Matthew 11
SERMON LXVI. JÉSUS-CHRIST ET SAINT JEAN a.
ANALYSE. – Après avoir rappelé les éloges que Jean avait faits de Jésus et les témoignages que Jésus avait rendus à Jean, saint Augustin se demande comment et pourquoi le Précurseur envoya vers le Sauveur deux de ses disciples pour lui demander s’il était le Messie. En doutait-il après l’avoir montré comme tel au peuple d’Israël ? Il n’en doutait pas, mais il voulait confirmer les siens dans la foi à Jésus-Christ. – Recommandation en faveur des pauvres. 1. La lecture du saint Évangile a soulevé devant nous une question relative à Jean-Baptiste. Que le Seigneur nous accorde de la résoudre à vos yeux comme il l’a résolue aux nôtres. Le Christ, vous l’avez entendu, a rendu témoignage à Jean, et il l’a loué jusqu’à dire de lui que nul ne l’a surpassé parmi les enfants des femmes. Mais au-dessus de lui était le fils de la Vierge. Et de combien au-dessus ? Le héraut nous dira lui-même quelle distance entre lui et le Juge qu’il annonce. Sans doute Jean a devancé le Christ par sa naissance et ses prédications ; mais il l’a devancé pour le servir et non pour se préférer en lui. Tous les officiers du juge ne le précédent-il pas ? Ils lui sont inférieurs, quoiqu’ils marchent devant lui. Or, quel témoignage Jean n’a-t-il pas rendu au Christ ? Il est allé jusqu’à proclamer qu’il n’était pas digne de dénouer la courroie de sa chaussure. Quoi encore ? « Nous avons, dit-il, reçu de sa plénitude b. » 2 se donnait comme un flambeau allumé à sa lumière ; aussi se prosternait-il à ses pieds ; il craignait en s’élevant de s’éteindre au souffle de l’orgueil. Il était si grand qu’on le prenait pour le Christ, et que si lui-même n’eût publié qu’il ne l’était point, l’erreur se serait accréditée et on aurait cru qu’il Pétait. Quel homme humble ! Le peuple lui rendait de tels hommages, et il les dédaignait. On se trompait sur la nature de sa grandeur, et il s’abaissait davantage. Ah ! C’est que rempli du Verbe de Dieu, il ne voulait point de l’élévation que confère la parole des hommes. 2. Voilà ce que Jean dit du Christ ; mais le Christ, que dit-il de Jean ? Nous l’avons entendu tout à l’heure. « Il commença à dire de Jean à la multitude : Qu’êtes-vous allés voir dans le désert ? Un roseau agité par le vent ? » Assurément non, Jean en effet ne flottait pas à tout vent de doctrine. « Mais qu’êtes-vous allés voir ? Un prophète ? Oui, et plus qu’un prophète. Pourquoi plus qu’un prophète ? Les prophètes ont prédit le futur avènement du Seigneur ; ils ont désiré de le voir et ne l’ont pas vu ; mais Jean a obtenu ce qu’ils ont vainement cherché. Il a vu le Seigneur, il l’a vu, il l’a montré du doigt en s’écriant : « Voici l’Agneau de Dieu, voici celui qui efface le péché du monde c », le voici. – Déjà le Christ était venu, mais on ne le connaissait pas ; de là les fausses idées répandues sur Jean. Voici Celui que les prophètes ont désiré de voir, Celui qu’ils ont prédit, Celui que figurait la Loi. « Voici l’Agneau de Dieu, voici Celui qui ôte le péché du monde. » Tel est le témoignage glorieux rendu par lui au Seigneur. Et de son côté : « Parmi les enfants des femmes, dit le Seigneur, il ne s’en est point élevé de plus grand que Jean-Baptiste. Mais Celui qui vient après lui dans le royaume des cieux est plus grand que lui ; » par l’âge il vient après lui, pansa majesté il est plus grand que lui. C’est de lui-même que le Seigneur parlait ainsi. Combien donc Jean est grand parmi les hommes, puisque parmi les hommes le Christ seul est au-dessus de lui ! On peut encore donner aux mêmes paroles cette autre interprétation. « Parmi les enfants des femmes, il ne s’en est point élevé de plus grand que Jean-Baptiste ; mais le plus – petit dans le royaume des cieux est plus grand que lui. » À ces mots : « Celui qui est plus petit que lui dans le royaume des cieux est plus grand que lui », donnez un sens différent de celui qui précède, et entendez ici le royaume des cieux où sont les Anges. Il s’ensuit que le moindre des Anges l’emporte sur Jean. Quelle idée Jésus nous donne de ce royaume que nous devons ambitionner ; de cette cité dont nous devons aspirer à devenir les citoyens ! Quels ne sont pas ceux qui l’habitent ? Qui pourrait mesurer leur grandeur, puisque le moindre d’entre eux est supérieur à Jean ? À quel Jean ? À celui que nul ne surpasse parmi les enfants des femmes. 