John 4:10-14
QUINZIÈME TRAITÉ.
DEPUIS CET ENDROIT DE L’Évangile : « JÉSUS DONC, AYANT SU QUE LES PHARISIENS AVAIENT APPRIS QU’IL FAISAIT UN PLUS GRAND NOMBRE DE DISCIPLES », JUSQU’À CET AUTRE : « ET NOUS SAVONS QU’IL EST VRAIMENT LE SAUVEUR DU MONDE ». (Chap 4,1-42.)LA SAMARITAINE.
Jésus, baptisant par lui-même ou part ses disciples plus que Jean, et sachant que les Pharisiens prendraient de là occasion de le persécuter, s’en alla en Galilée et passa par Samarie. À six heures, il se trouva près d’un puits, et la fatigue du voyage l’y fit asseoir. Ce voyage figurait son Incarnation ; sa fatigue, la faiblesse où il s’est réduit pour nous rendre forts ; l’heure indiquait le sixième âge du monde, et le puits marquait la profondeur de nos misères. Une femme, image de l’Église des Gentils, vint puiser de l’eau et le rencontra. Après lui avoir demandé un peu d’eau pour se rafraîchir, le Sauveur offrit à cette femme une eau qui étancherait sa soif pour toujours ; mais, avec des idées toutes charnelles, elle ne pensait qu’à un breuvage ordinaire, signe trop fidèle des voluptés mondaines, et non à cette boisson spirituelle qui est la vérité. Alors le Christ lui dit d’appeler son mari, c’est-à-dire d’employer toute son intelligence à l’écouter. Je n’en ai point. C’est vrai, car tu en as cinq, et celui que tu as n’est pas le tien ; en d’autres termes, tu as eu pour guides tes sens corporels, et rien, sinon l’erreur, n’est venu les remplacer. Appelle donc ton intelligence à ton aide. Et elle l’appela, et elle comprit qu’à la venue du Messie tonte séparation cesserait entre es Juifs et les Samaritains ou Gentils, et elle reconnut le Messie dans celui qui lui parlait, et elle crut en lui, et elle devint l’apôtre des Samaritains dont plusieurs crurent à ses paroles. 1. Ce n’est point chose nouvelle pour vous d’entendre dire que, pareil à l’aigle, Jean prend son vol dans les hauteurs, qu’il s’élance au-dessus des ténèbres de la terre, et fixe sur la lumière de la vérité des regards pleins d’assurance. Déjà, avec l’aide de Dieu, nous vous avons expliqué plusieurs passages de son Évangile ; en suivant l’ordre de nos lectures, nous avons été amenés au passage que nous venons d’entendre. Plusieurs d’entre vous y reconnaîtront ce qu’ils savaient déjà et n’apprendront rien de nouveau. Cependant, bien qu’il s’agisse de rafraîchir une connaissance, et non pas d’en acquérir une nouvelle, votre attention n’en doit pas être affaiblie. On vous a lu, et c’est ce que nous avons entre les mains pour en faire la matière de notre instruction, on vous a lu l’entretien de Jésus-Christ avec la Samaritaine auprès du puits de Jacob. En cet entretien se trouvent résumés de grands mystères ; le Sauveur y fait allusion à de grandes choses, bien propres à nourrir les âmes affamées et à ranimer celles qui languissent. 2. Notre-Seigneur « ayant donc su que les Pharisiens avaient appris qu’il faisait un plus grand nombre de disciples et baptisait plus de personnes que Jean (bien que Jésus ne baptisât point par lui-même, mais par ses disciples), il quitta la Judée et alla de nouveau en Gaulée ». Ici pas n’est besoin de longs développements. Car, en nous arrêtant à ce qui est clair, nous nous trouverions enfermés dans un espace de temps trop étroit, lorsqu’il s’agirait d’exprimer et d’expliquer les passages obscurs. Si le Seigneur avait prévu que les Pharisiens, apprenant qu’il avait plus de disciples, et qu’il baptisait plus de personnes que Jean, en profiteraient pour leur salut et se rangeraient à sa suite pour devenir ses disciples et se faire baptiser par lui, certainement il n’aurait pas quitté la Judée, il y serait plutôt resté à cause d’eux. Toutefois, et ce n’était pas pour lui un mystère, ils savaient ce qu’il en était de lui ; mais ils étaient animés à son égard d’un grand mauvais vouloir ; ils avaient appris à le connaître, mais pour le poursuivre, au lieu de le suivre. Il quitta donc le pays : non pas que, même en y demeurant, il n’eût pu éviter d’être pris et tué par eux contre son bon vouloir ; car il pouvait ne pas naître s’il l’avait voulu, mais parce qu’en total ce qu’il faisait comme homme, il avait dessein de servir d’exemple aux hommes qui devaient croire en lui. En effet, aucun serviteur de Dieu ne pèche en passant d’un lieu dans un autre, lorsqu’il voit que certaines gens le persécutent avec fureur, ou cherchent à l’entraîner au mal. Il craindrait néanmoins d’offenser Dieu en agissant de la sorte, s’il n’avait pour s’y autoriser l’exemple du Seigneur. Car cette conduite, le bon Maître l’a tenue dans l’intention de nous instruire, et non par un motif de crainte personnelle. 3. Peut-être quelqu’un s’étonnera-t-il de ce que l’Évangéliste ait dit : « Jésus baptisait plus de personnes que Jean », et qu’après ces paroles : « Jean baptisait », il ait ajouté : « Quoique Jésus ne baptisât pas par lui-même, mais par ses disciples ? » Quoi donc ? Était-ce d’abord une assertion fausse, redressée ensuite par cette addition : « Quoique Jésus ne baptisât pas par lui-même, mais par ses disciples ? » Ou plutôt, est-il également vrai que Jésus baptisait, et ne baptisait pas ? Il baptisait parce qu’il purifiait les âmes, et il ne baptisait point parce qu’il ne répandait pas l’eau sur les corps. Les disciples prêtaient le concours de leur ministère corporel ; pour lui, il les aidait de sa puissance. Comment, en effet, peut cesser de baptiser Celui qui ne cesse pas de purifier, et dont l’Évangéliste nous dit en répétant les paroles rapportées de Jean-Baptiste : « C’est celui-là qui baptise a ? » Donc Jésus baptise encore, et tant qu’il y aura des hommes pour recevoir le baptême, c’est Jésus qui le leur donnera. Approchons-nous donc avec confiance du serviteur malgré son infériorité, parce qu’il a le Maître au-dessus de lui. 4. Mais, dira quelqu’un, à la vérité, le Christ confère le baptême en esprit, mais il ne le donne pas extérieurement : par là, quiconque reçoit visiblement et corporellement le sacrement de baptême, semble le tenir d’un autre que de lui. Veux-tu une preuve qu’il baptise non seulement en esprit, mais encore avec l’eau ? Écoute l’Apôtre : « Comme Jésus-Christ », dit-il, « a aimé l’Église et s’est livré à la mort pour elle, afin de la sanctifier en la purifiant dans le baptême de l’eau par la parole de vie, pour la faire paraître devant lui pleine de gloire, n’ayant ni tache, ni ride, ni rien qui y ressemble ». En la purifiant de quelle manière ? « Dans le baptême de l’eau par la parole de vie ». Qu’est-ce que le baptême du Christ ? Un baptême d’eau uni à la parole. Ôte l’eau, il n’y a plus de baptême ; ôte la parole, le baptême n’existe plus. 5. Après ces préliminaires qui conduisent l’Évangéliste à l’entretien de Jésus-Christ avec la Samaritaine, voyons, le reste : il est rempli de vérités cachées et de gros mystères. « Il fallait », dit l’Ecrivain sacré, « qu’il passât par Samarie. Il vint donc en une ville du pays de Samarie, nommée Sichar, près de la terre donnée par Jacob à son fils Joseph. Là était la fontaine de Jacob ». C’était un puits : tout puits est une fontaine ; mais toute fontaine n’est pas un puits. Car dès qu’une eau sort de terre et qu’on la puise pour en faire usage, on l’appelle une fontaine ; toutefois, s’il est facile de la voir et qu’elle se trouve â la surface de la terre, elle s’appelle simplement une fontaine. Si, au contraire, elle se voit dans les profondeurs de la terre, on l’appelle un puits, bien qu’alors le nom de fontaine puisse encore lui convenir. 6. « Jésus donc, fatigué du chemin, s’assit sur la fontaine. C’était vers la sixième heure ». Déjà commencent les mystères. Ce n’est pas sans raison que Jésus se fatigue : ce n’est pas sans raison que nous voyons accablée de lassitude la vertu même de Dieu, celui qui calme nos fatigues, celui dont l’absence est pour nous une cause d’épuisement et dont la présence restaure nos forces. Cependant Jésus est fatigué, il est fatigué sur le chemin et il s’assied, il s’assied au bord d’un puits, et c’est à la sixième heure du jour. Autant de circonstances significatives, qui nous donnent à penser et nous indiquent quelque chose : elles nous rendent attentifs et nous engagent à frapper. Qu’il ouvre donc a vous et à moi, celui qui a daigné nous encourager à frapper, en nous disant : « Frappez, et il vous sera ouvert b ». C’est pour toi, mon frère, que Jésus est fatigué du chemin. Nous voyons en Jésus, et la force et la faiblesse : il nous apparaît tout à la fois puissant et anéanti. Il est puissant, car « au commencement il était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu ; au commencement était en Dieu ». Veux-tu savoir quelle est la puissance de ce Fils de Dieu ? « Toutes choses ont été faites par lui, et sans lui rien n’a été fait » Y a-t-il rien de plus fort que celui qui a fait toutes choses sans éprouver de lassitude ? Veux-tu t’assurer