‏ Genesis 37

CXXII. (Ib 35, 29 ; 37, 2.) Joseph avait-il dix-sept ans à la mort d’Israël ?

– De quelque côté qu’on se tourne, il est difficile de trouver comment à la mort d’Isaac, Joseph, son petit-fils, pouvait avoir dix-sept ans, comme cela semble résulter de la marche du récit dans l’Écriture. Je ne veux pas due qu’on ne puisse le prouver, car je puis ignorer ce qui n’échapperait pas à d’autres. Si Joseph, après la mort d’Isaac son aïeul, avait dix-sept ans, quand ses frères le vendirent pour l’Égypte, il est hors de doute qu’à la même époque, Jacob son père en avait cent-vingt. En effet, selon l’Écriture a, Isaac avait soixante ans, lorsqu’il eut Esaü et Jacob ; il vécut encore cent-vingt ans après, puisqu’il mourut âgé de cent quatre-vingts ans ; il laissa donc ses fils âgés de cent-vingt ans, et Joseph de dix-sept ans. Comme Joseph avait trente ans, quand il parut à la cour de Pharaon, et qu’il y eut ensuite sept années d’abondance et deux de disette, jusqu’à l’arrivée de son père et de ses frères, Joseph avait par conséquent atteint sa trente-neuvième année, lorsque Jacob vint en Égypte. Or à cette époque, Jacob était arrivé, comme il le dit lui-même à Pharaon : à sa cent-trentième année b ; et il avait cent-vingt ans, quand Joseph en avait dix-sept : il est impossible absolument que cela soit vrai. En effet si Jacob avait cent-vingt ans, quand Joseph en avait dix-sept ; à l’époque ou celui-ci en avait trente-neuf, ce n’est pas cent-trente ans, mais cent-quarante-deux que devait compter Jacob. Et si Joseph n’avait pas encore atteint sa dix-septième année à la mort d’Isaac, mais seulement quelque temps après, comme c’est à cet âge qu’il fut, au témoignage de l’Écriture, vendu pour l’Égypte par ses frères, il s’ensuit que son père devait même avoir plus de cent quarante-deux ans, lorsqu’il alla retrouver son fils en Égypte. En effet, après avoir dit qu’Isaac vécut cent quatre-vingts ans ; après avoir raconté sa mort et sa sépulture c, l’Écriture rapporte comment Esaü quitta son frère et la terre de Chanaan pour se retirer sur le mont Séïr ; puis elle donne la nomenclature des rois est des princes de cette nation, au milieu de laquelle il s’établit ou dont il fut lui-même la souche. Après cela, l’histoire de Joseph débute dans les termes suivants d : « Mais Jacob demeurait dans le pays de Chanaan. Or, voici ce qui regarde les enfants de Jacob. Joseph, âgé de dix-sept ans, faisait paître les troupeaux avec ses frères. » Il est dit ensuite comment, à cause de ses songes, il devint l’objet de la haine de ces mêmes frères, et fut vendu par eux e. Donc c’est à dix-sept ans ou à un âge un peu plus avancé, qu’il vint en Égypte : mais, quelle que soit l’hypothèse que l’on adopte, cela ne change rien à la question. Car s’il avait dix-sept ans à la mort de son aïeul, quand son père en avait cent-vingt, lorsqu’il en eut trente-neuf, et que son père vint en Égypte, celui-ci devait en avoir nécessairement cent-quarante-deux. Or Jacob n’en avait alors que cent-trente : d’où il suit que Joseph ayant dix-sept ans quand il fut vendu pour l’Égypte, il se trouve qu’il fut vendu douze ans avant la mort de son aïeul. C’est nécessairement douze ans avant la mort d’Isaac, et quand Jacob, son père, avait cent-huit ans, que Joseph était âgé de dix-sept ans. En y ajoutant les vingt-deux années qu’il passa en Égypte avant l’arrivée de son père, on trouvera trente-neuf ans pour l’âge de Joseph, et cent-trente pour l’âge de Jacob et la question sera tranchée. Mais, comme l’Écriture fait le récit de ces évènements après la mort d’Isaac, en croit devoir en conclure que Joseph était âgé de dix-sept ans à la mort de son aïeul. Comprenons donc que l’Écriture, une fois qu’elle a parlé de Jacob et de ses fils, garde le silence sur Isaac devenu un vieillard fort décrépi ; et que c’est néanmoins du vivant d’Isaac que Joseph avait atteint sa dix-septième année.

