Exodus 7
XVII. (Ib 4, 16 ; 7, 1.) Moïse appelé le Dieu de Pharaon, et Aaron, le prophète de Moïse. – Chose digne de remarque ! Dieu ne dit pas à Moïse, lorsqu’il l’envoie vers son peuple : Voici que je t’ai établi le dieu de ton peuple, et ton frère sera ton prophète, mais : « ton frère parlera pour toi au peuple. » Il lui dit encore : « Il sera ta bouche, et tu le représenteras dans tout ce qui a rapport à Dieu » il ne dit pas : Tu seras son Dieu. Mais Moïse est établi le dieu de Pharaon, et par analogie, Aaron, le prophète de Moïse, toutefois à l’égard de Pharaon. Il nous semble résulter de là que les prophètes de Dieu rapportent les paroles qu’ils tiennent de lui, et qu’un prophète n’est autre chose que l’organe par lequel Dieu adresse ses paroles aux hommes incapables ou indignes de l’entendre. XVIII. (Ib 7, 3.) Endurcissement du cœur de Pharaon. – Dieu dit à plusieurs reprises : « J’endurcirai le cœur de Pharaon » et il donne pour ainsi dire la raison de sa manière d’agir : « J’endurcirai, dit-il, le cœur de Pharaon, et j’accomplirai mes merveilles et mes prodiges en Égypte » On dirait que l’endurcissement du cœur de Pharaon est comme la condition indispensable à la multiplication ou à l’accomplissement des prodiges de Dieu en Égypte. Dieu sait donc se servir des cœurs mauvais, pour l’instruction ou l’utilité des bons. Et quoique le degré de malice dans chaque cœur, ou autrement, le penchant de chacun au mal, soit le résultat d’un vice personnel, issu du libre choix de la volonté ; cependant, pour que le cœur soit porté au mal dans un sens quelconque, il y a des causes qui agissent sur l’esprit : l’existence de ces causes ne dépend, pas de l’homme ; mais elles proviennent de cette providence cachée, assurément très juste et très-sage, par laquelle Dieu règle et dispose tout ce qu’il a créé. Ainsi, que Pharaon eût un cœur capable de trouver dans la patience de Dieu un excitant, non au bien mais au mal, ce fut en lui un vice personnel ; mais quant aux événements qui déterminèrent ce cœur si dépravé à s’opposer aux ordres de Dieu, car c’est là, à proprement parler, l’endurcissement, puisqu’au lieu de céder humblement, Pharaon résistait avec obstination, ils furent une permission de la divine sagesse, qui préparait à ce cœur un châtiment, non-seulement mérité, mais évidemment plein de justice, et on les hommes craignant Dieu trouveraient une leçon. Étant proposée, par exemple, une récompense pour la perpétration d’un homicide, l’avare et celui qui, méprise la fortune seront mus dans un sens différent ; l’un sera porté à commettre le crime ; l’autre à s’en défendre : la proposition du bénéfice à retirer n’était cependant au pouvoir d’aucun des deux. C’est ainsi qu’il se présente, pour les méchants, des causes d’agir qui ne sont point en leur pouvoir, mais qui les trouvant déjà engagés dans leurs propres vices et par suite d’un choix antérieur de la volonté, les portent à suivre leurs penchants. Toutefois il faut bien voir si ces paroles : « J’endurcirai » ne peuvent aussi signifier : je montrerai combien son cœur est dur. XIX. (Ib, 7, 9.) Sur le rôle d’Aaron. — « Si Pharaon vous dit : Donnez-nous un miracle ou un prodige, tu diras à Aaron, ton frère : Prends une verge, et jette-la devant Pharaon et « ses serviteurs ; et ce sera un dragon. » Assurément, dans ce cas, il n’était pas nécessaire de recourir au ministère de la parole, créé en faveur d’Aaron par une sorte de nécessité, pour venir en aide à l’infirmité de Moïse : il s’agissait uniquement de jeter la verge qui devait se changer en serpent. Pourquoi donc Moïse n’a-t-il pas accompli lui-même cette action, sinon parce que cette médiation d’Aaron entre Moïse et Pharaon renferme la figure d’un évènement considérable ? XX. (Ib 7, 10.) Sur la verge de Moïse et d’Aaron. – Autre remarque. Il est écrit, à propos du miracle opéré sous les yeux de Pharaon : « Et Aaron « jeta sa verge. » Si l’Écriture avait dit : Il jeta la verge, il n’y aurait pas matière à discuter ; mais comme elle met le mot sa, bien que Moïse la lui eût donnée, ce n’est peut-être pas sans raison que le texte est ainsi conçu. Cette verge leur aurait-elle été commune à tous les deux, de sorte qu’on pourrait la regarder comme appartenant à l’un aussi bien qu’à l’autre ? XXI. (Ib 7, 12.) Changement des verges en serpent. – « Et la verge d’Aaron dévora leurs verges. » Si le texte eût porté. Le serpent d’Aaron dévora leurs verges, on eût compris que le serpent d’Aaron dévora, non des serpents imaginaires, mais des verges. Car il a pu dévorer des verges réelles, non des apparences sans réalité. Mais nous lisons : « La verge d’Aaron dévora leurs verges » or, si le serpenta pu dévorer les verges des magiciens, la verge ne le pouvait pas. Au lieu d’appeler la chose du nom de l’objet auquel elle a été changée, l’Écriture lui donne donc le nom qu’elle avait avant son changement, par la raison qu’elle est revenue ensuite à son premier état ; il convenait d’ailleurs de lui donner le nom qui exprimait sa nature principale. Mais que faut-il penser des verges des mages ? Furent-elles changées aussi en serpents véritables, et sont-elles appelées verges au même titre que la verge d’Aaron ? Ou plutôt, par un prestige de l’art magique, ne semblaient-elles pas être ce qu’en réalité elles n’étaient point ? Pourquoi donc les unes et les autres sont-elles appelées verges et serpents, sans aucune distinction, quand il est parlé de c es prestiges ? Si l’on admet que les verges des magiciens ont été changées en serpents véritables, une nouvelle et sérieuse difficulté se présente, car il faut démontrer que la création de ces serpents ne fut l’œuvre ni des magiciens, ni des mauvais anges par qui ils opéraient leurs enchantements. Or, parmi tous les éléments corporels de ce monde sont cachées des raisons séminales, qui, à l’aide du temps et d’une cause favorables, deviennent des espèces déterminées parleurs qualités et les fins qui leur sont propres.C'est pourquoi on ne dit pas des anges, par qui ces êtres arrivent à la vie, qu’ils créent des animaux, pas plus qu’on ne dit des laboureurs qu’ils créent les moissons, les arbres ou toute autre production de la terre, parce qu’ils savent utiliser les causes visibles et les circonstances favorables au développement. Ce que ceux-ci font d’une manière visible, les anges l’opèrent d’une manière invisible ; mais Dieu seul, est vraiment créateur, lui qui a déposé dans la nature les causes et les raisons séminales. Je dis tout cela en peu de mots ; mais pour le faire mieux comprendre et l’appuyer d’exemples et d’une discussion sérieuse, il faudrait un long traité ; la précipitation qui préside à ce travail me servira d’excuse.SERMON VIII. LES DIX COMMANDEMENTS ET LES DIX PLAIES D’ÉGYPTE.
