‏ Numbers 9

XV. (Ib 9, 6.) Quand devaient célébrer la Pâque ceux qui étaient obligés de la différer. – Au temps de la Pâque, plusieurs Israélites, devenus impurs au sujet de l’âme d’un homme, c’est-à-dire, pour avoir approché d’un mort, demandèrent comment ils célébreraient cette fête : car ils devaient, aux termes de la Loi, se purifier pendant sept jours de leurs impuretés. Moïse ayant consulté le Seigneur, reçut pour réponse que tout Israélite, a qui survenait un accident semblable, ou qui se trouvait engagé dans un si long voyage qu’il ne pouvait revenir, devait célébrer la Pâque le mois suivant, au quatorzième jour du cycle lunaire. Mais si l’on demande ce qui se faisait, quand l’impureté se contractait dans le second mois, je répondrai qu’à mon avis, la règle de conduite à observer dans le second mois devait être également suivie dans le troisième, ou que sans aucun doute, l’infraction à la Pâque dans une nécessité pareille ne constituait pas un péché.

XVI. (Ib 9, 15-23.) Sur la Colonne de nuée. —  a « Et au jour où le tabernacle fut établi, une nuée couvrit le tabernacle, la maison du témoignage ; et depuis le soir jusqu’au matin, elle était sur le tabernacle comme une espèce de feu. Ainsi en était-il toujours ; la nuée le couvrait pendant le jour, et pendant la nuit, une espèce de feu. Et lorsque la nuée s’élevait au-dessus du tabernacle, les enfants d’Israël levaient ensuite, et postea, le camp ; et partout où s’arrêtait la nuée, les enfants d’Israël établissaient leur camp. Les enfants d’Israël camperont au commandement du Seigneur, et au commandement du Seigneur ils lèveront leur camp. Tous les jours où la nuée couvre le tabernacle de son ombre, les enfants d’Israël resteront dans le camp, et quand la nuée sera demeurée plusieurs jours sur le tabernacle ; et les enfants d’Israël observeront la garde de Dieu, et ne décamperont point. Et quand la nuée aura couvert le tabernacle un certain nombre de jours, il arrivera qu’à la voix du Seigneur ils seront dans le camp, et au commandement du Seigneur ils le lèveront. Et quand la nuée sera demeurée depuis le soir jusqu’au matin, et qu’elle se sera élevée le matin, ils décamperont pendant le jour ; si même elle s’élève la nuit, ils lèveront leur camp : le jour ou le mois de jour pendant lequel une nuée abondante couvrira le tabernacle, les enfants d’Israël seront dans le camp, et ne se mettront point en marche. Car ils partiront au commandement du Seigneur. Ils observeront la garde du Seigneur, suivant le commandement qu’ils en avaient reçu par la main de Moïse. »

2. Tout ce passage demande une sérieuse explication, parce qu’il est plein de locutions inusitées qui en obscurcissent le sens. « Au jour, lisons-nous, où le tabernacle fut établi, une nuée couvrit le tabernacle, la maison du témoignage : » c’est le tabernacle que l’Écriture désigne sous cet autre nom de maison du témoignage. « Et depuis le soir jusqu’au matin, elle était sur le tabernacle comme une espèce de feu. Ainsi en était-il toujours b. » Suit l’explication minutieuse de ce qui arrivait toujours. « La nuée le couvrait pendant le jour, et la nuit, une espèce de feu c. Et lorsque la nuée se retirait de dessus le tabernacle, les enfants d’Israël levaient ensuite, et postea, le camp. » Le sens ici n’est pas obscur, pourvu qu’on supprime la particule et. Car, sans cette conjonction, la phrase est complète, et peut se construire ainsi : « Et quand la nuée se retirait de dessus le tabernacle, les enfants d’Israël levaient ensuite le camp ; » même sans ce mot, ensuite, le sens serait parfait. Le texte ajoute : « Et partout où la nuée s’arrêtait, les enfants d’Israël établissaient leur camp. »

3. Or, tout ce qu’ils faisaient se réglait sur les ordres de Dieu ; c’est ce que l’Écriture exprime en ces termes : « Les enfants d’Israël camperont au commandement du Seigneur, et au commandement du Seigneur ils lèveront leur camp d. » Elle appelle commandement du Seigneur, le signal donné par la nuée, de s’arrêter, quand elle couvrait le tabernacle de son ombre, et de marcher à sa suite ; quand elle s’élevait et allait en avant. Il est vrai que le ton de la narration change en cet endroit et que l’Écriture semble prédire et annoncer les choses comme si elles étaient à venir. En effet, nous ne lisons pas : Les enfants d’Israël campaient au commandement du Seigneur, mais camperont; ni : ils levaient leur camp au commandement du Seigneur, mais ils lèveront leur camp. Et cette manière de parler, tout-à-fait contraire à l’usage de l’Écriture, se poursuit dans le reste de ce passage. Nous savons bien que les prophéties emploient souvent la forme du prétérit ; par exemple, quand il est dit : « Ils ont percé mes mains et mes pieds e » et encore : « Il a été conduit comme une brebis pour être sacrifié f ; » il y a des passages sans nombre, semblables à ceux-ci ; mais que le narrateur raconte au futur des événements accomplis, comme nous venons de le voir, il serait extrêmement difficile d’en trouver un exemple dans toute l’Écriture :