PREMIER SUPPLÉMENT. – TROISIÈME SECTION. – SERMONS SUR LES SAINTS.

QUARANTE-CINQUIÈME SERMON. DE LA CHASTETÉ DU PATRIARCHE JOSEPH.

ANALYSE. —1. Introduction à l’histoire de Joseph. —2. Joseph est vendu comme esclave pour être conduit en Égypte. —3. Il est exposé à la séduction. — 4. Il repousse victorieusement la tentation. —5. Il subit l’épreuve de la calomnie et se prépare ainsi à sa gloire future.

1. Il nous est doux, mes frères, de décrire cet admirable combat, dans lequel Joseph est resté vainqueur d’une infâme passion. Il nous est doux de révéler ces luttes mystérieuses, parce que la vigilance déployée par les martyrs a rendu leur victoire éclatante. Nous ne devons pas cacher comment les ruses de l’ennemi ont pu être déjouées, car de semblables manifestations augmentent le courage des partisans de la chasteté. De telles luttes donnent de la hardiesse aux combattants : voilà pourquoi nous devons en rendre témoins les âmes chastes et pudiques, car en leur montrant Joseph couronné pour sa chasteté et l’Égyptienne vaincue dans ses séductions, nous ne ferons que mieux ressortir la confusion profonde dont le démon reste couvert aux yeux de tous les hommes.

2. Le bienheureux Joseph était d’une noble origine, brillant de jeunesse, d’une beauté magnifique et d’une chasteté plus ravissante encore. Poussés par une coupable jalousie plutôt que par l’amour de richesses dont ils ignoraient le prix, ses frères le vendirent à des Ismaélites, qui devaient le conduire comme un vil esclave en Égypte. À peine arrivé dans ce pays, il est de nouveau mis en vente ; une seconde fois il est enlevé, vendu, acheté ; mais, en réalité, ce qui l’attend, ce n’est pas la servitude, mais la plus haute destinée. En effet, ce n’est point l’empire de l’homme qu’il subit, mais celui de Dieu qui veut glorifier en lui la chasteté et qui ne permet que son serviteur soit vendu une seconde fois que pour mieux prouver que sa liberté reste entière et complète. Celui qui est vendu comme esclave est constitué maître souverain. Toutefois sa puissance même reste cachée ; humble enfant, il croissait, servait fidèlement ses maîtres, brillait par la dignité de ses mœurs, portait la pureté dans son âme, cachait la noblesse de sa naissance et montrait dans sa conduite une sainte indépendance. O vente honteuse et sublime acquisition ! Il est esclave et libre ; esclave par la jalousie de ses frères et libre pour la justice ; esclave pour ne pas détruire la charité, libre pour venger la chasteté ! Il sert fidèlement et il combat courageusement. Il est resté fidèle et a mérité de parvenir au comble de la gloire. Il règne en maître, parce qu’en résistant aux ténébreuses séductions d’une femme criminelle, il a conservé sans tache la fidélité à son maître.