ANALYSE. – Nous n’avons point ce discours tout entier : il y manque évidemment un exorde et une péroraison. Aussi porte-t-il le nom de Fragment dans les éditions latines. Saint Augustin a pour but d’établir une corrélation entre les dix préceptes du Décalogue et les dix plaies d’Égypte. Celles-ci indiquent à ses yeux les châtiments dont Dieu frappe les violateurs de sa loi. À la transgression du premier commandement il réserve comme punition l’aveuglement du cœur ; à la violation du second, la folie de sa raison ; du troisième, l’inquiétude et l’agitation de l’âme ; du quatrième, un honteux avilissement ; du sixième, l’assimilation aux animaux ; du cinquième, les fureurs de la colère ; du septième, l’indigence de l’âme ; du huitième, la malignité des langues ; du neuvième ; une sorte de folie ; du dixième enfin, la perte de la foi. Saint Augustin termine en disant que si les magiciens de Pharaon ont été vaincus à la troisième plaie ou au troisième prodige, c’est que cette troisième plaie correspond au troisième précepte, au précepte attribué spécialement au Saint-Esprit, à l’Esprit sanctificateur. Aussi avouent-ils que le doigt de Dieu est avec Moïse, et le doigt de Dieu désigne quelquefois l’Esprit-Saint dans le style même de l’Écriture. 1. Après avoir établi d’abord la certitude historique de ces évènements, nous devons en chercher la signification, il fallait poser le fondement pour ne paraître point bâtir dans les airs. Le premier miracle accompli, le changement de la verge en serpent, n’est point du nombre des dix plaies. C’était un moyen d’arriver jusqu’à Pharaon et de donner à Moïse l’autorité nécessaire pour tirer de l’Égypte le peuple de Dieu. Le Seigneur ne frappait pas encore des opiniâtres, il voulait leur inspirer une divine frayeur. La verge désigne le royaume de Dieu et le royaume de Dieu n’est autre que le peuple de Dieu. Le serpent au contraire rappelle cette vie mortelle, puisque c’est le serpent qui nous a fait boire la mort. Nous sommes devenus mortels en tombant de la main de Dieu sur la terre ; aussi la verge s’est échappée de la main de Moïse pour devenir un serpent. Les Mages de Pharaon firent de même. Mais le serpent de Moïse c’est-à-dire la verge de Moïse commença par dévorer tous leurs serpents a ; Moïse le saisit par la queue, il redevint une verge ; c’est le royaume de Dieu qui se replaçait sous sa main. Les verges des Mages figurent donc les peuples impies vaincus au nom du Christ : quand ils s’assimilent à son corps, ils sont comme dévorés par le serpent de Moïse, jusqu’à ce que le royaume de Dieu se replace sous sa main. Ce grand miracle n’aura lieu qu’à la fin des siècles, désignée par la queue du serpent. Voilà ce que vous devez désirer, voici ce que vous devez éviter, 2. Le premier précepte de la Loi regarde le culte d’un seul Dieu. « Tu n’auras point d’autres dieux que moi, dit le Seigneur b.» La première plaie d’Égypte est l’eau changée en sang c. Compare ce premier précepte à cette première plaie. Dans l’eau, qui engendre tout, considère la ressemblance du Dieu unique qui a tout créé. Mais que désigne le sang, sinon la chair mortelle ? Et que signifie, en conséquence, le changement d’eau en sang, sinon que « leur cœur insensé a été obscurci ? Car en se disant sages ils sont devenus fous, et ils ont changé la gloire du Dieu incorruptible d. » La gloire du Dieu incorruptible est pure comme l’eau ; l’image d’un homme corruptible est changée comme le sang. Voilà ce qui se passe dans le cœur des impies ; car en lui-même Dieu demeure immuable, et il n’est pas changé, quoique l’Apôtre ait dit : « Ils ont changé. » 3. Voici le second précepte : « Tu ne prendras pas en vain le nom du Seigneur ton Dieu e. » On ne se purifiera point en prenant en vain le nom du Seigneur son Dieu. Or le nom de Jésus-Christ Notre-Seigneur est la vérité, puisqu’il a dit : « Je suis la vérité f. Donc la vérité purifie, comme la vanité souille. Mais dire la vérité, c’est parler avec la grâce de Dieu, puisque dire le mensonge c’est parler de son propre fonds g. De plus, dire la vérité c’est parler raisonnablement, et parler, en vain c’est plutôt faire du bruit que parler ; d’où il suit que l’amour de la vérité est l’objet du second précepte et que l’amour de la vanité est défendu par lui : Comme la vanité ne fait qu’un vain bruit, voyez avec quelle convenance la seconde plaie est opposée au second précepte ! Quelle est cette seconde plaie ? Une étonnante multitude de grenouilles h. Leur coassement n’est-il pas la naturelle image de la vanité ? Considère les amis de la vérité qui ne prennent pas en vain le nom du Seigneur leur Dieu : ils enseignent la sagesse au milieu des parfaits, des imparfaits même i. Ils n’enseignent pas sans doute ce qu’on ne saurait comprendre ; néanmoins ils ne quittent pas la vérité pour se jeter dans la vanité. Si les imparfaits ne saisissent point des discussions d’un ordre un peu plus élevé sur le Verbe de Dieu, qui est Dieu en Dieu et par qui tout a été fait j, s’ils ne peuvent comprendre que ce que Paul prêche au milieu d’eux comme au milieu des petits enfants du Christ, savoir Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifiés il ne s’ensuit pas que la vérité soit uniquement dans ce haut enseignement et que la vanité soit le partage de l’enseignement populaire. Or ce dernier serait vain si nous disions que le Christ n’est pas mort en réalité mais en apparence ; que ses blessures n’étaient que des simulacres, qu’il n’a point répandu véritablement son sang, mais fait semblant de le répandre ; et que ses blessures ayant été de fausses blessures, il n’a montré que de fausses cicatrices. En assurant toutes ces vérités, nous assurons des faits, nous croyons, nous prêchons qu’ils sont certains et réellement accomplis, et sans parler de cette sublime et immuable vérité ; nous ne tombons point dans la vanité. Mais ceux qui montrent tout cela comme étant, dans le Christ, faux et simulé, sont des grenouilles coassant dans un marais ; ils peuvent faire du bruit en paroles, ils ne sauraient enseigner la sagesse. Dans l’Église, au contraire, on est attaché à la vérité et on prêche la Vérité par laquelle tout a été fait ; la Vérité ou le Verbe fait chair et habitant parmi nous ; la Vérité ou le Christ né de Dieu, fils unique d’un seul Dieu et coéternel à Dieu ; la Vérité qui, après avoir pris la nature d’esclave, est née de la Vierge Marie, a souffert, a été crucifiée, est ressuscitée, montée aux cieux ; la Vérité partout, et celle que peuvent comprendre les parfaits et celle que peu, vent saisir les petits ; la Vérité devenue pain et lait, pain pour les grands et lait pour les petits ; car pour devenir lait, le pain doit passer par la chair. Quant à ceux qui crient contre cette Vérité et qui cherchent à prendre dans le mensonge où ils sont pris eux-mêmes, ce sont des grenouilles qui fatiguent l’oreille sans fortifier l’âme. Écoute enfin des hommes qui parlent raisonnablement : « Il n’y a point d’idiomes, point de langues où ne soient entendues leurs paroles, non pas des paroles vides de sens, car leur voix a retenti dans toute la terre, et leurs discours jusqu’aux extrémités du monde k.» Veux-tu aussi voir des grenouilles ? Rappelle-toi