‏ John 14:8-21

LE FILS SEMBLABLE AU PÈRE.

Il est la voie qui conduit au Père, et comme il lui est en tout semblable, puisqu’il a la même nature divine, celui qui le connaît, connaît aussi le Père sans l’avoir vu.

1. Les paroles du saint Évangile, mes frères, ne sont bien comprises qu’autant qu’entre celles qui précèdent et celles qui suivent il y a parfait accord. Quand la vérité parle, il doit y avoir accord entre ce qui précède et ce qui suit. Plus haut, Notre-Seigneur avait dit : « Après que je m’en serai allé, et vous aurai préparé une place, je reviendrai et je vous prendrai avec moi, afin que vous soyez vous-mêmes où je serai ». Ensuite il avait ajouté : « Et vous savez où je vais, et vous en connaissez la voie ». Ces paroles ne signifiaient rien autre chose, comme il le montra, que ceci : Ils le connaissaient lui-même. Ce que c’était qu’aller à lui-même par lui-même (et voilà ce qu’il accorde à ses disciples ; il les fait aller à lui-même par lui-même), nous vous l’avons expliqué comme nous avons pu dans le précédent discours. Remarquez le sens de ces mots : « Afin que où je suis moi-même, vous soyez vous aussi » ; où devaient-ils se trouver, sinon en lui-même ? lui-même est en lui-même ; et dès lors qu’ils seront, eux aussi, où il est lui-même, ils seront en lui. Il est donc lui-même la vie éternelle, dans laquelle nous nous trouverons, quand il nous aura reçus auprès de lui. Or, cette vie éternelle, qui est lui-même, est en lui, afin que où il est lui-même, nous soyons nous aussi, c’est-à-dire en lui. « Et comme le Père a la vie en lui-même a », et que la vie qu’il a n’est autre chose que lui-même puisqu’il la possède, « de même il a donné au Fils d’avoir en lui-même la vie », puisqu’il est lui-même la vie qu’il a en lui-même. Mais est-ce que nous-mêmes nous serons cette vie qu’il est lui-même, quand nous commencerons à être dans cette vie, c’est-à-dire en lui-même ? Non, certes, parce que lui-même, étant la vie, possède en lui la vie, et il est lui-même ce qu’il a, et ce que la vie est en lui, il l’est lui-même en lui-même. Mais nous, nous ne sommes pas la vie elle-même, nous ne sommes que participants de sa propre vie à lui, et là nous serons de telle sorte, non pas que nous puissions être en nous-mêmes ce qu’il est lui-même, mais que n’étant pas nous-mêmes la vie, nous ayons pour vie Celui qui possède en lui la vie qui est lui-même, parce qu’il est lui-même la vie. Enfin il est dans lui-même sans pouvoir changer, et dans le Père sans pouvoir s’en séparer. Mais nous, si nous voulions être en nous-mêmes, nous nous troublerions en nous-mêmes ; de là cette parole : « Mon âme a été troublée en moi-même b », et changés en quelque chose de pire, nous ne pourrions pas rester ce que nous sommes, mais quand par lui-même nous serons venus au Père, ainsi qu’il le dit : « Personne ne vient au Père, si ce n’est par moi » ; dès lors que nous resterons en lui, personne ne pourra nous séparer ni du Père, ni de Lui.