3. Après ces glorieux et véridiques témoignages rendus au Christ par Jean et à Jean par le Christ, pourquoi du sein de sa prison, où il doit subir bientôt la mort, Jean envoie-t-il ses disciples vers le Christ en leur adressant ces mots : « Dites-lui : Êtes-vous, Celui qui doit venir, ou bien est-ce un autre que nous attendons ? Comment ! c’est à cela que se réduisent toutes ses louanges ? Doute-t-il de lui après l’avoir tant glorifié ? Que dis-tu, Jean ? À qui parlés-tu et qui es tu toi-même ? C’est au Juge que tu parles et tu es son héraut. Tu l’as, montré du doigt, tu l’as montré et tu as dit : « Nous avons tous reçu de sa plénitude. » Tu 'as dit aussi : « Je ne suis pas, digne de dénouer la courroie de sa chaussure ; » et maintenant tu demandes : « Est-ce vous qui devez venir, ou est-ce un autre que nous attendons ? » N’est-ce pas lui-même ? Et toi ? n’es-tu pas son précurseur ? N’es-tu pas celui dont il a été prédit : « Voici que j’envoie mon Ange devant ta face et il te préparera la voie ? » Comment lui préparer la voie si tu t’égares ? Les disciples de Jean s’en allèrent donc, et Jésus leur dit : « Allez, dites à Jean : Les aveugles voient, les sourds entendent, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les pauvres évangélisés, et bienheureux qui ne se scandalisera point à mon sujet. » Ne vous imaginez point que Jean se soit scandalisé au sujet du Christ. Ces mots : « Êtes-vous Celui qui doit venir ? » semblent l’indiquer ; mais interroge mes œuvres : « Les aveugles voient, les sourds entendent, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiées, les morts ressuscitent, les pauvres sont évangélisés ; » et tu demandes qui je suis ? Mes œuvres sont des paroles. « Allez, annoncez. Comme ils retournaient », et pour empêcher de dire : Jean était d’abord un homme de bien, mais l’Esprit de Dieu l’a abandonné, Jésus attendit leur départ, il attendit pour louer Jean, le départ des disciples de Jean. 4. Comment donc résoudre cette obscure question ? Répands sur nous ta lumière, ô Soleil où s’est allumé ce flambeau. La réponse est d’une incontestable évidence. Jean avait des disciples à part, ce n’était pas pour se séparer du Christ mais pour être prêt à lui rendre témoignage. Il fallait qu’il en eût pour rendre témoignage au Christ qui en avait et pour voir par eux les merveilles de Celui dont il aurait pu se montrer jaloux. Ces disciples de Jean avaient donc une haute idée de leur maître ; ils s’étonnaient de ce que celui-ci disait du Christ, et Jean pour ce motif voulut avant sa mort que le Christ lui-même confirmât son témoignage. Ces disciples se disaient sans doute Notre Maître fait de Jésus un si pompeux éloge, Jésus ne le ratifiera point. « Allez, demandez-lui : » je ne doute pas, mais je veux vous instruire. « Allez, demandez-lui ; » entendez de sa bouche ce que je ne cesse de répéter. Après le héraut, entendez le juge. « Allez, demandez-lui : êtes-vous Celui qui vient ou en attendons-nous un autre ? » Ils allèrent, et pour eux-mêmes, non pas pour Jean, ils interrogèrent le Christ, et pour eux encore le Christ répondit : « Les aveugles voient, les boiteux marchent, les sourds entendent, les lépreux sont purifiés, les morts ressuscitent, les pauvres sont évangélisés. Vous me voyez, connaissez-moi ; vous voyez mes œuvres, connaissez Celui qui les fait. « Et bienheureux qui ne se scandalisera point à mon sujet. » C’est de vous que je parle et non de Jean. – Pour prouver en effet qu’il ne parlait pas de Jean, « Comme ils s’en retournaient, Jésus commença à dire de Jean à la multitude ; » à faire de lui un éloge vrai, étant lui-même véridique et la vérité même. 5. Cette question me semble suffisamment éclaircie. Il convient donc de terminer ici ce discours. Mais songez aux pauvres. Vous qui n’avez pas fait encore votre offrande, faites-la ; croyez-moi, ce n’est pas une perte. Que dis-je ? Vous ne perdez que ce que vous ne mettez point sur le char de la charité. Nous allons distribuer aux pauvres ce que vous avez donné, je parle à ceux qui ont donné. Mais nous avons beaucoup moins que d’ordinaire ; secouez votre indolence. Je me fais mendiant pour les mendiants. Que m’importe ? Ah ! que je sois mendiant pour les mendiants, pourvu que vous comptiez au nombre des enfants !CHAPITRE XXXI. DISCIPLES DE JEAN-BAPTISTE ENVOYÉS A JÉSUS.