ce verset d’un Psaume : « Chacun fait entendre des choses vaines à son prochain l. » 4. Troisième précepte : « Souviens-toi de sanctifier le jour du sabbat m. » Ce troisième précepte impose comme le tribut d’un repos qui consiste dans la paix du cour et de l’esprit, et que produit la bonne conscience. Ce repos sanctifie parce que l’Esprit-Saint y réside. Voyez-le en effet. «Sur qui reposera mon Esprit ? Sur « l’homme humble, paisible et tremblant à ma voix n» Les âmes agitées échappent donc à l’Esprit-Saint. Elles aiment les querelles, répandent des calomnies, recherchent plutôt la dispute que la vérité, et leurs mouvements continuels éloignent d’elles le repos spirituel du sabbat. Pour combattre cette inquiétude et pour inviter à ouvrir leurs cœurs au repos du sabbat, à l’action sanctifiante de l’Esprit de Dieu : « Écoute avec douceur la parole pour comprendre, leur est-il dit o. » Et que comprendrai-je ? Dieu qui me dit : Assez d’agitation ; qu’il n’y ait plus de tumulte dans ton cœur ; que ces pensées corrompues cessent de voltiger et de te tourmenter. C’est bien alors que tu entendras Dieu te dire : « Soyez en repos, et voyez que c’est moi qui suis Dieu p. » Mais toi, toujours inquiet, tu refuses de te mettre en repos, et aveuglé dans le trouble de tes disputes, tu prétends voir quand tu en es incapable. Considère donc la troisième plaie opposée à ce troisième précepte, ce sont des moucherons nés en Égypte du limon de la terre q ; c’est-à-dire des mouches très-petites, toujours en mouvement. Leur vol est irrégulier, elles se jettent dans les yeux, ne laissent point de repos ; on les chasse et elles reviennent ; chassées encore elles reviennent sans cesse. Telles sont les vaines imaginations des cœurs contentieux. Soyez fidèles au précepte, en garde contre le châtiment. 5. « Honore ton père et ta mère r », tel est le quatrième précepte. La quatrième plaie égyptienne qui y correspond se nomme en grec χυνομυῖα. Que signifie χυνομυῖα ? Une mouche canine. C’est donc s’assimiler au chine que de ne reconnaître pas ses parentes. Est-il rien d’aussi digne d’un chien que cette conduite envers ceux à qui on doit le jour ? Aussi les petits chiens naissent aveugles. 6. Cinquième précepte : « Tu ne seras point adultère s ; » et cinquième plaie : mort sur les troupeaux des Égyptiens t. Établissons les rapports. Suppose un homme qui médite de commettre un adultère et qui ne se contente pas de son épouse ; il ne veut point dompter eu lui ce honteux désir de la chair, commun à l’homme et aux bêtes. Les bêtes peuvent aussi se livrer aux plaisirs de la chair et se reproduire ; à l’homme le raisonnement et l’intelligence. Aussi la raison, qui siège et règne dans.l'esprit, doit-elle réprimer avec autorité les mouvements désordonnés de la chair et ne les laisser pas courir de tous côtés, sans mesure et sans règle. C’est pourquoi la nature fait que les animaux eux-mêmes, grâce à l’institution du Créateur, ne recherchent qu’à des époques déterminées les jouissances brutales ce n’est pas la raison qui les réprime alors, c’est l’ardeur qui se refroidit. Si l’homme y est toujours sensible, c’est qu’il peut les contenir. Le Créateur t’a donné l’autorité de la raison, et il veut que ses préceptes de continence soient pour toi comme des rênes pour diriger des animaux sans raison. Tu as ce que ne saurait avoir l’animal, et tu espères ce qu’il ne peut espérer. C’est parfois un travail pour toi de garder la continence ; ce n’en est pas un pour l’animal ; mais pour toi quelles jouissances dans l’éternité où il ne parvient pas ! Si ce travail te fatigue, que la récompense te console ; car il y a un exercice de patience à mettre un frein à ces mouvements intérieurs qui te sont communs avec la bête, et à ne pas t’y abandonner comme elle. Mais si tu te ravales, si tu ne prends pas soin de cette divine image avec laquelle Dieu t’a créé, si tu te laisses vaincre aux tentations de la concupiscence, tu perdras. en quelque sorte ton caractère d’homme pour n’être plus qu’un vil animal : tu n’en auras point la nature, mais tu lui ressembleras, tout en conservant la nature humaine. N’entends-tu pas : « Ne soyez point comme le cheval et le mulet sans intelligence u ? » Peut-être néanmoins préfères-tu mener la vie des bêtes, te livrer librement à tes passions, et ne t’astreindre à aucune loi pour contenir tes appétits charnels. Vois donc le châtiment, et si tu ne crains point d’être une bête, redoute au moins la mort. 7. Sixième précepte : « Tu ne tueras point v. » Sixième plaie : des ulcères et des tumeurs qui bouillonnent et se lèvent dans tout le corps, la chaleur dévorante des blessures produites par le feu d’une fournaise w. Telles sont les âmes homicides ; elles sont enflammées par la colère, car pour elles il n’y a plus de frère. On distingue la chaleur de la colère et la chaleur de la grâce : celle-ci tient de la santé et l’autre d’un ulcère. Des desseins homicides produisent partout des tumeurs brûlantes, rien n’en est exempt ; il y a chaleur, mais elle ne vient pas de l’Esprit de Dieu. Car s’il y a de l’ardeur dans qui vole au secours du malheur, il y a de l’ardeur aussi à quand on court au meurtre ; la première vient du commandement, la seconde, de la maladie ; l’une est due aux bonnes œuvres, l’autre aux plaies corrompues. Ah ! s’il nous était donné de voir une âme homicide, nous pleurerions plus amèrement qu’à la vue des corps dévorés par la gangrène. 8. Nous voici arrivés au septième précepte : « Tu ne déroberas point x », et à la septième plaie la grêle sur les fruits de la terre y. Dérober malgré cette défense, c’est perdre au ciel, car il n’y a point de gain injuste qu’il n’y ait de juste dommage. Ainsi gagner par le vol un vêtement, c’est perdre la foi au jugement du ciel. Le gain est donc une perte. Mais le gain est visible, la perte descend des nuées du Seigneur. Rien n’arrive i sans la Providence, mes bien-aimés. Eh ! vous imagineriez-vous véritablement que les hommes souffrent parce que Dieu est endormi ? Les nuages se condensent, la pluie se répand, la grêle tombe, le tonnerre ébranle la terre, l’éclair l’épouvante tout cela semble se produire sans ordre et se faire en dehors de la divine providence. Mais n’a-t-on point entendu la condamnation de cette pensée dans ces paroles d’un psaume : « Habitants de la terre, louez le Seigneur, y est-il dit après qu’il a été loué par les habitants du ciel, louez-le, dragons et abîmes, feu, grêle, « neige, glace, souffle des tempêtes, qui obéissez à sa parole z ? » Aussi ceux qui suivent leurs désirs et dérobent extérieurement, sont, d’après le juste jugement de Dieu, ravagés intérieurement par la grêle. Ah s’ils pouvaient contempler ce champ de leur cœur, comme ils pleureraient en n’y rencontrant plus l’alignent de l’âme ! En vain ce bien mal acquis pourrait de venir la nourriture du corps, on ressentirait à l’intérieur une faim bien plus cruelle, de plus dangereuses blessures et une mort plus alarmante. Il est, hélas ! beaucoup de morts ambulants, beaucoup de coupables qui mettent leurs joies dans de vaines richesses. L’Écriture ne place-t-elle point dans l’âme les trésors du serviteur de Dieu ? « Votre cœur, l’homme caché, dit-elle, qui est riche devant Dieu aa. » Riche, non pas devant les hommes, mais devant Dieu et là où pénètre son regard. Que te sert-il de dérober quand un mortel ne te voit pas, et d’être ravagé par la grêle dans l’âme où Dieu te voit ? 