2. Unissant donc les paroles suivantes à ce qui précède, Notre-Seigneur ajoute : « Si vous m’avez connu, assurément vous avez aussi connu mon Père ». C’est la même chose que ce qu’il a dit : « Personne ne vient au Père, sinon par moi ». Il ajoute ensuite : « Et bientôt vous le connaissez et vous l’avez vu ». Mais Philippe, un des Apôtres, ne comprenant pas ce qu’il venait d’entendre, lui dit : « Seigneur, montrez-nous le Père, et il nous suffit ». À quoi le Seigneur répond : « Depuis si longtemps je suis avec vous, et vous ne m’avez pas connu, Philippe ? Qui me voit, voit aussi le Père ». Il leur reproche qu’après avoir été si longtemps avec lui, ils ne le connaissaient pas ; mais ne venait-il pas de leur dire : « Et vous savez où je vais, et vous en connaissez la voie » ; et comme ils disaient ignorer ces choses, ne les avait-il pas convaincus qu’ils les savaient, en ajoutant ces mots : « C’est moi qui suis la voie, la vérité et la vie ? » Comment maintenant dit-il : « Depuis si longtemps je suis avec vous, et vous ne m’avez pas connu ? » Car s’ils savaient où il allait, s’ils connaissaient la voie, n’était-ce point parce qu’ils le connaissaient lui-même ? Mais cette difficulté se résout facilement, si l’on dit que certains de ses disciples le connaissaient, que d’autres ne le connaissaient pas, et que parmi ceux-ci se trouvait Philippe. Comprenez-le donc, il adressait ces mots : « Et vous savez où je vais, et vous savez la voie », à ceux qui le connaissaient, et non à Philippe, puisqu’il lui disait : « Depuis si longtemps je suis avec vous, et vous ne m’avez pas connu, Philippe ? » Pour ceux qui connaissaient déjà le Fils, il leur adressa cette parole relative au Père : « Et bientôt vous le connaîtrez, et vous l’avez vu ». Notre-Seigneur parlait ainsi, à cause de la ressemblance si parfaite qui existe entre le Père et lui ; et cette ressemblance était si grande, qu’à vrai dire ils connaissaient le Père, puisqu’ils connaissaient le Fils qui est son image parfaite. Si tous ne connaissaient pas le Fils, ceux-là, du moins, le connaissaient, auxquels il dit : « Et vous savez où je « vais, et vous savez la voie u, puisqu’il est lui-même la voie. Mais ils ne connaissaient pas le Père ; c’est pourquoi il leur dit : « Si vous m’avez connu, vous avez aussi connu mon Père ». C’est par moi que vous l’avez connu lui-même. Car autre je suis moi-même, autre est le Père. Mais, pour les empêcher de le croire dissemblable au Père, il ajoute : « Et bientôt vous le connaîtrez, et vous l’avez a vu ». Ils avaient vu en effet son Fils qui lui est entièrement semblable ; mais il fallait les avertir que le Père, qu’ils ne voyaient pas encore, était semblable au Fils qu’ils voyaient. Et c’est ce que signifie ce que Jésus dit ensuite à Philippe. « Qui me voit, voit aussi le Père ». Non pas qu’il fût tout à la fois le Père et le Fils, erreur que la foi catholique condamne dans les Sabelliens, qu’on appelle aussi Patripassiens, mais parce que le Père et le Fils sont à tel point semblables, que qui connaît l’un, les connaît tous les deux. En parlant de deux personnes absolument semblables, voici ce que nous disons à ceux qui voient l’une et veulent savoir quelle est l’autre : En voyant l’une, vous voyez l’autre. C’est en ce sens que Jésus dit : « Qui me voit, voit aussi le Père » ; cela veut dire, non pas, que celui qui est le Fils soit aussi le Père, mais que le Fils ne diffère en rien du Père. Car si le Père et le Fils ne faisaient pas deux, il ne serait pas dit : « Si vous m’avez connu vous avez connu aussi mon Père ». Aussitôt, en. effet, après avoir dit : « Personne ne vient au Père, sinon par moi », il ajoute : « Si vous m’avez connu, vous avez connu aussi mon Père » : parce que moi, par qui on vient au Père, je vous conduirai à lui, afin que vous le connaissiez lui-même. Mais parce que je lui suis tout à fait semblable, « bientôt vous le connaîtrez », puisque vous me connaissez : « et vous l’avez vu », si vous m’avez vu des yeux du cœur.

