Galatians 2:19-20
10. Second voyage à Jérusalem. – Quatorze ans après, je montai à Jérusalem avec Barnabé, « ayant pris aussi Tite avec moi. » S’il les nomme l’un et l’autre, c’est en quelque sorte pour citer plusieurs témoins. « Or, j’y montai d’après une révélation » il parlait ainsi pour qu’ils ne fussent pas portés à demander pour quel motif il voulut y aller alors, après avoir été si longtemps sans s’y rendre. Si donc une révélation lui dit d’y aller, c’est qu’il était bon qu’il y montât en ce moment. « Et j’exposai aux fidèles l’Évangile que je prêche parmi les Gentils, et en particulier à ceux qui paraissent quelque chose. » S’il exposa en particulier l’Évangile à ceux qui surpassaient les autres dans l’Église et après l’avoir exposé devant tout le monde, ce n’était point qu’il eût enseigné publiquement quelques erreurs et qu’il voulût rétablir la vérité à part, devant un petit nombre ; seulement il avait gardé le silence sur certains points que n’étaient pas capables d’entendre encore les petits, comme ceux, écrit-il aux Corinthiens, à qui il a donné du lait et non à manger a ; car il n’est jamais permis d’avancer rien de faux, tandis qu’il est quelquefois bon de taire une vérité. Il était donc utile que les Apôtres connussent combien il était parfait ; attendu que pour être Apôtre il ne lui suffisait pas d’être fidèle, de conserver la bonne et vraie foi. En ajoutant : « Ne courrais-je pas ou n’aurais-je pas couru en vain b ? » il s’adresse, non pas à ceux avec qui il a confronté séparément son Évangile, mais à ceux à qui il écrit. C’est une espèce de question qu’il se fait dans l’intention de montrer que ce n’est pas en vain qu’il court ou qu’il a couru, puisque d’après le témoignage des autres Apôtres il ne s’écarte en rien de la vérité de l’Évangile. 11. Tite demeure sans être circoncis. — « De plus, poursuit-il, Tite qui m’accompagnait, ne fut pas contraint à se faire circoncire, tout gentil qu’il était. » Tite était gentil et il n’y avait dans sa famille ni habitude ni alliance qui dût le faire circoncire comme te fut Timothée ; cependant l’Apôtre lui aurait permis aisément de se soumettre à la circoncision ; car il n’enseignait pas que la circoncision même fût contraire au salut, mais il montrait qu’on s’en écartait en plaçant son espoir dans la circoncision. Il pouvait donc tolérer tranquillement cette observance comme superflue ; puisqu’il a dit ailleurs ; « La circoncision n’est rien, l’incirconcision n’est rien non plus ; mais l’observation des commandements de Dieu c. »« Or ce fut en considération de quelques faux frères qui s’étaient furtivement introduits » que Tite ne fut pas contraint de se faire circoncire ; en d’autres termes, ce qui empêcha qu’il ne consentit à le laisser circoncire, c’est que ces faux frères qui s’étaient introduits furtivement, « dit-il, pour examiner la liberté » des fidèles, l’observaient avec passion et désiraient vivement que Tite fût circoncis, afin de publier ensuite que d’après le témoignage et le consentement de Paul lui-même, la circoncision était nécessaire au salut, et par là « de réduire en servitude » les chrétiens, en les appelant à porter le fardeau des œuvres serviles de la Loi. Mais « il ne consentit pas même un instant à se soumettre à eux, afin de conserver parmi les Gentils la vérité de l’Évangile d. » 12. Accord constaté entre la doctrine de saint Paul et celle des autres Apôtres. – Les envieux de l’Apôtre saint Paul le signalaient et voulaient qu’on le suspectât comme ancien persécuteur de l’Église ; c’est pour faire allusion à cela qu’il dit ensuite : « Quant à ceux qui paraissent quelque chose, peu m’importe ce qu’ils étaient jadis. » C’est seulement aux yeux des hommes charnels qu’ils semblent être quelque chose, car en eux-mêmes ils ne sont rien. Fussent-ils de bons ministres du Seigneur, c’est le Christ qui est en eux quelque chose, et non pas eux par eux-mêmes ; car si c’était eux et par eux-mêmes, toujours ils auraient été ce qu’on les suppose. Si « peu importe à l’Apôtre ce qu’ils étaient jadis » car eux aussi ont été pécheurs, c’est que Dieu ne fait