Luke 13
SERMON CX. FAIRE PÉNITENCE a.
ANALYSE. – En menaçant le figuier stérile et en redressant la femme malade qui était courbée depuis dix-huit ans, le Sauveur nous invite à faire de dignes fruits de pénitence en vue du ciel. Car il viendra réellement juger les hommes : tant de prophéties qu’il a déjà accomplies ne nous permettent pas de douter qu’il n’accomplisse également ce qu’il a prédit du jugement dernier. 1. À propos du figuier qui était planté depuis trois ans sans porter de fruit, et à propos de cette femme malade depuis dix-huit ans voici ce que m’inspire le Seigneur. Le figuier désigne le genre humain, et ses trois ans, les trois époques de l’humanité : avant la loi, sous la loi et sous la grâce. Il n’est pas étrange de voir le genre humain dans ce figuier. Le premier homme, après son péché, ne voila-t-il pas sous des feuilles de figuier les membres de la génération b ? Honorables avant le péché, c’est depuis seulement que ces membres sont devenus les membres honteux. Auparavant encore nos premiers parents étaient nus et ils n’en rougissaient pas. Pourquoi auraient-ils rougi, puisqu’ils étaient sans péché ? Pouvaient-ils rougir des œuvres de leur Créateur, quand ils n’en avaient altéré la pureté par aucune action mauvaise, n’ayant point encore touché l’arbre de la science du bien et du mal, où Dieu leur avait interdit de porter la main ? Ce fut seulement après qu’ils eurent péché en mangeant de ce fruit, qu’ils donnèrent naissance au genre humain et que l’homme naquit de l’homme, le débiteur d’un débiteur, le mortel d’un mortel, le pécheur d’un pécheur. Ainsi le figuier stérile désigne parfaitement ceux d’entre les hommes qui ont refusé constamment de porter des fruits et qui pour ce motif sont menacés, comme l’étaient de la cognée les racines de cet arbre ingrat : Le jardinier intercède, et pour employer un moyen efficace l’exécution est ajournée. Ce jardinier rappelle tous les saints qui prient dans l’Église pour tous ceux qui sont hors de l’Église. Mais que demandent-ils ? « Seigneur, laissez-le cette année encore » c’est-à-dire, durant cette époque de grâce, épargnez les pécheurs, épargnez les infidèles, épargnez les âmes stériles, épargnez les cœurs infructueux. « Je creuse autour de lui et j’y mets une charge de fumier. S’il en profite, c’est bien ; sinon, vous viendrez ; et l’abattrez. » « Vous viendrez quand ? A l’époque du jugement, quand vous viendrez juger les vivants et les morts. On l’épargne donc provisoirement. Que signifie cette fosse creusée autour de l’arbre, sinon l’exhortation à l’humilité et à la pénitence ? La fosse en effet est une terre abaissée. Il faut prendre en bonne part la charge de fumier. Le fumier est sale, mais il donne du fruit ; il rappelle ainsi la douleur du pécheur ; car faire pénitence, la faire avec intelligence et sincérité, c’est la faire dans l’ignominie. À cet arbre mystérieux il est donc dit : « Faites pénitence, car le royaume des cieux est proche. c » 2. Que signifie aussi cette femme malade depuis dix-huit ans ? Dieu termina son œuvre en six jours. Or, trois fois six font dix-huit, et les trois années de l’arbre ne rappellent pas autre chose que ces dix-huit ans. Cette femme était courbée, sans pouvoir regarder le ciel ; ainsi donc on lui disait inutilement d’y élever son cœur. Le Seigneur la redressa ; c’est que pour les enfants de Dieu il y a espoir jusqu’au jour du jugement.L'homme se vante beaucoup. Mais qu’est-ce que l’homme ? Il est quelque chose de grand avec la justice ; et toutefois l’homme juste n’est tel que par la grâce de Dieu. « Qu’est-ce en effet que « l’homme, si vous ne vous souvenez de lui ? d » Veux-tu le savoir ? « Tout homme est menteur e. » Nous venons de chanter : « Levez-vous, Seigneur, et que l’homme ne triomphe point f. » Qu’est-ce à dire, « que l’homme ne triomphe point ? » Les Apôtres n’étaient-ils pas des hommes ? Les martyrs n’en étaient-ils pas également ? Notre-Seigneur Jésus lui-même n’a-t-il pas daigné se faire homme sans cesser d’être Dieu ? Que signifie donc : « Levez-vous, Seigneur, et que l’homme ne triomphe pas ? » – Si tout homme est menteur, lève-toi, ô Vérité, et que la fausseté ne prévale point. Ainsi donc, si l’homme aspire à devenir bon, qu’il ne cherche pas à l’être par lui-même, car en cherchant à être lui-même il sera menteur ; et pour être véridique, il le sera parla grâce de Dieu et non par sa propre nature. 