Galatians 1:14
COMMENTAIRE DE L’ÉPÎTRE AUX GALATES.
AVANT-PROPOS.
Œuvres Complètes de Saint Augustin, Traduites pour la première fois en français, sous la direction de M. Raulx, Tome Ve, Commentaires sur l’Écriture, Bar-Le-Duc, L. Guérins &Cie éditeurs, 1867. p. 394-427 1. – But de l’Épître. – Le motif qui porte l’Apôtre à écrire aux Galates, est de leur faire comprendre que la grâce de Dieu demande d’eux qu’ils ne soient plus assujettis à la Loi. Quand en effet la grâce de l’Évangile leur eut été annoncée, ils eurent affaire à des hommes, issus de la circoncision, qui portaient le nom de chrétiens, mais qui ne s’attachant pas encore au bienfait même de la grâce voulaient rester courbés sous ces fardeaux de la Loi. Or, Dieu leur Maître en avait chargé, non pas des serviteurs de la justice mais des esclaves du péché, lorsqu’à ces hommes d’iniquité il avait donné une Loi juste, non pour les purifier de leurs crimes, mais pour les leur faire connaître ; car il n’y a pour effacer le péché que la grâce de la foi qui agit par amour. Et quoique les Galates fussent déjà établis sous l’empire de cette grâce, ces faux docteurs voulaient les ramener sous le joug de la Loi, ils leur assuraient même qu’ils ne pouvaient profiter de l’Évangile s’ils n’adoptaient la circoncision et les autres observances charnelles de la religion judaïque. Aussi s’étaient-ils mis à suspecter l’Apôtre saint Paul, qui leur avait prêché l’Évangile, et à l’accuser de ne suivre pas la même règle que les autres Apôtres, puisque ceux-ci forçaient les Gentils à pratiquer le Judaïsme. L’Apôtre Pierre en effet avait cédé devant les clameurs de cette espèce de chrétiens ; il avait été amené à user de dissimulation et à laisser croire que selon lui l’Évangile ne serait salutaire aux Gentils que s’ils portaient les fardeaux de la Loi : c’est de cette dissimulation que le fit revenir l’Apôtre saint Paul, comme lui-même nous l’apprend dans cette Épître a. Une question semblable est traitée dans l’Épître aux Romains. Il semble pourtant y avoir une différence. Dans l’Épître aux Romains l’Apôtre met fin aux contestations ardentes qui s’étaient élevées entre les chrétiens sortis du Judaïsme et les chrétiens issus de la Gentilité, les premiers prétendant due l’Évangile leur avait été donné comme une récompense due aux bonnes œuvres qu’ils avaient accomplies sous la loi et que les incirconcis ne l’ayant pas mérité, on ne devait pas les y admettre : tandis que ces derniers cherchaient à se préférer aux Juifs, meurtriers du Sauveur. Mais dans l’Épître aux Galates il s’adresse à des hommes déjà ébranlés par l’autorité des judaïsants qui les poussaient à la pratique des observances légales, et commençant déjà a croire sur leur parole que l’Apôtre saint Paul ne leur avait pas enseigné la vérité en les empêchant de se faire circoncire. Voilà pourquoi il débute de cette manière : « Je m’étonne que vous quittiez si vite celui qui vous a appelés à la gloire du Christ pour passer à un autre Évangile » Cette espèce d’exorde indique en peu de mots de quoi il est question. Déjà dans la salutation il a dit, ce qu’il n’a fait dans aucune Épître, qu’il est « Apôtre, non de la part des hommes ni par l’intermédiaire d’aucun homme b » ce qui était indiquer suffisamment que les faux docteurs des Galates venaient, eux, non de la part de Dieu, mais de la part des hommes, est qu’on ne devait pas regarder comme inférieure à celle des autres Apôtres l’autorité du témoignage qu’il rendait à l’Évangile ; puisqu’il savait bien que son apostolat n’avait rien d’humain, mais qu’il venait immédiatement de Jésus-Christ et de Dieu son Père. Tel est le sens dans lequel nous avons entrepris, avec la permission et la grâce du Seigneur, d’étudier et d’expliquer en détail cette Épître, à partir des premiers mots. 2. Autorité apostolique de saint Paul. — Paul, « Apôtre, non de la part des hommes ni par l’intermédiaire d’aucun homme, mais par Jésus-Christ et par Dieu son Père, qui l’a ressuscité d’entre les morts ; et tous les frères qui sont avec moi, aux Églises de Galatie c. » Être envoyé de la part des hommes, c’est être menteur ; l’être par l’intermédiaire d’un homme, c’est pouvoir enseigner la vérité, attendu que Dieu, vérité