‏ Numbers 31

LX. (Ib 31, 5-6.) Dans quel sens est employé le mot force, virtus ? – En quel sens l’Écriture dit-elle : « Moïse envoya mille hommes de chaque tribu, avec leur force ? » Veut-elle désigner par la les princes des tribus, ou la force qui leur fut donnée de Dieu, grâce peut-être à la prière même de Moïse ? Ou mieux, cette force des Israélites ne signifie-t-elle point ce qui devait soutenir leurs forces ?

LXI. (Ib 31, 8.) Comment Balaam put-il être tué dans le combat des Israélites contre les Madianites? – L’Écriture dit que Balaam, ce faux prophète qui fut appelé pour maudire le peuple d’Israël, se trouva au nombre des morts dans la bataille où les Israélites triomphèrent des Madianites. On peut demander comment ce passage se concilie avec le précédent, où l’Écriture après avoir montré cet homme contraint de bénir, termine son récit en disant : « Après cela Balaam se leva et s’en retourna en son lieu, et Balac s’en alla chez lui a. » Si Balaam était retourné dans sa patrie, comment donc a-t-il pu succomber dans cette bataille, car son pays natal, la Mésopotamie, était extrêmement éloigné ? Serait-il par hasard revenu de son pays auprès de Balac, sans que l’Écriture en ait fait mention ? Toutefois, on peut entendre le retour de Balaam en son lieu, dans ce sens, qu’il revint de l’endroit où il offrait des sacrifices au lieu d’où il était parti à cet effet, et où il avait son logement comme étranger. Il est positif, en effet, qu’on ne lit pas : dans sa maison, ou dans sa patrie, mais « en son lieu. » Or, tout étranger a un lieu où il demeure quelque temps. Quant à Balac, qui l’avait fait venir, il n’est pas dit qu’il revint « en son lieu » mais « chez lui » c’est-à-dire dans le lieu où il avait sa maison et régnait. « En son « lieu » eût pu se dire également du souverain et de l’étranger ; mais « chez lui » ne me parait pas pouvoir se dire d’un étranger qui revient à la maison de son hôte.

LXII. (Ib 31, 9.) Encore sur le sens du mot « virtus eorum. » — « Et ils prirent les femmes de Madian, et leurs meubles, et leurs troupeaux, et tout ce qu’ils possédaient, et ils les dépouillèrent de leur force, virtutem eorum. » L’Écriture parle des femmes, des meubles, des troupeaux et de tout ce que possédaient les Madianites ; puis elle ajoute : « et ils les dépouillèrent de leur force : » pourquoi cette addition ? C’est qu’il faut en réalité donner ici au mot virtus le même sens que dans le passage précédent, où il est dit que Moïse envoya mille hommes de chaque tribu avec leur force. Ce que l’Écriture appelle leur force ne serait-il pas la nourriture qui les fortifiait ; cette nourriture qui donne des forces, et sans laquelle les forces s’épuisent ? C’est ce qui explique les paroles menaçantes que Dieu adresse par son Prophète « Je vous ôterai la force du pain et la force de l’eau b. » Moïse avait donc déjà envoyé les milliers de soldats de chaque tribu, pourvus de provisions, avec leur force, comme porte le texte ; et, après la victoire qu’ils remportèrent sur les Madianites, ces soldats eurent encore en partage les provisions de leurs ennemis.

LXIII. (Ib 31, 15-16.) Conseil perfide donné par Balaam aux Madianites. – « Pourquoi avez-vous épargné la vie de toutes les femmes ? Car ce sont elles qui, selon la parole de Balaam, ont été cause que les enfants d’Israël se sont égarés et ont méprisé la loi du Seigneur pour s’attacher à Phogor. » L’Écriture ne lit pas à quel moment Balaam donna aux Madianites le conseil perfide de se servir de leurs femmes comme d’un appât pour entraîner les Israélites, non seulement dans la fornication corporelle, mais encore dans la fornication spirituelle, ou l’idolâtrie : il le donna cependant, puisque ce fait est mentionné ici. De la même manière, bien que l’Écriture ne dise pas en quel lieu Balaam était retourné, on peut croire, si l’on veut, que ce lieu n’était pas l’hôtellerie où il logeait comme étranger.

LXIV. (Ib 35, 14, 42.) À qui s’ouvraient les villes de refuge ? – Pourquoi l’Écriture dit-elle « Vous aurez des villes qui serviront de refuge contre le vengeur du sang, et celui qui est homicide ne mourra point, jusqu’à ce qu’il ait paru devant le peuple pour le jugement ? » Il s’agit ici de ceux qui ont tué sans le vouloir ; cependant, parlant ailleurs de tout homme réfugié pour une cause semblable, elle dit qu’il sortira libre de la cité qui lui a servi de refuge, quand arrivera la mort du grand-Prêtre ? Pourquoi donc s’exprime-t-elle ainsi : « Et celui qui est homicide ne mourra point, jusqu’à ce qu’il ait paru devant le peuple pour le jugement ? » N’est-ce point parce qu’il fallait, pour qu’il pût demeurer dans une ville de refuge, une preuve juridique qu’il avait tué sans le vouloir ?

LXV. (Ib 35, 19, 42.) Sur l’homicide convaincu judiciairement de meurtre volontaire. – Quel est le vrai sens de ces mots : « Celui qui venge le sang, tuera lui-même l’homicide ; il le tuera quand il le rencontrera ? » Mal entendu, ce passage signifierait que, dans tous les cas, le vengeur de la mort d’un proche parent peut tuer l’assassin sans forme de procès. Mais on doit interpréter ces paroles conformément à ce qui a été dit plus haut : que le meurtrier se retirera dans une des villes de refuge, jusqu’à ce qu’il comparaisse en jugement, dans la crainte qu’il ne soit rencontré et mis à mort auparavant par le parent de la victime ; car, lors même qu’il aurait commis un homicide involontaire, trouvé par son adversaire en dehors des villes de refuge, il peut être mis à mort. Mais quand il a paru en jugement en quelqu’une de ces villes et qu’il y a été déclaré coupable d’homicide, alors on ne lui permet plus d’y demeurer, et une fois le jugement rendu, quelque part qu’il soit rencontré par le parent du mort, celui-ci a le droit de le tuer. Un nouveau jugement est inutile, puisqu’il a été déclaré coupable d’homicide volontaire, et, à ce titre, chassé des villes de refuge.

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