78. Saint Matthieu continue ainsi sols récit Après que Jésus eut achevé les instructions qu’il donnait à ses douze disciples, dit-il, il partit de là pour aller enseigner et prêcher dans leurs villes. Or Jean ayant appris, dans la prison, les œuvres de Jésus-Christ, envoya deux de ses disciples lui dire : Êtes-vous celui qui doit venir, ou est-ce un autre que nous attendons ? » et le reste, jusqu’à l’endroit où nous lisons : « Mais la sagesse a été justifiée par ses enfants d. » Nous trouvons dans saint Luc tout ce passage relatif à Jean-Baptiste, aux deux disciples qu’il envoya à Jésus, à la réponse que reçurent ces envoyés et ce que dit le Sauveur après leur retour au sujet de Jean e. Ce n’est pas pourtant dans le même ordre, et l’on ne voit pas lequel des deux garde ici l’ordre des événements, lequel s’attache à l’ordre de ses souvenirs.CHAPITRE XXXII. MENACES ADRESSÉES A PLUSIEURS CITÉS.
79. Saint Matthieu dit ensuite : « Alors il commenta à reprocher aux villes où il avait opéré plusieurs de ses miracles, de n’avoir point fait pénitence », et le reste, jusqu’aux mots : « Le pays de Sodome sera traité moins rigoureusement que toi au jour du jugement f. » Saint Luc rappelle ces reproches dans la suite d’un discours prononcé par le Sauveur g ; ce qui fait croire qu’il retrace plus probablement les paroles de Jésus-Christ suivant l’ordre où elles ont été dites, et que saint Matthieu écrit, ici, suivant l’ordre de ses souvenirs. Estime-t-on que, dans ce texte de saint Matthieu : « Alors Jésus commença à faire des reproches aux villes », le terme « alors », doit s’entendre d’un moment précis et non du temps plus long durant lequel s’étaient faites ou dites plusieurs autres choses ? On est obligé de croire que les mêmes reproches ont été adressés deux fois. Aussi bien, puisque nous voyons dans un même évangéliste certaines choses dites deux fois par le Seigneur : comme dans saint Luc, la prescription relative au sac et à tous les objets que les Apôtres ne devaient point porter en chemin h; faut-il s’étonner qu’une autre pensée pareillement exprimée deux fois, se trouve à sa place dans les récits des deux évangélistes ? car si l’ordre parait différent, c’est que chacun des écrivains sacrés la rapporte au moment différent où elle a été énoncée.SERMON LXVII. DEUX SORTES DE CONFESSION i.
Les termes confesser et confession ne signifient pas seulement l’aveu des péchés, ils désignent aussi la célébration des divines louanges, quoique, à vrai dire, l’aveu de nos iniquités implique nécessairement la glorification de Dieu qui nous rend la vie de la grâce. Or il faut vous appliquer à louer Dieu : c’est le moyen d’échapper aux traits de l’ennemi, d’obtenir d’abondantes bénédictions, au lieu que s’attribuer quelque bien que ce soit, c’est se rendre coupable de ce pernicieux orgueil que Dieu maudit. 1. Pendant la lecture du saint Évangile, nous avons vu le Seigneur Jésus tressaillir dans l’Esprit-Saint et s’écrier : « Je vous confesse, mon Père, Seigneur du ciel et de la terre, parce que vous avec caché ces choses aux sages et aux prudents et que vous les avez révélées aux petits. » Si d’abord nous considérons ces paroles du Seigneur avec respect, avec soin et principalement avec piété, nous remarquerons bientôt que le terme de confession ne désigne pas toujours dans les Écritures l’aveu du pécheur. Ce qui nous oblige surtout à vous rappeler cette vérité et à donner à votre charité cet avis, c’est qu’au moment où le lecteur prononçait ce mot, quand vous avez entendu dire au Seigneur : « Je vous confesse, mon Père », on vous a entendus vous-mêmes vous frapper en même temps la poitrine. Vous vous l’êtes frappée à cette parole : « Je vous confesse. » Qu’est-ce en effet que se frapper la poitrine, sinon accuser ce qui est caché dans le cœur, et se punir visiblement des péchés secrets ? Pourquoi vous êtes-vous ainsi frappés, sinon parce que vous avez entendu : « Je vous confesse, mon Père ? » Vous avez bien entendu : « Je vous confesse ; » mais vous n’avez point observé quel est Celui qui confesse. Remarquez-le maintenant ; et puisque « Je vous confesse » a été proféré par le Christ, par le Christ si éloigné de tout péché, ce terme ne rappelle pas toujours le péché, mais quelques fois aussi la louange. Ainsi nous confessons quand nous louons Dieu et quand nous nous accusons nous-mêmes ; et tu fais acte de piété soit quand tu te reprends toi-même de n’être pas sans péché, soit quand tu loues le Seigneur qui n’en peut avoir aucun. 