même, peut donner mission par l’intermédiaire d’un homme. Conséquemment, n’être envoyé ni de la part des hommes, ni par l’intermédiaire d’aucun homme, mais par Dieu même, c’est recevoir de lui le don de véracité, puisqu’il l’accorde à ceux mêmes qu’il a envoyés par l’intermédiaire d’un homme. Si donc les premiers Apôtres sont véridiques pour avoir reçu leur mission, non des hommes mais de Dieu par l’intermédiaire d’un homme, de Jésus-Christ même durant sa vie mortelle ; confiance n’est-elle pas due également au dernier des Apôtres, puisqu’il a été envoyé par Jésus-Christ, alors qu’après sa résurrection tout en lui était divin ▼▼1 Rét. ch. 24, n. 1
? Les premiers Apôtres sont tous les autres, puisque le Christ les a établis quand sous un rapport il était homme encore, c’est-à-dire mortel ; le dernier est l’Apôtre Paul, établi par lui aussi, mais quand tout en lui était divin, quand sous tout rapport il était immortel. Pourquoi donc son témoignage n’aurait-il pas la même autorité que le leur ? La gloire dont brillait le Seigneur quand il l’a honoré de l’apostolat ne compense-t-elle pas le désavantage, si c’en est un, d’avoir été appelé après les autres ? Aussi après avoir, dit : « Et par Dieu le Père » il ajoute : « Qui l’a ressuscité d’entre les morts » pour rappeler ainsi et en peu de mots, la gloire où était parvenu le Sauveur en lui donnant sa mission. 3. Salutation. – « Grâce à vous et paix de la part de Dieu le Père et de Jésus-Christ, le Seigneur e. » La grâce de Dieu nous remet nos péchés pour nous réconcilier avec Dieu ; la paix est cette réconciliation même. « Qui s’est livré lui-même pour nos péchés, afin de nous arracher à ce siècle mauvais. » Comprenez que ce siècle est mauvais, à cause des hommes pervers qui y sont ; comme on dit mauvaise une maison où demeurent les méchants. « Selon la volonté de notre Dieu et Père, à qui est la gloire pour les siècles des siècles. Amen. » Si les hommes font quelque bien, doivent-ils donc se l’attribuer, puisque le Fils de Dieu lui-même assure dans l’Évangile qu’il ne cherche pas sa gloire f, et qu’il n’est pas venu faire sa volonté, mais la volonté de Celui qui l’a envoyé g ? Si l’Apôtre rappelle dès maintenant cette gloire et cette volonté du Père, c’est pour faire entendre qu’à l’exemple du Seigneur de qui il tient sa mission, il ne recherche pas sa gloire et ne fait pas sa volonté propre en prêchant l’Évangile. C’est du reste ce qu’il dira bientôt en ces termes : « Si je plaisais aux hommes, je ne serais pas serviteur du Christ h. » 4. Entreprise impie des Judaïsants. — « Je m’étonne que vous quittiez si vite celui qui vous a appelés à la gloire du Christ, pour passer à un autre Évangile ; et il n’en est pas d’autre i. » Car s’il en est un autre en dehors de celui qu’a donné le Seigneur, soit par lui-même, soit par quelque envoyé, il ne mérite plus le nom d’Évangile. Après avoir dit : « Que vous quittiez celui qui vous a appelés » il ajoute à dessein : « A la gloire du Christ » car c’est elle qu’on voulait éteindre, puisqu’il serait venu en quelque sorte inutilement sur la terre, si la circoncision charnelle et les autres observances légales étaient capables de sauver l’humanité. « Seulement il est des hommes qui sèment le trouble parmi vous et veulent renverser l’Évangile du Christ. » S’ils parviennent à troubler les Galates, ils ne parviennent pas également à renverser l’Évangile, car il est inébranlable ; mais ils en ont le dessein en détachant les croyants des choses spirituelles pour les attacher à ce qui est charnel. S’y attachassent-ils, l’Évangile reste debout. Aussi bien, après ces mots : « Qui sèment le trouble parmi vous » il ne dit pas, et renversent, mais : « Et veulent renverser l’Évangile du Christ. – Mais si nous-mêmes ou un ange du ciel vous annonçait un Évangile différent de celui que nous vous avons prêché, qu’il soit anathème. » C’est pour elle-même qu’il faut aimer la vérité, ce n’est ni pour l’homme ni pour l’ange qui la publient. L’aimer pour ceux qui l’annoncent, c’est s’exposer à aimer le mensonge ##Rem sils en disent d’eux-mêmes. « Nous l’avons dit, et je le répète : Si quelqu’un vous prêche un Évangile différent de celui que vous avez reçu, qu’il soit anathème. » Il leur avait dit cela de vive voix, ou bien il répétait ce qu’il venait de leur écrire ; c’est pourquoi il s’exprimait ainsi : « Nous l’avons dit. » Cette répétition néanmoins fait une impression fort salutaire et prépare l’âme à conserver avec fermeté la foi recommandée avec tant d’instance. 