3. Ainsi donc, le chaste Joseph est vendu, livré à une famille égyptienne et destiné à servir fidèlement le roi Pharaon. Il est estimé par son maître et aimé par sa maîtresse. L’estime dont son maître l’entoure est sincère, parce qu’elle est fondée sur la fidélité de son esclave ; au contraire, c’est la passion qui inspire la maîtresse. Le maître trouvait son bonheur dans les preuves de fidélité que lui donnait son serviteur, tandis que les charmes corporels de ce même serviteur faisaient le tourment de la maîtresse. Or, cette beauté du jeune homme ne faisait que s’accroître avec le temps, et plus elle croissait, plus s’enflammait la passion de l’Égyptienne. Bientôt elle se trouve impuissante à éteindre ces flammes qui la dévorent et qui trouvent dans la beauté du jeune homme un aliment de plus en plus abondant ; inspirée d’ailleurs par le démon, elle rêve au moyen de surprendre l’innocence dans l’isolement et le silence. Et d’abord elle se revêt de ses plus beaux atours, croyant bien que par là elle ébranlerait facilement ce jeune homme. Elle jette sur ses vêtements des parfums précieux et se couvre d’aromates perfides, afin que l’objet de sa convoitise, fût-il de fer, se trouvât enivré par l’odeur des parfums avant même d’avoir subi le charme des yeux. Contemplons, mes frères, l’énergie de cet athlète, sa lutte héroïque et sa glorieuse victoire. Il avait d’abord pour ennemi sa propre jeunesse et la concupiscence déposée dans notre chair ; au-dehors, il était attaqué par une femme qui lui promettait tous lesbiens, afin de trouver accès près de lui et de satisfaire sa honteuse passion. Ainsi munie de tous ces moyens de séduction, et pour mieux s’assurer la victoire, elle se rend elle-même dans la chambre de Joseph, ferme la porte et le surprend ainsi dans la solitude la plus complète. Elle est en proie à la volupté la plus furieuse, un long combat s’engage et jette dans une anxieuse attente les anges du ciel et les démons de l’enfer ; ceux-ci prenant parti pour le vice, ceux-là pour la vertu, et tous impatients devoir de quel côté restera la victoire. Les anges affermissaient le courage de Joseph, les démons provoquaient l’Égyptienne ; les anges protégeaient le jeune homme, les démons irritaient les flammes de l’impudique. Plus les démons alimentaient le feu perfide dans l’âme de l’Égyptienne, plus le Christ fournissait des armes à son généreux athlète. D’ailleurs, toutes les séductions réunies devaient rester impuissantes : la vertu de Joseph était fondée sur la pierre ; une telle base la rendait inébranlable. Toutefois, se trouvant face à face avec le jeune homme et dans l’isolement le plus complet, cette femme impudique essaye de l’émouvoir par ses paroles, employant tour à tour les plus terribles menaces et les plus séduisantes caresses. Je suis votre maîtresse, lui disait-elle, et par une grande somme d’argent je vous ai acheté comme esclave ; si vous rejetez mes désirs, vous n’avez plus à attendre que les chaînes, la prison et un horrible trépas ; mais si vous consentez, vous serez comblé des plus grands honneurs, et tout ce que je possède est à vous. Peut-être craignez-vous les domestiques, ou mon époux ; rassurez-vous, ne craignez rien ; personne ne nous voit, personne ne saura. Mon mari ne sait pas ce qui se passe dans mon cœur. Il ignorera tout ; seulement ne tardez pas à satisfaire mes désirs, et cette satisfaction restera pour jamais et pour tous un secret. Ne résistez plus et rendez-moi heureuse. Comblez mes vœux, et désormais tout vous appartient.