3. Oui donc, « Seigneur, levez-vous et que l’homme ne triomphe point. » Tel a été avant le déluge l’empire du mensonge, que huit personnes seulement survécurent g. Elles repeuplèrent l’univers, mais encore e menteurs, et Dieu se choisit un peuple. Que de miracles, que de bienfaits divins en faveur de ce peuple ! Dieu le conduisit dans la terre promise, après l’avoir tiré de l’Égypte, il lui donna dès prophètes, un temple, un sacerdoce, la royauté, la loi, et il n’en dit pas moins « Ces enfants rebelles m’ont menti h. » Il finit par leur envoyer Celui qu’avaient prédit les Prophètes. Ne fût-ce que parce que Dieu s’est fait homme, « que l’homme ne triomphe plus. » Mais ce Dieu fait homme, malgré ses œuvres divines, a été couvert d’outrages, et nonobstant – ses nombreux bienfaits, il a été saisi, flagellé, pendu. Oui, l’homme triompha alors jusqu’à garrotter le Fils de Dieu, jusqu’à flageller le Fils de Dieu ; jusqu’à couronner d’épines le Fils de Dieu, jusqu’à attacher à une croix le Fils même de Dieu. Ainsi triompha l’homme ; mais jusqu’à quand triompha-t-il ? Jusqu’à ce que descendu de la croix, le Fils de Dieu fut mis dans un sépulcre. S’il y était resté, le triomphe de l’homme eût été définitif. Mais le texte prophétique examiné par nous s’adresse également au Seigneur lui-même. « Levez-vous, Seigneur, et que l’homme ne triomphe point. » Vous avez daigné, Seigneur, vous incarner parmi nous ; ô Verbe, vous vous êtes fait chair ; comme Verbe, vous êtes au-dessus de nous, et comme homme vous êtes l’un de nous ; comme Verbe fait chair, vous êtes donc intermédiaire entre Dieu et l’homme. Pour prendre un corps, vous avez fait choix d’une vierge, vous avez été conçu dans son sein et vous en êtes sorti au moment de votre naissance ; mais alors on ne vous reconnaissait pas ; vous vous montriez et on ne vous voyait pas. On voyait en vous la faiblesse et on ne voyait pas la puissance. Or, vous avez fait tout cela pour arriver à répandre votre sang, afin de nous racheter. Vous avez fait tant de miracles, guéri tant de malades, accordé tant de faveurs, et vous n’avez recueilli que le mal pour le bien. On vous a insulté, on vous a attaché au gibet, devant vous on a secoué la tête en disant : « Si tu es le Fils de Dieu, descends de la croix i. » Aviez-vous donc perdu alors votre puissance, ou bien nous enseigniez-vous la patience ? Pourtant ils vous outrageaient, pourtant ils se riaient de vous, pourtant après votre mort ils s’éloignèrent de vous en se croyant vainqueurs. Vous voilà gisant dans le sépulcre. Ah ! « levez-vous, Seigneur, et que l’homme ne triomphe point. » Que l’impie qui vous hait ne triomphe point ; point de triomphe au Juif aveugle. Celui-ci a cru triompher pendant qu’il vous crucifiait. « Levez-vous, Seigneur, que l’homme ne triomphe point. » N’est-ce pas ce que nous avons vu ? N’est-ce pas ce qui s’est parfaitement accompli ? Que doit-il arriver encore, sinon « que les peuples soient jugés devant vous ? » Car vous le savez, mes frères, le Christ est ressuscité, il est monté au ciel, et il en viendra juger les vivants et les morts. 4. O arbre stérile, ne te ris pas si l’on t’épargne ; le coup de cognée est ajourné, ne sois pas pour cela sans inquiétude, le moment viendra de t’abattre ; crois bien qu’il viendra. Tout ce que tu vois aujourd’hui n’a pas toujours été. Il fut un temps où le peuple chrétien n’était point répandu dans tout l’univers. Cet événement était annoncé dans les prophéties, on ne le voyait point réalisé, tandis qu’aujourd’hui on le voit en même temps prédit et accompli. Ainsi s’est formée l’Église : on ne lui a pas dit : Vois, ma fille, et écoute ; mais : « Écoute envois j. » Écoute ce qui est prédit, vois ce qui est accompli. Ainsi, mes très-chers frères, avant que le Christ naquît d’une Vierge, il fut promis, et il est né ; il n’avait pas fait de miracles, les miracles furent promis et il les a faits ; il n’avait pas encore souffert, sa passion fut prédite, et elle s’est accomplie ; il n’était pas ressuscité, sa résurrection fut prédite, et elle a eu lieu ; son nom n’était pas répandu dans tout l’univers, cette gloire fut prédite et nous en sommes témoins ; les idoles n’étaient ni anéanties ni brisées, cette destruction fut prédite, elle est accomplie ; il n’y avait pas d’hérétiques