qu’il a été faible ? « Et le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous c ». Par sa puissance, le Christ t’a créé ; il t’a donné une nouvelle vie, en s’anéantissant ; par sa puissance, il a fait ce qui n’était pas ; en devenant faible, il a empêché ce qui était de périr. C’est en sa force qu’il nous donne l’être ; c’est en son infirmité qu’il nous a attirés à lui. 7. Jésus-Christ s’est fait infirme pour nourrir des infirmes, pareil en cela à la poule qui nourrit ses poussins ; c’est la comparaison qu’emploie le Sauveur lui-même. « Combien de fois », dit-il à Jérusalem, « j’ai voulu rassembler tes enfants, comme une poule ramasse ses petits sous ses ailes, et tu ne l’as pas voulu d ! » Vous savez, mes frères, comme une poule se fait petite par amour pour ses petits ; de tous les oiseaux, elle est la seule qui se montre véritablement mère. Nous voyons les passereaux faire leur nid sous nos yeux ; il en est de même des hirondelles, des cigognes, des pigeons ; mais nous ne nous apercevons qu’ils ont des petits qu’au moment où nous les voyons dans leurs nids. Pour la poule, elle se fait si petite pour ses petits que, même lorsqu’ils en sont éloignés et même sans qu’on les voie, on reconnaît qu’elle est mère. En preuve, ses ailes pendantes, ses plumes hérissées, la rudesse de sa voix, le laisser-aller et l’abattement de son corps, tout en elle, comme j’en ai fait la remarque, dénote une mère, lors même qu’on ne la verrait point suivie de sa petite famille. Voilà l’image de l’infirmité de Jésus fatigué par le chemin. Son chemin, c’est la chair qu’il a prise pour notre amour. En effet, quel chemin pouvait suivre celui qui se trouve partout et ne manque nulle part ? Où pouvait-il aller ? D’où pouvait-il venir ? Évidemment il venait vers nous, et il n’y venait qu’en se revêtant de la forme visible de notre corps. Puisqu’il a daigné venir parmi nous en prenant un corps, en se montrant dans la forme de serviteur, son incarnation est donc son chemin. C’est pourquoi « la fatigue qu’il a ressentie du chemin » n’est autre chose que la fatigue résultant pour lui de son Incarnation. L’infirmité de Jésus-Christ vient donc de son humanité ; mais ne t’affaiblis pas toi-même. Que l’infirmité de Jésus-Christ soit ta force ; car ce qui est faiblesse en Dieu est plus fort que tous les hommes e. 8. Sous ce point de vue Adam, image de l’homme futur f, nous a donné un remarquable indice de ce mystère, ou plutôt Dieu nous l’a donné en sa personne. Car ce fut en dormant qu’il dut recevoir son épouse, formée d’une de ses côtes pour lui être donnée g. En effet, de Jésus-Christ endormi sur la croix devait sortir l’Église, elle devait sortir de son côté pendant son sommeil : car c’est de Jésus-Christ attaché à la croix et de son côté ouvert par la lance h que sont sortis les sacrements de l’Église. Mais, mes frères, pourquoi me suis-je exprimé ainsi ? C’est que l’infirmité de Jésus-Christ fait notre force. Cette figure ainsi montrée en Adam nous annonçait donc à l’avance un grand mystère. Sans doute, pour en former la femme, il aurait pu retirer de l’homme une portion de sa chair, et il semble même que cette façon d’agir aurait été plus convenable ; car il s’agissait de former le sexe le plus faible ; or, il est évident que la faiblesse serait provenue plutôt de la chair que des os, car les os sont ce qu’il y a de plus ferme en notre corps. Cependant il n’a pas retiré de la chair pour en former la femme ; mais il a retiré un os, et de cet os la femme a été formée, et à la place de cet os il a fait croître de la chair. Dieu pouvait y remettre un autre os ; il pouvait, pour former la femme, employer, non pas un os, mais de la chair. Qu’a-t-il donc voulu nous apprendre ? Parce que la femme a été formée d’une côte, elle semble forte, et la chair créée en Adam indique sa faiblesse. Le Christ est aussi l’Église : sa faiblesse est le principe de notre force. 9. Mais pourquoi la sixième heure ? Parce que c’était le sixième âge du monde. Dans le langage de l’Évangile, on doit regarder tourne une heure le premier âge qui va d’Adam à Noé, le second qui va de Noé à Abraham, le troisième qui va d’Abraham à David, le quatrième qui va de David à la capitale de Babylone, le cinquième qui va de la captivité de Babylone au baptême de Jean ; le sixième enfin, qui a cours maintenant. Y a-t-il en cela de quoi t’étonner ? Jésus est venu, il est venu près d’un puits, c’est-à-dire qu’il s’est humilié ; il s’est fatigué à venir, parce qu’il s’est chargé du poids de notre faible humanité. Il est venu à la sixième heure, parce tue c’était le sixième âge du monde. Il est venu près d’un puits, parce qu’il est descendu jusque dans l’abîme qui faisait notre demeure. C’est pourquoi il est écrit au psaume : « Du fond de l’abîme, Seigneur, j’ai crié vers vous i ». Enfin il s’est assis près d’un puits, car je l’ai dit déjà, il s’est humilié. 10. « Vint une femme ». Figure de l’Église non encore justifiée, mais déjà sur le point laie devenir, car cette justification est l’œuvre de la parole. Elle vient dans l’ignorance de ce qu’était Jésus ; elle le trouve, il entre en conversation avec elle. Voyons ce qu’elle est venue faire ; voyons ce qu’elle est venue chercher : « Une femme de Samarie vint pour puiser de l’eau ». Les Samaritains n’appartenaient pas à la nation juive, et bien qu’habitant un pays voisin, ils étaient regardés comme étrangers. Il serait trop long de vous expliquer l’origine des Samaritains ; de telles digressions nous arrêteraient et nous ôteraient le temps pour le nécessaire. Qu’il nous suffise donc de mettre les Samaritains au nombre des étrangers. Ne me soupçonnez pas d’avoir mis à vous faire cette assertion plus de hardiesse que de vérité ; écoutez Notre-Seigneur lui-même ; remarquez ce qu’il dit de ce Samaritain, le seul des lépreux guéris par lui, qui fût revenu lui rendre grâces. « Tous les dix n’ont-ils pas été guéris ? Où sont les neuf autres ? Il ne s’en est pas trouvé qui soit revenu rendre gloire à Dieu, sinon cet étranger j ». Les convenances du mystère figuré demandaient que cette femme, qui représentait l’Église, vînt d’un peuple étranger. L’Église, en effet, devait venir des Gentils et d’un peuple étranger aux Juifs. Dans ses paroles Écoutons les nôtres, reconnaissons-nous dans sa personne et rendons grâces à Dieu de ce qu’il fait en elle pour nous. Elle était une figure, et non la réalité ; mais pour avoir été d’abord une figure, elle est devenue ensuite la réalité ; car elle a cru en celui qui nous la proposait comme une figure. « Elle vint donc puiser de l’eau ». Elle était venue en toute simplicité puiser de l’eau, comme le font d’habitude les hommes et les femmes. 11. « Jésus lui dit : Donnez-moi à boire ; car ses disciples s’en étaient allés en ville pour acheter de quoi se nourrir. Or, cette femme Samaritaine lui dit : Comment se fait-il qu’étant Juif vous me demandiez à boire, à moi qui suis Samaritaine ? car les Juifs ne communiquent pas avec les Samaritains ». Vous le voyez, c’étaient des étrangers pour les Juifs : ceux-ci ne voulaient pas même se servir des vases qui étaient à leur usage. Et comme cette femme portait avec elle un vase pour puiser de l’eau, elle s’étonne qu’un Juif lui demande à boire. Car les Juifs n’avaient pas coutume de le faire. Mais si Jésus lui demandait à boire, c’était en réalité de sa foi qu’il avait soif. 12. Enfin quel est celui qui lui demande à boire ? Écoute, l’Évangéliste va le dire : « Jésus lui répondit : Si tu connaissais le don de Dieu et quel est celui qui te dit : Donne-moi à boire, peut-être lui en aurais-tu demandé, et il t’aurait donné de l’eau vive ». Il demande et il promet à boire. Il a besoin en tant qu’il demande ; et chez lui il y a surabondance, puisqu’il doit satisfaire tous les désirs. « Si tu connaissais le don de Dieu ». Le don de Dieu, c’est le Saint-Esprit. Mais il parle à cette femme à mots couverts, et peu à peu il entre en son cœur : peut-être même l’instruit-il déjà. Où trouver une exhortation plus douce et plus engageante ? « Si tu connaissais le don de Dieu et quel est celui qui te dit : « Donne-moi à boire, peut-être lui en aurais-tu demandé, et il t’aurait donné de l’eau vive ». Jusqu’ici il tient en suspens l’esprit de cette femme. Dans le langage ordinaire on appelle eau vive celle qui sort de la source. Quant à la pluie qu’on recueille dans des bassins ou des citernes, on ne lui donne point le nom d’eau vive. L’eau vive est celle qui coule de source et qu’on puise dans son lit. Telle était l’eau de la fontaine de Jacob. Que lui promettait donc celui qui lui en demandait ? 