point acception de la personne d’un homme » puisque sans acception aucune il appelle tout le monde au salut, et n’impute a aucun ses péchés. Une preuve, c’est qu’en l’absence des premiers Apôtres qu’il avait choisis, le Seigneur fit de saint Paul un Apôtre parfait, afin qu’au lieu de rien ajouter à la perfection de son enseignement lorsqu’il vint le confronter avec le leur, ils reconnussent que le même Seigneur Jésus-Christ, qui sauve sans faire acception des personnes, avait accordé à Paul de distribuer aux Gentils ce qu’il avait accordé à Pierre de donner aux Juifs. Ainsi donc il fut constaté qu’ils ne différaient pas de lui, qu’ils ne pouvaient nier que son Évangile fût parfait comme lui le prétendait, ni vouloir y ajouter comme à un enseignement imparfait : et au lieu d’en blâmer les défauts ils en louèrent l’excellence. « Puis ils nous donnèrent la main en signe de communion » ils consentirent à faire société, ils obéirent à la volonté du Seigneur, en approuvant que Paul et Barnabé allassent « vers les Gentils, tandis qu’eux se réserveraient pour la circoncision » qui parait opposée à l’incirconcision, c’est-à-dire aux Gentils. Tel est en effet le sens qu’on peut donner à cette expression, au contraire, e contrario : il faudrait alors lire de la manière suivante : ceux qui semblent quelque chose ne m’ont rien appris ; au contraire ils sont convenus avec moi et avec Barnabé que nous nous occuperions des Gentils, qui sont contraires à la circoncision, et eux de la circoncision même : ainsi « nous ont-ils donné la main en signe de communion e. » 13. Les Apôtres veulent n’être rien. — Qu’on se garde bien de considérer comme un outrage jeté à ses prédécesseurs dans l’apostolat ces paroles de saint Paul : « Peu m’importe ce qu’étaient autrefois ceux qui maintenant paraissent quelque chose. » Au contraire, ces hommes spirituels voulaient qu’on arrêtât les âmes charnelles qui les regardaient comme quelque chose, au lieu de voir le Christ en eux ; et ils tressaillaient de bonheur quand on persuadait au monde que, comme Paul lui-même, eux qui le précédaient dans la carrière avaient été justifiés, de pécheurs qu’ils étaient ; car Dieu ne fait point acception de personne, et d’ailleurs ils cherchaient sa gloire et non la leur. Mais comme ces hommes charnels et orgueilleux s’irritent et se croient outragés lorsqu’on rappelle quelque souvenir de leur vie passée, ils jugent des Apôtres d’après les dispositions de leur propre cœur. Pierre, Jacques et Jean étaient les plus honorés du collège apostolique, car c’est à eux que se montra le Seigneur sur la montagne, lorsqu’il voulut donner une idée de son royaume, et six jours après avoir dit : « Il y en a ici, parmi ceux qui m’environnent, qui ne goûteront point la mort sans avoir vu le Fils de l’homme dans le royaume de son Père f. » Cependant ils n’étaient pas des colonnes, ils le paraissaient seulement. Ah ! Paul savait que la Sagesse s’était bâti une demeure et qu’elle avait établi, non pas trois colonnes mais sept g ; nombre mystérieux qui rappelle soit l’unité qui règne entre les Églises ; car sept est souvent pris pour le tout, comme dans ce passage de l’Évangile : « Il recevra dans ce siècle sept fois autant h » ce qui revient à ces mots : « N’ayant rien et possédant tout i » et comme lorsque saint Jean écrit aux sept Églises en qui se personnifie l’Église universelle j ; soit aux sept opérations de l’Esprit-Saint, car ces opérations de sagesse et d’intelligence, de conseil et de force, de science, de piété et de crainte de Dieu k, sont comme les sept colonnes qui soutiennent la demeure du Fils de Dieu, c’est-à-dire l’Église. 