9. Huitième précepte : « Tu ne feras point de faux témoignage ab. » Plaie huitième : les sauterelles ac , ad, dont la dent est terrible. Que veut le faux témoin, sinon blesser par ses morsures et perdre par ses mensonges ? D’ailleurs, pour inviter les hommes à ne point s’accuser faussement, « Si vous vous mordez et dévorez les uns les autres, dit l’Apôtre de Dieu, prenez garde que vous ne vous consumiez les uns les autres ae. » 10. Neuvième précepte : « Tu ne convoiteras point l’épouse de ton prochain af. » D’épaisses ténèbres sont, la neuvième plaie ag. Il y a en effet une espèce d’adultère, défendue par un des préceptes précédents, qui consiste à ne pas même désirer de jouir d’une épouse étrangère ; car sans aller vers la femme d’autrui, c’est être adultère que de ne se point contenter de la sienne. Mais convoiter la femme d’autrui après s’être rendu coupable contre la sienne propre, n’est-ce point réellement d’épaisses ténèbres ? Rien ne blesse aussi vivement le cœur de qui endure cette humiliation, et celui qui fait à autrui cet outrage jamais ne consentira à le souffrir lui-même. Chacun a plus d’inclination pour une étrangère, mais j’ignore s’il est un seul homme capable de supporter patiemment une injure semblable. Quelles épaisses ténèbres dans une telle conduite, dans de pareils désirs ! Il y a vraiment l’aveuglement d’une exécrable fureur. Avilir l’épouse d’un frère, n’est-ce pas une fureur indomptée ? 11. Dixième précepte : « Tu ne convoiteras rien qui appartienne à ton prochain, ni son troupeau, ni son bien, ni sa charrue, ni absolument rien qui lui appartienne ah. » À ce crime est destinée la dixième plaie, la mort des premiers-nés ai. Quand je cherche ici quelque rapprochement, il ne s’en présente point d’abord ; peut-être en découvrirait-on en examinant avec plus de soin et d’attention. Cependant n’y aurait-il point dans cette plaie la condamnation de quiconque garde pour ses héritiers absolument tout ce qu’il possède ? Ce dixième précepte dit hautement que convoiter le bien du prochain c’est être coupable de larcin, comme celui qui vole et qui dérobe en réalité : Mais nous avons déjà vu un précepte relatif au larcin et ce précepte comprend également la rapine. Car l'Écriture ne défendrait pas expressément le larcin sans parler de la rapine, si elle ne voulait faire entendre que le vol secret étant digne de châtiment, le vol accompagné de violence mérite des peines encore plus graves. Il existe donc un précepte qui défend de rien enlever au prochain malgré lui soit secrètement soit ouvertement. Mais il n’est pas permis non plus de convoiter intérieurement son bien, sous l’œil de Dieu, fut-ce à titre de légitime succession. Car ceux qui aspirent à posséder justement le bien d’autrui, désirent être institués les héritiers des mourants : est-il rien qui leur semble aussi juste que de recueillir ce qu’on leur abandonne ? N’est-ce pas être dans le droit commun ? On m’a légué ce bien, peut dire cet homme ; je l’ai comme héritier ; voici le testament. Est-il quelque chose qui semble plus juste que ce raisonnement de l’avare? Tu le loues comme un homme juste ; Dieu condamne ses injustes désirs. Et toi, qui aspires à être établi héritier de quelqu’un, considère ce que tu es. Tu ne veux pas que ce quelqu’un ait des héritiers naturels. Mais parmi ces héritiers nul n’est plus cher qu’un fils aîné. Aussi pour avoir convoité sous l’ombre d’une espèce de droit le bien que ne t’adjugeait par le droit naturel, tu seras puni dans ce que tu as de plus cher, ce qui est pour toi comme un fils aîné. Mes frères, il est facile encore de perdre des aînés ; puisque tout mortel meurt soit avant soit après ses parents. Ce qui est à craindre, c’est qu’en te livrant à cette secrète et injuste convoitise, tu ne perdes les premiers-nés de ton cœur. Or le premier-né en nous est comme l’empreinte de la grâce de Dieu, et ce nouveau-né, ce premier-né entre les fils de notre cœur, c’est la foi, car sans elle on ne peut bien faire. Toutes tes bonnes œuvres sont comme tes fils spirituels, mais la foi occupe entre elles le premier rang, et si tu convoites intérieurement le bien d’autrui, intérieurement tu perds la foi. D’abord en effet tu dissimuleras, tu te montreras obséquieux plutôt par feinte que par charité. Tu voudras paraître aimer celui dont tu veux devenir l’héritier ; mais cet amour te fait souhaiter sa mort, et pour te voir maître de ce qu’il possède, tu ne lui veux pas d’autre successeur. 12. Frères, en parcourant ainsi les dix préceptes et les dix plaies, en comparant les contempteurs des commandements aux Égyptiens opiniâtres, qu’avons-nous fait ? Nous avons voulu vous déterminer à établir votre fortune sur les divins préceptes ; fortune que vous devez conservera l’intérieur, dans votre trésor secret ; fortune que ne puissent vous enlever ni voleur, ni larron, ni voisin ; fortune qui n’ait à redouter ni teigne ni rouille et que l’homme opulent emporte avec lui comme celui qui meurt dans un naufrage. À cette condition vous serez comme le peuple de Dieu au milieu des Égyptiens impies. Ceux-ci souffriront intérieurement les dix plaies, et vous en serez exempts à l’intérieur, jusqu’à ce que le peuple quitte la terre de captivité. Cette espèce de sortie se fait encore aujourd’hui. La première n’a eu lieu qu’une fois, cette dernière ne cesse de s’accomplir. 13. Aucune sainteté véritable et divine ne peut s’obtenir sans le Saint-Esprit. Ce M’est point sans motif qu’il porte spécialement le nom d’Esprit-Saint. Le Père est saint, le Fils est saint ; ce nom toutefois est proprement attribué à l’Esprit et la troisième personne de la Trinité se nomme le Saint-Esprit. Il repose sur l’homme humble et pacifique aj. Il y est comme en son jour de sabbat. Aussi le nombre sept est consacré à l’Esprit-Saint : les Écritures le montrent clairement. Des hommes meilleurs pourront faire des considérations meilleures, des esprits plus élevés découvrir des aperçus plus hauts, et donner sur le nombre sept des explications plus spirituelles et plus divines. Ce que je vois, et ce qui suffit pour le moment, ce que je vous invite à considérer aussi, c’est que le nombre sept est proprement attribué à l’Esprit-Saint, parce que, la sanctification est recommandée au septième jour. Et comment prouver qu’au Saint-Esprit est consacré ce nombre sept ? Isaïe représente l’Esprit de Dieu descendant sur le fidèle, sur le chrétien, sur le membre du Christ, et il se nomme l’Esprit de sagesse et d’intelligence, de conseil et de force, de science et de piété, enfin l’Esprit de crainte de Dieu ak. Si vous avez suivi, j’ai montré l’Esprit de Dieu descendant sur nous comme par sept degrés, depuis la sagesse jusqu’à la crainte, afin de nous élever à lui comme par sept degrés encore, depuis la crainte jusqu’à. la sagesse; « car la crainte de Dieu est le commencement de la sagesse al. » L’Esprit est donc à la fois sept et un, sept dans ses opérations et un dans son essence. Voulez-vous le voir avec plus