2. Et même à bien prendre les choses, en t’accusant tu loues Dieu. Pourquoi en effet confesses-tu ton péché ? Pourquoi t’accuses-tu ? N’est-ce point parce que tu es revenu de la mort à la vie ? L’Écriture dit en effet : « un mort ne peut confesser, car il est comme s’il n’était pas j. » Mais si un mort ne peut confesser, celui qui confesse est vivant, et s’il confesse son péché, c’est qu’assurément il n’est plus mort. S’il n’est plus mort, qui l’a ressuscité ? Aucun mort ne se ressuscite, et Celui-là seul a pu le faire qui n’était point mort quand son corps l’était. Car il a ressuscité ce qui était mort en lui, et s’il s’est ainsi ressuscité, c’est qu’il vivait réellement, quoique mort dans la chair qu’il devait ranimer, Le Père seul en effet n’a pas ressuscité ce Fils dont parle l’Apôtre quand il dit : « C’est pourquoi Dieu l’a exalté k ; » le Fils aussi s’est ressuscité, ou plutôt a ressuscité son corps ; de là ces paroles : « Renversez ce temple et je le relèverai en trois jours l. » Or le pécheur est un homme mort, surtout lorsqu’il est accablé sous le poids de l’habitude, comme Lazare sous le poids de la pierre sépulcrale. C’était peu à celui-ci d’être mort, il était de plus enseveli ; et quiconque est chargé du fardeau d’une habitude mauvaise, d’une vie coupable, c’est-à-dire des passions terrestres, jusqu’à réaliser dans sa personne ce malheur exprimé dans un psaume : « L’insensé a dit dans son cœur : Il n’y a point de Dieu m ; » celui-là ressemble à celui dont il est écrit : « Un mort ne peut confesser, car il est comme s’il n’était pas. » Qui le ressuscitera sinon Celui qui après avoir fait enlever la pierre du tombeau s’écria ; « Lazare, viens dehors ? » Mais venir dehors, n’est-ce point manifester ce qui était caché ? Celui qui confesse vient dehors. Il ne pourrait venir dehors s’il ne vivait, et il ne pourrait vivre s’il n’était ressuscité. Ainsi donc c’est louer Dieu que de se confesser coupable. 3. À quoi sert l’Église, dira-t-on, si c’est la voix du Seigneur qui ressuscite le pécheur sortant du péché par la confession ? À quoi sert pour celui-ci cette Église à qui le Seigneur a dit : « Ce que vous délierez sur la terre sera délié aussi dans le ciel n ? » Considère encore Lazare ; il sort avec ses liens. Il vivait alors puisqu’il confessait ; mais enveloppé de liens il ne marchait pas encore librement. Que fait donc l’Église, cette Église à qui il a été dit : « Ce que vous délierez sera délié ? » Ne fait-elle pas ce qu’aussitôt après le Seigneur commanda à ses disciples : « Déliez-le et le laissez aller o ? » 4. Ainsi donc, soit que nous accusions, soit que nous louions Dieu, toujours nous louons le Seigneur. Oui, c’est louer Dieu que de nous accuser avec piété. Le louer, c’est en quelque sorte célébrer Celui qui est sans péché ; et nous accuser, c’est rendre gloire à celui qui nous a ressuscités. Fais cela et l’ennemi ne trouvera aucun moyen de te circonvenir devant le Juge. Si en effet tu es ton propre accusateur et que Dieu soit ton Libérateur, cet ennemi sera-t-il autre chose que calomniateur ? C’est avec raison que cet ancien a cherché ici un appui contre des ennemis, non pas contre des ennemis visibles, contre la chair et le sang, qui sont plutôt à plaindre qu’à redouter ; mais contre ces ennemis en face de qui l’Apôtre nous invite à courir aux armes. « Nous n’avons pas, dit-il, à combattre contre la chair et le sang ; » c’est-à-dire contre les hommes que vous voyez sévir contre vous : ce sont des vaisseaux employés par autrui, des instruments de musique touchés par d’autres mains. « Pour livrer le Seigneur, dit le texte sacré, le diable s’introduisit dans le cœur de Judas p. » Où est alors ma culpabilité, diras-tu ? Écoute l’Apôtre : « Ne donnez point lieu au diable q. » Mais par ta volonté mauvaise tu lui as donné lieu ; il est entré, il te possède, il te dirige, et situ ne lui donnais pas lieu, il ne te maîtriserait pas. 5. À nous donc cet avertissement : « Nous n’avons pas à combattre contre la chair et le sang, mais contre les princes et les puissances. Serait-ce contre les rois de la terre, contre les puissances du siècle ? Non. Pourquoi ? Ne sont-ils pas chair et sang ? et il a été dit : « Ni contre la chair ni contre le sang. » Loin d’ici donc la pensée des hommes. Quels sont alors nos ennemis ? « Contre les princes et les puissances de malice spirituelle, contre les dominateurs du monde. » N’est-ce pas attribuer trop au diable et à ses anges ? C’est leur attribuer