pour attaquer l’Église il fut prédit qu’il y en aurait, et il y en a. Ainsi en est-il du jour du jugement, nous n’y sommes pas encore ; mais comme il est prédit qu’il viendra, il viendra sans aucun, doute. Est-il possible qu’après s’être montré si véridique pour de si grands événements, Dieu se montre menteur en ce qui concerne le jugement ? Dieu a signé ses promesses ; il est lié envers nous, non pour cause de dettes, mais pour motif de promesses, car il ne nous a rien emprunté et nous ne saurions lui dire : Rendez ce que vous avez reçu. « Qui, le premier, lui a donné et sera rétribué k ? » Nous ne saurions donc lui dire : Rendez ce que vous avez reçu, mais bien : Accomplissez ce que vous avez promis. 5. C’est ce qui nous inspire la hardiesse de lui dire chaque jour : « Que votre règne arrive l ; » afin que son règne arrivant nous régnions avec lui. De fait il nous l’a promis dans ces paroles : « Je leur dirai alors : Venez, les bénis de mon Père, recevez le royaume qui vous a été préparé dès le commencement du monde. » Mais c’est à la condition que nous ferons ce qui suit : « Car j’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger m », etc. Il a fait à nos pères cette promesse, et il a voulu qu’elle fût écrite, afin de nous la faire lire aussi. Si donc après avoir daigné nous donner ce titre, il entrait en compte avec nous disant : Prenez connaissance de mes dettes, c’est-à-dire de mes promesses, messes, comparez ce que j’ai payé avec ce que je redois ; n’est-il pas vrai que j’ai beaucoup payé et que je redois peu ? et pour ce peu qui me reste, vous me soupçonnez d’être infidèle à ma parole ! En face d’un langage aussi clair et aussi vrai, que répondrions-nous ? Ah ! que celui donc qui est stérile, fasse pénitence et en produise de clignes fruits. Que celui qui est courbé, qui regarde à terre, qui s’attache à la félicité terrestre et y fait consister le bonheur sans croire à une autre vie où il puisse être heureux, que celui-là se redresse, et s’il ne le peut par lui-même, qu’il implore le secours divin. Est-ce par elle-même que cette femme s’est redressée ? Son malheur n’eût-il pas continué, si Dieu ne lui avait tendu la main ?SERMON CXI. DU NOMBRE DES ÉLUS n
ANALYSE. – Ce petit discours, prononcé à Carthage, comme le montrent les paroles qui le suivent, constate que si les trois mesures de farine dont parle Notre-Seigneur, désignent le genre humain, ce n’est pas une preuve que tous les hommes soient sauvés. Jésus-Christ l’indique clairement dans les versets qui suivent la parabole de la farine. Ailleurs, il est vrai, il enseigne que les élus seront en grand nombre. C’est que leur nombre est réellement fort considérable, si on l’examine en lui-même, mais bien petit, si on le compare à la multitude des réprouvés. Le saint Docteur terminé en excitant à la pratique de l’hospitalité comme moyen de se faire recevoir parmi les élus. 1. Les trois mesures de farine dont vient de nous parler le Seigneur, désignent le genre humain. Rappelez-vous le déluge ; il n’y survécut que trois hommes pour repeupler la terre, car Noé eut trois fils qui furent les souches de l’humanité nouvelle. Quant à cette sainte femme qui cacha son levain, elle figure la sagesse, qui fait crier partout, au sein de l’Église de Dieu : « Je sais que le Seigneur est grand o. » Assurément les élus sont peu nombreux. Vous vous rappelez la question qui vient de nous être rappelée dans l’Évangile. « Seigneur, y est-il dit, est-ce que les élus sont peu nombreux ? » Que répond le Seigneur ? Il ne dit pas qu’au contraire les élus sont en grand nombre, non ; mais après avoir entendu cette question : « Est-ce que les élus sont peu nombreux ? » il réplique : « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite. » N’est-ce pas confirmer dans l’idée du petit nombre des élus ? Il dit encore ailleurs : « Étroite et resserrée est la voie qui mène à la vie, et il y en a peu pour y marcher ; tandis que la voie qui mène à la perdition est large et spacieuse, et il y en a beaucoup pour la suivre p. » Pourquoi donc chercher notre joie dans les multitudes ? Vous qui êtes en petit nombre, écoutez-moi. Beaucoup en effet prêtent l’oreille, et peu sont dociles. Je vois une aire et mes yeux y cherchent le grain. On l’aperçoit difficilement tant qu’il est sous le fléau, mais viendra le moment de le vanner. C’est