d’évidence ? La Pentecôte est, d’après l’Écriture, la fête des semaines. C’est ce que dit expressément le livre de Tobie am. Sept fois sept en effet produisent quarante-neuf. Mais il faut se réunir à son chef, attendu que l’Esprit-Saint nous attache à l’unité, au rien de nous en séparer. À quarante-neuf ajoutez donc une unité ; vous obtenez cinquante ; et ce n’est plus sans raison que le Saint-Esprit est descendu le cinquantième jour après la résurrection du Sauveur. Le Seigneur est ressuscité ; il est remonté des enfers avant de s’élever au ciel, et depuis qu’il est ressuscité, depuis qu’il est ainsi remonté des enfers, cinquante jours s’écoulent, et arrive le Saint-Esprit qui célèbre en quelque sorte sa fête au milieu de nous, en ce cinquantième jour. Le Sauveur avait conversé quarante jours avec ses disciples ; au quarantième jour il est monté au ciel, et quand il y a passé dix jours, comme si le dixième commandement était accompli, le Saint-Esprit descend, rappelant ainsi que nul n’accomplit la loi sans sa grâce. Frères, il est donc évident que le nombre de sept est spécialement attribué au Saint-Esprit. Or on doit considérer comme n’ayant pas le Saint-Esprit quiconque ne tient pas à l’unité du, Christ et aboie contre elle ; car il n’y a pour faire des divisions et des dissensions que cet homme animal dont parle ainsi l’Apôtre : « L’homme animal, dit-il, ne perçoit pas ce qui est de Dieu an. » Il est aussi écrit dans l’Épître de l’Apôtre Jude : « Ce sont des gens qui se séparent eux-mêmes », et il les dit pour les blâmer : « Ce sont des gens qui se séparent eux-mêmes, hommes de vie animale, n’ayant point l’Esprit ao. » Qu’y a-t-il de plus clair, qu’y a-t-il de plus évident ? Qu’ils viennent donc ! S’ils ont la même foi que nous, ils recevront l’Esprit-Saint qu’ils ne peuvent posséder tant qu’ils restent les ennemis de l’unité. Mais l’Apôtre les compare aux Mages de Pharaon qui succombaient au troisième prodige. « Ils ont, dit-il, l’apparence de la piété, mais ils en repoussent la réalité ap. » 14. Mais pourquoi ont-ils succombé au troisième prodige ? Rappelez-vous que celui qui combat l’unité n’a point le Saint-Esprit. Or les trois premiers préceptes du Décalogue se rapportent à l’amour de Dieu, les sept autres à l’amour du prochain ; et dans les deux tables ou les dix préceptes, sont compris ces deux commandements sommaires : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force ; tu aimeras aussi ton prochain comme toi-même : ces deux commandements « embrassent toute la Loi et les prophètes aq. » Donc rapportons à l’amour de Dieu les trois premiers préceptes. Quels sont-ils ? Voici le premier : « Tu n’auras point d’autres dieux que moi. » La plaie contraire est l’eau changée en vin, pour rappeler comment le principe suprême, le Créateur a été assimilé à un homme de chair. Le second précepte : « Ne prends pas en vain le nom du Seigneur ton Dieu » se rapporte, me semble-t-il, au royaume de Dieu, c’est-à-dire à son Fils. Car il n’y a qu’un seul Dieu et un seul Jésus-Christ Notre-Seigneur, par qui tout existe. Pour venger ce Verbe de Dieu voici la plaie des grenouilles. Elles sont à la parole comme le bruit est à la raison, comme la vanité à la vérité. Le troisième précepte, relatif au sabbat, se rapporte à l’Esprit-Saint, à cause de la sanctification qui s’y trouve principalement attachée ; nous venons nous de vous le rappeler aussi bien que nous l’avons pu. À ce précepte est opposée l’agitation produite par les mouches qui naissent de la corruption et se jettent dans les yeux. Voilà pourquoi ces ennemis de l’unité qui n’avaient point : l’Esprit-Saint, ont succombé au troisième prodige. Ainsi l’Esprit-Saint l’a voulu pour les punir, car s’il fait grâce, il châtie aussi, il enrichit de sa présence et il délaisse. Enfin pour comprendre plus clairement ce que confessent les Mages de Pharaon, voyons quel nom a été donné à l’Esprit de Dieu dans l’Évangile, comment il a été désigné. Les Juifs ayant dit outrageusement du Seigneur : « Il ne chasse les démons qu’au nom de Béelzébud, prince des démons », il répondit : « Si c’est par l’Esprit de Dieu que je chasse les démons, le règne de Dieu est assurément arrivé au milieu de vous ar. » Ce qu’un autre Évangéliste exprime ainsi : « Si c’est par le doigt de Dieu que je chasse les démons as. » Ce qu’un Évangéliste appelle l’Esprit de Dieu est nommé par l’autre le doigt de Dieu. Ainsi le doigt de Dieu est l’Esprit de Dieu. C’est pourquoi il est dit que la loi donnée aux Juifs sur le mont Sinaï le cinquantième jour après l’immolation de l’agneau pascal, est écrite par le doigt de Dieu. Cinquante jours s’écoulent donc depuis l’immolation de l’agneau, et la loi est publiée ; cinquante jours s’écoulent également après l’immolation du Christ et le Saint-Esprit descend. Grâces au Seigneur qui cache avec sagesse pour montrer avec plaisir. Considérez maintenant, frères, que les Mages de Pharaon reconnaissent aussi très expressément ce que nous disons. Ils dirent en succombant au troisième prodige : « Le doigt de Dieu est ici, etc. at » Exodus 8
XXIII. (Ib 8, 7.) Comment les magiciens purent imiter Moïse et Aaron, après la seconde plaie et la troisième. – « Mais les enchanteurs Égyptiens firent la même chose par leurs sortilèges ; et ils firent venir des grenouilles sur la terre d’Égypte. » De quel endroit, demande-t-on, si déjà ce prodige était accompli partout ? Mais il faut demander aussi comment ils changèrent l’eau en sang, si déjà dans toute l’Égypte l’eau avait subi ce changement miraculeux. On doit donc supposer que le pays habité par les enfants d’Israël ne fut pas frappé de plaies semblables : alors les enchanteurs ont pu y puiser de l’eau qu’ils ont changée en sang, ou en tirer des grenouilles, uniquement pour montrer leur puissance magique. Rien n’empêche non plus d’admettre qu’ils se sont livrés à ces maléfices après que les vrais miracles eurent cessé. Le rapprochement des faits, dans le récit de l’Écriture, n’indique pas qu’ils se soient accomplis simultanément. XXIV. (Ib 8, 15.) Sur la patience de Dieu. – « Et Pharaon vit qu’il y avait un peu de relâche, et son cœur s’appesantit, et comme le Seigneur l’avait dit, il ne les écouta point. » On voit ici que si Pharaon tomba dans l’endurcissement, ce ne fut pas seulement parce que les enchanteurs faisaient la même chose que Moïse et Aaron ; mais ce fut encore à cause de la patience et de la longanimité de Dieu. La patience divine à l’égard du cœur de l’homme est utile à quelques-uns, qui en profitent pour se repentir ; inutile à d’autres, qui en abusent pour s’obstiner contre Dieu et persévérer dans le mal : cependant son inutilité ne vient pas de sa nature, mais, ainsi que nous l’avons dit, de la dépravation du cœur. C’est aussi ce que dit l’Apôtre : « Ignores-tu que la patience de Dieu t’invite au repentir ? Mais par la dureté de ton cœur et par ton impénitence, tu l’amasses un trésor de colère pour le jour de la vengeance et de la manifestation du juste jugement de Dieu, qui rendra à chacun selon ses œuvres » au. Et ailleurs, après avoir dit : « Nous sommes partout la bonne odeur du Christ » il ajoute : « Et à l’égard de ceux qui se sauvent, et à l’égard de ceux