trop que de les nommer simplement les dominateurs du monde. Mais pour écarter toute idée fausse, l’Apôtre explique quel est ce monde dont ils sont les dominateurs. « Dominateurs de ce monde de ténèbres, dit-il r. » Qu’est-ce à dire : « De ce monde de ténèbres ? » Du monde rempli de ceux : que gouverne le monde, de ceux qui l’aiment et qui sont sans foi. Voilà ceux que saint Paul appelle ténèbres, c’est de ces ténèbres que le démon et ses anges sont les gouverneurs. Ces ténèbres ne sont pas des ténèbres naturelles et immuables ; elles changent et deviennent lumière, elles croient et la foi les pénètre de clartés. On leur dira, après ce changement heureux : « Vous étiez ténèbres, et vous êtes maintenant lumière dans le Seigneur s. » Quand vous étiez ténèbres, vous ne l’étiez pas dans le Seigneur ; depuis que vous êtes lumière, ce n’est pas en vous, c’est en lui que vous l’êtes. Qu’as-tu en effet que tu ne l’aies reçu t ? Nos ennemis étant donc invisibles, il faut les attaquer invisiblement. On triomphe d’un ennemi visible en le frappant ; d’un invisible, en croyant. L’homme est un ennemi visible ; visibles aussi sont les coups qu’on lui porte. Le diable est l’invisible ennemi, aussi la foi est invisible, et c’est ainsi que la lutte est invisible contre d’invisibles ennemis. 6. Comment donc cet ancien se met-il en garde contre eux ? J’avais commencé de l’expliquer, puis il m’a fallu traiter avec quelques détails de la nature de ces ennemis. Maintenant que nous les connaissons, cherchons à nous défendre. « Je louerai, j’invoquerai le Seigneur, et je serai délivré de mes ennemis u. » Voilà ce qu’il te faut faire ; loue, invoque, mais c’est le Seigneur que tu dois louer, invoquer ; car si tu te louais toi-même, tu n’échapperais pas à tes ennemis. Que dit en effet le Seigneur ? « Le sacrifice de louange est celui qui m’honorera, c’est la voie par laquelle je manifesterai mon salut v. » Où est cette voie ? Dans le sacrifice de louange. N’en sors pas d’un pied. Restes-y, ne t’en éloigne pas ; ne t’écarte des louanges de Dieu ni d’un pied ni d’un pouce. Car en cherchant à t’en écarter et à te louer au lieu de louer Dieu, tu ne seras point délivré de tes ennemis ; c’est d’eux effectivement qu’il est écrit : « Près de la voie ils m’ont caché des pièges w. » Quel que soit donc le bien que tu t’attribues, tu quittes la voie du salut. Et pourquoi t’étonner d’être séduit par l’ennemi, puisque tu te séduis toi-même ? Prête l’oreille à l’Apôtre : « S’estimer quelque chose, quand on n’est rien, c’est se séduire soi-même x. » 7. Considère donc cette confession du Seigneur. « Je vous confesse, mon Père, Seigneur du ciel et de la terre. – Je vous confesse », je vous loue. Je vous loue, je ne m’accuse pas. L’union de l’humanité avec le Verbe n’est-elle pas tout entière une grâce, une grâce incomparable, une grâce parfaite ? Sans la grâce, sans cette grâce unique qui devait faire du Christ une seule personne et la personne que nous connaissons, qu’a mérité cette humanité que nous voyons dans le Christ ? Ôte cette grâce, le Christ sera-t-il autre chose qu’un homme, autre chose que toi ? Il a pris une âme, il a pris un corps, il a pris une humanité entière ; il se l’unit, il fait une même personne du Seigneur et du serviteur. Quelle grâce ! Je vois le Christ au ciel et sur la terre, au ciel et sur la terre en même temps ; et ce ne sont pas deux Christs, mais sur la terre et dans le ciel un seul et même Christ. Le Christ est dans le sein du Père et le Christ est dans le sein de la Vierge ; le Christ est sur la croix ; le Christ est dans les enfers où il porte secours à plusieurs, et le Christ, le même jour, est en paradis avec le larron qui confesse. Comment aussi a mérité ce larron, si ce n’est pour avoir suivi la voie où le Très-Haut manifeste son salut ? Ah ! ne t’en écarte pas d’un pied. N’est-ce pas en s’accusant que le larron a loué Dieu et s’est acquis le bonheur ? Il espérait au Seigneur et lui disait : « Souvenez-vous de moi, Seigneur, lorsque vous serez entré dans votre royaume. » Il envisageait ses iniquités et se serait estimé bienheureux de finir par obtenir son pardon. Mais à ces mots:« Souvenez-vous de moi : » quand ? « quand vous serez entré dans votre royaume ; » le Seigneur répondit sans tarder : « En vérité je te le déclare, aujourd’hui même tu seras avec moi dans le paradis y. » Ainsi la miséricorde présentait ce qu’ajournait le malheur. 