o1Co 13, 10, 12
John 15:15
LE SERVITEUR AMI.
Celui qui observe les commandements de Dieu par l’effet d’une crainte chaste, perd son titre de serviteur pour prendre celui d’ami, et il entre ainsi dans les secrets de son Maître, et il sait que son Maître est l’auteur de tout bien. 1. Après nous avoir rappelé l’amour qu’il nous a montré en mourant pour nous, et avoir dit : « Personne ne peut témoigner un plus grand amour qu’en donnant sa vie pour ses amis », Notre-Seigneur ajoute aussitôt : « Vous êtes mes amis, si vous faites ce que je vous commande ». Admirable condescendance ! Un serviteur n’est regardé comme fidèle que s’il exécute les ordres de son maître, et Notre-Seigneur a voulu que nous fussions ses amis, par cela même qui ne pouvait faire de nous que des serviteurs fidèles. Mais, comme je viens de le dire, c’est de sa part la preuve d’une grande bonté, de daigner appeler ses amis ceux qu’il connaît pour ses serviteurs. Vous ne devez pas l’ignorer, c’est pour des serviteurs une obligation rigoureuse de faire ce que le maître commande ; en un autre endroit, ce sont bien ses serviteurs qu’il reprend en ces termes : Pourquoi m’appelez-vous Seigneur, Seigneur, et ne faites-vous pas ce que je dis a ? » Puisque vous m’appelez Seigneur, prouvez ce que vous dites en faisant ce que je commande. Et n’est-ce pas au serviteur obéissant qu’il doit lui-même adresser ces paroles « Courage, bon serviteur, parce que tu as été fidèle dans les petites choses, je t’établirai sur de plus grandes b ; entre dans la joie de ton Seigneur ? » Il peut donc être en même temps un serviteur et un ami, celui qui est un serviteur fidèle. 2. Mais faisons attention à ce qui suit. « Je ne vous appelle plus serviteurs, parce que le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ». Comment comprendre que le bon serviteur est en même temps serviteur et ami, puisque Notre-Seigneur dit : « Je ne vous appelle plus serviteurs, parce que le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ? » Il donne le nom d’ami, pour enlever celui de serviteur ; ces deux noms ne peuvent plus s’appliquer ensemble à la même personne ; mais l’un disparaissant, l’autre doit lui succéder. Qu’est-ce que cela veut dire ? Quand nous aurons accompli les ordres du Seigneur, ne serons-nous plus ses serviteurs ? Ne serons-nous plus ses serviteurs, quand nous serons devenus des serviteurs fidèles ? Pourtant, qui est-ce qui peut contredire la Vérité même ? Ne nous dit-elle pas : « Je ne vous appelle plus serviteurs ? » Ne nous en donne-t-elle pas la raison : « Parce que le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ? » Quand un serviteur se montre fidèle et éprouvé, son maître ne lui confie-t-il pas ses secrets ? Que signifient donc ces paroles : « Le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ? » J’accorde qu’ « il ignore ce que fait son maître », mais ignore-t-il aussi ce que son maître commande ? Et s’il l’ignore, comment peut-il servir ? Comment peut-il s’appeler serviteur, celui qui ne sert pas ? Et cependant, voici ce que dit Notre-Seigneur « Vous êtes mes amis, si vous faites ce que je vous commande ; je ne vous appelle plus serviteurs ». O chose admirable ! nous ne pouvons servir qu’à la condition d’exécuter les commandements du Seigneur ; comment donc, en accomplissant ses commandements, cesserons-nous d’être ses serviteurs ? Si je ne deviens son serviteur en accomplissant ses ordres, et si je n’accomplis ses ordres, je ne pourrai le servir ; donc, en le servant, je ne serai plus son serviteur. 