3. Pourquoi me dis-tu donc, Philippe : « Montrez-nous le Père, et il nous suffit ? Depuis si longtemps je suis avec vous, et vous ne m’avez pas connu, Philippe ? Qui me voit, voit aussi le Père ». Si c’est encore beaucoup pour toi de comprendre pareille chose, crois, du moins, ce que tu ne comprends pas. Comment me dis-tu : « Montrez-nous le Père ? » Si tu m’as vu, moi qui lui suis parfaitement semblable, tu as vu Celui auquel je ressemble ; et si tu ne peux comprendre encore, « ne crois-tu pas », du moins, « que je suis dans le Père, et que le Père est en moi ? » Ici Philippe aurait pu répondre : Je vous vois, à la vérité, et je vous crois parfaitement semblable au Père ; mais est-il blâmable et mérite-t-il des reproches celui qui de deux personnes semblables aperçoit l’une, et désire aussi voir l’autre ? Je connais l’un des semblables, mais je ne connais encore que l’un sans l’autre ; il ne me suffit pas de connaître l’un, si je ne connais pas l’autre. C’est pourquoi a montrez-nous le « Père, et il nous suffit u. Mais le Maître ne reprenait son disciple, que parce qu’il voyait le cœur de son interlocuteur. Philippe désirait connaître le Père, parce qu’il croyait le Père meilleur que le Fils ; il ne connaissait donc pas même le Fils, puisqu’il s’imaginait qu’il y avait quelque chose de supérieur à lui. C’est pour redresser ses idées à ce sujet que Jésus lui dit : « Qui me voit, voit aussi le Père. Comment dis-tu : montrez-nous le Père ? » Je vois bien comment tu le dis ; tu demandes à voir, non pas une personne qui soit semblable au Fils, mais une personne meilleure que le Fils. « Ne crois-tu pas que je suis dans le Père, et que le Père est en moi ? » Pourquoi veux-tu voir de la différence dans deux sujets en tout semblables ? pourquoi veux-tu connaître séparément ceux qui sont inséparables ? Ensuite, s’adressant non plus à Philippe, mais à tous les disciples, Notre-Seigneur leur dit des choses qu’il ne faut pas discuter dans le peu de temps qui nous reste ; nous voulons les expliquer avec plus de soin, s’il veut bien nous accorder son secours.

SOIXANTE ET ONZIÈME TRAITÉ.

DEPUIS CES PAROLES DE NOTRE-SEIGNEUR : « LES PAROLES. QUE JE VOUS DIS, JE NE LES DIS PAS DE MOI-même », JUSQU’À CES AUTRES : « SI VOUS DEMANDEZ QUELQUE CHOSE AU PÈRE, EN MON NOM, JE LE FERAI ». (Chap 14,10-14.)

LE DON DE L’ESPRIT-SAINT.

Pour accomplir le moindre devoir, il faut l’assistance du Saint-Esprit ; mais pour le posséder parfaitement, d’une manière permanente et intime, pour le bien connaître, il est indispensable d’observer les commandements de Jésus-Christ. Nous recevons donc le Saint-Esprit dans une mesure proportionnée à notre fidélité à ses ordres.