4. Joseph répondit : O malheureuse femme, serpent cruel, véritable vipère, pourquoi tenter de me séduire par vos flatteries et d’arracher de mon âme la foi qui la possède ? Que dites-vous ? Que désirez-vous ? A quoi m’exhortez-vous ? Pourquoi vous fatiguer à de semblables séductions ? Vous portez le nom de reine, et vous pouvez vous complaire à vous unir à un esclave ? Si c’est un esclave que vous avez acheté, faites-lui sentir votre – domination ; si vous le couvrez de votre affection, traitez-le comme s’il était votre fils ; honorez-le d’un amour chaste et pudique, et, du vivant de votre époux, ne vous précipitez pas dans le crime. Il est vrai, je n’ai jamais été esclave, car je suis d’une noble famille, le descendant d’Abraham et d’Isaac, qui parlaient avec Dieu dans la plus grande intimité. J’ai pour père Jacob, qui a lutté avec l’ange du Seigneur. Si j’ai été vendu, c’est par la jalousie de mes frères ; mes frères m’ont dépouillé de tout, mais il me reste l’invincible liberté de l’âme ; extérieurement je ne suis plus qu’un esclave, mais dans mon cœur je suis et resterai libre. Vous m’avez acheté, et j’avoue sans hésiter que je vous appartiens ; j’obéis à vos ordres, j’accomplis ce que vous me commandez ; mais ce que vous désirez de moi en ce moment, je m’y refuse. Prescrivez-moi les obligations les plus dures, et je les accomplirai. Usez de votre puissance, le secours divin ne me fera pas défaut. Exercez votre pouvoir, soyez même cruelle à mon égard ; car vous ne souillerez pas ma chasteté. C’est sans motif que vous combattez avec moi ; je ne dors pas avec vous, parce que Dieu veille avec moi ; cessez, ô femme, cessez vos séductions ; vous m’alléguez que votre époux est absent, qu’il ne connaîtra pas votre crime ; oubliez-vous donc que Dieu est partout ? La porte est fermée sur nous, mais sachez que tout est connu de Dieu. Partout ses regards atteignent les bons et les méchants. Il voit tout, il discerne tout, il sonde tous les désirs ; son empire est universel, et en sa présence vous oseriez commettre l’adultère ? Femme, gardez le silence, souvenez-vous de votre époux et craignez votre Dieu. Supposez que tous les yeux sont fixés sur vous, et ne provoquez pas l’innocence au crime. Craignez le jugement de Dieu ; sachez que vous êtes en présence des anges du Seigneur. Vous ne pouvez souiller la pureté de mon corps cessez donc vos attaques, rougissez de vos séductions, craignez les hommes absents ou tremblez devant les anges. Supposé que je cède et que je consente à vos désirs ; comment seriez-vous encore ma maîtresse ; et, devenue adultère, quel empire auriez-vous sur moi ? Comment pourriez-vous encore soutenir les regards de votre époux, quand vous lui préparez des embûches ; oseriez-vous encore lui donner le baiser ordinaire de l’amitié, quand vous pensez à l’immoler ; comment lui parleriez-vous encore, quand vous tentez de souiller sa couche ? Imitez, ô femme, imitez la tourterelle, chaste, pudique et modèle de fidélité conjugale. Dès qu’elle est unie, elle ne cherche plus à se séparer ; la mort même de son conjoint n’est pas pour elle un motif de courir à d’autres affections. Des oiseaux peuvent rester fidèles et braver l’isolement que leur a fait la mort, et vous, femme malheureuse, vous oseriez souiller le lit nuptial ? Prenez modèle sur les oiseaux et restez fidèle à votre époux. Impudique, imitez la chasteté de la tourterelle, rejetez la pensée même du crime ; car toutes vos flatteries ne pourront séduire ma jeunesse. Ainsi parlait Joseph, et ce noble langage ne faisait qu’enflammer davantage la passion de l’Égyptienne ; ses regards pleins d’un feu impur se fixaient sur le jeune homme et, s’apercevant qu’ils le laissaient froid et impassible, sa passion devint de plus en plus furieuse. Trouvant ses paroles impuissantes, elle porte les mains sur Joseph. Mais l’athlète du Christ, ne sachant plus comment échapper à cette femme impudique, lui abandonne le vêtement dont il était couvert, et ainsi découvert se précipite hors de la chambre et y laisse cette malheureuse désespérée de ses vains efforts.

5. L’Égyptienne coupable se trouva seule tenant dans ses mains le vêtement qui devait lui servir d’instrument. à un faux témoignage ; sa honte était à son comble, elle avait tous les remords du crime sans en avoir goûté les douceurs. Joseph s’était enfui abandonnant son vêtement. Les anges sont dans la joie, les archanges tressaillent d’allégresse, toute l’armée céleste est dans l’exultation, tandis que les démons rugissent de leur défaite. Les anges au ciel chantent leur reconnaissance, et sur la terre les démons dévorent leur tristesse. L’Égyptienne, se voyant vaincue de tous côtés, se tourna vers son mari et porta devant lui une honteuse accusation contre le jeune homme qu’elle n’avait pu séduire. Elle accuse Joseph du crime dont elle seule était coupable. Elle lui reproche ce qu’elle-même voulait faire, et le fait condamner sans être entendu, parce qu’elle n’a pu satisfaire la passion qui la dévorait. Le mari, croyant à la fausse déposition de sa femme, se laisse facilement aller à la fureur. Il menace, il éclate en invectives, il s’emporte de colère et ordonne de jeter Joseph dans les fers. Joseph est dans la prison, chargé de chaînes en récompense de sa belle victoire, et en attendant qu’il y reçoive le don d’interpréter les songes. Il entre joyeux, chaste et pur, et parfaitement assuré de l’intégrité de sa vertu. Toutefois sa justification se fait longtemps attendre, et peut-être aurait-il été oublié dans les fers, si le Seigneur n’avait envoyé au roi Pharaon un songe dont l’explication devait rendre à Joseph sa liberté. L’interprétation qu’il donne de ce songe est acceptée sans hésitation. Il révèle l’avenir, il annonce des événements futurs ; tout est par lui dévoile, et à l’époque de la famine, Pharaon établit Joseph l’administrateur suprême de toute l’Égypte. Joseph doit à sa chasteté sa délivrance, son exaltation, sa puissance sans borne ; cette vertu devint pour lui le principe de son élévation, de son bonheur, de sa justice sur la terre et de la félicité dont il est couronné dans les cieux.