qui se perdent av. » Il ne dit pas qu’il est la bonne odeur du Christ pour ceux qui se sauvent, et la mauvaise pour ceux qui se perdent : mais il dit qu’il est uniquement la bonne odeur. Or, ceux qui se sauvent, gagnés parla bonne odeur du Christ, meurent, ainsi que nous l’avons dit souvent, à cette disposition de l’âme qui doit faire place en eux à une volonté bonne inspirée par la grâce divine ; ils commencent alors à profiter des jugements de Dieu, qui font le malheur des cœurs dépravés. De là cette hymne sortie d’un cœur heureusement transformé : « Mon âme vivra et vous louera ; et vos jugements me soutiendront » aw. Il ne dit pas : Vos bienfaits, ou Vos récompenses, mais vos jugements. Or c’est beaucoup de pouvoir dire avec une sincère confiance : « Éprouvez-moi, Seigneur, attentez-moi ; brûlez mes reins et mon cœur. » Et dans la crainte de paraître attribuer à ses forces quoi que ce soit, il se hâte d’ajouter : « Car votre miséricorde est devant mes yeux, et je me suis complu dans votre vérité ax. » Il rappelle la miséricorde dont il a été l’objet, et qui l’a aidé à se conduire selon la vérité : c’est que « toutes les voies du Seigneur sont miséricorde et vérité ay. » XXV. (Ib 8, 19.) Les magiciens ne peuvent produire des moucherons : pourquoi ? – Lorsque les magiciens dirent à Pharaon : « Le doigt de « Dieu est ici » réduits qu’ils étaient à l’impossibilité de produire des moucherons ; ils pensèrent assurément, tant ils connaissaient la puissance de leurs coupables artifices, que leurs efforts pour produire des moucherons avaient été rendus inutiles, non par un art semblable au leur, en ce sens que Moïse s’y serait montré supérieur à eux, mais par le doigt de Dieu, qui agissait en la personne de Moïse. Or, par le doigt de Dieu, on entend le Saint-Esprit, suivant le langage très-net de l’Évangile. Car, tandis qu’un Évangéliste fait dire au Seigneur : « Si je chasse les démons par le doigt de Dieu az » un autre Évangéliste, rapportant le même fait et voulant expliquer ce que c’est que le doigt de Dieu, se sert de ces expressions : « Si je chasse les démons par l’Esprit de Dieu ba. » Bien que les magiciens, dont le pouvoir inspirait une extrême confiance à Pharaon, aient avoué alors que le doigt de Dieu était sur Moïse, par qui ils avaient été vaincus et réduits à l’impuissance, néanmoins le cœur de Pharaon s’endurcit d’une manière tout à fait étonnante. Mais pourquoi la défaite des magiciens à cette troisième plaie ?car les plaies commencèrent lorsque l’eau fut changée en sang. 2 est difficile de s’en rendre compte et d’en donner l’explication. Car ils pouvaient être frappés d’impuissance dès le premier prodige, celui du changement de la verge en serpent, et à la première plaie, lorsque l’eau fut changée en sang ; et à la seconde, celle des grenouilles, si le doigt de Dieu, c’est-à-dire, l’Esprit de Dieu, l’avait voulu. Quel est en effet l’homme assez insensé pour dire que le doigt de Dieu put arrêter les efforts des magiciens à ce prodige, et qu’il en fut incapable à ceux qui précédèrent ? Il y a donc certainement une raison pour laquelle ils ont eu la liberté d’opérer jusque-là des choses merveilleuses. Peut-être ceci a-t-il rapport à la Trinité : il est certain, et cela résulte de l’examen de leurs écrits, que les plus grands philosophes de la gentilité n’on point connu le Saint-Esprit, quoiqu’ils aient parlé du Père et du Fils : on trouve aussi cette remarque dans l’ouvrage de Didyme sur le Saint-Esprit ▼▼Didym.liv. 1 sur l’Esp. St.
. XXVI. (Ib 8, 21-23.) Les plaies d’Égypte ne s’étendaient pas sur la terre de Gessen. – « Voici que j’envoie des mouches contre toi, contre tes serviteurs et contre ton peuple, et les maisons des Égyptiens en seront remplies ; afin que tu saches que je suis le Seigneur Dieu de toute la terre et je mettrai une séparation entre mon peuple et ton peuple. » Ce que l’Écriture observe ici, pour ne pas le répéter constamment, il faut le comprendre, s’est produit dans les miracles qui ont suivi ou précédé celui-ci : le pays habité par le peuple de Dieu ne fut affligé d’aucune de ces plaies. Mais il était convenable de placer franchement en cet endroit cette observation ; ici, en effet commencent les prodiges que les magiciens n’essayèrent pas même d’imiter : et très-certainement, c’est parce que les moucherons remplissaient tout le royaume de Pharaon, à l’exclusion de la terre de Gessen, que les magiciens s’efforcèrent, mais sans le moindre succès, d’en produire aussi dans cette dernière contrée. Tant que leur art n’a pas été en défaut, le texte sacré ne dit pas que la terre de Gessen ait été préservée, mais il signale la séparation des deux pays quand commencent les prodiges que les magiciens n’osèrent pas même imiter. XXVII. (Ib 8, 25.) Permission dérisoire – « Le texte latin porte : « Allez sacrifier au Seigneur votre Dieu dans ce pays » et le grec : « Venez sacrifier au Seigneur votre Dieu dans ce pays. » Car il ne voulait pas les laisser aller où ils demandaient ; mais il exigeait qu’ils offrissent leur sacrifice en Égypte. Ceci ressort évidemment de la réponse de Moïse : car il dit que cela ne peut se faire ; parce qu’ils seraient un objet d’abomination pour les Égyptiens. XXVIII. (Ib 8, 26.) Les sacrifices des Israélites abominables aux yeux des Égyptiens. – Ces paroles de Moïse : « Cela ne peut se faire ainsi : car nous sacrifierons au Seigneur notre Dieu les abominations des Égyptiens » signifient : Nous ferons des sacrifices odieux aux Égyptiens, par conséquent nous ne pouvons sacrifier parmi eux ; tel est le sens qui résulte clairement des paroles suivantes : « Car si nous sacrifions des abominations sous leurs propres yeux, nous serons lapidés. » Plusieurs de nos interprètes, se méprenant sur le sens de ce passage, l’ont traduit de cette manière : Cela ne peut se faire ainsi ; est-ce que nous sacrifierons au Seigneur notre Dieu ce qui est abominable aux yeux des Égyptiens ? Mais l’Écriture a précisément voulu dire que les Hébreux devaient immoler ce qui était une abomination pour les Égyptiens. D’autres encore parmi les latins traduisent : Cela ne peut se faire ainsi, parce que nous ne ferons pas au Seigneur notre Dieu des sacrifices que les Égyptiens considèrent comme abominables. L’addition de la particule négative constitue un contre-sens, puisque Moïse a dit : « Cela ne peut se faire ainsi ; car nous sacrifierons au Seigneur notre Dieu des abominations pour les Égyptiens » et s’ils exprimaient la volonté d’aller au désert, c’était afin que les Égyptiens ne fussent pas témoins de leurs abominations. Il faut voir ici le même sens mystérieux, que nous avons déjà signalé à propos des pasteurs, qui étaient détestés des Égyptiens bc ; c’est le motif pour lequel les Israélites reçurent une contrée à part, quand ils vinrent en Égypte. Les sacrifices des Israélites sont un objet d’horreur pour les Égyptiens, comme la vie des justes pour les méchants. XXIX. (Ib 8, 32.) L’endurcissement de Pharaon volontaire dans son principe. – Après la disparition des sauterelles, il est dit de Pharaon « Mais en ce temps-là encore Pharaon endurcit son cœur, et ne voulut point permettre au peuple de s’en aller. » Cette fois à coup sûr nous ne lisons pas de cœur de Pharaon fut endurci, mais « Pharaon endurcit son cœur. » C’est ce qui arriva certainement à toutes les plaies. Les vices ont en effet leur principe dans la volonté de l’homme. Des causes, souvent les mêmes, meuvent les cœurs des hommes de différentes manières, les uns dans un sens, les autres dans un autre, chacun suivant les dispositions particulières, qui ont leur principe dans la volonté. Exodus 9