1. Nous l’avons entendu, mes frères, dans cette leçon de l’Évangile. Notre-Seigneur nous a dit : « Si vous m’aimez, gardez mes commandements, et je prierai le Père, et il vous donnera un autre Consolateur, pour qu’il a demeure éternellement avec vous, l’Esprit de vérité, que le monde ne peut recevoir, parce qu’il ne le voit point et ne le connaît point. Mais vous le connaîtrez, parce qu’il demeurera avec vous et qu’il sera en vous ». Il y a beaucoup de questions à faire sur ce peu de paroles de Notre-Seigneur ; mais c’est pour nous une grande entreprise de chercher à découvrir tout ce qui s’y trouve renfermé, et encore plus de trouver tout ce que nous y chercherons. Cependant, autant que le Seigneur voudra bien nous en faire la grâce, selon notre capacité et aussi selon la vôtre, nous serons attentifs, nous à ce que nous devons dire, et vous à ce que vous devez entendre. Recevez donc par nous, très-chers frères, ce que nous pouvons vous donner ; et ce qu’il nous est impossible de vous expliquer, demandez-le au Seigneur. Jésus-Christ promet à ses Apôtres l’Esprit consolateur ; mais voyons de quelle manière il le leur promet : « Si vous m’aimez », leur dit-il, « gardez mes commandements, et je prierai le Père, et il vous donnera un autre Consolateur, l’Esprit de vérité, afin qu’il demeure éternellement avec vous ». Cet Esprit est évidemment le Saint-Esprit de la Trinité, que la foi catholique reconnaît comme étant consubstantiel et coéternel au Père et au Fils. C’est de lui que l’Apôtre nous dit : « L’amour de Dieu a été « répandu dans nos cœurs par l’Esprit-Saint qui nous a été donné c ». Comment donc Notre-Seigneur dit-il : « Si vous m’aimez, gardez mes commandements, et moi je prierai le Père, et il vous donnera un autre Consolateur » ; puisque cet Esprit-Saint dont il parle est celui-là même sans lequel nous ne pouvons ni aimer Dieu, ni garder ses commandements ? Comment aimerons-nous pour recevoir Celui sans lequel nous ne pouvons rien aimer ? Ou bien, comment garderons-nous les commandements, pour recevoir celui sans lequel nous ne pouvons les garder ? Ou bien, y aurait-il préalablement en nous un amour qui nous ferait aimer Jésus-Christ, de telle sorte qu’en aimant Jésus-Christ et en observant ses commandements, nous mériterions de recevoir le Saint-Esprit, et que l’amour, non pas de Jésus-Christ, puisque cet amour nous l’aurions d’avance, mais l’amour de Dieu le Père serait répandu dans nos cœurs par l’Esprit-Saint, qui nous a été donné ? Cette pensée est mauvaise, car celui qui croit aimer le Fils, et n’aime pas le Père, celui-là n’aime pas même le Fils ; il n’aime que le fantôme qu’il s’est forgé à lui-même. D’ailleurs, c’est une parole expresse de l’Apôtre que « personne ne « peut dire : Seigneur Jésus, si ce n’est par le Saint-Esprit d ». Et qui peut dire : Seigneur Jésus, de la manière que l’entendait l’Apôtre, sinon celui qui l’aime ? Plusieurs, en effet, le disent de bouche, mais le nient dans leur cœur et par leurs actes. C’est de ceux-là qu’il a dit : « Ils font profession de connaître Dieu, mais ils le nient par leurs œuvres e ». Si c’est par les œuvres qu’on le renonce, assurément c’est aussi par les œuvres qu’il faut le confesser. « Personne donc ne dit : Seigneur Jésus » d’esprit, de parole, de fait, de cœur, de bouche et d’action, personne ne dit : Seigneur Jésus, sinon par le Saint-Esprit » ; et personne ne le dit ainsi, à moins de l’aimer. Les Apôtres disaient déjà de la sorte : « Seigneur Jésus », et ils le disaient ainsi sans fiction aucune ; s’ils le confessaient de bouche sans le nier dans leur cœur et par leurs actes ; s’ils le disaient en toute vérité, c’est qu’évidemment ils l’aimaient. Mais comment pouvaient-ils l’aimer, sinon par l’Esprit-Saint ? Pourtant ils doivent d’abord aimer Jésus et garder ses commandements, afin de recevoir le Saint-Esprit, sans lequel ils ne peuvent ni aimer ni garder les commandements.