13. Cependant cette femme ainsi tenue en suspens lui dit : « Seigneur, vous n’avez pas de vase pour puiser, et le puits est profond ». Reconnaissez à cela ce qu’elle entendait par eau vive. Elle entendait l’eau de la fontaine de Jacob. Vous voulez me donner de l’eau vive, mais le vase pour la puiser je l’ai entre mes mains, et il vous manque. Cette eau vive, elle est ici, comment pouvez-vous m’en donner ? Elle ne comprend pas les choses dans le vrai sens : elle en juge encore d’une manière charnelle ; et, toutefois, elle frappe d’une certaine manière pour que le maître lui ouvre la porte encore fermée. Elle frappe par son ignorance, non par ses désirs, elle était digne de la pitié du Sauveur, mais pas encore de ses instructions. 14. Le Seigneur lui parle de cette eau vive en termes plus clairs. Cette femme lui avait dit : « Êtes-vous plus grand que notre père Jacob, qui nous a donné ce puits ; et lui-même en a bu, et ses enfants, et ses troupeaux ? » En d’autres termes : vous ne pouvez me donner de cette eau vive, car vous n’avez pas de vase pour en puiser ; sans doute celle que vous me promettez a sa source ailleurs. Pensez-vous donc valoir mieux que notre père, qui a creusé ce puits pour son usage et celui des siens ? C’est le moment que le Seigneur lui explique ce qu’il entend par eau vive. « Jésus lui répondit : Quiconque boira de cette eau aura encore soif ; mais celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura jamais soif, et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source jaillissante jusqu’à la vie éternelle ». Ici le langage de Notre-Seigneur est plus clair : « Cette eau deviendra en lui une source jusqu’à la vie éternelle. Celui qui boira de cette eau n’aura jamais soif ». Était-il possible de marquer plus clairement que s’il promettait de l’eau, c’était une eau invisible, et non pas une eau visible ; qu’il parlait selon l’esprit et non selon la chair ? 15. Néanmoins cette femme comprend encore les choses dans un sens charnel ; heureuse de penser qu’elle n’aurait plus soif, elle supposait que le Sauveur lui avait fait une pareille promesse dans le sens matériel : sans doute cette promesse se réalisera un jour, mais au jour de la résurrection des morts. La Samaritaine voulait la voir s’accomplir immédiatement. Aussi bien Dieu avait autrefois donné à son serviteur Élie de demeurer quarante jours sans éprouver ni faim, ni soif k. Celui qui a pu accorder une pareille grâce pendant quarante jours, ne peut-il pas l’accorder toujours ? Elle soupirait donc, ne voulant ni manquer d’eau, ni s’en procurer avec tant de fatigue. Venir continuellement à cette fontaine, s’en retourner chargée de la provision nécessaire pour subvenir à ses besoins ; puis, cette provision épuisée, se voir de nouveau contrainte à revenir, c’était là son travail de tous les jours, parce que cette eau qui soulageait la soif ne l’éteignait pas. Joyeuse de la promesse que lui fait le Christ de cette eau vive, elle demande au Seigneur de la lui donner. 16. Toutefois, n’oublions pas que le Sauveur lui promettait un don spirituel. Qu’est-ce à dire : « Celui qui boira de cette eau aura encore soif ? » Parole véritable, si on l’applique à cette eau véritable encore, si un l’applique à ce dont elle était la figure. L’eau, au fond de ce puits, c’est la volupté du siècle dans sa ténébreuse profondeur. La cupidité des hommes, voilà le vase qui leur sert à y puiser. Leur cupidité les fait pencher vers ces profondeurs jusqu’à ce qu’ils en touchent le fond et y puisent le plaisir ; mais toujours la cupidité marche et précède. Car celui qui ne fait pas d’abord marcher la cupidité ne peut arriver au plaisir. Supposez donc que la cupidité est le vase avec lequel on puise, et que l’eau que l’on doit tirer du puits c’est le plaisir lui-même, et le plaisir mondain que l’on goûte, c’est le boire, le manger, le bain, les spectacles, l’impureté ; celui qui s’y adonne n’en sera-t-il plus désormais altéré ? Donc Jésus dit avec raison : « Celui qui boira de cette eau aura encore soif » ; mais si je lui donne de mon eau, « il n’aura jamais soif ». Nous serons rassasiés, a dit le Prophète, « de l’abondance des biens de votre maison l ». De quelle eau donnera donc le Sauveur, sinon de celle dont il est écrit : « En vous est la source de vie ? » Comment, en effet, auront soif « ceux qui seront enivrés de l’abondance de votre maison m. 17. Ce que promettait donc Notre-Seigneur, c’était la plénitude et la satiété dont le Saint-Esprit est l’auteur. La Samaritaine ne le comprenait pas encore, et dans son intelligence que répondait-elle ? « Cette femme lui dit : « Seigneur, donnez-moi de cette eau, afin que je n’aie plus soif et que je ne vienne plus ici pour en tirer ». Travail pénible auquel la contraignaient ses besoins et qui rebutait sa faiblesse. Si seulement elle entendait ces paroles : « Venez à moi, vous tous qui travaillez et qui êtes chargés, et je vous soulagerai n ! » Car ce que lui promettait Jésus, c’était la délivrance de sa peine ; mais elle ne le comprenait pas encore. 18. Aussi, pour lui donner l’intelligence, « Jésus lui dit : Va, appelle ton mari, viens ici ». Qu’est-ce à dire : « Appelle ton mari ? » Voulait-il lui donner de cette eau par l’entremise de son mari ? Ou bien voulait-il, par l’intermédiaire de celui-ci, lui enseigner ce qu’elle ne comprenait pas encore ? Peut-être parlait-il dans le même sens que l’Apôtre, lorsqu’il dit des femmes : « Si elles veulent apprendre quelque chose, qu’elles interrogent leurs maris dans leurs maisons ? » Mais Paul fait aux femmes cette recommandation : « Qu’elles interrogent leurs maris dans leurs maisons », pour le cas où Jésus n’est pas là afin de les instruire lui-même ; d’ailleurs l’Apôtre s’adressait aux femmes à qui il défendait de parler dans l’Église o. Mais le Seigneur était là, et il parlait directement à la Samaritaine : y avait-il dès lors nécessité de se servir de son mari pour l’instruire ? Était-ce par l’intermédiaire de son mari qu’il parlait à Madeleine, au moment où celle-ci, assise à ses pieds, l’écoutait attentivement, et où Marthe, tout entière à la multitude des soins de son ministère hospitalier, murmurait cependant de la félicité de sa sœur p ? Donc, mes frères, prêtons l’oreille et tâchons de comprendre ce que Notre-Seigneur dit à cette femme : « Appelle ton mari ». Ce mari de notre âme, cherchons à le connaître. Pourquoi Jésus ne serait-il pas le véritable époux de notre âme ? Puissiez-vous me bien comprendre ! car ce que j’ai à dire ne peut être compris, même par les personnes attentives, que dans une faible mesure. Puissiez-vous me comprendre et l’intelligence de mes paroles sera peut-être l’époux de vos âmes. 19. Voyant que cette femme ne le comprenait pas, et voulant lui faire saisir sa pensée, Jésus lui dit : « Appelle ton mari ». Tu ne comprends pas encore ce que je dis, parce que ton intelligence n’est pas encore ouverte ; je parle selon l’esprit et tu m’entends selon la chair. Ce que je dis ne flatte ni les oreilles, ni les yeux, ni l’odorat, ni le goût, ni le sens du toucher ; l’esprit seul le saisit, l’entendement seul peut en faire sa propriété. Or, cet entendement tu ne l’as pas encore ; comment donc pourrais-tu comprendre mes paroles ? « Appelle ton mari » ; amène ici ton entendement. Car à quoi te servirait d’avoir seulement une âme ? Il n’y aurait là rien de merveilleux, car les bêtes en ont aussi une. D’où vient ta prééminence sur elles ? De l’entendement que tu as et qu’elles n’ont pas. Quel est donc le sens de ces paroles : « Appelle ton mari ? » Tu ne m’entends pas, tu ne me comprends pas ; je te parle du don de Dieu, tu penses à ton corps ; tu ne veux plus que ton corps ait soif, je m’adresse à l’esprit : ton entendement n’y est pas, « appelle ton mari ». Ne sois pas comme le cheval et le mulet, qui n’ont point d’intelligence q. Donc, mes frères, avoir une âme et n’avoir point d’entendement, ou en d’autres termes l’avoir inutilement et n’en pas faire la règle de notre vie, c’est mener une vie de bête. Car il y a en nous quelque chose qui tient de la bête, et fait vivre notre corps ; ce quelque chose, l’entendement doit le régir. Ainsi l’esprit doit imprimer une direction plus noble aux mouvements de l’âme quand elle se laisse influencer par le corps et qu’elle désire se précipiter sans mesure dans les plaisirs de la chair. Qui est-ce qui doit être appelé le mari ? Celui qui se laisse conduire ou celui qui dirige ? Évidemment, dans toute vie bien réglée, le guide de l’âme, c’est l’entendement qui fait partie de l’âme. Car il n’est pas différent d’elle-même, il en est une partie ; comme l’œil n’est pas chose différente du corps, mais en est une portion. Cependant, bien qu’il soit une portion du corps, l’œil seul jouit de la lumière ; les autres membres peuvent en recevoir les rayons mais ils sont incapables de les percevoir, l’œil seul en est pénétré et en jouit. Ainsi dans notre âme il est une faculté qui s’appelle entendement, Cette faculté appelée esprit, intelligence, reçoit les rayons d’une lumière supérieure. Or, cette lumière supérieure dont l’intelligence humaine se trouve éclairée, c’est