Galatians 4:6
30. Affranchissement et adoption dus au Fils de Dieu a. – L’Apôtre ajoute qu’une fois arrivée la plénitude du temps, Dieu a envoyé son Fils pour affranchir l’héritier encore enfant, asservi, d’un côté, à la Loi comme à un pédagogue, et d’autre part, aux éléments de ce monde comme à des tuteurs. « Dieu, dit-il, a envoyé son Fils, formé d’une femme. » Femme ici se prend pour une personne du sexe ; c’était l’usage chez les Hébreux. Quand il est dit que de la côte d’Adam « Dieu forma une femme b » on n’ira pas croire qu’Eve avait déjà eu alors des – rapports charnels avec Adam ; il est écrit d’ailleurs qu’elle n’en eut qu’après qu’ils furent l’un et l’autre chassés du paradis c. Si saint Paul dit que le Fils de Dieu a été formé, c’est en vue de son union avec la nature humaine : bien que les enfants ne naissent pas de Dieu au moment où ils naissent de leurs mères, Dieu ne les forme pas moins, comme il forme toute créature, pour qu’ils puissent naître de la sorte. « Soumis à la Loi » ajoute l’Apôtre : car il reçut la circoncision et on offrit pour lui l’hostie prescrite par la Loi d. Pourquoi s’étonner qu’il se soit soumis aux observances onéreuses de la Loi, puisqu’il venait en affranchir les esclaves ? N’a-t-il pas enduré la mort elle-même pour en délivrer ceux qui y étaient condamnés ?« Afin de nous rendre enfants adoptifs. – Adoptifs » et par conséquent distincts du Fils unique de Dieu. C’est par sa grâce en effet et par la condescendance de sa miséricorde que nous sommes enfants de Dieu ; pour lui il est Fils de Dieu par nature, puisqu’il est Dieu comme le Père. Le texte ne porte pas : pour nous faire, mais pour nous rendre enfants de Dieu ; ce qui nous rappelle que nous avons perdu ce privilège dans la personne d’Adam, à qui nous devons d’être mortels. Par conséquent, entre ces paroles : « Pour racheter ceux qui étaient sous la Loi » lesquelles s’appliquent à l’affranchissement du peuple qui vivait dans son enfance sous l’autorité du pédagogue ; et celles-ci : « Soumis à la Loi » il y a corrélation. Corrélation aussi entre ces mots : « Pour nous rendre enfants adoptifs » et ces autres : « Formé d’une femme. » Si en effet nous redevenons enfants adoptifs de Dieu, c’est que son Fils unique n’a pas dédaigné de participer à notre nature en naissant d’une femme, et de devenir l’aîné de beaucoup de frères, lui qui n’en avait pas comme Fils unique du Père e. L’Apôtre avait dit d’abord : « Formé d’une femme » puis soumis à la loi » il intervertit l’ordre en faisant le rapprochement. 31. Pourquoi ces deux mots qui ont le même sens : « Abba, Père f ? » – Le peuple qui dans son enfance était asservi à des tuteurs et à des curateurs, c’est-à-dire aux éléments de ce monde, aurait pa craindre de n’être pas du nombre des enfants de Dieu, puisqu’il n’avait pas été soumis à la direction du pédagogue. L’Apôtre l’associe au peuple Juif dans le passage suivant : « Or, parce que vous êtes ses enfants, Dieu a envoyé dans vos cœurs l’Esprit de son Fils, criant : Abba, Père. » Voici deux expressions dont la dernière n’est que la traduction de la première ; car Abba veut dire Père. Mais ces deux mots qui appartiennent à des langues différentes et dont le sens est le même, sont une allusion spirituelle aux deux peuples, juif et gentil, qui sont unis dans une même foi pour former tout le peuple chrétien. Le terme hébreu rappelle les Juifs, l’autre désigne les Gentils ; et la signification identique des deux exprime l’unité de foi et d’esprit qui s’est établie entre l’un et l’autre peuple. Déjà dans son Épître aux Romains, où il traitait une question semblable, celle de la pacification à établir par le Christ entre les Juifs et les Gentils, le même Apôtre avait dit : « Aussi bien n’avez vous pas reçu de nouveau l’esprit de servitude qui inspire la crainte ; mais vous avez reçu l’Esprit des enfants