CXXIV. (Ib 37, 23.) Les Madianites nommés Ismaélites.

– On demande pourquoi l’Écriture donne aux Ismaélites, à qui Joseph fut vendu par ses frères, un autre nom, le nom de Madianites, puisque Ismaël descend d’Abraham par Agar, et les Madianites par Céthura ? L’Écriture ayant dit qu’Abraham fit des présents aux fils de ses concubines, c’est-à-dire, d’Agar et de Céthura, et qu’il les éloigna de son fils Isaac pour les envoyer vers l’Orient f, ne faut-il pas en conclure qu’ils ne formaient qu’une nation ?

CXXV. (Ib 37, 35.) Filles de Jacob.

– Il est rapporté qu’au moment où Jacob pleurait Joseph, « tous ses fils et ses filles se réunirent, et vinrent le consoler. » Outre Dina, quelles filles eut Jacob ? En parlant de fils et de filles, ne compte-t-on pas les petits-fils et les petites-filles ? Car les fils aînés de Jacob pouvaient déjà avoir des enfants. CXXVI. (Ib 37, 35.) Quel est l’enfer dont parle Jacob ?

– « Mais il ne voulut pas être consolé, et il disait : Ma tristesse me conduira aux enfers avec mon fils. » Que faut-il entendre ici par l’enfer ? sujet ordinaire d’une grande question. Est-ce exclusivement le séjour des méchants, ou le séjour commun aux bons et aux méchants après leur mort. S’il n’est destiné qu’aux méchants, comment donc Jacob dit-il qu’il veut dans sa tristesse y descendre auprès de son fils ? Car il ne croit pas que son fils subisse les tourments de l’enfer. Serait-ce là les paroles d’un homme à qui son trouble et sa désolation font exagérer ses maux ?

CXXVII. (Ib 37, 36.) Qu’était-ce que Pétéphrès?

– « Et ils vendirent Joseph pour l’Égypte à l’eunuque Pétéphrès, chef des cuisiniers. » Plusieurs interprètes rejettent le mot chef des cuisiniers, qui se rend en grec par arkhimageiros, et traduisent par : maître de la milice, celui à qui appartenait le droit de mettre à mort. Le même nom, en effet, était donné à cet envoyé de Nabuchodonosor, qui était plutôt un général.

‏ Genesis 38

CXXVIII. (Ib 38, 1-3.) Question chronologique.

– « Or, en ce temps-là il arriva que Juda quitta ses frères et vint chez un homme d’Odolla, nommé Iras ; et ayant vu en ce lieu la fille d’un Chananéen, nommé Sara, Juda l’épousa, vécut avec elle, et elle conçut et elle enfanta un fils » et le reste. À quelle époque ont pu s’accomplir ces évènements ? Si c’est après la venue de Joseph en Égypte, comment, dans l’intervalle de vingt-deux ans à peine, (car il est constant que c’est dans cet intervalle que les frères de Joseph sont venus le rejoindre en Égypte avec leur père,) comment a-t-il pu se faire que les fils de Juda fussent tous arrivés en âge de se marier ? En effet, après la mort de l’aîné de ses fils, il accorda à Thamar, sa belle-fille, son second fils ; celui-ci étant mort à son tour, il attendit que le troisième fut devenu grand ; et quand il fut en âge, il ne le donna point à sa belle-fille, dans la crainte qu’il ne vînt à mourir aussi : ce qui fut cause qu’elle, se livra à son propre beau-père. Comment donc tout cela put-il se réaliser en si peu d’années ? Cette question est embarrassante, à moins peut-être qu’on n’admette que l’Écriture reprend ici sa narration de plus haut, selon son ordinaire ; alors il serait permis de penser que l’origine de ces évènements précéda la vente de Joseph : c’est en ce sens qu’il serait dit : « Or il arriva dans ce temps-là. » Néanmoins, si Joseph avait dix-sept ans quand il fut vendu, quel âge pouvait avoir Juda, le quatrième fils de Jacob, quand Ruben, l’aîné des fils, avait au plus cinq ou six ans de plus que son frère Joseph ? L’Écriture dit clairement que Joseph avait trente ans, quand il fut connu de Pharaon g. Puisqu’on croit qu’il avait dix-sept ans, quand il fut vendu, il passa donc treize années en Égypte sans être connu de Pharaon ; à ces treize années se joignirent les sept années d’abondance, ce qui porte le nombre à vingt ; à ces vingt années s’en ajoutent encore deux, car c’est la seconde année de la famine que Jacob entra en Égypte avec ses enfants. On trouve ainsi vingt-deux années, pendant lesquelles Joseph fut éloigné de son père et de ses frères. Comment, dans cet intervalle, ont pu s’accomplir toutes les particularités mentionnées par l’Écriture au sujet de l’épouse, des fils et de la belle-fille de Juda ? Il serait difficile de le découvrir, à moins qu’on n’admette (et la chose a pu se faire) que Juda, à peine adolescent, fut épris, d’amour pour celle qu’il épousa, et que Joseph n’était pas encore à cette époque vendu pour l’Égypte.