14. Cotisations des communautés chrétiennes. – « Seulement nous devions nous souvenir des pauvres, ce que je me suis aussi appliqué à faire l. » Tous les Apôtres s’étaient chargés en commun du soin des pauvres fidèles qui étaient dans la Judée et qui avaient déposé à leurs pieds le prix de leurs biens après les avoir vendus m. Quand donc Paul et Barnabé furent adressés aux Gentils, ils durent exciter les Églises de la Gentilité, qui n’avaient pas vendu leurs biens, à venir en aide à celles qui s’en étaient dépouillées. Écoutez ce qu’il dit aux Romains : « Maintenant je vais aller à Jérusalem pour servir les saints ; car la Macédoine et l’Achaïe ont trouvé bon de faire quelques collectes pour les pauvres des saints qui sont à Jérusalem. Or il leur a plu ainsi, et elles leur sont redevables ; car si les Gentils sont entrés en partage de leurs biens spirituels, ils doivent leur faire part aussi de leurs biens temporels n. » 15. Réprimande de saint Paul à saint Pierre. Saint Pierre plus admirable ici que saint Paul. – Saint Paul n’était donc tombé dans aucune dissimulation, car il observait partout ce qu’il croyait convenable soit aux Églises des Gentils soit aux Églises des Juifs ; ne détruisant point une coutume, quand elle n’était pas un obstacle au royaume de Dieu, et recommandant seulement, dans le cas même où pour ménager les faibles il voulait qu’on gardât un usage, de ne pas mettre l’espoir du salut dans ce qui n’y contribuait pas. C’est ainsi qu’il écrit aux Corinthiens : « Un circoncis a-t-il été appelé ? Qu’il ne se donne point pour incirconcis. Est-ce un incirconcis qui a été appelé ? Qu’il ne se fasse point circoncire. La circoncision n’est rien, l’incirconcision n’est rien ; mais l’essentiel est d’observer les commandements de Dieu. Que chacun persévère dans la vocation où il était quand il a été appelé o. » Saint Paul ne voyait ici que des usages ou des états de vie qui ne font obstacle ni à la foi ni aux bonnes mœurs ; car si un brigand avait été appelé au Christianisme, il ne s’ensuivrait pas qu’il dût rester brigand. Mais saint Pierre étant venu à Antioche, saint Paul lui reprocha, non pas de se conformer aux usages des Juifs, puisqu’il était né et avait été élevé parmi eux, et pourtant il ne les observait point parmi les Gentils ; mais de vouloir les imposer à ces derniers lorsqu’il vit arriver quelques frères envoyés par Jacques, c’est-à-dire venus de la Judée, puisque Jacques, était le chef de l’Église de Jérusalem. Redoutant en effet ceux qui plaçaient encore le salut dans ces observances, Pierre se séparait des Gentils et feignait de se conformer aux Juifs pour assujettir les Gentils à ces servitudes. C’est ce que révèlent suffisamment les termes mêmes de la réprimande. Après avoir dit : « Si tout Juif que tu es, tu vis à la manière des Gentils et non en Juif » il n’ajoute pas en effet : Comment reviens-tu encore aux usages des Juifs ; mais : « Comment forces-tu les Gentils à judaïser ? » S’il lui adressa cette réprimande en public, c’est qu’il y fut contraint pour guérir ainsi tout le monde. Quel besoin de relever en secret une faute propre à nuire au grand nombre ? Ajoutez à cette considération que le caractère ferme et la charité de Pierre, à qui le Seigneur avait dit jusqu’à trois fois : « Pierre, m’aimes-tu ? Pais mes brebis p » recevaient très volontiers d’un pasteur moins élevé en dignité une réprimande qui pouvait procurer le salut du troupeau. Celui des deux apôtres à qui s’adressait la correction était plus admirable et plus difficile à imiter que celui qui la faisait. Il est effectivement plus facile de remarquer ce qu’il y a à corriger dans autrui et de le censurer, soit par le blâme soit par un reproche direct, que de voir ce qu’il y a à reprendre en nous et de le reprendre soit par nous-mêmes soit par un autre, surtout quand celui-ci nous est inférieur et qu’il fait sa correction en public. Ici donc quel magnifique exemple d’humilité, une des premières règles de la vie chrétienne, puisque c’est l’humilité qui conserve la charité ! Rien en effet ne la détruit plus vite que l’orgueil. Aussi le Seigneur n’a-t-il pas dit : Prenez mon joug et apprenez de moi que je ressuscite dans leurs tombeaux des cadavres de quatre jours, que je chasse tous les démons des corps humains, que je dissipe les maladies et que je fais d’autres choses semblables ; mais r Prenez mon joug et apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur q. » Ces miracles étaient les figures des œuvres spirituelles : mais c’est une chose éminemment spirituelle de conserver la charité