adoptifs qui nous fait crier Abba, Père g. » C’est avec raison que de la présence en eux et du don que Dieu leur a fait de l’Esprit-Saint, saint Paul prétend prouver aux Gentils que l’héritage leur est promis comme à Israël. En effet l’Évangile n’a été annoncé aux Gentils qu’après l’Ascension du Seigneur et la descente du Saint-Esprit ; au lieu que les Juifs avaient commencé à croire pendant que le Fils de Dieu menait encore sur la terre sa vie mortelle. C’est ce que nous lisons dans l’Évangile. Il est vrai, le Sauveur y loue la foi de la Chananéenne h, et la foi de ce centurion à laquelle il assure n’avoir point trouvé de toi semblable dans Israël i ; cependant c’est proprement aux Juifs qu’il prêchait alors son Évangile et ses paroles l’indiquent assez clairement. Car il répondit, à la prière de cette même Chananéenne, qu’il n’était envoyé que vers les brebis perdues de la maison d’Israël j, et il dit à ses disciples, en leur donnant leur mission : « N’allez point vers les Gentils et n’entrez point dans les villes des Samaritains ; allez d’abord vers les brebis perdues de la maison d’Israël k. » Il disait encore que la Gentilité était pour lui un autre bercail : « J’ai d’autres brebis qui ne sont pas de ce bercail » assurait-il, et il ajoutait qu’il devait les amener encore, afin qu’il n’y eût plus qu’un seul troupeau sous un seul pasteur l » et quand devait-il les amener, sinon après qu’il serait glorifié ? Aussi envoya-t-il, après la résurrection, ses disciples vers les Gentils, en leur recommandant toutefois de rester à Jérusalem provisoirement et jusqu’à ce qu’il leur envoyât le Saint-Esprit, conformément à sa promesse m. Après donc avoir dit : « Dieu a envoyé son Fils, formé d’une femme, soumis à la Loi, afin d’affranchir ceux qui étaient sous la Loi et de nous rendre ses enfants adoptifs n » l’Apôtre devait montrer aussi que les Gentils, qui n’étaient pas asservis à cette Loi, n’en étaient pas moins les enfants adoptifs de Dieu : c’est ce qu’il fait en rappelant que le Saint-Esprit leur a été donné comme aux Juifs. Aussi, quand saint Pierre voulut se défendre lui-même, devant les Juifs devenus chrétiens, pour avoir donné le baptême au centurion Corneille sans qu’il fût circoncis, il dit qu’il n’avait pu refuser de répandre l’eau sainte sur des hommes qui manifestement avaient reçu le Saint-Esprit o. C’est également cette imposante preuve que saint Paul a déjà fait valoir quand il a dit précédemment : « Je veux seulement vous adresser cette question : Est-ce par les œuvres de la Loi que vous avez reçu l’Esprit ou par l’audition de la foi ? » et quand il a ajouté un peu après : « Celui donc qui vous communique son Esprit et qui opère en vous des miracles, le fait-il par les œuvres de la Loi ou par l’audition de la foi p ? » C’est ici le même raisonnement : « Parce que vous êtes ses enfants, dit-il, Dieu a envoyé dans vos cœurs l’Esprit de son Fils, criant : Abba ; Père. » 32. Dieu fait tout servir à ses desseins, les démons mêmes q. – Ce qui prouve avec la dernière évidence que l’Apôtre parle ici aux Gentils convertis, à qui d’ailleurs son Épître est adressée, c’est ce qui suit. « Ainsi donc, dit-il, nul n’est plus serviteur, mais fils » ce qui rappelle les paroles précédentes : « Tant que l’héritier est enfant, il ne diffère point d’un serviteur. – Mais si on est fils, on est aussi héritier par Dieu » autrement, par la miséricorde de Dieu et non par suite des promesses faites aux patriarches, dont on ne descend point corporellement comme les Juifs, tout enfant que l’on soit d’Abraham par l’imitation de sa foi, dont on a mérité la grâce parla miséricorde du Seigneur.