Dieu. En effet, « il était la lumière véritable qui éclairé tout homme venant en ce monde r ». Cette lumière, c’était le Christ, cette lumière s’entretenait avec la Samaritaine, mais cette femme était absente par son entendement ; son intelligence ne pouvait être éclairée par cette lumière ; elle était incapable, non pas d’en recevoir les rayons, mais de les percevoir. Aussi, comme pour lui dire : je veux éclairer quelqu’un, mais ce quelqu’un me manque, il lui adresse ces paroles : « Appelle ton mari », appelle ton entendement afin qu’il t’instruise et te gouverne. Représente-toi donc l’âme séparée de l’entendement sous l’emblème d’une femme, et l’entendement sous l’emblème de son mari. Toutefois le mari ne dirige bien sa femme qu’autant qu’il obéit lui-même à une direction venant de plus haut, Car le chef de la femme, c’est l’homme ; et le chef de l’homme, c’est le Christ s. Le chef de l’homme parlait avec la femme, et l’homme n’y était pas, et, comme si le Sauveur disait à la femme : Fais venir ton chef afin qu’il se soumette au sien, il prononce ces mots ; « Appelle donc ton mari et viens ici avec lui », ou en d’autres termes : viens ici ; mets-toi devant moi ; tu es comme absente aussi longtemps que tu n’entends pas la voix de la vérité qui se trouve devant toi. Mets-toi devant moi, mais n’y viens pas seule ; que ton mari s’y présente avec toi. 20. Mais comme cette femme n’a pas encore appelé son mari, elle n’entend pas, ses pensées demeurent charnelles. En effet, son mari est absent. « Je n’ai pas », dit-elle, « de mari ». Cependant le Seigneur continue à lui parler en mystère. Véritablement cette femme n’avait pas alors de mari ; mais, ainsi que tu le devines, elle vivait dans je ne sais quel commerce honteux et illégitime, dans le commerce non pas d’un mari, mais d’un adultère. Aussi le Seigneur lui répondit-il : « Tu as bien parlé, tu n’as pas de mari ». Pourquoi donc me disiez-vous : « Appelle ton mari ? » Remarque-le bien, Notre-Seigneur savait parfaitement qu’elle n’avait pas de mari. En voici la preuve : « Et il lui dit, etc. » Aussi, pour ne vas laisser à cette femme la pensée qu’il lui avait répondu : « Tu as bien parlé, tu n’as pasde mari », uniquement parce qu’elle venait de l’en instruire, et non parce que la lumière de sa divinité le lui avait fait découvrir, il lui réplique : Voici ce que tu ne m’as pas dit : « En effet, tu as eu cinq maris et celui que tu as n’est point ton mari ; ce que tu as dit est vrai ». 21. Par là Notre-Seigneur nous contraint de chercher avec plus d’attention quelque sens caché touchant ces cinq maris. Plusieurs ont cru, non sans fondement et même avec une certaine probabilité, voir dans les cinq maris de cette femme les cinq livres de Moïse. En effet, ils étaient reçus des Samaritains et formaient leur loi comme celle des Juifs : voilà sans doute pourquoi la circoncision était en usage chez ces deux peuples ; mais à cause de la difficulté que présentent les paroles suivantes « Et celui que tu as maintenant n’est pas ton mari », nous pouvons plus aisément comprendre, ce me semble, que, sous l’emblème des cinq premiers maris, les cinq sens du corps sont désignés comme les époux de l’âme. Car à sa naissance, et avant d’avoir l’usage de son esprit et de sa raison, chaque homme n’a pour le régir que ses sens corporels. Ce qui tombe sous le sens de l’ouïe, de la vue, de l’odorat, du goût, du toucher, voilà chez le petit enfant tout l’objet de ses répugnances ou de ses désirs. Ce qui flatte ses sens, il le recherche, il repousse ce qui les blesse ; car ce qui les flatte est plaisir, ce qui les blesse est douleur. C’est donc sous l’influence de ces cinq sens comme d’autant de maris que l’âme vit d’abord, parce que c’est par eux qu’elle est régie. Pourquoi leur donne-t-on le nom de maris ? Parce qu’ils sont légitimes. C’est Dieu qui les a formés, c’est Dieu qui les a donnés à l’âme. Elle est infirme tant qu’elle demeure sous la loi des sens et qu’elle agit sous l’autorité de ces cinq maris ; mais aussitôt que le temps est venu de délivrer la raison de leur influence, si l’âme se laisse diriger par une règle de conduite supérieure, et par les leçons de la sagesse, alors succèdent à l’empire et à l’influence des sens l’empire et l’influence d’un seul véritable et légitime mari, meilleur que les autres ; et ce mari la gouverne mieux, la dirige, la cultive, la prépare dans le sens de l’éternité. Loin de nous imprimer une direction qui aboutisse à l’éternité, les sens ne nous portent que vers les choses du temps, soit pour nous les faire désirer, soit pour nous en inspirer le dégoût. Mais dès que l’entendement pénétré par la sagesse a pris le gouvernement de l’âme, il ne lui apprend plus uniquement à éviter les fossés et à suivre le chemin droit que les yeux indiquent à son âme débile, ou à écouter avec plaisir les sons mélodieux et à fermer les oreilles aux sons discordants, à se complaire aux odeurs agréables et à repousser les odeurs nauséabondes, à aimer le miel et à détester le vinaigre, à toucher avec plaisir ce qui est poli et à éprouver une sensation désagréable au contact des aspérités. Toutes ces connaissances, l’âme infirme en avait besoin. Dans quel sens l’entendement y ajoute-t-il sa direction ? Il vient discerner, non plus le blanc du noir, mais le juste de l’injuste, le bien du mal, l’utile de l’inutile, la chasteté de l’impudicité, l’une pour l’aimer, l’autre pour la fuir ; la charité de la haine, la première pour y demeurer, la seconde pour s’en garantir. 22. Chez cette femme, les cinq premiers maris n’avaient pas encore cette sorte de successeur ; car, où l’entendement ne succède pas aux sens, là règne l’erreur, elle domine en maître. En effet, dès qu’elle commence à devenir capable de raisonner, l’âme se laisse conduire par la sagesse ou par l’erreur. Or, l’erreur ne gouverne pas, elle conduit aux abîmes. Après avoir subi l’empire de ses sens, cette femme était donc encore en butte à l’erreur, et l’erreur la ballottait comme aurait fait un vent violent. Cette erreur n’était pas un mari légitime, mais un adultère ; c’est pourquoi le Seigneur lui répond : « Tu as dit avec justesse : Je n’ai pas de mari, car tu as eu cinq maris ». Les cinq sens de ton corps ont été tes maîtres ; tu es parvenue à l’âge de raison, mais non à la sagesse ; tu es tombée dans l’erreur : aussi, « après ces cinq maris, celui que tu as maintenant n’est pas ton mari ». Mais s’il n’était pas le mari, qu’était-il donc, sinon un adultère ? « Appelle-le », non « l’adultère,», mais « ton mari », afin de m’entendre selon l’Esprit, et non selon l’erreur qui te donnerait de moi de fausses idées. En effet, c’était de la part de cette femme une erreur de penser à l’eau du puits de Jacob, quand c’était du Saint-Esprit que lui parlait le Seigneur. Pourquoi se trompait-elle, sinon parce qu’elle vivait avec un adultère, au lieu de vivre avec son mari légitime ? Débarrasse-toi donc de cet adultère qui te corrompt : « va, et appelle ton mari ». Appelle-le et reviens, et tu me comprendras. 23. « Cette femme lui dit : « Seigneur, je vois que vous êtes un prophète ». Voici que le mari commence à venir, mais il n’est pas encore tout à fait venu. Elle jugeait que le Seigneur était un prophète. Sans doute, il en était un ; car il a dit de lui-même « Nul Prophète n’est bien reçu dans son pays t. Dieu avait encore dit de lui à Moïse : « Je leur susciterai d’entre leurs frères un Prophète semblable à toi u ». Semblable par la forme du corps, mais bien différent sous le rapport de la grandeur. Nous voyons donc que Notre-Seigneur a été appelé Prophète dans les temps anciens ; la Samaritaine ne se trompe donc pas beaucoup lorsqu’elle dit : « Je vois que vous êtes un Prophète ». Par cette réponse, elle commence à appeler son mari et à chasser l’adultère : « Je vois que vous êtes un Prophète ». Elle commence ainsi à rechercher ce qui avait coutume de l’émouvoir ; car l’objet de la dispute entre les Samaritains et les Juifs, c’était que les Juifs adoraient Dieu dans le temple construit par Salomon, tandis que les Samaritains, éloignés de ce temple, adoraient Dieu ailleurs. En conséquence, les Juifs se vantaient de leur être supérieur, parce qu’ils adoraient Dieu dans le temple. « Les Juifs n’ont donc aucun commerce avec les Samaritains ». Et ceux-ci, de leur part, répliquaient par cette réponse : Pourquoi vous vanter et vous dire supérieurs à nous ? Parce que vous avez un temple que nous n’avons pas ? Nos pères ont été aimés de Dieu, et pourtant l’ont-ils adoré dans ce temple ? N’était-ce pas sur cette montagne où nous nous trouvons ? Adressées à Dieu du haut de cette montagne, nos prières sont donc préférables aux vôtres, puisque c’est là que nos pères ont eux-mêmes prié. Les uns et les autres trouvaient dans leur ignorance ample motif à dispute, parce qu’ils n’étaient pas avec le mari. Ceux-ci étaient fiers de posséder leur montagne ; ceux-là d’avoir leur temple ; de là leur mutuel antagonisme. 