4. Or, après avoir dit à quel signe le peuple doit, le jour et la nuit, se mettre en marche ou s’arrêter ; dans la crainte qu’on ne croie qu’il devait marcher pendant la nuit et faire halte pendant le jour, et que cela se reproduisait uniformément, Dieu ajoute : « Tous les jours où la nuée couvre le tabernacle de son ombre, les enfants d’Israël seront dans le camp  g ; et quand la nuée sera demeurée plusieurs jours sur le tabernacle. » Puis, voulant faire comprendre que tout cela s’accomplissait d’après la volonté divine, et non pour satisfaire au besoin qu’ils en avaient : « Et les enfants d’Israël observeront, dit-il, la garde de Dieu » c’est-à-dire la garde que Dieu leur a commandée ; « et ils ne décamperont point. » Et comme pour aller au-devant de cette question : A quel moment partiront-ils donc ? « Il arrivera, répond-il, que quand la nuée aura couvert le tabernacle des jours sans nombre h » c’est-à-dire, un certain nombre de jours, qui est laissé au bon plaisir de Dieu, « à la voix du Seigneur, ils seront dans le camp, et au commandement du Seigneur, ils le lèveront. » Cette voix du Seigneur, c’est vraisemblablement le signal de s’arrêter ou de se mettre en marche donné au moyen de la nuée ; car la voix de celui qui parle n’est pour nous que l’expression de sa volonté. Je crois que ces mots : Son commandement, ont aussi le même sens. La voix et le commandement du Seigneur pourraient néanmoins s’entendre encore en ce sens que Dieu parlant à Moïse, selon sa coutume, avait ordonné qu’il en fût ainsi. Les Israélites, en effet, n’auraient pas su qu’ils devaient s’arrêter ou se mettre en marche avec la nuée, s’ils n’avaient été instruits par avance de leur devoir.

5. Mais, dans tout ce qui précède, il n’apparaît pas clairement encore si la marche n’avait lieu que pendant le jour, où si elle s’opérait également pendant la nuit au signal de la nuée. Car bien que les Israélites aient pu rester plusieurs jours dans leur camp, à cause de l’immobilité de la nuée, rien n’empêche que celle-ci ne se soit élevée que pendant le jour, pour donner le signal du départ. Aussi lisons-nous : « Et quand la nuée sera demeurée depuis le soir jusqu’au matin, et qu’elle se sera élevée le matin, et ils décamperont pendant le jour i. » La conjonction copulative n’est placée là que par un usage familier à l’Écriture. Car, en la supprimant, cette phrase offre un sens complet : « Et quand la nuée sera demeurée depuis le soir jusqu’au matin, et qu’elle se sera élevée le matin, ils décamperont pendant le jour. » Puis, comme ils levaient le camp, lors même que la nuée s’élevait pendant la nuit, et qu’ils se mettaient aussitôt en marche à ce signal, voici ce que l’Écriture ajoute : « Et si la nuée s’élève même pendant la nuit, ils lèveront leur camp. » La locution employée ici : vel nocte et si, est fort contraire à l’usage ; car nous n’y trouvons pas seulement la particule et, mais nous voyons qu’elle y occupe une place où elle ne se trouve pas d’ordinaire. Ce renversement de l’ordre grammatical des mots me paraît donc une de ces transpositions admises dans la langue latine elle-même. Ainsi qu’on dise : « Si la nuée monte même encore la nuit » ou bien : « si même la nuit la nuée monte, ils lèveront le camp » le sens est parfait dans l’un et l’autre cas.

6. Une autre question se présentait à l’esprit. On sait que les Israélites se mettaient en marche ou restaient campés des jours et des nuits, suivant ce signal de la nuée. Il s’agissait de savoir encore s’ils campaient seulement le jour, quand ils devaient marcher pendant la nuit. L’Écriture me semble avoir résolu cette question dans les paroles suivantes : « Le jour ou le mois de jour pendant lequel une nuée abondante couvrira le tabernacle, les enfants d’Israël seront dans le camp, et ne se mettront point en marche j. » Comme elle venait de dire : « si la nuée s’élève la nuit, ils décamperont », elle devait en quelque sorte achever la pensée en disant : mais si elle ne s’élève pas pendant le jour, ils ne marcheront point, lors même qu’ils croiraient devoir continuer leur marche : Cependant, comme il pouvait arriver que l’on marchât, pendant plusieurs nuits, sous la conduite de la nuée, et qu’on s’arrêtât avec elle, le même nombre de jours, l’Écriture a voulu précisément l’indiquer dans ces paroles : « le jour ou le mois de jour. » Elle n’a pas dit simplement : le mois, dans la crainte qu’on ne comprit les nuits avec les jours de ce mois ; mais elle a dit : le mois de jour, en prenant pour point de départ, le jour, et non la nuit. « Donc le jour ou le mois de jour, lorsqu’une nuée abondante couvrira » en d’autres termes, donnera une ombre abondante, ou couvrira d’une ombre très-abondante « le tabernacle, les enfants d’Israël seront dans le camp, et ne le lèveront point. » Enfin l’Écriture répète de nouveau que tout cela s’accomplissait d’après les ordres de Dieu, contre lesquels ne devait s’élever aucune résistance : « Car, ajoute-t-elle, ils marcheront au commandement du Seigneur. Ils observèrent la garde du Seigneur, suivant le commandement qu’ils en avaient reçu parla main de Moïse. » A ces mots, ils observèrent, le récit de l’Écriture reprend la forme du passé, Enfin ces dernières paroles : par la main de Moïse, sont un idiotisme fréquemment en usage dans le langage scriptural, et qui signifie que Dieu se servait de Moïse pour communiquer ses ordres.

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