« Autrefois, à la vérité, ignorant Dieu ; vous étiez asservis à ceux qui par leur nature ne « sont pas des dieux. » Évidemment ce n’est pas aux Juifs, c’est aux Gentils qu’il s’adresse ici ; de plus il ne dit pas : nous étions asservis, mais : « Vous étiez asservis. » N’est-il donc pas assez probable, au moins maintenant, qu’aux Gentils encore il rappelait précédemment qu’ils avaient été asservis aux éléments de ce monde comme à des tuteurs et à des curateurs r ? Car ces éléments du monde ne sont point des dieux par leur nature, « ni au ciel, ni sur la terre, comme il y a beaucoup de dieux et beaucoup de seigneurs ; quoique pour nous il n’y ait qu’un seul Dieu, savoir le Père, de qui viennent toutes choses, nous surtout qui demeurons en lui ; et qu’un seul Seigneur, savoir Jésus-Christ, par qui toutes choses viennent, et nous spécialement s. » En disant : « Vous étiez asservis à ceux qui par leur nature ne sont pas des dieux » l’Apôtre rappelle clairement que par nature il n’y a qu’un seul Dieu véritable, celui en qui tout cœur fidèle et catholique voit la Trinité. Quant à ceux qui par leur nature ne sont pas dès dieux, si l’Apôtre les a appelés des tuteurs et des curateurs, c’est que parmi toutes les créatures, soit parmi celles qui restent dans la vérité pour glorifier Dieu, soit parmi celles qui n’y sont pas restées et qui ont cherché plutôt leur propre gloire, il n’en est aucune qui de gré ou de force ne seconde les desseins de la divine Providence ; avec cette différence que si la créature sert Dieu avec bonne volonté, elle sera l’instrument de sa bonté, au lieu que si elle s’y refuse, elle sera l’instrument de sa justice. D’ailleurs si les anges prévaricateurs, aussi bien que leur chef, n’étaient point entre les mains de la divine Providence comme des tuteurs et des curateurs, le Seigneur ne nommerait pas le diable le magistrat de ce siècle, et la puissance des Apôtres eux-mêmes ne, l’emploierait pas à corriger les coupables. Saint Paul dit néanmoins : « Je les ai livrés à Satan, pour leur apprendre à ne plus blasphémer t » il ne dirait pas non plus ailleurs, en vue de procurer le salut des pécheurs : « Pour moi, absent de corps, il est vrai, mais présent en esprit, j’ai déjà décidé, comme si j’étais là, et après vous avoir réunis avec mon esprit au nom de Jésus-Christ Notre-Seigneur, et par l’autorité même de Jésus-Christ Notre-Seigneur, de livrer à Satan, pour la mort de son corps, l’auteur d’un pareil attentat, afin que son âme soit sauvée au jour du Seigneur Jésus u. » Du reste un magistrat ne fait que ce que lui permet l’empereur établi alors ; ainsi les tuteurs et les curateurs de ce monde n’agissent jamais qu’avec la permission du Seigneur. Rien ne lui échappe, comme tant de choses échappent à un homme ; en rien non plus sa puissance ne lui fait défaut ; de sorte que ces tuteurs et ces curateurs qui sont sous sa main, ne font rien à son insu ou malgré lui, dans la sphère même de l’activité qu’il leur a laissée. Cependant il ne les récompense pas de ce qu’ils sont les instruments de sa justice, il considère l’esprit qui les anime : c’est que d’une part Dieu n’a pas refusé la liberté à la créature raisonnable, et que d’autres part il conserve dans sa main le pouvoir de faire entrer les injustes mêmes dans les plans de sa justice. Souvent, dans nos autres ouvrages, nous avons donné à cette idée de plus amples développements ▼▼Voir les livres, du libre arbitre. Tom III.
. Ainsi donc, que les Gentils aient adoré le soleil, la lune, les étoiles, le ciel, la terre et autres choses semblables, ou bien qu’ils aient adoré les démons, on a raison de dire qu’ils étaient asservis à des tuteurs et à des curateurs. 