2. Il faut donc reconnaître que celui qui aime a déjà l’Esprit-Saint, et que l’ayant, il mérite de l’avoir encore à un degré plus éminent et qu’ainsi son amour augmente. Les disciples avaient donc déjà l’Esprit-Saint que le Seigneur leur promettait, et sans lequel ils n’auraient pu l’appeler Seigneur. Mais cependant ils ne l’avaient point encore, dans le sens que le Seigneur le leur promettait. Il est donc vrai de dire qu’ils l’avaient et qu’ils ne l’avaient pas, puisqu’ils ne l’avaient pas encore au degré où ils devaient l’avoir : ils l’avaient bien un peu, mais ils devaient l’avoir davantage. Ils l’avaient d’une manière cachée, ils devaient le recevoir ouvertement. Et ce qui était de nature à augmenter la grandeur du don qui leur était promis, c’est qu’ils devaient savoir pertinemment qu’ils possédaient le Saint-Esprit. C’est de ce don que parle l’Apôtre, lorsqu’il dit : « Pour nous, nous avons reçu, non pas l’esprit de ce monde, mais l’Esprit qui est de Dieu, afin que nous connaissions les dons que Dieu nous a faits f ». Car ce n’est pas une seule fois, mais deux fois, que Notre-Seigneur répandit l’Esprit-Saint sur ses Apôtres d’une manière visible. En effet, peu après sa résurrection, il leur dit en soufflant sur eux : « Recevez l’Esprit-Saint g ». Parce qu’il le leur donna en ce moment, est-ce qu’il ne leur envoya point plus tard celui qu’il leur avait promis ? Ou bien, n’était-ce pas le même qu’il répandit sur eux par son souffle et qu’ensuite il leur envoya du haut du ciel h ? C’est donc une nouvelle question de savoir pourquoi cette donation visible du Saint-Esprit a été renouvelée deux fois : ce fut peut-être à cause du double précepte de l’amour de Dieu et du prochain ; comme il voulait nous montrer que ce double amour est l’effet du Saint-Esprit, l’infusion de cet Esprit a été renouvelée deux fois d’une manière apparente. Il peut y avoir de ce fait d’autres raisons, mais nous ne sommes pas au moment de chercher à les connaître ; car nous prolongerions ce discours outre mesure. Tenons seulement pour constant que sans l’Esprit-Saint nous ne pouvons ni aimer Jésus-Christ, ni garder ses commandements, et que nous ferons ces deux choses plus ou moins parfaitement, selon que nous aurons reçu ce même Esprit avec plus ou moins d’abondance. C’est pourquoi ce n’est pas inutilement que l’Esprit-Saint est promis, non seulement à celui qui ne l’a pas, mais même à celui qui le possède déjà : par là, celui qui ne l’a pas encore commencé à l’avoir, et celui qui l’a déjà, le possédera en de plus larges proportions. En effet, si l’Esprit-Saint ne pouvait s’obtenir à un degré moindre par les uns, et à un degré plus élevé par les autres, le saint prophète Élysée n’aurait pas dit au saint prophète Élie : « Que l’esprit qui est en vous soit doublé en moi i ».

3. En prononçant ces mots : a Dieu ne donne « pas son Esprit par mesure j », Jean-Baptiste parlait du Fils même de Dieu, car l’Esprit-Saint ne lui a pas été donné par mesure, puisque la divinité habite en lui dans toute sa plénitude k. En effet, le médiateur de Dieu et des hommes, Jésus-Christ homme l, n’a jamais été privé de la grâce du Saint-Esprit ; lui-même l’a déclaré ; c’est en lui que s’est accomplie cette prophétie : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, c’est pourquoi il m’a rempli de son onction ; il m’a envoyé évangéliser les pauvres m ». Qu’il soit le Fils unique de Dieu, égal au Père, c’est sa nature et non pas un effet de la grâce ; mais qu’il se soit uni un homme pour ne faire avec lui qu’une seule personne qui est celle du Fils unique de Dieu, ce n’est plus sa nature, mais un don de la grâce ; l’Évangile nous en avertit en ces termes : « Cependant l’enfant croissait et se fortifiait, il était rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était en lui n ». Pour les autres hommes, le don de l’Esprit-Saint leur est accordé et augmenté par mesure jusqu’à ce que se comble pour chacun la mesure de la perfection qui lui est propre. C’est pourquoi l’Apôtre nous avertit « de ne pas être plus sages « qu’il ne faut, mais d’être sages avec sobriété selon la mesure de la foi que Dieu a répartie à chacun o ». Ce n’est pas que l’Esprit-Saint soit partagé ; mais il partage ses dons. Il y a diversité de dons spirituels ; mais il n’y a qu’un même Esprit p.