CXXIX. (Ib 38, 14.) Sur les vêtements des veuves.

– « Et ayant quitté ses habits de veuve. » Il semble résulter de ce passage, que, dès le temps des Patriarches, les veuves portaient des vêtements à part et à elles propres, qui différaient assurément de ceux des femmes mariées.

‏ Genesis 39

CXXX. (Ib 39, 1.) Transition.

– Quand l’Écriture dit pour la seconde fois : « Joseph fut mené en Égypte et Pétéphrès, eunuque de Pharaon, fut son maître » elle reprend le fil de son récit, pour donner la suite des évènements qu’elle a rapportés plus haut.

‏ Genesis 40

CXXI. (Ib 40, 16.) Que contenaient les trois corbeilles du grand panetier ?

– Comme plusieurs exemplaires latins portent : « trois corbeilles de pains de froment » tandis que le grec dit : « de pains d’orge » ceux à qui la langue grecque est familière entendent par ce mot des pains communs. Mais comment Pharaon pouvait-il avoir à son usage des pains communs, puisqu’il est dit que dans la corbeille supérieure se trouvaient toutes les pâtisseries dont il se nourrissait ? Il faut croire que cette corbeille contenait aussi des pains ordinaires, puisqu’il est dit : trois corbeilles de pains d’orge, et qu’au-dessus de la corbeille supérieure se trouvaient des pâtisseries de toute espèce.

‏ Genesis 41

CXXXII. (Ib 41, 1.) Que veut dire : Il semblait à Pharaon qu’il était sur le fleuve?

– « Il semblait à Pharaon qu’il était sur un fleuve. » Le serviteur d’Abraham avait dit dans le même sens : « Voici que je me tiens sur la fontaine h » car le texte grec porte en cet endroit sur la fontaine, cet epitespeges, comme il porte ici sur le fleuve epitoupotamou; si l’on comprend bien cette, manière de parler dans ce passage du psaume : « C’est lui qui a établi la terre sur l’eau i » on verra que rien n’oblige à croire que la terre soit portée sur l’eau comme un navire, Cette manière de parler indique en effet que la terre : est au-dessus de l’eau ; il faut bien qu’elle s’élève au-dessus, pour servir d’habitation aux animaux terrestres.

CXXX. (Ib 41, 30.) L’abondance promise.

– Quand il est écrit : « On oubliera l’abondance qui doit arriver dans toute la terre d’Égypte » il ne s’agit pas d’une abondance à venir pour ceux qui souffriront de la famine, si cette abondance devait suivre la disette ; mais elle était à venir ; au moment où parlait Joseph. C’est comme s’il eût dit : Au milieu de la famine, que signifient les vaches et les épis maigres, les hommes oublieront l’abondance, signifiée par les vaches et les épis de bonne espèce.

CXXXIV. (Ib 41, 38.) L’esprit de Dieu.

– « Où pourrions-nous trouver un homme comme celui-ci, qui ait en lui l’Esprit de Dieu ? » Si je ne me trompe, voici déjà la troisième fois que ce livre fait mention de l’Esprit-Saint, c’est-à-dire de l’Esprit de Dieu. La première fois, à ces paroles : « Et l’Esprit de Dieu était porté sur les eaux j » la seconde fois, lorsque Dieu dit : « Mon Esprit ne demeurera point dans ces hommes, parce qu’ils sont chair k » et ici, pour la troisième fois, lorsque Pharaon dit de Joseph, que l’Esprit de Dieu était en lui. Cependant nous ne lisons pas encore : l’Esprit-Saint.