33. Difficulté w. – Cette interprétation paraît claire ; mais ce qui suit va la remettre en question. Saint Paul nous montre, dans tous le cours de son Épître, qu’il n’y avait, pour tourmenter la foi des Galates, que des Juifs convertis, et que ceux-ci cherchaient à les amener aux observances légales comme si leur salut y était attaché. Voici le seul passage où il semble supposer qu’il s’agissait de retourner aux superstitions des Gentils. « Mais maintenant que vous connaissez Dieu, ou plutôt que vous êtes connus de Dieu, comment retournez-vous à ces faibles et pauvres éléments, auxquels vous voulez vous asservir de nouveau, comme autrefois ? » En effet, comme il s’adresse, non pas aux Juifs circoncis, mais aux Gentils, ainsi qu’on le voit dans toute l’Epître ; en leur disant : « Comment retournez-vous ? » il n’a pas en vue la circoncision, puisque jamais ils n’avaient été circoncis, mais les faibles et pauvres éléments auxquels ils veulent s’asservir de nouveau, comme autrefois. » Une autre preuve qu’il s’agit ici des Gentils, c’est qu’il vient de leur dire à eux-mêmes : « Autrefois, à la vérité ; ignorant Dieu, vous étiez asservis à ceux qui par leur nature ne sont pas des dieux x. » Est-ce donc à cette servitude que selon lui ils veulent retourner quand il dit : « Comment retournez-vous à ces faibles et pauvres éléments auxquels vous voulez vous asservir de nouveau, comme autrefois ? » 34. Solution possible y. – Les paroles suivantes : « Vous observez certains jours, certains mois, certaines années, certains temps ; je crains pour vous d’avoir en vain travaillé parmi vous » semblent appuyer encore ce sentiment. On sait en effet que quand il s’agit d’entreprendre quelque chose ou d’attendre soit des événements qui marquent dans la vie, soit l’issue de quelque affaire, les Gentils se laissent aller partout à la faiblesse de tenir compte des jours, des mois, des années et des temps que : signalent les astrologues et les Chaldéens. Peut-être cependant n’est-il pas nécessaire de voir signalé ici cet égarement des Gentils, ce qui serait nous écarter tout-à-coup et sans raison sérieuse, me semble-t-il, du sujet que traite l’Apôtre depuis le commencement jusqu’à la fin de son Epître. Ne vaut-il pas mieux voir ici un des désordres dont il travaille, dans toute cette lettre, à détourner les Galates ? Car les Juifs aussi observent servilement certains jours, certains mois, certaines années et certains temps, lorsqu’ils observent charnellement le sabbat, les néoménies, le mois des fruits nouveaux et cette septième année qu’ils nomment le sabbat des sabbats. Ces pratiques n’étaient que des ombres de l’avenir ; conséquemment elles devinrent superstitieuses lorsque après l’avènement du Christ on les observait encore comme des pratiques salutaires et sans savoir à quoi les rapporter. L’Apôtre alors semblerait dire aux Gentils : Que vous sert d’avoir rompu les chaînes qui vous retenaient dans l’esclavage lorsque vous étiez asservis aux éléments du monde, puisque vous vous jetez dans une servitude semblable, séduits que vous êtes par ces ignorants qui ne connaissent point encore à quelle époque ils ont été affranchis, et qui se rendent esclaves des temps comme des observances légales qu’ils comprennent d’une manière trop charnelle ? Vous voulez donc, vous aussi, vous asservir comme vous l’étiez autrefois, et observer avec eux les jours, les mois, les années et les temps dont vous étiez esclaves avant même de croire au Christ ? Il est clair en effet que le cours du temps se règle sur les éléments de ce monde, le ciel et la terre, le mouvement des astres et leur situation respective. Si l’Apôtre les appelle faibles, c’est qu’ils changent sans cesse d’aspect, incapables de se maintenir toujours au même état ; s’il les dit pauvres, c’est que pour se conserver ce qu’ils sont ils ont besoin de la puissance souveraine et immuable du Créateur. 35. Éviter les observances superstitieuses. – Au lecteur de choisir celui des deux sentiments qu’il voudra ; mais, qu’il le comprenne bien, il y a pour l’âme un danger si redoutable ▼▼413