4 Mais quand Jésus dit : « Je prierai le Père et il vous donnera un autre Paraclet », il montre qu’il est lui-même tin Paraclet. Paraclet est un mot qui, en latin, signifie avocat ; or, il est dit de Jésus-Christ : « Nous avons pour avocat auprès du Père Jésus-Christ le juste q Ainsi, quand Jésus-Christ a dit que le monde ne pouvait pas recevoir le Saint-Esprit, il a parlé dans le même sens que l’Apôtre en ce passage : « La prudence de la chair est ennemie de Dieu ; car elle n’est pas soumise à la loi et ne peut l’être r ». C’est comme si nous disions : L’injustice ne peut être juste. Par le monde, en cet endroit, Jésus entend ceux qui aiment le monde d’un amour qui ne vient pas du Père s. C’est pourquoi à l’amour de ce monde, que nous avons tant de peine à diminuer et à détruire en nous, est opposé l’amour de Dieu qui est répandu dans nos cœurs par l’Esprit-Saint qui nous a été donné. « Le monde ne peut donc recevoir cet Esprit, parce qu’il ne le voit pas et ne le connaît point ». Car l’amour du monde n’est pas doué de ces yeux invisibles par lesquels on voit le Saint-Esprit, parce qu’il ne peut être vu que d’une manière toute spirituelle.

5. « Mais vous », dit Notre-Seigneur, « vous le connaîtrez, parce qu’il restera avec vous et qu’il sera en vous ». Il sera en eux pour y demeurer ; il n’y demeurera pas pour y être ; car il faut être en un lieu avant d’y demeurer. Mais afin que les disciples n’entendent pas ces paroles : « Il demeurera avec vous », en ce sens qu’il demeurerait visiblement auprès d’eux, à la façon dont un étranger demeure chez son hôte, il explique ces mêmes paroles en ajoutant : « Il sera en vous ». Il se voit donc d’une manière invisible ; s’il n’est pas en, noua, nous ne pouvons le connaître ; car ainsi voyons-nous en nous-mêmes notre propre conscience. Nous voyons le visage d’un autre, nous ne voyons pas le nôtre ; nous voyons notre conscience, et nous ne voyons pas celle d’autrui. Mais notre conscience ne peut être ailleurs qu’en nous, tandis que l’Esprit-Saint peut très-bien être sans nous ; c’est pourquoi il nous est donné, afin d’être aussi en nous. Mais nous ne pouvons le voir et le connaître comme il veut être vu et connu, que s’il est en nous.

SOIXANTE-QUINZIÈME TRAITÉ.

DEPUIS CES PAROLES DE JÉSUS-CHRIST : « JE NE VOUS LAISSERAI PAS ORPHELINS », JUSQU’À CES AUTRES : « ET MOI AUSSI JE L’AIMERAI ET JE ME DÉCOUVRIRAI À LUI ». (Ch 14, 18-21.)

RÉCOMPENSE DE LA FIDÉLITÉ À JÉSUS-CHRIST.

Le Sauveur promet à ses Apôtres, s’ils sont fidèles à ses commandements, non seulement de se manifester à eux après sa résurrection, mais aussi de leur communiquer la vie éternelle, et de se faire voir à eux pendant l’éternité.