5. Pureté d’intention. – Maintenant donc est-ce des hommes ou est-ce Dieu que je veux persuader ? Est-ce aux hommes que je cherche à plaire ? Si je plaisais encore aux hommes, je ne serais point serviteur du Christ j. » On ne saurait persuader Dieu, puisque devant lui tout est à découvert ; mais on a raison de chercher à persuader les hommes, quand on désire rendre agréable, non point sa personne, mais la vérité dont on les persuade. Plaire aux hommes sans chercher près d’eux sa propre gloire, mais la gloire de Dieu dans l’intention de les sauver, ce n’est point plaire aux hommes, c’est plaire à Dieu ; au moins n’est-ce pas plaire aux hommes que de plaire à Dieu et aux hommes en même temps ; car autre chose est de plaire aux hommes seulement et autre chose de plaire en même temps à Dieu et à eux. De même si l’on plaît aux hommes à cause de la vérité qu’on leur dit, ce n’est pas la personne, c’est la vérité qui leur plaît. « Si je leur plaisais » dit saint Paul, si je cherchais à leur plaire, si j’en avais la volonté ; tel est bien le sens, car si sans rien faire pour cela il plaisait aux hommes en quelque sorte à cause de lui-même et non à cause de Dieu et de l’Évangile qu’il prêche, il ne faudrait pas l’attribuer à son orgueil, mais plutôt à l’erreur de celui qui prend en lui ce plaisir désordonné. Voici donc quelle est sa pensée. Est-ce les hommes ou est-ce Dieu que je persuade maintenant ? ou bien pour persuader les hommes, est-ce aux hommes que je cherche à plaire ? Si je cherchais à leur plaire encore, je ne serais pas serviteur du Christ. En effet le Christ ordonne à ses serviteurs d’apprendre de lui à être doux et humbles de cœur k. Or, on ne le peut quand c’est pour soi-même, c’est-à-dire pour sa gloire propre et personnelle qu’on cherche à plaire aux hommes. Quand donc l’Apôtre dit ailleurs : « Nous persuadons les hommes, mais nous sommes connus de Dieu l » c’est pour faire comprendre qu’à cette question : « Est-ce les hommes que je persuade, ou est-ce Dieu ? » il faut répondre que ce n’est pas Dieu mais les hommes. Aussi bien ne doit-on pas être surpris qu’il dise encore : « Comme moi-même je plais à tous en toutes choses » car il ajoute : « Ne cherchant pas ce qui m’est avantageux, mais ce qui l’est au grand nombre, afin qu’ils soient sauvés m. » Or il n’est ni avantageux ni salutaire à aucun homme qu’on lui plaise pour soi ; on ne plaît utilement qu’en plaisant en vue de Dieu, c’est-à-dire qu’en faisant aimer et glorifier Dieu dont on admire les dons dans quelqu’un ou dont on les reçoit par l’entremise d’un homme ; quand un homme plaît à ce point de vue, ce n’est plus lui, c’est Dieu qui plaît. Par conséquent on peut dire tout à la fois : Je plais et je ne plais pas, et quiconque sait comprendre comme il faut, et prier avec piété, saisira les deux propositions sans voir entre elles la moindre contrariété. 6. Autorité divine de l’enseignement de saint Paul. – « Car je vous déclare, mes frères, que l’Évangile annoncé par moi n’est pas selon l’homme ; je ne l’ai ni reçu ni appris d’aucun homme, mais par la révélation de Jésus-Christ n. » Un Évangile humain serait un mensonge ; car tout homme est menteur ; et tout ce qu’il y a de vérité dans quelqu’un ne vient pas de l’homme, mais de Dieu par un homme. Aussi ne doit-on pas donner le nom d’Évangile à un enseignement qui serait tout humain, tel que l’enseignement de ces docteurs qui attiraient de la liberté à l’esclavage ceux qui étaient appelés par Dieu de l’esclavage à la liberté. 