3. Comprenons, mes frères, comprenons ces choses, fasse le Seigneur que nous les comprenions, et que, les ayant comprises, nous les mettions en pratique t Si nous arrivons à les savoir, nous saurons ce que fait Notre-Seigneur, parce que personne autre que le Seigneur ne peut nous faire ses serviteurs, et que c’est pour nous le moyen d’arriver à son amitié. Comme il y a deux craintes qui font deux espèces de craintifs, de même il y a deux espèces de servitudes qui font deux espèces de serviteurs. Il y a une crainte que la charité parfaite chasse dehors c ; il y a aussi une autre crainte chaste qui demeure éternellement d.C’est cette crainte qui ne subsiste pas avec la charité, et que l’Apôtre avait en vue lorsqu’il disait : « Vous n’avez pas reçu l’esprit de servitude e », qui vous retienne « encore dans la crainte ». Et c’est la crainte chaste qu’il avait en vue lorsqu’il disait : « Ne sois pas trop sage, mais crains f ». Dans cette crainte que la charité chasse dehors, il y a aussi une servitude qu’il faut chasser avec la crainte ; car l’Apôtre a joint l’une avec l’autre, c’est-à-dire la servitude et la crainte, lorsqu’il a dit : « Vous n’avez pas reçu l’esprit de servitude », qui vous retienne « encore dans la crainte ». C’est à cette sorte de servitude qu’appartient le serviteur que Notre-Seigneur voulait désigner lorsqu’il disait : « je ne vous appelle plus serviteurs, parce que le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ». Il ne faut pas appliquer ces paroles au serviteur qu’anime la crainte chaste, et auquel il est dit : « Courage, bon serviteur, entre dans la joie de ton Seigneur » ; elles n’ont trait qu’au serviteur animé par la crainte que la charité doit chasser dehors, et dont il est dit ailleurs : « Le serviteur ne demeure pas toujours dans la maison, mais le fils y demeurera éternellement g ». Puisqu’il nous a donné le pouvoir de devenir les enfants de Dieu h, soyons donc ses enfants et non pas ses serviteurs. Et d’une manière surprenante et ineffable, mais cependant bien véritable, il arrivera qu’en même temps nous serons et nous ne serons pas ses serviteurs. Nous serons ses serviteurs par l’effet de cette crainte chaste qui inspire le serviteur admis dans la joie de son maître, mais nous ne serons pas ses serviteurs par l’effet de cette crainte qu’il faut mettre dehors, et qui anime le serviteur destiné à ne pas demeurer éternellement dans la maison. Mais que nous soyons ainsi serviteurs sans être serviteurs, sachons-le, le Seigneur peut l’opérer en nous, et c’est ce qu’ignore le serviteur qui ne sait ce que fait son maître ; et lorsqu’il fait quelque bien, il s’en élève, comme si ce bien était son œuvre et non pas celle de Dieu. Et il se glorifie en lui-même et non pas dans le Seigneur, et il se trompe lui-même, parce qu’il se glorifie comme s’il n’avait pas tout reçu i. Pour nous, mes très-chers frères, afin que nous puissions être les amis du Seigneur, sachons ce qu’il fait. C’est lui qui a fait de nous non seulement des hommes, mais encore des justes ; nous n’en sommes nullement les auteurs. Et qui est-ce qui fait que nous savons ces choses, si ce n’est lui-même ? « Car nous n’avons pas reçu l’esprit de ce monde, mais l’esprit qui est de Dieu, afin que nous connaissions ce que Dieu nous a donné j ». C’est par lui que tout ce qui est bon nous est donné ; et par conséquent, comme c’est une bonne chose de savoir de qui vient tout ce qu’il y a de bon, cette science elle-même ne peut nous venir que de lui ; par là, celui qui se glorifie se glorifie dans le Seigneur de tous les biens qu’il en a reçus k. Pour ce qui suit : « Mais je vous ai appelés mes amis, parce que tout ce que j’ai appris de mon Père, je vous l’ai fait connaître », ces paroles sont si profondes, que, plutôt que d’en écouter l’explication dans ce discours, il vaut mieux la renvoyer au discours prochain.QUATRE-VINGT-SIXIÈME TRAITÉ.
SUR CES PAROLES : « MAIS VOUS, JE VOUS AI APPELÉS AMIS », JUSQU’A CES AUTRES. « AFIN QUE TOUT CE QUE VOUS DEMANDEREZ AU PÈRE EN MON NOM IL VOUS LE DONNE ». (Chap 15, 15-16.)L’AMITIÉ DE JÉSUS-CHRIST.