dans ces observations superstitieuses de certains jours, que l’Apôtre s’écrie ici : « Je crains pour vous d’avoir en vain travaillé pour vous. » Quoique, on lise ce passage avec tant de solennité et d’autorité dans les Églises partout l’univers, nos réunions n’en sont pas moins remplies d’hommes qui demandent aux astrologues quels sont les moments qui conviennent aux entreprises qu’ils ont en vue. Que dis-je ? sans savoir, comme on s’exprime, où ils mettent le pied, n’osent-ils pas nous avertir souvent nous-mêmes de ne commencer ni à bâtir ni à rien faire de semblable durant les jours qu’ils nomment les jours égyptiaques ? S’il faut entendre ce même passage des observantes superstitieuses des Juifs, quelle espérance peuvent nourrir ces hommes qui se disent chrétiens et qui règlent sur des almanachs la direction de leur vie perdue ; quand ils remarquent qu’en observant, comme les Juifs, les temps marqués dans les livres saints que Dieu a donnés à son peuple encore charnel, ils entendraient l’Apôtre leur dire : « Je crains pour vous d’avoir en vain travaillé pour vous ? » Et pourtant vient-on à surprendre un chrétien, fût-il encore catéchumène, observant le sabbat à la manière des Juifs ?l’Église se scandalise. Et des chrétiens sans nombre, qui comptent parmi les fidèles, nous disent en face, et avec une pleine assurance : Je ne pars point un lendemain de calendes. Et nous, c’est avec peine si nous parvenons à les dissuader avec douceur, souriant même pour qu’ils ne s’irritent pas et craignant qu’ils ne voient ici une nouveauté. O malheureux péchés des hommes ! hélas ! Nous ne frémissons que de ceux qui se commettent rarement ; quant à ces péchés journaliers pour l’expiation desquels, le Fils de Dieu a aussi versé son sang, si énormes qu’ils soient et quoiqu’ils nous ferment absolument l’entrée du royaume de Dieu, nous sommes contraints de les tolérer, tant ils se répètent souvent ; d’en commettre même quelques-uns en les tolérant, et plaise à votre miséricorde, Seigneur, que nous ne commettions pas tous ceux que nous ne saurions empêcher ! 36 Connaître Dieu et être connu de lui aa. – Voyons maintenant ce qui suit. Mais nous avons laissé de côté ces mots : « Maintenant que vous connaissez Dieu ou plutôt que vous êtes connus de lui. » Il semble que l’Apôtre veut ici proportionner son langage à la faiblesse humaine et que ce n’est pas seulement dans les livres du Testament ancien que la parole divine s’est mise à la portée de nos pensées terrestres. Après avoir dit : « Que vous connaissez Dieu » il s’est repris, et nous ne devons pas nous en étonner ; car il est certain que tout le temps que nous nous conduisons par la foi et non par la claire vue ab, nous ne connaissons pas encore Dieu et que notre foi nous aide à nous purifier pour arriver à pouvoir le connaître en temps convenable. Cependant si l’on entend à la lettre ce que dit l’Apôtre même en se reprenant, on s’imaginera que Dieu parvient à connaître ce qu’il ignorait auparavant. Ces paroles donc : « Ou plutôt que vous êtes connus de Dieu » doivent être prises dans le sens métaphorique, et la connaissance que Dieu a de nous doit s’interpréter de l’amour qu’il nous a témoigné en envoyant son Fils unique s’immoler pour les impies : c’est ainsi que des personnes qu’on aime on dit qu’on les a sous les yeux. « Maintenant que vous connaissez Dieu ou plutôt que vous êtes connus de Dieu » revient donc à cette pensée de saint Jean : « Ce n’est pas que nous ayons aimé Dieu, c’est lui qui nous a aimés ac. » 37. – Confiance que mérite la parole de saint Paul ad. – « Soyez comme moi » continue-t-il ; car tout Juif que je suis de naissance, le discernement spirituel m’a amené à mépriser ces observances charnelles. « Mais aussi je suis comme vous » c’est-à-dire homme. Puis il saisit l’occasion de leur rappeler avec réserve sa charité envers eux, pour les empêcher de le considérer comme un ennemi. « Mes frères, dit-il, je vous en prie, vous ne m’avez offensé en rien » ne vous figurez donc pas que je cherche à vous