avec douceur et avec humilité ; c’est à cela que sont conduits par la vue des prodiges ceux qui trop attachés encore aux choses sensibles demandent la foi au monde invisible, non point aux choses visibles connues et ordinaires, mais aux choses visibles qui arrivent extraordinairement et qui éclatent tout à coup. Si donc les docteurs qui contraignaient les Gentils avaient appris à être doux et humbles de cœur, comme saint Pierre l’avait appris du Seigneur ; surtout en voyant un si grand homme réformer sa conduite, ils eussent été portés à l’imiter et ils n’auraient plus considéré que si l’Évangile du Christ leur avait été prêché, c’était envers eux une dette de justice. « Sachant même que l’homme ne trouve point sa justification dans les œuvres de la Loi, mais seulement dans la foi en Jésus-Christ » afin de pouvoir accomplir la Loi avec l’aide, non pas de ses propres mérites mais de la grâce de Dieu ; ces docteurs n’astreindraient point les Gentils aux observances charnelles de la Loi, ils sauraient qu’avec la grâce de la foi ils peuvent accomplir ce que la Loi contient de préceptes spirituels. Aussi bien lorsqu’on se croit capable d’observer pas ses propres forces et non par la grâce et la miséricorde de Dieu les œuvres de la Loi ; aucune chair, c’est-à-dire aucun homme, aucun de ceux qui ont ces sentiments charnels, ne peut par là être justifié r. Voilà pourquoi ceux qui ont passé du joug de la Loi à la croyance en Jésus-Christ, ont obtenu la grâce de la foi, lion parce qu’ils étaient justes, mais pour le devenir. 16. Les œuvres de la Loi ne sauraient justifier. – Les Juifs avaient donné aux Gentils le nom de pécheurs, c’était par suite de leur orgueil invétéré ; mais en se croyant justes, ils voyaient la paille dans l’œil d’autrui, et dans le leur ils ne voyaient pas la poutre. Se conformant donc à leur usage, l’Apôtre dit : « Nous sommes, nous, Juifs de naissance et non pécheurs d’entre les Gentils » et non de ceux qu’ils appellent pécheurs, quoi qu’eux-mêmes le soient. Eh bien ! Nous qui sommes Juifs de naissance » puisque nous n’étions point Gentils, de ceux qu’eux-mêmes appellent pécheurs et qui, pourtant sommes pécheurs aussi, « nous croyons au Christ Jésus, pour être justifiés par la foi au Christ. » Auraient-ils cherché la justification, s’ils n’eussent été pécheurs ? Ou le sont-ils devenus pour avoir cherché leur justification dans le Christ ? De fait ils auraient péché si étant justes ils avaient cherché ailleurs la justice. Mais s’il en est ainsi, « le Christ n’est-il donc pas ministre du péché ? » Les Judaïsants même ne sauraient l’admettre, puisque tout en s’opposant à ce qu’on livrât l’Évangile aux Gentils qui ne se faisaient pas circoncire, eux-mêmes avaient cru en Jésus-Christ. Aussi c’est en leur nom comme au sien qu’il répond : « Nullement. » L’Apôtre voulait donc anéantir l’orgueil qui se glorifiait des œuvres de la Loi ; cet orgueil devait et pouvait disparaître, car eût-on compris la nécessité de la grâce de la foi, si l’on avait regardé les œuvres légales comme capables de, justifier sans elle ? On est donc prévaricateur si on les rétablit sous le prétexte qu’elles justifient sans la grâce et l’on tend à faire de Jésus-Christ le ministre du péché. À ces mots : « Si je rétablis ce que j’ai détruit, je me constitue moi-même prévaricateur s » on pouvait objecter à l’Apôtre : Comment ! C’est en appuyant aujourd’hui la foi du Christ que tu attaquais auparavant, que tu te constitues prévaricateur ? Mais jamais il ne l’a détruite, puisqu’elle est indestructible. Ce qu’il détruisait réellement, ce qu’il s’attachait constamment à détruire, c’était ce maudit orgueil qui pouvait être anéanti. Aussi n’était-il pas prévaricateur lorsque après avoir essayé de repousser ce qu’il croyait faux, il s’est aperçu ensuite que cela était vrai, indestructible et qu’il s’y est attaché pour sa propre sanctification ; mais il eût été prévaricateur si après avoir rejeté une erreur réelle, ce qu’il est permis de détruire, il l’enseignait de nouveau. 