1. Jésus-Christ avait promis à ses disciples de leur envoyer le Saint-Esprit ; mais, pour les empêcher de croire qu’il voulait l’envoyer à sa place, et qu’il ne serait plus lui-même avec eux, Notre-Seigneur ajouta ces paroles : « Je ne vous laisserai pas orphelins ; je viendrai a à vous ». Les orphelins sont des pupilles. Le mot grec d’orphelin a la signification de pupille ; car, dans le psaume où nous lisons : « Vous serez le protecteur du pupille t », la version grecque porte : protecteur de l’orphelin. Le Fils de Dieu nous a adoptés pour les enfants de son Père, et il a voulu que nous ayons pour Père selon la grâce, celui qui est son Père selon la nature ; et néanmoins, il nous témoigne une tendresse toute paternelle lorsqu’il dit : « Je ne vous laisserai pas orphelins ; je viendrai à vous ». C’est encore pour cela qu’il nous appelle les enfants de l’Époux, lorsqu’il dit : « L’heure viendra où l’Époux a leur sera enlevé, et alors les enfants de l’Époux jeûneront u ». Quel est l’Époux, sinon le Seigneur Jésus-Christ ?

2. Il dit ensuite : « Encore un peu de temps, et le monde ne me voit plus ». Eh quoi ! est-ce qu’alors le monde le voyait ? puisque par le nom de monde il veut désigner ceux dont il a parlé plus haut en ces termes : « Le monde ne peut recevoir le Saint-Esprit, parce qu’il ne le voit pas et ne le connaît pas ». Le monde, assurément, voyait de lui ce qui pouvait se voir des yeux de la chair ; mais il ne voyait pas le Verbe divin caché sous le voile de la chair : il voyait l’homme, mais ne voyait pas le Dieu ; il voyait le vêtement, mais ne voyait pas celui qui le portait. Après sa résurrection, il laissa voir son corps à ses disciples, il leur permit même de le toucher, mais il ne voulait pas le montrer à ceux qui n’étaient pas du nombre des siens. Aussi est-ce peut-être ce qu’il faut entendre par ces paroles : « Encore un peu de temps, et le monde ne me voit pas ; pour vous, vous me verrez, parce que je vis et que vous vivrez ».

3. Que signifient ces mots : « Parce que je vis et que vous vivrez ? » Pourquoi dit-il qu’il vit lui-même présentement, et que, pour eux, ils vivront plus tard, sinon parce qu’il promettait de leur donner plus tard la vie qui animerait d’abord son corps ressuscité ? Et comme sa résurrection allait avoir bientôt lieu, il en parle au temps présent, pour en montrer la proximité. Mais comme la résurrection de ses disciples devait être différée jusqu’à la fin du monde, il ne dit pas : Vous vivez, mais : « Vous vivrez ». Ces deux résurrections, la sienne qui devait avoir lieu peu après, et la nôtre qui arrivera à la fin du monde, Notre-Seigneur les a ainsi promises d’une façon élégante et brève, par ces deux mots dont l’un regarde le présent et l’autre l’avenir : « Parce que je vis », dit-il, « et vous aussi vous vivrez ». C’est parce qu’il vit que nous vivrons. « Par un homme est venue la a mort, et par un homme viendra la résurrection des morts ; car, comme tous meurent en Adam, ainsi tous seront vivifiés en Jésus-Christ v ». Et comme aucun n’est arrivé à la mort que par Adam, aucun n’arrive à la vie que par Jésus-Christ : parce que nous avons vécu, nous sommes morts ; mais c’est parce qu’il a vécu lui-même, que nous vivrons. Nous sommes morts à Jésus-Christ, quand nous vivons pour nous-mêmes. Mais parce qu’il est mort pour nous, il vit et pour lui-même et pour nous. C’est en effet parce qu’il vit, que nous vivons. Nous avons bien pu nous donner la mort à nous-mêmes, mais nous ne pouvons, de même, nous rendre la vie.