En raison de son amitié pour nous, Jésus-Christ nous fera connaître dans le ciel tout ce que son Père lui a dit ; mais si nous sommes ses amis, c’est un effet de sa grâce, mais non de notre foi ou de nos bonnes œuvres antécédentes. 1. C’est avec raison qu’on se demande comment il faut entendre ce que dit Notre-Seigneur : « Mais vous, je vous ai appelés mes amis, parce que tout ce que j’ai appris « de mon Père, je vous l’ai fait connaître ». Car qui oserait affirmer ou croire qu’il y ait un seul homme capable de savoir tout ce que le Fils unique a appris de son Père ? il n’est personne, en effet, qui comprenne seulement comment le Fils peut entendre la parole du Père, puisqu’il est l’unique parole du Père. Que signifie ce qu’il dit un peu plus bas, dans ce même discours adressé par lui à ses disciples, après la cène qui précéda sa passion : « J’ai beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez les porter maintenant l ? » Comment donc comprendre qu’il a fait connaître à ses disciples tout ce qu’il a appris de son Père, puisqu’il se refuse à leur dire beaucoup de choses, par ce motif qu’ils ne peuvent les porter maintenant ? Pour cela, il faut comprendre que ce qu’il doit faire, il dit l’avoir déjà fait ; car il a fait d’avance ce qui doit se faire plus tard m. C’est ainsi qu’il dit par le Prophète : « Ils ont percé mes mains et mes pieds n » ; il ne dit pas : Ils perceront ; il en parle comme d’événements passés, et il les annonce comme devant arriver plus tard. Ainsi, en cet endroit, il dit avoir fait connaître à ses disciples ce qu’il savait devoir leur faire connaître en leur communiquant cette plénitude de la science dont l’Apôtre a dit : « Mais quand nous serons dans l’état parfait, ce qui est imparfait sera aboli ». Au même endroit, il dit encore : « Maintenant je ne sais qu’en partie, mais alors je connaîtrai comme je suis connu. Nous voyons maintenant par un miroir et en énigme ; mais alors nous verrons face à face o ». Ce même apôtre dit que nous avons été sauvés par le baptême de la régénération p ; et cependant ailleurs il dit : « C’est par l’espérance que nous avons été sauvés ; or, l’espérance qui voit n’est plus l’espérance. Car, qui espère ce qu’il voit déjà ? Mais si nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous l’attendons avec patience q. C’est pourquoi son co-apôtre Pierre nous dit : « Celui en qui vous croyez maintenant, quoique vous ne le voyiez pas, quand vous le verrez, vous tressaillirez d’une joie inénarrable et glorieuse, et vous recevrez pour récompense de votre foi le salut de vos âmes r ». Si donc nous sommes maintenant au temps de la foi, et si le salut des âmes est la récompense de la foi, qui doutera qu’il faille achever le jour dans la foi qui opère par la charité s pour, à la fin du jour, recevoir comme récompense, non seulement la rédemption de notre corps, dont parle l’apôtre Paul t, mais encore le salut de nos âmes dont parle l’apôtre Pierre ? Dans le temps et dans cette vie mortelle, ces deux genres de félicités sont possédés en espérance, bien plus qu’en réalité. Mais il y a cette différence, que notre homme extérieur, c’est-à-dire notre corps, se détruit tous les jours, tandis que l’homme intérieur, c’est-à-dire notre âme, se renouvelle de jour en jour u. Aussi, de même que nous attendons dans l’avenir l’immortalité de la chair et le salut des âmes, bien qu’on dise que nous sommes déjà sauvés, à cause du gage que nous avons reçu, de même en est-il de la connaissance de toutes les choses que le Fils unique a apprises de son Père ; nous devons l’espérer pour l’avenir, quoique Jésus-Christ dise ici nous l’avoir déjà donnée. 