8. Prête donc l’oreille à cette confession du Seigneur : « Je vous confesse, mon Père, Seigneur du ciel et de la terre. » Pourquoi vous confesser ? De quoi vous louer ? car il s’agit ici, je l’ai dit déjà, d’une confession de louange. « Parce que vous avez caché ces choses aux sages et aux prudents, et que vous les avez découvertes aux petits. » Que signifie ceci, mes frères ? Comprenez-le par les paroles opposées à celles-ci. « Vous les avez découvertes aux petits », dit le Sauveur, et non pas : vous les avez découvertes aux insensés et aux imprudents. « Vous les avez cachées aux sages et aux prudents, et vous les avez révélées aux petits. » Aux sages et ails prudents ridicules, aux arrogants qui revendiquent une fausse grandeur et qui n’ont que du vent, il oppose, non les insensés ni les imprudents, mais les petits. Quels sont ces petits ? Les humbles. Ainsi « vous avez caché ces choses aux sages et aux prudents ; » aux sages et aux prudents, c’est-à-dire aux superbes, comme le fait entendre le Seigneur même en ajoutant : « Vous les avez découvertes aux petits. » Vous les avez donc cachées à ceux qui ne sont pas petits. Qu’est-ce à dire ? À ceux qui ne sont pas humbles. Or, qu’est-ce que n’être pas humble, si ce n’est être orgueilleux ? O voie du Seigneur ! Ou elle, n’était point tracée, ou elle était cachée, pour nous être un jour dévoilée. D’où viennent les transports du Sauveur ? De ce qu’elle a été découverte aux petits. Nous devons être petits ; car si nous voulons être grands, nous réputer prudents et sages ; la lumière divine ne nous sera point montrée, Quels sont les grands ? Des sages et des prudents, Mais « en se disant sages ils sont devenus insensés. » Pour trouver le remède, fais le contraire. Si tu es devenu insensé en te disant sage, pour devenir sage, dis-toi insensé. Mais dis-le, dis-le bien, dis-le du fond du cœur, car la réalité est conforme à ta parole. Et en le disant, ne le dis pas seulement devant les hommes et point devant Dieu. Car en ce qui te concerne, en ce qui t’appartient, tu n’es vraiment que ténèbres. Et qu’est-ce qu’être insensé, sinon avoir le cœur rempli de ténèbres ? L’Apôtre : s’écrie donc : « En se disant sages, ils sont devenus insensés. » Qu’étaient-ils avant de se dire tels ? « Leur cœur impertinent était obscurci z. » Dis donc que tu n’es pas la lumière ; tout au plus est-il l’œil, tu n’es pas la lumière. Que sert, sans lumière, d’avoir l’œil bon et ouvert ? Dis donc que tu n’as pas en toi la lumière, et écrie-toi avec, le Prophète : « C’est vous, Seigneur, qui allumerez mon flambeau ; c’est vous, Seigneur, qui par votre lumière éclairerez mes ténèbres aa. » Je n’ai à moi que ténèbres ; mais vous êtes la lumière qui dissipe les ténèbres, la lumière qui m’éclaire. Par moi je ne suis pas la lumière et je ne puis en emprunter qu’à vous. 9. Jean, l’ami de l’Époux, passait pour le Christ, on le prenait pour la lumière. « Il n’était pas la lumière, mais pour rendre témoignage à la lumière véritable. » Quelle est la lumière ? « La lumière véritable. » Quelle était la lumière véritable ? « Celle qui éclaire tout homme », et conséquemment Jean lui-même ; qui disait et confessait avec tant de raison : « Nous avons tous reçu de sa plénitude ab. » N’était-ce pas dire : « C’est vous Seigneur, qui allumerez mon flambeau ? » Une fois éclairé, il rendait témoignage ; oui, à cause des aveugles, ce flambeau rendait témoignage au jour, N’est-il pas un flambeau ? « Vous avez envoyé vers Jean, dit le Sauveur, et vous avez voulu, un moment, vous réjouir à sa lumière ; il était un flambeau ardent et luisant ac. » Un flambeau, c’est-à-dire quelque chose d’allumé pour éclairer. Ce qui peut s’allumer peut aussi s’éteindre. Pour ne pas s’éteindre, il faut se mettre à l’abri du vent de l’orgueil. Aussi « je vous confesse, mon Père, Seigneur du ciel et de la terre, parce que vous avez caché ces choses aux sages et aux prudents », à ceux qui se croyaient lumière et n’étaient que ténèbres, et qui ne pouvaient être éclairés, parce qu’étant ténèbres ils se croyaient lumière. Pour ceux qui étant ténèbres aussi se confessaient ténèbres, c’étaient des petits et non des grands, des humbles et non des orgueilleux. Aussi avaient-ils droit de dire« C’est vous, Seigneur, qui allumerez mon flambeau. » Ils se connaissaient, louaient le Seigneur et ne s’écartaient pas de la voie du salut. Ils louaient, ils invoquaient le Seigneur, et se trouvaient délivrés de leurs ennemis. Tournons-nous vers le Seigneur, etc ▼▼Voir ci-dessus, Serm. I
. SERMON LXVIII. LA SAGESSE DU SIÈCLE ae.