7. Opposition entre les observances de la Synagogue et l’Église de Dieu. – « En effet vous avez ouï dire de quelle manière je vivais autrefois dans le judaïsme, persécutant à outrance et ravageant l’Église de Dieu, progressant dans le judaïsme au-dessus de plusieurs de mon époque et de ma nation, et zélateur fanatique des traditions de mes pères o. » Si en persécutant et en ravageant l’Église de Dieu il faisait des progrès dans le judaïsme, c’est qu’évidemment il y a opposition entre le Judaïsme et l’Église ; opposition provenant, non de cette loi spirituelle qui fut donnée aux Juifs, mais des pratiques charnelles dont ils s’étaient rendus esclaves. Et si le zèle ou l’ardeur de Paul à suivre les traditions de ses pères le portait à persécuter la sainte Église, c’est qu’à cette Église sont contraires ces traditions. La faute n’en est pas à la Loi, qui est spirituelle p, et qui ne demande pas à être entendue charnellement ; elle doit retomber sur les hommes qui donnent un sens charnel à ce qu’ils ont appris et qui y ajoutent beaucoup d’eux-mêmes, anéantissant ainsi, comme le leur reproche le Sauveur, les commandements de Dieu en faveur de leurs traditions q. 8. Saint Paul n’a appris l’Évangile de personne. – « Mais lorsqu’il plut à Celui qui m’a séparé du sein de ma mère et qui m’a appelé par sa grâce, de me révéler son Fils afin de l’annoncer parmi les Gentils ; aussitôt, sans acquiescer à la chair et au sang. » Être séparé du sein de sa mère, c’est renoncer aux coutumes aveugles de ses parents selon la chair ; et acquiescer à la chair et au sang, c’est suivre les impulsions charnelles de sa famille et de ses proches. « Et sans aller à Jérusalem près de ceux qui étaient apôtres a avant moi, je m’en allai en Arabie et je revins encore à Damas. Puis, après trois ans, je montai à Jérusalem pour voir, Pierre et je demeurai avec lui quinze jours. » Si Paul ne vit Pierre qu’après avoir prêché l’Évangile en Arabie, ce ne fut pas assurément pour apprendre de lui cet Évangile ; c’était pour mettre le comble à sa charité fraternelle en faisant de tout près connaissance avec lui. « Mais je ne vis aucun autre Apôtre, si ce n’est Jacques, le frère du Seigneur r. » Le frère du Seigneur, en ce sens que Joseph avait pu l’avoir d’une autre épouse, ou bien qu’il était de la famille de Marie, mère de Jésus. 9. Serment. Juifs nombreux convertis. — En vous parlant ainsi, je l’atteste devant Dieu, je ne ments pas. » Je l’atteste devant Dieu, je ne ments pas, c’est un serment. Et qu’y a-t-il de plus redoutable que ce serment ? Cependant le serment n’est pas interdit quand il a pour cause, non pas le mal de celui qui le prête, mais le mal de l’incrédulité qui l’exige. Car si le Seigneur a défendu de jurer, c’est en ce sens que nul ne doit jurer de soi-même ; comme beaucoup qui ont souvent le serment à la bouche, soit pour se distinguer, soit pour y prendre plaisir. L’Apôtre ne connaissait-il pas la défense du Seigneur ? Et pourtant il a juré ; car il ne faut pas écouter ceux qui prétendent que plusieurs de ses formules ne sont pas des serments. Comment expliqueront-ils autrement celle-ci : « Je meurs chaque jour, mes frères, par la gloire que je reçois de vous en Jésus-Christ Notre-Seigneur s ? » car les exemplaires grecs prouvent avec la plus complète évidence que c’est une formule de serment ▼▼V. serm. sur la Mont. I 1, ch. 17, n. 51
. Autant donc qu’il le peut, l’Apôtre s’abstient de jurer ; ce n’est ni la passion ni le plaisir qui l’y portent ; car le serment étant plus que oui, oui, non, non, vient du mal u », c’est-à-dire de la faiblesse ou de l’incrédulité de ceux qui sans lui ne voudraient pas croire.« Je vins ensuite dans les contrées de la Syrie et de la Cilicie ; mais j’étais inconnu de visage aux Églises de Judée qui sont unies au Christ. » Observez que ce n’est pas seulement à Jérusalem qu’il y a eu des Juifs pour croire au Christ et que ceux d’entre eux qui crurent en lui n’étaient pas assez peu nombreux pour être confondus au sein des Églises des Gentils, mais assez nombreux pour former des Églises. Seulement elles avaient ouï dire : « Celui qui autrefois nous persécutait annoncé maintenant la foi qu’il travaillait alors à détruire ; et elles glorifiaient Dieu à mon sujet v. » N’est-ce point ce qu’il avait en vue quand il disait qu’il plaisait aux hommes, non pour lui-même, mais pour les porter à glorifier Dieu ? Notre-Seigneur dit aussi dans le même sens : « Que vos œuvres brillent devant les hommes, afin qu’ils voient le bien que vous faites et qu’ils glorifient votre Père qui est aux cieux w. »
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