nuire. « Vous savez que je vous ai autrefois annoncé l’Évangile dans la faiblesse de la chair » c’est-à-dire au milieu de mes persécutions. « Or cette épreuve à laquelle vous avez été mis en ma personne, vous ne l’avez ni méprisée ni repoussée. » En voyant les persécutions qu’endurait l’Apôtre, ils étaient tentés de se demander si la crainte les porterait à l’abandonner ou la charité à s’unir à lui. « Vous n’avez point méprisé » cette tentation, car vous en avez aperçu l’utilité ; « vous ne l’avez pas non plus repoussée » en refusant de partager mes dangers. « Mais vous m’avez reçu comme un ange de Dieu, comme le Christ Jésus. » S’élevant ensuite jusqu’au sentiment de l’admiration, il leur met devant les yeux les effets spirituels qui se sont produits en eux, afin que ce souvenir les empêche de se laisser aller aux sentiments d’une crainte naturelle. « Quel était alors votre bonheur ! s’écrie-t-il ! Car je voles rends ce témoignage que s’il eût été possible vous vous seriez arraché les yeux pour me les donner. Suis-je donc devenu votre ennemi en vous prêchant la vérité ? » Évidemment non. « En prêchant » quelle vérité, sinon qu’ils ne doivent pas se faire circoncire ? Aussi considère ce qu’il ajoute : « Ils ont pour vous une émulation qui n’est pas bonne » autrement ils vous portent envie, puisque de spirituels que vous êtes ils veulent vous rendre charnels ; voilà ce que signifie : « Ils ont pour vous une émulation qui n’est pas bonne. – Mais ils prétendent que vous ayez pour eux de l’émulation » ou que vous les imitiez ; comment, sinon en vous attachant au joug où ils sont attachés eux-mêmes ? « Il est bon toutefois d’avoir toujours de l’émulation pour le bien. » Il veuf ici qu’ils l’imitent lui-même en tout temps ; aussi ajoute-t-il : « Et non seulement lorsque je suis présent au milieu de vous. » C’est qu’au moment où ils l’aimaient jusqu’à vouloir lui donner leurs yeux quand il était là, ils travaillaient évidemment aussi à l’imiter. 38. Sollicitude maternelle de l’Apôtre ae. – S’il dit encore : « Mes petits enfants » c’est également pour les engager à l’imiter comme leur père. « Pour qui je sens de nouveau les douleurs de l’enfantement jusqu’à ce que le Christ soit formé en vous. » C’est plutôt au nom de l’Église notre mère qu’il s’exprime ainsi, car il dit ailleurs : « Je me, suis fait petit enfant parmi vous, comme une nourrice qui soigne ses enfants af. » Or c’est par la foi du croyant que le Christ se forme dans l’homme intérieur, dans l’homme doux et humble de cœur, dans l’homme qui ne se vante point du mérite de ses œuvres, car il n’en a pas, dans l’homme qui ne commence à acquérir quelque mérite que par la grâce et que le Christ pourra nommer un de ses plus petits, c’est-à-dire un autre lui-même, quand il dira : « Ce que vous avez fait à l’un de ces plus petits d’entre les miens, vous me l’avez fait à moi-même ag. » En effet le Christ se forme dans celui qui se moule en quelque sorte sur lui ; or on se moule sur lui quand on lui est uni par un amour tout spirituel ; et en l’imitant ainsi on devient en quelque sorte ce qu’il est, mais en restant dans sa sphère. « Celui, dit saint Jean, qui prétend demeurer dans le Christ, doit se conduire comme le Christ s’est conduit ah. » Cependant, lorsque la mère conçoit l’enfant, c’est pour le former, et quand il est formé, c’est pour le mettre au monde qu’elle ressent les douleurs de l’enfantement : comment donc l’Apôtre peut-il dire : « Vous pour qui je sens de nouveau les douleurs de l’enfantement, jusqu’à ce que le Christ soit formé en vous ? » Par les douleurs de l’enfantement qu’il a déjà endurées pour eux, il faut entendre sans doute les angoisses, les soucis par lesquels il a passé pour les faire naître au Christ ; s’il endure de nouveau ces douleurs, c’est à cause des dangers de séduction au sein desquels il les voit chanceler