ANALYSE. – Quels sont les prudents et, les sages à qui le Père n’a point révélé les vérités chrétiennes, la divinité de son Fils ? Il y en a de deux sortes. Ce sont d’abord ceux qui en s’appliquant à l’étude de la créature ne se sont point élevés jusqu’à la connaissance du Créateur. Ce sont ensuite ceux qui après avoir connu Dieu ne l’ont point glorifié par une humble soumission, mais se sont laissés aller aux vaines fumées de l’orgueil. 1. Nous avons entendu le Fils de Dieu s’écrier : « Je vous confesse, moi Père, Seigneur du ciel et de la terre. » Pourquoi le confesse-t-il ? De quoi le loue-t-il ? « Parce que, dit-il, vous avez caché ces choses aux sages et aux prudents et que vous les avez découvertes aux petits. » Quels sont ces sages et ces prudents ? Quels sont ces petits ? Quelles sont les vérités cachées aux sages et aux prudents, révélées aux petits ? Le Sauveur nomme ici sages et prudents ceux dont Paul a dit : « Où est le sage ? Où est le Scribe ? Où est l’investigateur de ce siècle ? Dieu n’a-t-il pas convaincu de folie les sages de ce monde af ? » Cherches-tu néanmoins à savoir encore quels sont ces derniers ? Ce sont peut-être ces esprits qui ont beaucoup parlé de Dieu pour en dire des faussetés, qui enflés de leurs connaissances n’ont pu s’élever jusqu’à la connaissance de Dieu, et ont vu Dieu, dont la nature est incompréhensible, dans l’air, dans l’éther, dans le soleil, ou dans quelqu’autre partie distinguée de l’univers. En contemplation devant la grandeur, la beauté et la force des créatures, ils se sont arrêtés là sans découvrir le Créateur. 2. Voici leur condamnation dans ces paroles du livre de la Sagesse : « S’ils ont eu assez de force pour connaître l’univers, comment n’en ont-ils pas trouvé le Maître plus facilement ag ? » Leur crime est d’avoir consumé leur temps, leurs travaux et leurs raisonnements à sonder et pour ainsi dire à mesurer la créature ; ils ont étudié la marche des astres, la distance respective des étoiles, la route des corps célestes, et à l’aide de certains calculs ils sont parvenus à connaître et à prédire les éclipses de soleil et de lune avec une telle précision, qu’elles arrivent à l’époque, au jour, à l’heure, de la manière et selon les dimensions qu’ils ont annoncées d’avance. Il faut pour cela beaucoup de travail et de pénétration ; mais en cherchant si loin le Créateur, ils ne l’ont pas trouvé, car il était près d’eux-mêmes ; et s’ils l’avaient trouvé, c’est qu’ils l’auraient eu dans leurs cœurs. Si donc ils ont pu découvrir ainsi les rapports des astres, la mesure des temps, savoir et prédire les éclipses, n’est-ce pas à bon droit, n’est-ce pas avec une souveraine justice qu’ils sont accusés de n’avoir pas connu, pour avoir négligé de le chercher, Celui qui a formé et ordonné tous ces êtres ? Pour toi ne t’inquiète pas beaucoup si tu ignores les courbes que décrivent les astres et les relations réciproques des corps célestes et des corps terrestres. Contemple la beauté du monde et loue les desseins du Créateur. Contemple et aime Celui qui t’a fait. Sois surtout fidèle à ce point : Aime Celui qui t’a fait, parce qu’il t’a fait à son image pour l’aimer. 3. Mais s’il est étonnant qu’à ces sages occupés de la créature, qu’à ces sages qui ont cherché le Créateur avec négligence et sans pouvoir le trouver, aient été cachées les vérités dont parlait le Christ quand il disait : « Ces choses ont été cachées aux sages et aux prudents ;» il est plus étonnant encore que des sages et des prudents se soient rencontrés qui aient pu connaître Dieu. « La colère de Dieu, est-il écrit, éclate du ciel sur l’impiété et l’injustice de ces hommes qui retiennent la vérité dans l’injustice. » Quelle est cette vérité qu’ils retiennent dans l’injustice ? « C’est que ce qui est connu de Dieu est manifeste en eux. » Manifeste par quel moyen ? Le voici : « Dieu le leur a manifesté. » Mais comment le leur a-t-il manifesté, puisqu’il ne leur a pas donné sa foi ? Comment ? « En effet, ses perfections invisibles, rendues compréhensibles, depuis la création du monde, par les choses qui ont été faites, sont devenues visibles. » Il y eut donc des hommes, qu’il ne faut comparer ni à Moïse, le serviteur de Dieu, ni à ces nombreux prophètes qui contemplaient et saisissaient ces merveilles, avec le secours de l’Esprit-Saint, de cet Esprit qu’ils avaient puisé à longs traits avec leur foi et leur piété, et dont ils s’étaient nourris intérieurement ; il y eut, dis-je, des hommes différents qui purent s’élever par le moyen de la créature à la connaissance du Créateur et dire des œuvres de Dieu : Voilà ce qu’il a fait, ce qu’il gouverne, ce qu’il maintient ; et après avoir tout créé il remplit tout de sa présente. Ils ont pu tenir ce langage ; car c’est d’eux que saint Paul rappelle le souvenir dans les Actes des Apôtres. Après avoir dit que nous avons en Dieu la vie, le mouvement et l’existence, comme il parlait à ces Athéniens parmi lesquels avaient vécu ces savants illustres, l’Apôtre ajoute aussitôt : « Ainsi que l’ont dit