XXX. (Ib 9, 7.) Progrès de l’endurcissement de Pharaon. – « Lorsque Pharaon vit qu’aucun des animaux des enfants d’Israël n’était mort, son cœur s’endurcit. » Comment cet endurcissement du cœur de Pharaon eut-il son origine dans des motifs opposés ? Si les troupeaux des Israélites avaient péri, il y aurait eu pour lui, ce semble, une raison suffisante de s’endurcir jusqu’à mépriser Dieu, comme si ce désastre était l’œuvre de ses magiciens ; mais maintenant qu’il voit que pas un des animaux des Hébreux n’a péri, son cœur s’endurcit, quand il aurait dû se sentir porté à la crainte ou à la confiance : voilà jusqu’où a pu aller son endurcissement. XXXI. (Ib 9, 8.) Sur le rôle de Moïse et d’Aaron dans l’opération des miracles. – Que signifient ces paroles de Dieu à l’adresse de Moïse et d’Aaron : « Prenez, plein vos mains, de la cendre du foyer et que Moïse la jette vers le ciel en présence de Pharaon et de ses serviteurs, et qu’elle s’étende en poussière sur toute la terre d’Égypte » Les miracles précédents s’opéraient avec la verge qu’Aaron, et non point Moïse, étendait sur l’eau, ou dont il frappait la terre ; mais ici, après les deux miracles relatifs aux mouches et à la mortalité des troupeaux, où ni Aaron ni Moïse n’ont point apporté le secours de leur main, il est dit que Moïse doit jeter au ciel la cendre de la fournaise ; tous les deux doivent en prendre ; mais l’un pour la jeter au ciel, l’autre pour la répandre à terre : Aaron, dont le ministère regardait le peuple, dut frapper la terre ou étendre la main soit sur la terre, soit sur l’eau ; tandis que Moïse dont il a été dit : « Tu le représenteras dans toutes les choses qui ont rapport à Dieu bd, reçoit l’ordre de jeter la cendre au ciel. Que signifient les deux miracles précédents, où Moïse ni Aaron n’eurent aucune part ? Pourquoi cette différence ? Ce n’est pas pour rien. XXXII. (Ib 9, 16.) Patience de Dieu à l’égard de Pharaon. – « La vie t’a été conservée, pour faire éclater en toi ma puissance et pour rendre mon nom célèbre par toute la terre. » L’Apôtre cite ces mêmes paroles de l’Écriture, en traitant ce sujet extrêmement difficile. Et il ajoute « Mais si Dieu, voulant montrer sa colère et faire éclater sa puissance, a supporté les vases de colère avec une grande patience » en épargnant ceux qu’il savait dans sa prescience devoir être méchants, et auxquels l’Apôtre donne le nom de « vases préparés pour la perdition » c’est aussi, continue-t-il, « afin de faire voir les richesses de sa gloire sur les vases de miséricorde. be » De là, dans les Psaumes, ce mot des vases de miséricorde : « Mon Dieu me préviendra par sa miséricorde ; mon Dieu s’est démontré pour moi contre mes ennemis bf. » Dieu sait donc se servir des méchants, qu’il n’a point cependant créés pour le mal, mais il les supporte patiemment jusqu’au temps qui lui semble opportun ; il ne les souffre pas sans utilité, voulant qu’ils servent d’avertissement et d’épreuve aux bons. En effet la patience divine envers les méchants profite aux vases de miséricorde, par qui le nom de Dieu est publié par toute la terre. Aussi Pharaon fut-il réservé pour l’utilité de ces derniers, ainsi que l’atteste l’Écriture et que la suite nous le fera voir. XXXIII. (Ib 9, ##Rem 19, 6,20.) Sur la grêle. – Pourquoi, en menaçant Pharaon d’une grêle désastreuse, Dieu lui recommande-t-il de rassembler à la hâte ses troupeaux et tout ce qu’il a dans la campagne, dans la crainte que la grêle ne les fasse périr ? Car cet avertissement paraît empreint de miséricorde plutôt que de colère. Mais que Dieu même au milieu de sa colère, tempère le châtiment, cela ne fait aucune difficulté. Ce qui préoccupe et à bon droit, c’est de savoir quels troupeaux il s’agissait de préserver, si tous avaient été frappés de mort dans la plaie précédente, car il est écrit que Dieu distingua les troupeaux des Hébreux de ceux des Égyptiens et que les premiers furent totalement préservés, tandis que les derniers furent entièrement anéantis. Ne peut-on admettre la solution suivante ? Dieu ayant dit que les animaux laissés dans la campagne périraient, c’est à ces animaux que s’appliquerait le mot tous ; ceux qui étaient dans la maison et ceux que les Égyptiens, même dans le doute, purent y rassembler dans la crainte que la prédiction de Moïse ne fût vraie, échappèrent au désastre ; une partie de ces animaux pouvait de nouveau s’être répandue dans la campagne, et c’est pour qu’ils soient préservés de la grêle, que Dieu avertit de les faire rentrer dans les maisons. Les paroles suivantes de l’Écriture viennent corroborer cette opinion : « Celui d’entre les serviteurs de Pharaon qui craignit la parole du Seigneur, rassembla ses troupeaux dans ses maisons ; mais celui qui dans son cœur ne fit point attention à la parole du Seigneur laissa périr ses troupeaux dans les champs. » Quoique l’Écriture garde le silence à ce sujet, les choses ont aussi bien pu arriver de cette manière, quand Dieu menaça de faire périr les troupeaux. XXXIV. (Ib 9, 22.) Une seconde fois, Moise élève sa main vers le ciel. – « Et le Seigneur dit à Moïse : Étends ta main vers le ciel, et il y aura de « la grêle dans toute la terre d’Égypte. » C’est pour la seconde fois que l’ordre est donné à Moïse d’étendre sa main, non sur la terre, mais vers le ciel, comme nous l’avons remarqué précédemment à propos de la cendre. XXXV. (Ib 9, 27-30.) Sur la crainte de Pharaon. – Lorsque Pharaon consterné de l’épouvantable, fracas qui accompagnait la grêle, fait l’aveu de son iniquité et de celle de son peuple et conjure Moïse de prier pour lui, celui-ci lui répond : « Je sais que toi et tes serviteurs, vous ne craignez pas encore le Seigneur. » Quelle crainte exigeait-elle donc, puisque celle de Pharaon n’était pas encore la crainte du Seigneur ? C’est qu’il est facile de craindre le châtiment ; mais ce n’est pas là cette crainte de Dieu, inspirée par l’amour, dont parle Jacob quand il dit : « Si le Dieu de mon père Abraham et le Dieu que craint Isaac ne m’avait assisté, vous m’auriez aujourd’hui renvoyé tout nu bg. » Exodus 10