2. « Ce n’est pas vous », dit-il, « qui m’avez choisi, mais c’est moi qui vous ai choisis ». Voilà une grâce ineffable. Car qu’étions-nous au moment où nous n’avions pas encore choisi Jésus-Christ et où, par conséquent, nous ne l’aimions pas encore ? Comment celui qui ne l’a pas choisi peut-il l’aimer ? Avions-nous alors en nous les sentiments que le Psalmiste manifeste dans ses chants : « J’ai choisi d’être le dernier dans la maison du Seigneur, plutôt que d’habiter dans les tentes des pécheurs v ? » Évidemment non. Qu’étions-nous donc, sinon des méchants et des hommes perdus ? Nous n’avions pas encore cru en lui, pour qu’il nous choisît ; car si nous avions déjà cru, il ne nous aurait choisis qu’après avoir été choisi lui-même par nous. Pourquoi donc dirait-il : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi », si sa miséricorde ne nous avait prévenus w ? C’est ici que se réduit à rien le raisonnement de ceux qui défendent la prescience de Dieu contre sa grâce, et qui disent que si Dieu nous a choisis avant la création du monde x, c’est parce qu’il a prévu que nous serions bons, et non pas qu’il nous rendrait bons. Ce n’est point là la parole de Celui qui dit : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi ». Car s’il nous avait choisis, parce qu’il a prévu que nous serions bons il aurait prévu en même temps que nous le choisirions les premiers. Nous ne pouvons être bons autrement, à moins qu’on n’appelle bon celui qui ne choisit pas le bien. Qu’a-t-il donc choisi en des hommes qui n’étaient pas bons ? Car ils n’ont pas été choisis parce qu’ils étaient bons, vu qu’ils ne devaient l’être qu’à la condition d’être choisis. Autrement, la grâce n’est plus une grâce, si nous prétendons qu’elle a été précédée par les mérites. C’est, en effet, de ce choix de la grâce que l’Apôtre nous dit : « Ainsi donc, en ce temps-ci, le reste a été sauvé par l’élection de la grâce ». Et aussi il ajoute : « Et si c’est par la grâce, ce n’est donc pas par les œuvres ; autrement, la grâce ne a serait plus la grâce y ». Écoute, ingrat, écoute : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, mais c’est moi qui vous ai choisis ». Tu ne peux pas dire : J’ai été choisi, parce que je croyais déjà ; car si tu croyais en lui, tu l’avais déjà choisi. Mais écoute : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi ». Tu ne peux pas dire non plus : Avant de croire je faisais de bonnes œuvres, c’est pour cela que j’ai été choisi. Car, quelle bonne œuvre peut-il y avoir avant la foi, puisque l’Apôtre dit : « Tout ce qui ne vient pas de la foi est péché z ». Après avoir entendu ces paroles : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi », que pouvons-nous dire, sinon que nous étions méchants et que nous avons été choisis pour devenir bons par la grâce de Celui qui nous a choisis ? Car il n’y aurait plus grâce si les mérites avaient précédé. Or, il y a grâce ; elle ne trouve donc pas les mérites, mais elle les produit. 3. Et voyez, mes bien chers frères, comment il se fait que ceux que Jésus-Christ choisit ne soient pas encore bons, et comment il rend bons ceux qu’il choisit. « C’est moi », dit-il, « qui vous ai choisis et vous ai établis pour que vous alliez et que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure ». N’est-ce pas là ce fruit dont il avait déjà dit : « Sans moi vous ne pouvez rien faire aa ? » Il nous a donc choisis et établis, pour que nous allions et que nous portions du fruit. Nous n’avions donc produit aucun fruit en considération duquel il pût nous choisir. « Pour que vous alliez », dit-il, « et que vous portiez du fruit ». Nous allons pour porter du fruit, et il est lui-même la voie par laquelle nous marchons, et dans laquelle il nous a placés pour que nous allions. C’est pourquoi en toutes choses sa miséricorde nous prévient. « Et que votre fruit », dit-il, « demeure, afin que tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donne ». Que la charité demeure donc ; c’est là notre fruit. Cette charité n’existe que dans nos désirs ; elle ne peut encore être rassasiée, et tout ce que, par nos désirs, nous demandons au nom du Fils unique, le Père nous l’accorde. Mais tout ce qu’il n’est pas utile à notre salut de recevoir, n’allons pas nous imaginer que nous le demandons au nom du Sauveur. Ce que nous demandons au nom du Sauveur, c’est ce qui peut aider à notre salut.QUATRE-VINGT-SEPTIÈME TRAITÉ.
DEPUIS CES PAROLES DE JÉSUS-CHRIST : « CE QUE JE VOUS COMMANDE, C’EST QUE VOUS VOUS AIMIEZ LES UNS LES AUTRES », JUSQU’À CES AUTRES : « MAIS MOI JE VOUS AI CHOISIS DU MONDE ; C’EST POURQUOI LE MONDE VOUS HAIT ». (Chap 15,17-19.)
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