfois être juste, serait d’une facile solution, si nous, ne considérions que les commandements, sans tenir compte des exemples. Qu’y a-t-il en effet de plus positif que ce précepte : « Vous ne mentirez point ? » Cette formule ressemble à celle-ci : « Tu ne te feras point d’idole c : » ce qui ne peut jamais être licite. C’est ainsi encore qu’il est dit : « Vous ne commettrez point de fornication ; » or, qui dira que la fornication puisse être jamais permise ? Et encore : « Tu ne déroberas point ; » d’après la définition que nous avons donné, le vol ne peut jamais être juste. Et ensuite : « Tu ne tueras point », car, quand un homme est mis à mort pour une juste cause, c’est la Loi qui le frappe, et non pas vous : pourrait-on dire également que quand un homme ment pour un juste motif, c’est la Loi qui ment ? Mais les exemples compliquent extrêmement cette question. Les sages-femmes égyptiennes ont menti, et Dieu les en a récompensées d; Raab a menti en faveur des espions envoyés dans le pays, et ce mensonge fut son salut e. De ce que la Loi dit : « Vous ne mentirez point », faut-il conclure que dès lors il n’est plus permis de mentir même dans un cas semblable à celui où nous lisons que Raab usa de mensonge ? Il faut croire que le mensonge a été défendu, parce qu’il était injuste plutôt que de se persuader qu’il est devenu injuste, à cause de la défense. Les sages-femmes, avons-nous dit, furent récompensées, non pour leur mensonge, mais pour la grâce de la vie qu’elles accordèrent aux enfants des Hébreux ; leur faute, atténuée par leur bonté, ne fut que vénielle, mais n’en a pas moins constitué un péché. Ce que nous disions là, il est donc permis d’en faire l’application à la conduite de Raab : la délivrance des espions lui mérita sa récompense, et cette délivrance même rendit son mensonge digne de pardon. Or, le pardon suppose une faute. Mais il faut bien se garder de croire que les autres péchés ont un égal droit au pardon, quand ils ont pour excuse la délivrance de nos semblables. Une telle erreur serait la source de maux intolérables, et tout à fait dignes d’exécration.

LXIX. (Ib 19, 13.) Défense de nuire au prochain. – « Tu ne nuiras pas au prochain. » Si les hommes savaient ce que c’est que de nuire et de ne pas nuire, l’observation de ce précepte général leur suffirait pour conserver l’innocence. Car tout ce qu’il est défendu de faire à autrui se résume dans ce commandement : « Tu ne nuiras pas au prochain. » C’est en ce sens qu’il faut entendre le précepte qui suit. « Tu ne raviras pas », c’est-à-dire, tu ne nuiras pas en ravissant ; autrement il pourrait arriver qu’on nuisit en évitant de ravir. Ainsi il faut prendre une épée aux mains d’un insensé, et on lui nuirait si on ne la lui ravissait comme on le doit.

LXX. (Ib 19, 17-18.) Sur la correction fraternelle. – Pourquoi à la suite de ces recommandations : « Tu ne haïras point ton frère dans ton cœur ; tu reprendras ton prochain, et tu ne participeras point à son péché », ces mots qui suivent immédiatement : « Et ta main n’est pas vengée ? » Cela signifie-t-il : n’est pas punie pour.lemal qui se commet ? Ton intention est bonne, en effet, quand tu corriges ton prochain lorsqu’il pèche, pour que ta négligence ne te rende pas participant de son péché. C’est ce que recommande l’avis qui précède : « Tu ne haïras point ton prochain dans ton cœur. » Car, celui que tu reprends peut croire que tu le hais, bien que la haine ne soit pas dans ton cœur. Ou bien, par ces paroles : « ta main n’est pas vengée », le Seigneur ne recommande-t-il pas plutôt d’oublier les toits d’autrui et de ne point se laisser aller au désir de la vengeance ? Que veut dire en effet : vouloir tirer vengeance, sinon se réjouir ou se consoler des malheurs des autres ? C’est en ce sens que Dieu dit : « Tu ne te mettras pas en colère contre les enfants de ton peuple f. » Car la définition exacte de la colère, c’est le désir de la vengeance. Plusieurs exemplaires portent cependant : « Et ta main ne se vengera pas ; » c’est-à-dire, en reprenant ton frère, garde-toi de céder à la vengeance, mais consulté plutôt l’avantage, de celui que tu reprends.

LXXI. (Ib 19, 28.) Sur les pratiques de deuil usitées parmi les païens. – « Tu ne feras pas d’incisions sur ton corps, à l’occasion d’une âme. » A l’occasion d’une âme, c’est-à-dire, à l’occasion des funérailles d’un mort : car cette âme qui s’en va est la cause de la douleur. Le deuil en est l’expression, et plusieurs nations ont l’habitude de se faire alors des incisions sur la chair. Dieu s’élève contre cet usage.

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