24. Comme si cette femme commençait à avoir son mari auprès d’elle, le Sauveur se met à l’instruire ; et que lui dit-il ? « Elle lui dit : Seigneur, je vois que vous êtes un Prophète. Nos pères ont adoré Dieu sur cette montagne, et vous autres vous dites que le lieu où il le faut adorer est Jérusalem. Jésus lui dit : Femme, crois-moi. » Voici venir l’Église, comme il est écrit au Cantique des Cantiques. « Elle viendra, et elle s’avancera du commencement de la foi v ». Elle viendra pour s’avancer, et elle ne le peut que « par le commencement de la foi ». Maintenant que le mari est présent, c’est avec justice qu’il lui dit : « Femme, crois-moi ». À cette heure il y a en toi ce qui peut croire, puisque ton mari est présent. Ton intelligence a commencé à manifester sa présence, lorsque tu m’as donné le nom de Prophète. « Femme, « crois-moi » ; car si vous ne croyez pas, vous serez incapables de comprendre w. Donc, « Femme, crois-moi, parce que viendra l’heure où vous n’adorerez le Père, ni sur cette montagne, ni à Jérusalem. Vous adorerez ce que vous ne comprenez point ; pour nous, nous adorons ce que nous connaissons, parce que le salut vient des Juifs ; mais viendra l’heure ». Quand ? « Et la voici maintenant ». Quelle est cette heure ? « Cette heure où les véritables adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité » non pas sur cette montagne, non pas dans le temple, mais en esprit et en vérité ; « car le Père demande de semblables adorateurs ». Pourquoi le Père demande-t-il de pareils adorateurs, non sur cette montagne ou dans le temple, mais en esprit et en vérité ? « Dieu est Esprit ». Si Dieu était corps, il faudrait adorer Dieu sur cette montagne qui est matérielle, ou dans le temple qui est un être corporel. « Dieu est Esprit, et ceux qui l’adorent, c’est en esprit et en vérité qu’ils le doivent adorer ». 25. Nous l’avons entendu, et rien n’est plus manifeste ; nous étions allés au-dehors, et nous avons été renvoyés à l’intérieur. Oh, se dira quelqu’un, si je trouvais quelque montagne élavée et solitaire ! car je crois que Dieu habite les endroits élevés, et qu’il m’entend mieux du faîte de ces hauteurs. Pour être sur une montagne, tu te crois proche de Dieu ; tu te considères comme plus à portée d’être entendu de lui, vu que tu t’adresses à lui de plus près. À la vérité, il habite les hauteurs, « mais il regarde les humbles. Dieu est proche ». De qui ? Peut-être de ceux qui sont élevés ? « De ceux qui ont brisé leur cœur x ». Chose merveilleuse ! Il habite les hauteurs, et il est proche des humbles. « Ce qui est humble, il le regarde ; ce qui est élevé, il ne le connaît que de loin y ». Les orgueilleux, il les voit de loin, et ils lui sont d’autant moins proches qu’ils se jugent plus élevés. Tu cherchais donc une montagne ? Descends pour y parvenir. Mais veux-tu monter ? Monte, mais sans chercher une montagne. « Il a placé dans son cœur les degrés par lesquels il s’élève » (ainsi s’exprime le Psalmiste) « au travers de cette vallée de larmes z ». Toute vallée est basse, c’est dans ton cœur que tout doit se passer. Que s’il te faut quelque lieu élevé, quelque lieu saint, fais de toi-même et intérieurement un temple au Seigneur. Car le temple de Dieu est saint, et vous êtes ce temple aa. Veux-tu prier dans un temple ? Prie en toi-même ; mais auparavant, sois le temple de Dieu ; car c’est dans son temple qu’il écoute ceux qui le prient. 26. « Vient donc l’heure, et elle est déjà venue, où les véritables adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité. Pour nous, nous adorons ce que nous connaissons ; vous autres, vous adorez ce que vous ignorez ; car le salut vient des Juifs ». Ces paroles donnent beaucoup aux Juifs ; mais garde-toi de considérer ces Juifs comme réprouvés ; considère-les, au contraire, comme étant ce mur auquel est venu, s’en réunir un autre, afin que tous deux fussent fortifiés et réunis par la pierre angulaire qui est le Christ. Le premier mur est formé des Juifs ; le second des Gentils ; et tous deux sont éloignés l’un de l’autre jusqu’à l’endroit où ils se réunissent ensemble par le moyen de la pierre de l’angle. Les Gentils étaient hors de l’alliance et étrangers aux promesses de Dieu ab. C’est pourquoi il est dit : « Pour nous, nous adorons ce que nous connaissons », ce qu’il faut entendre des Juifs, non pas de tous les Juifs, non pas des Juifs réprouvés, mais des Juifs tels que furent les Apôtres, les Prophètes et tous les saints qui vendirent tous leurs biens et en déposèrent le prix aux pieds des Apôtres ac. Car Dieu n’a pas repoussé le peuple qu’il s’est prédestiné ad. 27. Cette femme l’entend, et elle ajoute. Faites attention à sa réponse. Déjà elle l’avait appelé Prophète ; mais voyant que celui avec qui elle parlait disait des choses plus grandes que celles qui pouvaient convenir à un prophète : « Je sais », lui dit-elle, « que le Messie, qui se nomme le Christ viendra, et que quand il viendra il nous apprendra toutes choses ». Qu’est-ce à dire ? En ce moment, les Juifs disputent pour leur temple, et nous pour notre montagne ; mais lorsque le Messie viendra, il méprisera la montagne et renversera le temple ; il nous apprendra toutes choses en nous apprenant à l’adorer en esprit et en vérité. Déjà elle savait qui pouvait l’instruire ; mais elle ne savait pas que ce docteur lui parlait déjà. Aussi était-elle déjà digne de le reconnaître. Le Messie a été oint ; le mot oint signifie Christ, en grec, Messie, en hébreu ; delà vient que, dans la langue punique, Messie signifie : oignez. La raison de cette ressemblance vient de la parenté et du voisinage des trois langues hébraïque, punique et syrienne. 28. « Cette femme lui dit donc : Je sais que de Messie, qui se nomme le Christ, viendra, et que quand il sera venu il nous annoncera toutes choses. Jésus lui dit : Moi qui te parle, je suis le Christ ». Elle a appelé son mari, le mari est devenu le chef de la femme, le Christ est devenu le chef de l’homme ae. Déjà elle se met d’accord avec la foi, elle suit la règle qui la fera bien vivre. Après avoir entendu ces paroles « Moi qui te parle, je suis le Christ », que pouvait ajouter cette femme à qui Notre-Seigneur avait voulu se manifester en lui disant : « Crois-moi ? » 29. « En même temps arrivèrent ses disciples, et ils s’étonnèrent de ce qu’il parlait à une femme ». Jésus cherchait celle qui était perdue, car il était venu chercher ce qui périssait ; et ils s’en étonnaient. Ils admiraient le bien, ils ne soupçonnaient pas le mal. Aucun pourtant ne lui dit : « Que cherchez-vous, ou pourquoi parlez-vous avec elle ? » 30. « Cette femme donc laissa là sa cruche ». Après avoir entendu ces paroles : « Moi qui te parle, je suis le Christ », et reçu dans son cœur le Christ Notre-Seigneur, qu’avait-elle de plus à faire qu’à laisser là sa cruche et à courir annoncer qu’il était venu ? Elle se débarrasse au plus vite de sa cupidité, elle se hâte d’aller annoncer la vérité : grande leçon pour ceux qui veulent annoncer l’Évangile ! Qu’ils laissent là leur cruche. Rappelez-vous ce que je vous ai précédemment dit sur cet objet. C’était un vase destiné à puiser l’eau ; il tire son nom du grec hydria, parce que dans cette langue le mot udor signifie eau ; c’est donc comme si l’on disait : réservoir d’eau. Elle laisse là sa cruche qui, loin de lui être utile, devient pour elle un fardeau ; car elle n’a plus qu’un désir, celui de boire à longs traits l’eau dont lui a parlé le Christ. Pour annoncer le Christ, elle se débarrasse donc de son fardeau ; « elle court à la ville et dit aux habitants : Venez et voyez un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait ». Elle ne parle qu’avec mesure, de peur d’exciter leur colère et leur indignation et d’être persécutée : « Venez et voyez un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait. N’est-il point le Christ ? Ils sortirent de la ville et vinrent vers lui ». 31. « Cependant ses disciples le priaient, disant : Maître, mangez ». Car ils étaient allés acheter des vivres, et ils étaient revenus. « Mais il leur dit : J’ai à prendre une nourriture que vous ne connaissez pas. Les disciples se disaient donc les uns aux autres : Quelqu’un lui a-t-il apporté à manger ? » Y a-t-il rien d’étonnant à ce que cette femme n’ait pas compris de quelle eau il s’agissait, quand les disciples eux-mêmes ne comprenaient pas de quelle nourriture le Sauveur leur parlait ? Pour lui, il a connu leurs pensées et il les instruit comme leur maître, non par une voie détournée, ainsi qu’il avait fait avec cette femme dont il voulait entretenir le mari, mais directement. « Ma nourriture », leur dit-il, « est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé ». Il lui disait donc : « J’ai soif, donnez-moi à boire », pour établir la foi en elle et s’en faire un breuvage, et par la foi faire d’elle un membre de son corps. Car le corps de Jésus-Christ, c’est l’Église. Aussi dit-il : « Ma nourriture est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé ». 