4. « En ce jour », dit-il, « vous connaîtrez que je suis dans mon Père et que vous êtes en moi, et moi en vous ». En quel jour, sinon en celui auquel il fait allusion en disant : « Et vous vivrez ? » Alors nous pourrons voir ce que nous croyons. Maintenant, sans doute, il est en nous, et nous sommes en lui. Mais ce que nous ne faisons que croire maintenant, alors nous le connaîtrons. Et quoique dès à présent la foi nous l’apprenne, alors notre connaissance aura pour base la contemplation même de la réalité, tant que nous sommes dans un corps pareil au nôtre, c’est-à-dire sujets à la corruption et de nature à appesantir l’âme, nous sommes éloignés du Seigneur, nous marchons à la lueur de la foi et non au flambeau de la claire vue w. Mais alors nous marcherons à la claire vue ; car nous le verrons tel qu’il est x. Si Jésus-Christ n’était pas en nous, même dès cette vie, l’Apôtre ne dirait pas : « Mais si Jésus-Christ est en nous, le corps est mort à cause du péché, mais l’Esprit est vivant à cause de la justice y ». Que nous soyons en lui, même dès cette vie, c’est ce que Notre-Seigneur nous montre quand il dit : « Je suis la vigne, vous êtes les branches z ». En ce jour donc, quand nous vivrons de cette vie qui doit absorber la mort, nous connaîtrons qu’il est dans le Père, que nous sommes en lui, et qu’il est en nous : car alors sera achevé ce qu’il a déjà commencé, c’est-à-dire d’être en nous et de nous faire vivre en lui.

5. « Celui qui a mes commandements », dit Notre-Seigneur, « et les garde, c’est celui-là qui m’aime ». Celui qui les a dans la mémoire et qui les garde dans sa manière de vivre, qui les a dans ses discours, et qui les garde en ses mœurs ; qui les a en les écoutant et qui les garde en les pratiquant, ou qui les a en les pratiquant, et qui les garde en y persévérant,« c’est celui-là », dit-il, « qui m’aime ». C’est par les œuvres que l’amour doit se montrer, s’il veut être autre chose qu’un vain nom. « Et celui qui m’aime », continue-t-il, « sera aimé par mon Père ; et moi aussi je l’aimerai, et je me manifesterai à lui ». Que veut dire : « J’aimerai ? » Est-ce qu’il ne commencera qu’alors à nous aimer, tandis que maintenant il ne nous aime pas ? Évidemment non. Comment, en effet, le Père pourrait-il nous aimer sans le Fils, ou comment le Fils pourrait-il nous aimer sans le Père ? Leur opération étant inséparable, pourraient-ils aimer séparément ? Quand Notre-Seigneur dit : « Je l’aimerai », cette parole se rapporte à ce qui suit : « Et je me manifesterai moi-même à lui ». « J’aimerai et je me manifesterai », c’est-à-dire, j’aimerai jusqu’à me manifester. Maintenant l’amour de Jésus-Christ ne va qu’à nous faire croire et pratiquer ce que la foi nous ordonne ; mais alors son amour ira jusqu’à nous faire voir et à nous donner la claire vision pour récompense de notre foi, et nous aussi nous aimons maintenant, parce que nous croyons ce que nous verrons ; mais alors nous aimerons parce que nous verrons ce que nous croyons.

SOIXANTE-SEIZIÈME TRAITÉ.

DEPUIS LES PAROLES SUIVANTES : « JUDE, NON PAS L’ISCARIOTE, LUI DIT », : JUSQU’À CELLES-CI : « LA PAROLE QUE VOUS AVEZ ENTENDUE, N’EST PAS MA PAROLE, MAIS CELLE DU PÈRE QUI M’A ENVOYÉ ». (Chap 14,22-24.)

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