quelques-uns d’entre vous. » Or ce qu’ils ont dit n’est pas de peu d’importance, c’est que « nous avons en Dieu la vie, le mouvement et l’existence. ah » 4. D’où vient donc qu’il ne faut pas les comparer aux prophètes, et qu’ils sont justement blâmés et accusés ? Écoute les paroles de l’Apôtre que j’avais commencé de rapporter : « La colère de Dieu éclate du haut du ciel sur toute l’impiété », sur l’impiété de ceux mêmes qui n’ont pas reçu la loi : « sur toute l’impiété et sur l’injustice de ces hommes qui retiennent la vérité dans l’injustice. » Quelle vérité ? « Que ce qui est connu de Dieu est manifeste en eux. » Qui l’a rendu manifeste ? « Car Dieu le leur a manifesté. » Comment ? « Ses perfections invisibles, rendues compréhensibles, depuis la création du monde, par les choses qui ont été faites, sont devenues visibles, aussi bien que son éternelle puissance et sa divinité. » Pourquoi les a-t-il manifestées ? « Afin que » ces hommes « soient inexcusables. » Mais en quoi sont-ils coupables, s’il a voulu les rendre inexcusables ? « En ce que connaissant Dieu ils ne l’ont point glorifié comme Dieu. » 5. Que dites-vous : « Ils ne l’ont point glorifié comme Dieu ? – Ils ne lui ont point rendu grâces. » – Glorifier Dieu, c’est donc lui rendre grâces ? – Sans aucun doute. Qu’y a-t-il de pire que l’ingratitude envers Dieu dans un être qui est créé à son image et qui le connaît ? Oui sûrement, glorifier Dieu, c’est lui rendre grâces. Les fidèles savent en quel lieu et à quel moment on dit : Rendons grâces au Seigneur notre Dieu. Or qui rend grâces à Dieu, sinon celui qui élève son cœur vers le Seigneur ? Aussi ces hommes déclarés inexcusables sont réellement coupables, parce que connaissant Dieu ils ne l’ont pas glorifié comme Dieu ni ne lui ont rendu grâces. Et qu’est-il arrivé ? « Ils se sont évanouis dans leurs pensées. » Pourquoi se sont-ils évanouis, sinon pour avoir été orgueilleux ? La fumée aussi s’évanouit en montant, et le feu brille et chauffe d’autant plus qu’il s’alimente plus près de terre. « Ils se sont évanouis dans leurs pensées, et leur cœur insensé s’est obscurci. » Quoique plus élevée que le feu, la fumée n’est-elle pas noire ? 6. Considère enfin ce qui suit, voici le point capital : « En se disant sages, ils sont devenus fous ai. » Ils se sont arrogés ce qu’ils avaient reçu de Dieu, et Dieu leur a repris ses dons. Il s’est caché à ces orgueilleux, lui qui s’était révélé clairement à eux pendant qu’ils cherchaient le Créateur dans la créature. Le Sauveur dit avec raison : « Vous avez caché ces choses aux sages et aux prudents ; » soit à ceux qui dans leurs investigations multipliées et leurs actives recherches sont parvenus à connaître la créature mais nullement le Créateur ; soit à ceux qui connaissant Dieu ne l’ont pas glorifié comme Dieu, ne lui ont pas rendu grâces et n’ont pu le voir qu’imparfaitement et sans utilité, à cause de leur orgueil. « Vous avez donc caché ces choses aux sages et aux prudents, et vous les avez révélées aux petits. » À quels petits ? Aux humbles. « Sur qui repose mon Esprit ? Sur l’homme humble et paisible qui redoute mes paroles aj. » Pierre a redouté ces paroles ; elles n’ont pas été redoutées par Platon. Conserve donc, pécheur, ce qu’a perdu le grand philosophe. « Vous avez caché ces choses aux sages et aux prudents, et vous les avez découvertes aux petits. » Vous les avez cachées aux superbes et révélées aux humbles. Quelles sont ces choses ? Quand le Sauveur parlait ainsi, il n’avait en vue ni le ciel ni la terre ; il ne les montrait pas du doigt en tenant ce langage. Qui ne voit en effet le ciel et la terre ? Les bons les voient comme les méchants ; car Dieu fait lever son soleil sur les méchants comme sur les bons ak. Quelles sont donc ces vérités ? C’est que « toutes choses m’ont été données par mon Père al. »CHAPITRE XXXIII. LE JOUG ET LE FARDEAU DU CHRIST. MAIN DESSÉCHÉE.
80. Saint Matthieu dit ensuite : « En ce temps-là, Jésus prononça ces paroles : Je vous bénis, « mon Père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que vous avez caché ces choses aux sages et aux prudents ; » et le reste, jusqu’aux mots : « Car mon joug est doux et mon fardeau léger am. » Saint Luc, lui aussi, a cité ce discours ; mais en partie seulement. Car il ne dit pas : « Venez à moi, vous tous qui êtes dans la peine », ni les paroles suivantes. Or, il est à croire que ceci n’a été dit qu’une fois, mais que saint Luc n’a pas tout rapporté. Aussi bien quand après les reproches du Sauveur aux villes impénitentes saint Matthieu nous fait lire : « En ce temps-là Jésus prononça ces paroles etc ; » saint Luc fait suivre ces mêmes reproches de quelques paroles encore, peu nombreuses, puis il dit : « A cette même heure Jésus tressaillit de joie dans le Saint-Esprit, et s’écria an. » Ainsi, quand saint Matthieu au lieu de dire : « En ce temps-là », aurait dit. « À cette même heure », l’expression n’eût pas laissé d’être exacte, tant est peu long ce qu’intercale saint Luc.
Copyright information for
FreAug