32. « Vous autres, ne dites-vous pas qu’il y a encore quatre mois et la moisson viendra ? » Il s’échauffait à son œuvre et se disposait à envoyer des ouvriers à la moisson, Vous autres, vous comptez quatre mois jusqu’à la moisson, moi je vous en montre une qui a déjà blanchi et qui est toute prête. « Et moi, je vous, dis : Levez les yeux et voyez, les campagnes sont déjà blanches pour la moisson ». Donc il enverra des moissonneurs, « Car il y a du vrai dans cette parole : Autre est celui qui moissonne, autre est celui qui sème, afin que celui qui sème se réjouisse et avec lui celui qui moissonne. Je vous ai envoyés moissonner où vous n’avez pas travaillé ; d’autres ont travaillé, et vous êtes entrés dans leurs travaux ». Quoi donc ? A-t-il envoyé ceux qui moissonnent, et nous pas ceux qui sèment ? Où a-t-il envoyé ceux qui moissonnent ? Là où les autres ont déjà travaillé ; car où l’on avait travaillé on avait certainement semé, et ce qui avait été semé était déjà mûr et n’attendait plus que la faux et le fléau. Où devaient donc être envoyés les moissonneurs ? Là où les Prophètes, véritables semeurs, avaient prêché ; car s’ils n’ont – pas été des semeurs, comment cette femme a-t-elle pu dire : « Je sais que le Messie viendra ? » Déjà elle était elle-même un fruit mûr : c’était une moisson qui avait déjà blanchi et qui réclamait la faux du moissonneur. « Je vous ai donc envoyés ». En quel endroit ? « Moissonner ce que vous n’avez pas semé ; d’autres ont travaillé et vous, vous êtes entrés dans leurs travaux ». Qui sont ceux qui ont travaillé ? Abraham, Isaac, Jacob. Lisez le détail de leurs travaux ; dans tous leurs travaux ils prophétisaient Jésus-Christ ; ils étaient par conséquent des semeurs. Moïse elles autres Patriarches, et les Prophètes, que n’ont-ils pas souffert dans cette froide saison où ils semaient ? Donc en. Judée la moisson était déjà prête. Il est sûr que la récolte était parvenue à maturité au moment où tant de milliers d’hommes apportaient le prix de leurs biens, les mettaient aux pieds des Apôtres, se débarrassant ainsi du fardeau des possessions temporelles, et se mettaient à la suite de Notre-Seigneur. Véritablement la moisson était mûre. Qu’est-il résulté de cela ? Quelques grains récoltés alors ont servi à ensemencer l’univers entier, et cette femme a produit une autre moisson destinée à être recueillie à la fin des siècles. C’est de cette moisson qu’il est dit : « Ceux qui sèment dans les larmes moissonnent dans la joie af » ; moisson pour laquelle seront envoyés non plus les Apôtres, mais les anges. « Les moissonneurs », dit Jésus-Christ, « sont les Anges ag ». C’est là cette moisson qui croît au milieu de l’ivraie et qui attend le moment où elle en sera séparée à la fin des siècles, Quant à celle à laquelle les disciples ont d’abord été envoyés et qu’avaient préparée les Prophètes, elle était déjà mûre, Cependant, mes frères, considérez ce qui est dit : « Afin que se réjouissent ensemble et celui qui sème et celui qui moissonne ». L’époque de leur travail a été différente, mais ils entreront en possession de la même joie ; la même récompense, c’est-à-dire la vie éternelle, deviendra leur partage. 33. « Or, plusieurs des Samaritains de cette ville crurent en lui sur la parole de la femme qui avait rendu ce témoignage : Il m’a dit tout ce que j’ai fait. Les Samaritains étant donc venus à lui, ils le prièrent de demeurer parmi eux, et il y demeura deux jours. Et un bien plus grand nombre crurent en lui à cause de ses discours, et ils disaient à la femme : « Ce n’est plus sur ta parole que nous croyons ; car nous l’avons entendu nous-mêmes et nous savons qu’il est véritablement le Sauveur du monde ». Il importe de s’appliquer un peu à ces paroles qui terminent la lecture de ce jour. La femme a d’abord annoncé Notre-Seigneur ; ensuite les Samaritains ont cru à son témoignage, puis ils ont prié Jésus-Christ de demeurer avec eux, et il y est demeuré deux jours et plusieurs crurent en lui, et après avoir cru, ils dirent à la femme : « Ce n’est plus d’après ton récit que nous croyons, mais nous-mêmes nous l’avons connu et nous savons qu’il est le Sauveur du monde ». Leur conversion commencée par la réputation de Jésus-Christ, s’est achevée par sa présence. Ainsi en arrive-t-il de nos jours avec ceux du dehors qui ne sont pas encore chrétiens, Jésus-Christ leur est annoncé par des amis chrétiens. Par l’effet de la prédication de l’Église, dont cette femme est l’image, ils viennent au Christ, ils croient en lui, décidés par tout ce qu’on leur en raconte ; il reste avec eux deux jours, c’est-à-dire il leur donne les deux préceptes de la charité. Ainsi s’augmente le nombre et s’affermit la force de ceux qui croient en lui et reconnaissent qu’il est véritablement le Sauveur du monde.SEIZIÈME TRAITÉ.
DEPUIS CET ENDROIT DE L’ÉVANGILE : « OR, DEUX JOURS APRÈS, IL SORTIT DE LÀ, ET S’EN ALLA « EN GALILÉE », JUSQU’À CET AUTRE : « ET IL CRUT, LUI ET TOUTE SA MAISON ». (Chap 4,43-53.)SERMON CLXXXIII. DE LA CROYANCE À L’INCARNATION ah.
ANALYSE. – Nous l’avons dit, ce discours n’est que la suite et comme la seconde partie du précédent. Les Manichéens ne ment pas de Dieu, puisqu’ils n’admettent pas l’Incarnation du Christ. Mais dans quel sens saint Jean dit-il encore que tous si qui l’admettent viennent de Dieu ? Doit-on regarder comme venant de Dieu les Ariens, les Eunomiens, les Sabelliens, les Photiniens ? Doit-on regarder aussi comme animés de son esprit les Pélagiens, les Donatistes et en général tous les hérétiques tous les mauvais catholiques ? Assurément non, car ils professent, au moins en pratique, une idée fausse de Jésus-Christ : les Ariens, en ne reconnaissant pas sa génération éternelle ; les Eunomiens, en n’admettant pas même sa ressemblance avec le père ; les Sabelliens, en le confondant avec lui ; les Photiniens, en ne voyant en lui qu’un homme ; les Donatistes, en croyant qu’il est pas l’Epoux de l’Église universelle ; les Pélagiens, en ne voulant pas qu’il ait pris une chair semblable à notre chair de péché. Ainsi en est-il de toutes les hérésies, si nous voulions les examiner en détail. Mais tout en confessant de bouche la vérité de l’Incarnation, les mauvais catholiques la renient par leurs œuvres. C’est à Dieu qu’il faut demander la grâce de conformer sa à sa croyance. 1. L’attente où je vois votre charité, exige que je paie ma dette. Vous vous souvenez, en suis sûr, de ce que je vous ai promis, avec aide du Seigneur, à propos de la dernière dure de saint Jean. Aussi en entendant le lecteur, vous m’avez senti, je n’en doute pas, obligé de m’acquitter. Le précédent discours prenant une longue étendue, nous avons ajourné l’importante question de savoir dans quel sens on doit entendre ces paroles d’une épître du bienheureux Jean, non pas de saint Jean-Baptiste, mais de saint Jean l’Évangéliste : « Tout esprit qui confesse l’Incarnation de Jésus-Christ, vient de Dieu ». Combien d’hérésies ne voyons-nous pas confesser cette Incarnation, sans que nous puissions admettre, toutefois, qu’elles viennent de Dieu ! Le Manichéen nie l’Incarnation ; mais il ne faut travailler ni beaucoup ni longtemps pour vous persuader que cette erreur n’a point Dieu pour auteur. Or, l’Arien, l’Eunomien, le Sabellien et le Photinien confessent l’Incarnation. Pourquoi chercher ici des témoins pour les confondre ? Qui pourrait compter toutes ces espèces de contagion ? Arrêtons-nous toutefois à ce qui est plus connu. Beaucoup en effet ignorent les hérésies que je viens de citer, et cette ignorance est préférable. Ce que nous savons tous, c’est que les Donatistes aussi confessent l’Incarnation ; loin de nous pourtant la pensée que cette erreur vienne de Dieu ! Pour parler même d’hérétiques plus récents, les Pélagiens admettent l’Incarnation également ; sûrement néanmoins, ce n’est pas Dieu qui leur enseigne l’erreur. 2. Appliquons-nous donc avec soin ; mes bien-aimés ; et comme nous ne révoquons point en doute la vérité de cette assertion « Tout esprit qui confesse l’Incarnation de Jésus-Christ vient de Dieu », prouvons à tous ces hérétiques que réellement ils ne la confessent pas. Si nous admettions avec eux qu’ils la confessent, ce serait avouer qu’ils viennent de Dieu. Et comment alors pourrions-nous vous détourner, vous éloigner de leurs erreurs et vous protéger contre leurs assauts avec le bouclier de la vérité ? Daigne le Seigneur nous accorder le secours que sollicite pour nous votre attente, et nous leur, montrerons qu’ils ne confessent véritablement pas l’Incarnation du Christ. 