CXXXV. (Ib 41, 45.) Surnom de Joseph.

– « Et Pharaon donna à Joseph le surnom de Psonthomphanech » ; mot qui signifie, dit-on : Il a révélé les secrets ; ce qui vient assurément de ce qu’il avait donné l’explication des songes. Mais il paraît que ce nom veut dire en langue égyptienne : Sauveur du monde.

CXXXVI. (Ib 41, 45.) Sur Pétéphrès, beau-père de Joseph.

– « Et il lui.fitépouserAseneth, fille de Pétéphrès, prêtre de la ville du soleil. » On demande ordinairement de quel Pétéphrès il s’agit ici ; est-ce de celui dont Joseph fut l’esclave, ou bien est-il question d’un autre Il est plus probable qu’il est question d’un autre. Car il y a beaucoup de raisons qui portent à croire qu’il ne s’agit pas du : premier. D’abord, parce que l’Écriture ne dit pas que Joseph épousa la fille de celui dont il avait été l’esclave, ce qu’elle n’aurait pu, ce semble, passer sous silence, attendu qu’il n’en serait pas revenu peu de gloire à ce jeune homme. Ensuite, comment un eunuque aurait-il pu avoir une fille ? On répond : Et comment pouvait-il avoir une femme ? On croit effectivement qu’il ne devint eunuque.queplus tard, ou par accident, à la suite d’une blessure, ou par son libre choix. Ajoutons que l’Écriture ne rappelle pas son titre honorifique ordinaire, celui de arkhimageiros, que les interprètes latins ont rendu par : maître des cuisiniers, mais que d’autres traduisent par : général des armées. Ici encore on répond qu’il fut honoré de deux charges : la dignité de Prêtre du soleil et le commandement des troupes. Précédemment il remplit un emploi qui convenait à son service ; mais, du jour où la divinité elle-même se fit voir non sans éclat dans la personne de Joseph, il fallut mettre en relief dans son beau-père une charge qui le rattacherait à quelque dignité principale ; dans l’opinion des Égyptiens, cette dignité, ne pouvait être que celle de Prêtre du soleil. Mais au milieu de tout cela, comme l’emploi de chef des gardes des prisons lui fut encore confié, il est fort difficile de croire que ces fonctions s’allièrent en lui avec celles du sacerdoce. Ensuite il n’est pas dit simplement, qu’il était prêtre du soleil, mais de la ville du soleil, autrement d’Héliopolis ; or il paraît qu’elle est à plus de vingt milles de Memphis, où les Pharaons, c’est-à-dire les rois d’Égypte, avaient établi leur principale résidence. Comment donc aurait-il pu quitter ses fonctions sacerdotales, et servir courageusement son roi à la tête des armées ? De plus, il est rapporté que jamais les prêtres égyptiens ne servirent que dans les temples de Dieu, ni ne remplirent aucun autre emploi ; en fut-il autrement dans ce cas-ci ? Chacun peut en croire ce qu’il lui plaît. Peu importe néanmoins la solution de cette question, qu’il n’y ait eu qu’un Pétéphrès, ou qu’il y en ait eu deux : car, quelle que soit l’hypothèse qu’on admette, elle reconstitue pas un danger pour la foi et ne contrarie en rien la vérité des divines Écritures.

CXXXVII. (Ib 41, 49.) Que signifie : Car il n’y avait plus de nombre ?

– « Et Joseph amassa du froment en quantité prodigieuse, comme le sable de la mer, de sorte qu’on ne pouvait plus compter : car il n’y avait plus de nombre. » Ces derniers mots : car il n’y avait plus de nombre, sont mis pour signifier que la quantité dépassait tous les nombres dont le nom était usité dans la langue, et qu’on ne trouvait plus de terme pour les exprimer. Comment en effet les nombres manqueraient-ils pour marquer une quantité, puisque, si grande qu’on la suppose, elle est néanmoins toujours finie ? Ceci pouvait cependant se dire encore par hyperbole.

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