‏ Numbers 21

XL. (Ib 21, 2.) Sur le vœu d’anathème. – « Israël fit encore un vœu au Seigneur, et dit : « Si vous me livrez ce peuple après l’avoir assujetti » c’est-à-dire, si vous me le soumettez en me le livrant, « je l’anathématiserai, ainsi que ses villes. » Il faut bien comprendre le sens de ce mot : anathème. Il signifie que la chose, quoique vouée, devient maudite, comme ce peuple dont il est parlé ; de là ces mots : « Si quelqu’un vous annonce un évangile différent de celui que vous avez reçu, qu’il soit anathème a. » C’est l’origine du mot vulgaire de votare, car il n’est presque personne qui se serve de ce mot autrement que pour appeler sur soi des malédictions.

XLI. (Ib 21, 3.) Même sujet. — « Et il l’anathématisa, lui et sa ville : et ce lieu fut appelé Anathème. » De là vient que l’anathème est à nos yeux quelque chose qui excite l’horreur et l’effroi. Quand une chose était livrée à l’anathème, autrement en langage vulgaire, dévouée, le vainqueur ne devait rien en détourner à son usage, mais livrer tout à la destruction. L’origine de ce mot en grec vient de ce que les objets qui avaient été voués ou promis étaient fixés ou suspendus aux voûtes des temples, quand on réalisait son vœu ou sa promesse. ἀνεθεμάτισεν.

XLII. (Ib 21, 13, 14.) Sur les livres apocryphes. – L’Écriture, rapportant en détail les campements des enfants d’Israël, dit entre autres choses : « De là ils transportèrent leur camp au-delà d’Arnon, dans le désert, est sur les limites des Amorrhéens. Car Arnon est la limite de Moab, entre Moab et l’Amorrhéen. « C’est pourquoi il est écrit dans un livre : La guerre du Seigneur enflamma Zoob, et les torrents d’Arnon, et Er habita les torrents. » Elle ne dit pas en quel livre sont contenues ces paroles, et nous ne les lisons dans aucun de ceux que nous regardons comme livres canoniques. C’est sur de tels passages que s’appuient ceux qui prennent à tâche d’offrir des livres apocryphes aux âmes curieuses ou irréfléchies, pour leur insinuer des impiétés déguisées sous des fables. Mais il est parlé ici d’un livre en général, et non d’un livre sacré écrit par tel Patriarche ou tel Prophète. Nous ne nions pas qu’il y eût déjà alors des livres, soit chez les Chaldéens, les ancêtres d’Abraham ; soit chez les Égyptiens, dont Moïse avait appris toute la sagesse ; soit chez d’autres nations, et que l’un de ces livres pût contenir ce récit ; mais il ne s’ensuit pas que le livre où cela était écrit acquière la valeur des Écritures qui sont revêtues de l’autorité divine : pas plus que ce Prophète Crétois dont parle l’Apôtre b ; pas plus que ces écrivains de la Grèce, Poètes ou Philosophes, dont le même apôtre confirme l’autorité, quand il rapporte cette parole d’un des leurs, dans le discours sublime et plein de vérité qu’il fit entendre aux Athéniens : « Car c’est en lui que nous avons la vie, le mouvement et l’être c. » Il est bien permis à Dieu de prendre où il lui plaît les témoignages favorables à la vérité ; mais il n’autorise pas pour cela tout ce qui est rapporté dans ces livres. On ne voit pas clairement la raison de la citation mentionnée plus haut : peut-être l’Écriture a-t-elle voulu dire que la guerre eut lieu entre ces deux nations à l’occasion de leurs limites respectives, et que les hommes du pays, pour peindre ce que cette guerre eut d’effroyable, l’ont appelée la guerre du Seigneur ; de là ces mots écrits dans quelqu’un de leurs livres : « La guerre du Seigneur enflamma Zoob » soit que cette ville ait été, dans cette guerre, la proie des flammes ; soit qu’elle y ait pris part avec ardeur ; soit enfin qu’il y ait quelqu’autre signification dans ce passage obscur.

XLIII. (Ib 21, 16.) Allusion de l’Écriture à un fait qu’elle n’a pas rapporté précédemment. – « C’est ici le puits dont le Seigneur parla à Moïse, en lui disant : Assemble le peuple, et je leur donnerai de l’eau à boire. » Ce fait est rapporté en termes tels qu’il semblerait qu’on doit en lire le récit dans quelque chapitre précédent. Mais comme on ne le trouve nulle part, il faut entendre ce passage en ce sens que le peuple, après s’être plaint de la sécheresse, trouva de l’eau en cet endroit.

XLIV. (Ib 21, 24,25.) De la victoire des Israélites sur les Amorrhéens. – « Israël le frappa du tranchant du glaive : et ils se rendirent maîtres de son pays, depuis Arnon, jusqu’à Jaboc et, jusqu’aux enfants d’Ammon : car Jazer est à la frontière des enfants d’Ammon. Ainsi Israël prit toutes ces villes. Et Israël habita dans toutes les villes des Amorrhéens, dans Esébon. » Il n’est pas douteux qu’Israël posséda ces villes des Amorrhéens, après s’en être rendu maître par le droit de la guerre, parce qu’il ne les livra pas à l’anathème : car s’il les eût anathématisées, il n’aurait pu les garder en sa possession, ni faire servir à son usage aucune portion du butin. Il est à observer que ces guerres s’appuyaient sur la justice. Car on refusait aux Israélites un passage inoffensif, qui devait leur être ouvert, suivant les strictes exigences du droit des nations. Dieu d’ailleurs fut fidèle à ses promesses, et vint en aide aux Israélites, à qui devait être donné le pays des Amorrhéens. Il n’en fut pas de même lorsque Edom, lui aussi, leur refusa le passage les Israélites ne firent pas la guerre à ce peuple, et les enfants de Jacob n’en vinrent pas aux mains avec les enfants d’Esaü, son frère jumeau ; parce que Dieu ne leur avait pas promis cette terre, mais ils s’en détournèrent d.

XLV. (Ib 21, 27.) De ceux qui proposaient des énigmes, autrement des poètes. – « C’est pourquoi ceux qui proposent des énigmes, diront : Venez à Esebon, etc. » On ne voit pas clairement quel était le rôle de ces inventeurs d’énigmes, parce que leur nom n’est pas usité dans notre langue, et que c’est à peine si on le retrouve quelque part dans les divines Écritures ; mais comme nous les voyons célébrer dans une sorte d’hymne la guerre des Amorrhéens contre les Moabites, et la victoire de Séon, roi des Amorrhéens, sur Moab, il est permis de croire que l’on nommait alors inventeurs d’énigmes ceux que nous appelons aujourd’hui poètes ; car les poètes se donnent ordinairement la licence de mêler à leurs poèmes des énigmes tirées de la fable, où se cache quelque chose de mystérieux à deviner. Il n’y aurait pas, en effet, d’énigme possible, sans l’emploi de quelque expression figurée, dont l’examen sérieux conduit à l’intelligence de ce qui est voilé sous la forme énigmatique.

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