déjà. Or ces sollicitudes et ces soucis qui sont pour lui comme les douleurs de l’enfantement, pourront durer jusqu’à ce qu’ils soient parvenus à la mesure de l’âge de la plénitude du Christ et qu’ils ne flottent plus à tout vent de doctrine ai. Si donc l’Apôtre a dit : « Vous pour qui je sens de nouveau les douleurs de l’enfantement » ce n’était pas pour les faire naître à la foi qu’il parlait ainsi, puisqu’ils y étaient nés déjà, c’était pour les y affermir et les perfectionner dans la foi. Ailleurs il parle de ces mêmes douleurs en termes différents : « Ce qui m’assaillit chaque jour, dit-il, ma sollicitude pour toutes les Églises. Qui est faible sans que j e sois faible aussi ? Qui est scandalisé sans que je brûle aj ? » 39. Ne pas écrire ce qu’on dirait de vive voix ak. – « Je voudrais maintenant, poursuit-il, être près de vous et changer mon langage, car je rougis de vous. » Comme il les avait appelés ses enfants, ne veut-il pas dire ici qu’il les ménage dans sa lettre, dans la crainte qu’irrités d’une réprimande trop sévère, ils ne se laissent trop aisément porter à le haïr par ces séducteurs auxquels il ne pourrait résister étant absent ? Je voudrais maintenant être près de vous et changer mon langage » signifierait donc qu’il voudrait les renier pour ses enfants ; « car je rougis de vous » de fait, pour n’avoir pas à rougir de leurs enfants, les parents les renient ordinairement. 40. Les Juifs, les catholiques et les hérétiques figurés dans la famille d’Abraham al. – « Dites-moi, vous qui voulez être sous la Loi, n’avez-vous par connaissance de la Loi ? » Ce qu’ajoute ensuite l’Apôtre sur les deux fils d’Abraham se comprend aisément ; car il interprète lui-même cette allégorie. Abraham avait donc ces deux fils pour figurer les deux Testaments ; mais à la même allégorie n’ont plus rapport ceux qu’il eut d’une autre épouse après la mort de Sara. Voilà pourquoi plusieurs de ceux qui ne connaissent pas le livre de la Genèse n’imaginent, en lisant l’Apôtre, que le patriarche n’eut que deux enfants. Mais si saint Paul ne fait mention que des deux premiers, c’est qu’Abraham n’avait encore que ceux-là quand il était question pour eux de symboliser ce que dit l’Apôtre ; le voici. L’enfant né de la servante nommée Agar représente l’ancien Testament, ou plutôt le peuple de l’ancien Testament, qui se courbait sous le joug servile des observances charnelles et à qui étaient adressées des promesses terrestres qui éloignent de l’héritage spirituel et du patrimoine céleste ceux qui s’y attachent et qui n’attendent pas de Dieu autre chose. Pour être l’emblème du peuple qui hérite du nouveau Testament, il ne suffit pas qu’Isaac soit né d’une mère libre, il faut surtout qu’il soit né d’après la promesse. Peu importait que l’ancien peuple naquit, selon la chair, d’une servante ou d’une femme libre telle que fut Cethura, qu’épousa dans la suite Abraham et qui lui donna des enfants ; qui n’étaient pas des enfants de la promesse am. Ce qui distingue Isaac, c’est qu’il naquit miraculeusement, selon la promesse que Dieu en avait faite, et lorsque son père et sa mère étaient fort avancés en âge. Voudrait-on, encouragé par l’exemple de l’Apôtre qui prend si manifestement pour des personnages figuratifs les deux premiers fils d’Abraham, examiner ce que les fils de Cethura pouvaient symboliser aussi dans l’avenir, car ce n’est pas en vain assurément, qu’on a écrit ces faits accomplis sous la direction de l’Esprit-Saint ? On découvrira sans doute que ces fils de Cethura représentent d’avance les schismes et les hérésies. À la vérité leur mère était libre, comme l’Église d’où sont sortis les schismatiques et les hérétiques ; mais ils sont nés d’une manière charnelle, et non d’une manière spirituelle ni en vertu d’aucune promesse. Dès lors ils ne sont point héritiers, héritiers de la Jérusalem céleste, que