XXXVI. (Ib 10, 1.) Encore sur la patience de Dieu. – « Le Seigneur dit à Moïse : Va trouver Pharaon, car j’ai endurci son cœur et celui de ses serviteurs, afin que mes prodiges se succèdent en leur personne. » Ne semblerait-il pas que Dieu a besoin de la malice de qui que ce soit ? Mais voici le sens de ces paroles ; c’est comme si Dieu disait : J’ai été patient envers lui et ses serviteurs, quand je les ai épargnés, quand j’ai fait éclater successivement mes prodiges sur eux. Plus Dieu était patient, plus le cœur du prince devenait obstiné. C’est pourquoi le texte sacré dit : « J’ai endurci son cœur » pour signifier : J’ai été patient à son égard. XXXVII. (Ib 10, 19.) Le pécheur abuse des bienfaits et de la patience de Dieu. – « Il ne resta pas une sauterelle dans toute la terre d’Égypte ; et le Seigneur évidemment endurcit le cœur de Pharaon. » L’Écriture signale un bienfait de Dieu dans cet acte par lequel il fait disparaître les sauterelles ; puis elle dit que le Seigneur endurcit le cœur de Pharaon : ce fut certainement parce bienfait, par cette patience, qui permettait au coupable de s’obstiner dans le mal tant qu’il se voyait épargné : c’est ainsi que tous les cœurs dépravés s’endurcissent par un abus déplorable de la patience de Dieu. XXXVIII. (Ib 10, 21-22.) Puissance de Moïse. – Quand il s’agit de produire les ténèbres, c’est pour la troisième fois qu’il est dit à Moïse « Étends ta main vers le ciel. » Or jamais Aaron son frère, n’a reçu un ordre semblable. Lorsque Dieu dit à Moïse : « Étends ta main sur la terre d’Égypte, et que les sauterelles se répandent sur la terre » ces paroles me donnent à entendre que celui qui peut davantage peut moins ; mais il ne s’ensuit pas pour cela que celui qui peut moins, puisse davantage. Exodus 11
XXXIX. (Ib 11, 2.) Sur l’emprunt des vases et des habits fait par les Hébreux aux Égyptiens. – Dieu dit à Moïse : « Parle donc en secret au peuple, et que chacun demande à son voisin, et chaque femme à sa voisine, des vases d’or et d’argent, et des habits. » Que personne ne songe à s’autoriser de cet exemple pour dépouiller son prochain de la même manière. Car cet ordre émanait de Dieu, qui savait la part de souffrance qui revenait à chacun : les Israélites ne se sont pas non plus rendus coupables de vol, mais ils se sont prêtés aux ordres de Dieu. C’est ainsi que le bourreau, lorsqu’il exécute un homme condamné à mort parla sentence du juge, se rend coupable d’homicide, s’il agit spontanément et sans ordre, quand même il saurait que l’homme à qui il donne la mort était irrévocablement condamné par le juge. Il y a encore une autre question de quelque importance : Si les Hébreux habitaient séparément le pays de Gessen, où ne se produisaient point les plaies qui affligeaient le royaume de Pharaon, comment put-il se faire que chacun demandât à son voisin ou à sa voisine de l’or, de l’argent et des vêtements ; surtout si l’on considère que cet ordre est donné la première fois à Moïse dans les termes suivants : « Que la femme demande à sa voisine et à sa con-chambrière ou à celle qui habite sous le même toit ? » On doit comprendre par là que les Hébreux n’étaient pas les seuls habitants du pays de Gessen, mais qu’un certain nombre d’Egyptiens y demeuraient avec eux ; ceux-ci, favorisés des bienfaits de Dieu départis à cette contrée, s’attachèrent aux Hébreux par reconnaissance et leur prêtèrent facilement ce qu’ils demandaient ; cependant Dieu ne les jugea pas assez étrangers aux injustices et aux persécutions dont son peuple avait été victime pour leur épargner encore ce dommage après les avoir préservés des plaies qui affligeaient l’Égypte, mais n’atteignaient pas ce pays. XL. (Ib 11, 9.) Dieu se sert de la malice de Pharaon. – « Or, le Seigneur dit à Moïse : Pharaon ne t’écoutera pas, afin que je multiplie mes signes et mes prodiges dans la terre d’Égypte. » On dirait que Dieu avait besoin de la désobéissance de Pharaon, pour multiplier ces mêmes prodiges, qui avaient d’ailleurs leurs utiles résultats : ils inspiraient de la terreur au peuple de Dieu et le formaient à la piété par un sage discernement, Mais c’était là l’œuvre de Dieu, qui faisait servir au bien la malice de ce cœur coupable, plutôt que l’œuvre de Pharaon, qui abusait de la patience de Dieu. Exodus 12
XLI. (Ib 12, 10-46.) Que restait-il à brûler de l’agneau pascal ? – « S’il en reste quelque chose le matin, vous le brûlerez au feu. » On peut demander comment il restera quelque chose, puisque l’ordre est donné de prendre avec soi des voisins, si la maison ne contient pas un nombre suffisant de personnes pour manger l’agneau. Mais comme il a été dit : « Vous ne briserez pas ses os » les os certainement étaient de reste, et le feu devait les consumer. XLII. (Ib 12, 5.) Sur l’agneau pascal. — « Vous prendrez un agneau parfait, mâle et âgé d’un an. » Cette expression, agnus masculus, comme si un agneau pouvait n’être pas mâle, peut embarrasser celui qui ignore la raison impérieuse de cette traduction. Il a fallu traduire par ovis, brebis, parce que le grec porte πρόβατον; mais πρόβατον, en grec, est du neutre, et tout ce qui suit s’accorde en genre avec ce mot ; c’est comme si on disait : Pecus perfectum, masculum, anniculum erit vobis. On peut dire en latin : masculum pecus, comme on dit : mascula thura, au neutre ; mais on ne pourrait pas dire : ovis masculus, une brebis mâle, parce que ovis, brebis, est du genre féminin. Si on disait une brebis mâle, ce serait une grande absurdité. Et si l’on se servait du mot pecus, le sens serait encore altéré, et l’on ferait disparaître le sens mystérieux de l’Écriture, qui, après avoir parlé de la brebis, ajoute : « Vous la prendrez parmi les agneaux et les chevreaux. » C’est avec raison que l’on voit le Christ désigné dans ce passage. Qu’était-il nécessaire en effet d’avertir qu’il fallait prendre la brebis ou l’agneau parmi les agneaux et les chevreaux, si ce trait ne figurait celui dont la généalogie charnelle compta parmi ses membres des justes et des pécheurs ? Quoique les Juifs s’attachent à démontrer qu’il fallait prendre aussi un chevreau pour la célébration de la Pâque, et que, suivant eux, ces mots : « prendre parmi les agneaux et les chevreaux » signifient qu’il fallait choisir un agneau parmi les agneaux, où, à son défaut, un chevreau parmi les chevreaux ; cependant la réalité accomplie dans le Christ fait bien voir ce qui était figuré dans ce commandement. XLIII. (Ib 12, 14.) Sur le mot éternel. – S’il est écrit : « Vous ferez en ce jour, de race en race, une fête légale qui durera toujours » ou bien, « une fête éternelle » αἲώνιον, selon le texte grec, ce n’est pas à dire qu’il y ait aucun jour de cette vie passagère doué d’une durée éternelle ; mais ce qui est éternel, c’est l’objet signifié par ce jour ; comme quand nous disons que Dieu est éternel, ce n’est pas certainement à ce mot DIEU, mais à ce qu’il signifie que nous attribuons l’éternité. Néanmoins il faut rechercher avec soin en quel sens l’Écriture emploie souvent ce mot éternel ; peut-être Dieu dit-il que ce jour sera solennisé éternellement, pour montrer qu’il ne serait pas permis de le transgresser ou de le changer, de sa propre autorité. Car autre chose est de commander ce qui ne doit se faire qu’en une circonstance déterminée : tel fut l’ordre donné à Josué de faire avec l’arche sept fois le tour de Jéricho bh : autre chose est de poser un commandement, dont la solennelle observation n’aura jamais de terme et sera quotidienne, ou mensuelle, ou annuelle, ou bien encore fixée à une période régulière de plus ou moins d’années. Donc, ou bien ce que l’Écriture appelle éternel, signifie que les Hébreux ne devront jamais se permettre de mettre un terme à la célébration de la Pâque ; ou bien, je le répète, il faut appliquer cette qualification non aux signes mais aux choses qu’ils désignent.
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