3. L’Arien entend parler et il parle à son tour du Fils de la Vierge Marie. Ne confesse-t-il pas ainsi l’Incarnation ? – Non. – Comment le prouver ? – Très-facilement, si le Seigneur répand sa lumière dans vos esprits. En effet, que cherchons-nous, si l’Arien confesse l’Incarnation du Christ ? Mais comment peut-il confesser l’Incarnation du Christ, puisqu’il nie le Christ ? Qu’est-ce que le Christ. Adressons-nous au bienheureux Pierre. Vous venez d’entendre ce qu’on a lu dans l’Évangile. Notre-Seigneur Jésus-Christ demandait ce que les hommes pensaient de lui, Fils de l’homme ; ses disciples rapportèrent quelles étaient leurs différentes manières de voir : « Les uns, dirent-ils, croient que vous êtes Jean-Baptiste, d’autres Élie, d’autres encore Jérémie ou l’un des prophètes ». Avec ces idées on ne voyait et on ne voit encore dans Jésus-Christ que l’humanité. Mais ne voir dans Jésus-Christ que son humanité, c’est ne le pas connaître ; car il n’est pas vrai de dire que Jésus-Christ ne soit qu’un homme. « Pour vous, demanda alors le Sauveur, qui dites-vous que je suis ? » Et parlant au nom de tous, parce que tous ont la même foi : « Vous êtes, répondit Pierre, le Christ, le Fils du Dieu vivant ai ». 4. Voilà pour former une profession de foi vraie, une profession de foi entière. Joins a que le Christ a dit de lui à ce que Pierre dit du Christ. Qu’est-ce que le Christ a dit de lui-même ? Il a demandé ce que les hommes pensaient de lui, « Fils de l’homme ». Et Pierre ? « Vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant ». Unis ces deux idées, et voilà le Christ incarné. Le Christ a dit de lui ce qui est plus humble, et Pierre a dit du Christ ce qui est plus glorieux. L’humilité a rendu témoignage à la vérité, et la vérité à l’humilité en d’autres termes, l’humilité de l’homme la vérité de Dieu, et la vérité de Dieu à l’humilité de l’homme. « Qui pense-t-on que je suis, moi, Fils de l’homme ? » J’exprime ici ce que je me suis fait pour vous ; à toi nous dire, Pierre, quel est Celui qui vous faits. Ainsi donc confesser l’Incarnation de Jésus-Christ, c’est confesser l’Incarnation du Fils de Dieu. Dis-nous, maintenant, ô Arien, si tu mets réellement cette Incarnation. Il l’admet, s’il confesse que le Christ est le Fils de Dieu mais s’il nie que le Christ soit le Fils de Dieu il ne connaît pas le Christ, il nomme l’un pour l’autre, il parle d’un autre que de lui. Qu’est-ce en effet que le Fils de Dieu ? Nous nous demandions tout à l’heure : Qu’est-ce que le Christ ? Et on nous répondait : C’est le Fils de Dieu. Demandons-nous maintenant : Qu’est-ce que le Fils de Dieu ? Le voici : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu ; il était Dieu dès le commencement. – Au commencement était le Verbe ». Mais toi, Arien, que dis-tu ? « Au commencement, lisons-nous dans la Genèse, Dieu a fait le ciel et la terre aj » ; et toi tu dis au contraire : Au commencement Dieu a fait le Verbe ; car tu prétends que le Verbe a été fait, qu’il est une créature, et tu dis ainsi que Dieu l’a fait au commencement, tandis que selon l’Évangéliste il était. Et c’est parce qu’il était que Dieu a fait au commencement le ciel et la terre. « Tout a été fait par lui ak » ; et tu dis, toi, qu’il a été fait. S’il l’avait été, il ne serait pas le Fils de Dieu. 5. Car il s’agit ici d’un Fils par nature et non d’un fils par grâce ; d’un Fils unique, d’un Fils unique engendré et non pas adopté. Le Fils qu’il nous faut est un Fils vrai, un Fils « qui étant de la nature de Dieu », comme s’exprime l’Apôtre, que je nomme ici à cause des moins instruits, et pour qu’ils ne m’attribuent passes paroles, « qui étant donc, dit saint Paul, de la nature de Dieu, ne crut point usurper en s’égalant à Dieu ». Cette égalité n’était pas une usurpation, c’était sa nature même ; il l’avait de toute éternité, éternel avec son Père, égal, absolument égal à lui. « Mais il s’est anéanti » ; c’est publier son incarnation. « Il s’est anéanti ». Comment ? Est-ce en quittant ce qu’il était et en prenant ce qu’il n’était pas ? Continuons à écouter l’Apôtre : « Il s’est anéanti en prenant une nature d’esclave al ». Ainsi donc s’est-il anéanti, en prenant une nature d’esclave et non pas en laissant sa nature de Dieu. Il s’est uni l’une sans se dépouiller de l’autre : voilà comment il faut confesser l’Incarnation ; d’où il suit que l’Arien ne la confesse pas. En effet, en ne croyant pas le Fils égal au Père, il ne le croit pas Fils. En ne croyant pas qu’il est Fils, il ne croit pas non plus qu’il est le Christ. Or, en ne croyant pas au Christ, comment croire à l’Incarnation du Christ ? 6. Ainsi en est-il de l’Eunomien, son pareil, son associé et qui a peu de différences avec lui. Les Ariens, dit-on, admettaient au moins que le Fils est semblable au Père ; ils ne le disaient point égal à lui, mais semblable ; tandis que l’Eunomien ne veut même pas de cette similitude. N’est-ce pas aussi nier le Christ ? Effectivement, si le Christ, si le vrai Fils de Dieu est à la fois égal et semblable à son Père, n’est-ce pas le nier que de prétendre qu’il n’a ni cette égalité ni cette similitude ? N’est-ce pas aussi nier par là même son incarnation ? Je demande : Le Christ s’est-il incarné ? – Oui, répond l’Eunomien. – Nous serions portés à croire qu’il a la foi. Je poursuis. – Quel est le Christ qui s’est incarné ? Est-il égal ou inégal au Père ? – 2 est inégal. – Ainsi c’est un être inégal au Père qui selon toi s’est incarné. Donc ce n’est pas le Christ, puisque le Christ est égal au Père. 7. Voici le Sabellien. Le Fils, dit-il, n’est pas distinct du Père ; c’est là qu’il fait une large ouverture à la foi pour répandre au loin le poison de sa doctrine. Le Fils, selon lui, n’est pas différent du Père. Dieu, comme il le veut, est tantôt Père et tantôt Fils. Mais ce n’est pas là le Christ, et tu t’égares si tu crois à l’incarnation d’un tel Christ ; ou plutôt tu ne crois pas à l’Incarnation du Christ, puisque cet être n’est pas le Christ. 8. Et toi, Photin, que dis-tu ? – Que le Christ n’est pas Dieu et qu’il est simplement un homme. – Ainsi tu admets en lui la nature humaine et non la nature divine. Pourtant le Christ, dans sa nature divine, est égal à Dieu, tandis que sa nature humaine le rend semblable à nous. Toi donc aussi, tu nies l’Incarnation du Christ. 9. Que pensent les Donatistes ? Il en est parmi eux qui admettent avec nous que le Fils est égal au Père et de même nature que lui ; d’autres reconnaissent l’identité de nature et rejettent l’égalité. Pourquoi argumenter contre ces derniers ? En rejetant l’égalité ils nient la filiation ; en niant la filiation ils nient le Christ. Mais dès qu’ils nient le Christ, comment croient-ils à l’Incarnation du Christ ? 10. Il faut raisonner davantage contre ceux qui confessent avec nous que le Fils est égal au Père, qu’il a la même nature et la même éternité, tout en restant Donatistes. Disons-leur donc : Vous confessez de bouche, mais vous niez par vos actes. On peut en effet nier par ses actes, et toute négation ne consiste pas en paroles, il est des négations par effets. Adressons-nous à l’Apôtre : « Tout est pur, dit-il, pour ceux qui sont purs ; mais pour les impurs et les infidèles rien, n’est pur ; leur esprit et leur conscience sont souillés. Ils publient qu’ils connaissent Dieu, et ils le nient par leurs œuvres am ». Qu’est-ce que le nier par ses œuvres ? C’est se livrer à l’orgueil et établir des divisions ; c’est mettre sa gloire, non pas en Dieu, mais dans un homme. N’est-ce pas aussi nier le Christ, puisque le Christ aime l’unité ? Disons plus clairement encore comment les Donatistes nient le Christ. Pour nous, le Christ est celui dont saint Jean-Baptiste disait : « L’E« poux est celui à qui appartient l’épouse an ». Sainte union ! noces heureuses ! Le Christ même est l’Epoux, l’Église est l’épouse. Or, c’est l’Epoux qui nous fait connaître l’épouse. Ah ! que cet Epoux nous dise donc quelle est son épouse ; qu’il nous l’apprenne pour nous empêcher de nous égarer et de troubler la solennité sainte où il nous a conviés ; qu’il nous instruise, en nous enseignant d’abord lui-même qu’il est véritablement l’Epoux. 