l’Écriture appelle stérile, pour avoir été longtemps sans engendrer des enfants sur la terre ; que la même Écriture appelle aussi délaissée, parce que avides de biens terrestres les hommes oubliaient la céleste justice, au lieu que la Jérusalem céleste, qui avait reçu la Loi, possédait en quelque sorte un époux. Aussi Sara figure-t-elle la Jérusalem du ciel, parce qu’ayant reconnue sa stérilité, Abraham fut longtemps éloigné de son lit. Des hommes du mérite d’Abraham ne s’approchaient point de leurs femmes pour satisfaire une ignoble passion, mais uniquement pour perpétuer leur famille. Et quand à la stérilité de Sara fut venue se joindre la vieillesse, il n’y avait plus absolument d’espoir à nourrir ; mais aussi quel mérite d’ajouter foi alors à la promesse divine ! Assuré donc de cette promesse, Abraham s’approcha, pour accomplir le devoir de la génération, de cette épouse chargée d’années, avec qui il avait cessé tout rapport charnel quand elle était dans la vigueur de l’âge. Et c’est uniquement la cessation de ces rapports qu’il faut voir dans ce texte du prophète cité par l’Apôtre interprétant l’allégorie de Sara et d’Agar : « Les fils de la délaissée seront plus nombreux que les fils de celle qui a un mari » car Sara est morte avant Abraham et jamais entre eux il n’y eut divorce. Comment dire que l’une était délaissée et que l’autre avait un mari, sinon pour rappeler qu’afro d’avoir des descendants Abraham remplissait auprès d’Agar, qui était sa servante et qui était féconde, le devoir que l’empêchait de remplir auprès de son épouse la stérilité de Sara ? C’était toutefois avec l’autorisation et d’après même l’offre spontanée de Sara que le patriarche demandait des enfants à sa servante. Voici en effet une antique règle de justice que rappelle l’Apôtre en écrivant aux Corinthiens : « La femme n’a pas puissance sur son corps, c’est le mari ; le mari de même n’a pas puissance sur son corps, c’est la femme an. » Cette obligation, comme les autres, dépend de celui à qui elle est due ; et respecter ici le droit d’autrui, c’est garder la chasteté conjugale. Quant à la vieillesse des parents d’Isaac, elle rappelle que si jeune que puisse être le peuple du nouveau Testament, sa prédestination dans la pensée de Dieu, et la Jérusalem du ciel sont fort anciennes. Voilà pourquoi saint Jean écrivait aux Parthes : « Je vous écris, pères, parce que vous avez connu ce qui était dès le commencement ao. » Pour les membres charnels de l’Église qui forment les schismes et les hérésies, il est vrai qu’ils ont pris dans l’Évangile un prétexte pour les faire naître ; mais l’erreur charnelle où ils ont pris naissance et qu’ils emportent avec eux est étrangère à l’antique vérité ; aussi sont-ils nés, en quelque sorte, d’une mère toute jeune et d’un vieux père, en dehors de toute promesse. N’est-ce pas pour représenter l’antiquité de la vérité que le Seigneur se montre dans l’Évangile avec des cheveux blancs ap ? Ainsi c’est à l’occasion de quelque antique vérité que ces sectaires se sont formés et sont nés en quelque sorte dans la nouveauté de leurs erreurs éphémères. En résumé, l’Apôtre enseigne que, comme Isaac, nous sommes les enfants de la promesse, et que la persécution d’Ismaël contre Isaac ressemble aux persécutions soulevées contre les chrétiens véritables par les Juifs charnels. Ces persécutions toutefois n’aboutissent pas, attendu que d’après l’Écriture la servante doit être chassée avec son fils, sans pouvoir hériter avec l’enfant de la femme libre. « Pour nous, poursuit saint Paul, nous ne sommes pas, mes frères, les enfants de la servante, mais les enfants de la femme libre. » Or, c’est cette liberté que maintenant surtout il faut opposer à la servitude des œuvres de la Loi, dont le joug pesait sur les faux docteurs qui poussaient les Galates à se faire circoncire.
Copyright information for
FreAug