17. Être mort à la Loi et vivre en Jésus-Christ parla grâce du Sauveur. – Il dit maintenant qu’il est mort à la Loi, afin de n’être plus sous la Loi, et cela de par la Loi elle-même. C’est qu’étant Juif il n’avait dans la Loi qu’urge espèce de pédagogue, comme il le dit plus bas t. Or le travail du pédagogue aboutit à ne le rendre plus nécessaire, comme une mère allaite son enfant pour qu’il n’ait plus besoin d’être allaité, comme un navire conduit à la patrie, où il devient inutile. L’Apôtre veut dire encore que c’est la Loi entendue dans un sens spirituel qui l’a fait mourir à la Loi, en l’empêchant de vivre sous son joug d’une manière charnelle. N’est-ce pas ainsi qu’il voulait que de par la Loi on mourût à la Loi, quand il disait un peu plus bas : « Répondez, vous qui voulez rester sans la Loi N’avez-vous pas lu la Loi ? Il y est écrit en effet qu’Abraham eut deux fils u » etc, citant ce trait pour amener les fidèles à-6omprendre qu’entendue dans un sens spirituel la Loi même exige qu’ils meurent aux observances charnelles de la Loi ? Il ajoute : « Afin de vivre pour Dieu. » On vit pour Dieu quand on lui est soumis, et pour la Loi quand on est sous la Loi. Or on ne vit sous la Loi qu’autant qu’on est pécheur, c’est-à-dire qu’autant qu’on n’a point changé encore les dispositions du vieil homme ; car alors on vit de sa propre vie et on a ainsi la Loi au-dessus de soi, attendu qu’on est sous elle quand on ne l’accomplit pas. Aussi bien la Loi n’est-elle pas imposée au juste v » de manière à le placer au-dessous d’elle, car il ne vit plus de cette vie propre que la Loi est destinée à réprimer. N’est-ce pas, si je puis parler ainsi, vivre en quelque sorte de la loi que de vivre dans la justice et avec amour de la justice, en s’attachant, non pas au bien particulier et transitoire, mais au bien commun et immuable ? Il ne fallait donc pas imposer la Loi à saint Paul, puisqu’il disait : « Si je vis, ce n’est pas moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi. » Eh ! Qui oserait imposer la Loi, au Christ, vivant dans la personne de Paul ? Oserait-on avancer que le Christ ne vit pas dans la justice, et qu’il faut la Loi pour le réprimer ? Si je vis maintenant dans la chair » poursuit l’Apôtre, il ne saurait dire en effet que le Christ mène encore une vie mortelle, telle qu’est la vie de la chair, « je vis en la foi du Fils de Dieu. » C’est ainsi encore que le Christ vit dans l’âme qui croit ; car il habite par la foi dans l’homme intérieur w, afin de pouvoir le pénétrer de l’éclat de sa présence, plus tard, quand ce qui est mortel sera absorbé par la vie x. Afin de montrer ensuite que si le Christ vit en lui, que si lui-même, avec sa vie corporelle, vit dans la foi du Fils de Dieu, il en est redevable, non pas à ses mérites, mais à la grâce du Sauveur, il ajoute « Car il m’a aimé et s’est lui-même livré pour moi. » Pour moi ? N’est-ce pas pour un pécheur qu’il voulait justifier ? Ainsi parle ce Juif de naissance et d’éducation qui s’était montré zélateur exagéré des traditions de ses pères. Mais si pour cette sorte d’hommes aussi le Christ s’est livré lui-même, n’est-ce pas une preuve qu’ils étaient pécheurs comme les autres ? Qu’ils n’attribuent donc pas à leur justice la grâce que, justes, ils n’auraient pas eu besoin de recevoir. « Je ne suis pas venu appeler les justes, a dit le Seigneur, mais les pécheurs y » et les appeler pécheurs pour qu’ils ne le soient plus. Dès que le Christ m’a aimé et s’est livré lui-même pour moi ; « je n’annule point la grâce de Dieu » en prétendant que la justice vient de la Loi ; « car si la justice vient par la Loi, c’est donc en vain qu’est mort le Christ. z » en d’autres termes ; il est mort sans raison, puisqu’au moyen de la Loi, c’est-à-dire des œuvres légales où les Juifs plaçaient leur confiance, les hommes pouvaient arriver à la justification. Or ceux à qui s’adressait saint Paul, pour les réfuter, n’admettaient pas que le Christ fût mort inutilement, puisqu’ils voulaient passer pour chrétiens. Conséquemment ils avaient tort de prétendre que ces observances légales contribuassent à justifier ses disciples.
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