11. Après sa résurrection il disait à ses disciples : « Ne saviez-vous pas qu’il fallait que fût accompli tout ce qui est écrit de moi dans la loi de Moïse, dans les Prophètes et dans les Psaumes ? Alors, poursuit l’Évangéliste, il leur ouvrit l’esprit, pour leur faire comprendre les Écritures ; et il leur dit : « C’est ainsi que devait souffrir le Christ et ressusciter, le troisième jour, d’entre les morts ». Voilà quel est l’Epoux confessé par Pierre ; c’est le Fils même du Dieu vivant qui était destiné à souffrir ainsi et à ressusciter le troisième jour. Or, cet événement était accompli ; les disciples en étaient témoins ; ils voyaient le Chef divin, mais où était son corps ? Le Christ est ce Chef qui a souffert et qui est ressuscité le troisième jour ; et c’est de l’Église qu’il est le Chef ; d’où il suit que l’Église est son corps. Encore une fois, les disciples voyaient le Chef, mais non pas le corps. Dites-leur, ô Chef sacré, où est votre corps, qu’ils ne voient pas. Parlez, Seigneur Jésus, parlez, ô saint Époux, parlez-nous de votre corps, de votre épouse, de votre bien-aimée, de votre colombe, de celle à qui vous avez donné pour dot votre propre sang ; dites : « Il fallait que « le Christ souffrit et ressuscitât d’entre les a morts, le troisième jour ». Voilà pour l’Epoux. Parlez maintenant de l’épouse, écrivez sur les tablettes, dans l’acte de mariage. – Voici donc pour l’Epouse : « Et qu’on prêchât » ; c’est ce qui suit ces mots : « Il fallait que le Christ souffrît, qu’il ressuscitât d’entre les morts, et qu’on prêchât en son nom la pénitence et la rémission des péchés au milieu de toutes les nations ». Ou te cacher ? « Au milieu de toutes les nations, à commencer par Jérusalem ao ». Ce qui a été fait. Si nous lisons cette promesse, nous la voyons accomplie. Voilà à quelle lumière je marche. D’où fais-tu venir les ténèbres où tu te plonges ? Ainsi le Christ a pour épouse cette Église que l’on prêche au milieu de toutes les nations, qui se multiplie et qui s’étend jusqu’aux extrémités de la terre, à partir de Jérusalem : c’est bien de cette Église que le Christ est l’Époux. Mais toi, que prétends-tu ? Quelle est selon toi l’épouse du Christ ? La faction de Donat ? Non, non, non, non, homme, le Christ n’est pas l’Époux de cette faction ; ou plutôt, non, méchant, il n’est pas son Époux. Nous voici près du contrat, lisons-le et point de disputes. Diras-tu encore que le Christ est l’Époux de la faction de Donat ? Je lis l’acte de mariage et je constate au contraire que le Christ a pour épouse l’Église répandue par tout l’univers. Or, dire de lui ce qu’il n’est pas, c’est nier son incarnation. 12. Des hérésies que j’ai rappelées dans le peu de temps que j’ai à vous donner, reste le Pélagianisme ; car il est beaucoup d’autres hérésies encore, et j’ai dit moi-même : Qui pourrait nombrer ces sortes de contagion ? Que disent donc les Pélagiens ? Écoutez : Ils semblent d’abord admettre l’Incarnation ; mais en y regardant de près on voit qu’ils rejettent. En effet le Christ a pris une chair qui n’était pas une chair de péché, mais qui en avait la ressemblance. – Voici les termes mêmes de l’Apôtre : « Dieu a envoyé son Fils dans une chair semblable à la chair de péché ap ». Il ne l’a pas envoyé dans une espèce de chair, dans une chair qui n’en était pas une ; mais « dans une chair semblable à la chair de péché » ; chair réelle, mais qui n’était pas une chair de péché. Or Pélage ne veut-il pas que la chair de tous les enfants sont tout à fait semblable à la chair du Christ ? Il n’en est rien, mes bien-aimés. Pourquoi mettre si fort en relief que le Christ n’avait qu’une chair semblable à la chair de péché, si toute autre chair n’était pas une chair de péché ? Qu’importe de dire que le Christ s’est incarné, quand on ne fait de lui, sous le rapport de la chair, qu’un enfant comme tous les autres ? Je te dirai donc ce que j’ai dit au Donatiste : Ce n’est pas lui. Ne vois-je pas les entrailles mêmes de l’Église notre mère rendre témoignage à la vérité ? Les mères ne courent-elles pas, leurs petits enfants dans les bras, les offrir au Sauveur pour qu’il les sauve, et non à Pélage pour qu’il les perde ? Qu’on le baptise et qu’il soit sauvé, s’écrie toute mère pieuse en apportant à la hâte son cher petit. – Qu’il soit sauvé ? réplique Pélage : il n’y a rien à sauver en lui, il n’y a en lui aucun vice, il n’a rien puisé de condamnable en puisant la vie. – S’il est vraiment égal au Christ, pourquoi recourir au Christ ? Écoute-moi donc : L’Époux, le Fils de Dieu incarné est le Sauveur des grands et des petits, des hommes mûrs et des enfants ; voilà quel est le Christ. Tu prétends au contraire qu’il est le Sauveur des grands seulement et non pas des petits ; tel n’est pas le Christ. Or, si ce n’est pas lui, il est évident que tu nies son incarnation. 13. Nous constaterions, en étudiant chaque hérésie, que toutes sont contraires à l’Incarnation ; oui, tous les hérétiques nient l’Incarnation du Christ. Pourquoi vous étonner que les païens la nient, que les Juifs la nient, que les Manichéens la nient ouvertement ? J’ose même dire à votre charité que tous les mauvais catholiques, tout en la confessant de bouche, la nient par leurs œuvres. De grâce donc, ne comptez pas sur la foi seule. Joignez à la vraie foi une vie sainte ; confessez l’Incarnation du Christ par la justice de vos Couvres aussi bien que par la vérité de vos paroles. La confession de bouche accompagnée de la négation des œuvres est une foi de mauvais catholiques qui ressemble beaucoup à la toi des démons. Écoutez-moi, mes bien-aimés, écoutez-moi, de peur que ma sueur ne dépose contre vous : Ah ! écoutez-moi. L’apôtre saint Jacques parlait de la foi et des bonnes œuvres pour condamner des esprits qui croyaient la foi suffisante, sans vouloir y joindre la pratique des vertus. Or, il s’exprimait ainsi : « Tu crois qu’il n’y a qu’un Dieu ; les démons le croient aussi, et ils tremblent aq ». De ce que les démons croient et tremblent, faut-il conclure qu’ils seront tirés du feu éternel ? Vous venez d’entendre dans l’Évangile cette réponse de Pierre : « Vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant ». Lisez encore, et vous verrez que les démons ont dit aussi : « Nous savons que vous êtes le Fils de Dieu ». Pierre cependant est applaudi, et le démon repoussé. Les paroles sont les mêmes, mais les œuvres sont diverses. D’où vient la différence de ces deux confessions ? De ce que l’une est inspirée par un amour louable et l’autre par une crainte condamnable. Car ce n’est pas l’amour qui faisait dire aux démons : « Vous êtes le Fils de Dieu » ; c’est la peur et non l’amour. Aussi s’écriaient-ils, tout en le proclamant : « Qu’y a-t-il entre nous et vous ar ? » tandis que Pierre lui répétait : « Je vous accompagne même à la mort as ». 14. Cependant, mes frères, comment Pierre lui-même pouvait-il lui dire avec amour « Vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant ? » D’où lui venait cet amour ? Uniquement de lui-même ? Nullement. Le même passage de l’Évangile nous fait connaître et ce qui en lui venait de Dieu et ce qui venait de son propre fonds. Tout y est ; lis, tu n’as pas besoin de mes explications. Je rappelle le texte sacré. « Vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant », dit Pierre. « Tu es heureux, Simon, fils de Jonas », reprend le Seigneur. Pourquoi ? Est-ce de toi que te vient ce bonheur ? Nullement. « C’est parce que ni la chair ni le sang ne t’ont révélé cela » ; car tu es chair et sang ; « mais mon Père qui est dans les cieux ». Et le Sauveur ajoute beaucoup d’autres choses qu’il serait trop long de rapporter. Un peu après cependant, après ces éloges donnés à la foi de Pierre qu’il a montrée comme une pierre mystérieuse, le Seigneur commença à apprendre à ses disciples qu’il lui fallait aller à Jérusalem, y souffrir beaucoup, y être réprouvé par les anciens, par les scribes, par les prêtres, être mis à mort et ressusciter le troisième jour. Inspiré alors par lui-même, Pierre trembla, l’idée de la mort du Christ lui fit horreur ; pauvre malade qui reculait devant le remède : « Non, non, Seigneur, s’écria-t-il, ayez pitié de vous-même et que cela ne vous arrive point ». Oublies-tu donc : « J’ai le pouvoir de donner ma vie, et j’ai le pouvoir de la reprendre at ? » Oublies-tu cela, Pierre ? Oublies-tu encore : « Nul n’a un amour plus grand que de donner sa vie pour ses amis au ? » Tu n’y penses pas. Cet oubli venait de lui-même ; sa peur, l’horreur qu’il éprouvait, la frayeur de la mort, tout cela venait de Pierre ou plutôt de Simon et non pas de Pierre. Aussi : « Arrière, Satan, dit alors le Seigneur. – Tu es bienheureux, Simon, fils de Jonas. « Arrière, Satan. – Tu es bienheureux, Simon, fils de Jonas » : voilà qui vient de Dieu. « Arrière, Satan » ; d’où cela vient-il ? Rappelez-vous d’où vient son bonheur. Je l’ai déjà dit, « c’est que tu n’as été instruit ni par la chair ni par le sang, mais par mon Père qui est aux cieux ». Pourquoi est-il Satan ? apprenons-le du Seigneur même : « C’est que tu ne goûtes pas ce qui est de Dieu, mais ce qui est des hommes, lui dit-il ». 15. Espérez donc au Seigneur, et à la vraie foi joignez les bonnes œuvres. Confessez l’incarnation du Christ par la pureté de votre croyance et par la sainteté de votre vie ; si vous avez reçu de lui cette double grâce, attachez-vous-y, et espérez-en par lui l’accroissement et la consommation. Maudit soit, est-il écrit en effet, quiconque met sa confiance dans l’homme ; et pour celui qui se glorifie il est bon de se glorifier dans le Seigneur av. Tournons-nous avec un cœur pur, etc.
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