ainsi que comparés aux réprouvés, les élus sont en petit nombre ; tandis que considérés en eux-mêmes, ils formeront une quantité considérable lorsque le Vanneur viendra, le van à la main, nettoyer son aire, serrer le froment au grenier et brûler la paille au feu inextinguible q. Que la paille ne se rie pas du bon grain : cet oracle est véritable, Dieu ne trompe personne. Soyez nombreux au sein des nombreux élus, et toutefois vous ne serez qu’en petit nombre ; comparés à une grande multitude. De l’aire du Seigneur doit sortir une telle quantité de bons grains, qu’ils rempliront les greniers célestes. Le Christ effectivement ne saurait se contredire. S’il a dit qu’il y en a peu pour entrer par la porte étroite et beaucoup pour périr en suivant la voie large ; ailleurs il a dit aussi : « Beaucoup viendront de l’Orient et de l’Occident r. » C’est que ceux-ci sont aussi en petit nombre ; ils sont à la fois nombreux et peu nombreux. Les nombreux et les peu nombreux seraient-ils différents les uns des autres ? Non. Les mêmes sont en même temps nombreux et peu nombreux ; peu nombreux comparativement aux réprouvés, et nombreux absolument dans la société des Anges. Écoutez, mes bien-aimés, voici ce qu’on lit dans l’Apocalypse : « Je vis venir ensuite, avec des robes blanches et des palmes, des élus de toute langue, de toute race et de toute tribu ; c’était une multitude que personne ne saurait compter s. » Cette multitude est la grande assemblée des saints. Quand donc l’aire sera vannée ; quand cette multitude sera séparée de la foule des impies, des chrétiens mauvais et hypocrites ; quand seront jetés aux feux éternels ces hommes perdus qui pressent Jésus-Christ sans le toucher, car l’hémorrhoïsse touchait la frange du Christ tandis que la foule le pressait à l’importuner ; quand enfin tous les réprouvés seront éloignés, et que debout à la droite du Sauveur, la masse purifiée des élus ne craindra plus ni le mélange d’aucun homme méchant, ni la perte d’aucun homme de bien et qu’elle commencera à régner avec le Christ, quel éclat et quelle force ne prendra point sa voix et avec quelle confiance ne s’écriera-t-elle pas : « Je sais que le Seigneur est grand ! t » 2. Par conséquent, mes frères, si j’ai ici de bons grains devant moi, s’ils comprennent ce que je dis et sont prédestinés à l’éternelle vie, qu’ils s’expriment par leurs œuvres plutôt que par des applaudissements. Nous sommes forcés de vous parler comme nous n’aurions pas dû le faire ; car nous aurions dû trouver de quoi louer en vous sans être obligés de chercher à vous reprendre. Je vais expliquer ma pensée sans différer plus longtemps. Reconnaissez la vertu d’hospitalité, elle a mené jusqu’à Dieu. Recevoir un hôte, c’est recevoir un compagnon de voyage, puisque nous sommes tous voyageurs ; et au sein de son pays, dans sa propre demeure, le vrai chrétien se considère comme voyageur. Notre, vraie patrie n’est-elle pas le ciel ? C’est là seulement que nous ne serons pas étrangers ; car chacun l’est ici, même auprès de son foyer. Si quelqu’un ne l’est pas, qu’il ne quitte donc pas sa demeure ; et s’il doit la quitter, n’est-ce pas une preuve qu’il est voyageur ? Qu’on ne se fasse pas illusion, bon gré, mal gré, on est étranger ici-bas. Car on laisse sa maison à ses enfants, comme un hôte laisse l’hôtellerie à d’autres hôtes. Pourquoi ? Si tu étais réellement dans une hôtellerie, ne la quitterais-tu pas, pour faire place à d’autres ? C’est ainsi que tu sors de ta maison. Ton père a dû te faire place, tu feras place aussi à tes enfants. Tu demeures pour ne pas demeurer toujours et ceux qui te succéderont seront comme toi. Si donc nous passons tous, faisons des œuvres qui ne passent pas, afin de les trouver lorsque nous aurons passé et que nous serons parvenus au séjour heureux où rien ne passe. Le Christ s’est fait lui-même le gardien de tes mérites ; pourquoi craindre de perdre ce que tu donnes ? Tournons-nous vers le Seigneur u, etc. Après – le discours : Nous allons vous rappeler ce que sait déjà votre charité. C’est demain l’anniversaire de la consécration du vénérable Aurèle ▼▼Evêque de Carthage.
: il a daigné s’adresser à mon humilité pour vous prier et vous prévenir de vouloir bien vous rendre, avec la plus grande piété, à la basilique de Fauste. – Grâces à Dieu.
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