‏ Leviticus 17:10-12

LVII. (Ib 17, 10, etc.) Sur la vie du corps et de l’âme. – Quel est le sens de ces paroles de Dieu ; à propos de la défense de manger du sang « L’âme de toute chair, c’est son sang ? » Voici tout le développement de ce passage : « Si un, quel qu’il soit, des enfants d’Israël, ou des prosélytes qui se sont mêlés parmi vous, mange du sang, j’affermirai ma face contre l’âme qui mange du sang, et je la perdrai du milieu de son peuple. Car l’âme de toute chair, c’est son sang. Et je vous l’ai donné, afin qu’il prie pour vos âmes : car son sang priera pour l’âme. C’est pourquoi j’ai dit aux enfants d’Israël : Nulle âme d’entre vous ne mangera non plus de sang a. » Si nous disons du sang de la bête que c’est son âme, faut-il en conclure que le sang est aussi l’âme de l’homme ? À Dieu ne plaise ! Comment donc ne lisons-nous pas dans l’Écriture : L’âme de toute chair de bête; mais : « L’âme de toute chair, c’est son sang ? » Qui dit toute chair en général, dit en même temps la chair de l’homme. Est-ce parce qu’il y a quelque chose de vital dans le sang, parce qu’il est le principal soutien de cette vie charnelle, en se répandant par toutes les veines dans le corps tout entier, qu’on donne le nom d’âme, non à la vie qui continue en se séparant du corps, mais à cette vie corporelle qui finit à la mort ? En nous servant du même nom, nous disons de cette vie, qu’elle est temporelle, et non éternelle ; mortelle, au lieu d’être immortelle ; tandis que l’immortalité est l’essence de l’âme, portée par les Anges dans le sein d’Abraham b ; de l’âme à qui il fut dit : « Tu seras aujourd’hui avec moi dans « le paradis c; » de l’âme enfin, qui brûlait au milieu des tourments de l’enfer d. C’est donc en prenant l’âme dans le sens de cette vie temporelle, que Paul disait : « Je n’estime pas mon âme plus précieuse que moi e », voulant montrer par là qu’il était prêt à donner sa vie pour l’Évangile. Car l’âme, entendue dans l’autre sens, celle qui se sépare du corps, il l’estimait la plus précieuse, et c’est pour elle qu’il acquérait de si grands mérites. On trouve encore d’autres locutions semblables. Cette vie temporelle du corps a donc son principal siège dans le sang. Mais que signifient ces mots : « Je vous l’ai donné à l’autel de Dieu, afin qu’il prie pour votre âme f », comme si l’âme pouvait prier pour l’âme ? Est-ce que le sang prie pouf le sang, et serions-nous en souci pour notre sang, lorsque nous voulons qu’on prie pour notre âme ? Ce serait absurde.

2. Mais ce qui serait plus absurde encore, ce.seraitd'imaginer que le sang d’un animal pût intercéder en faveur de l’âme de l’homme, qui est immortelle : surtout, lorsque l’Écriture déclare, dans l’Épître aux Hébreux, que le sang des anciennes victimes n’a servi de rien pour apaiser Dieu irrité par les péchés des hommes ; mais qu’il était le symbole de la grâce. « Il est impossible en effet, dit-elle, que le sang des taureaux et de boucs ôte les péchés g. » Une seule explication est donc admissible : comme le Médiateur, figuré à l’avance par tous ces sacrifices qu’on offrait pour les péchés, interpose sa prière en faveur de notre âme, ce nom d’âme a été donné à ce qui en est la figure.

3. Or, c’est l’usage qu’une chose qui en signifie une autre, prenne le nom de la chose signifiée ; c’est ainsi que nous lisons : « Les sept épis sont sept années h ; » au lieu de : signifient sept années ; et encore : « Les sept bœufs sont sept années : » il existe beaucoup d’exemples semblables. De là cette parole:« La pierre était le Christ i. » L’Apôtre ne dit pas : La pierre signifie le Christ ; mais il s’exprime comme si elle l’était en effet, quoique assurément elle ne le fût qu’en figure et non en réalité. Ainsi le sang s’appelle-t-il âme dans le langage symbolique, parce que cette sorte de vie qu’il communique au corps, lui donne de l’analogie avec l’âme. Cependant, si quelqu’un s’imagine que l’âme d’une bête est dans son sang, nous n’avons pas à nous embarrasser de cette question. Seulement il faut bien se garder de croire que l’âme humaine, qui soutient la vie de la chair et possède le don de la raison, ne soit que du sang cette erreur doit être combattue par tous les moyens. Cherchons encore des manières de parler, où le contenant signifie le contenu, afin de faire voir que, si l’âme est retenue dans le corps par le sang, car elle se retire quand il est répandu, c’est avec beaucoup de raison que l’âme est signifie par le sang, et que le sang prend le nom de l’âme. C’est ainsi qu’on nomme Église le lieu où l’Église se rassemble. Or, l’Église, ce sont les hommes dont il est parlé dans ce passage : « Afin de se donner à lui-même une Église pleine de gloire j. » Le même Apôtre cependant nous atteste que ce nom désigne encore la maison de prière : « N’avez-vous pas, dit-il, des maisons pour manger et pour boire ? ou méprisez-vous l’Église de Dieu k ? » L’usage n’a-t-il pas encore prévalu de dire qu’on se rend à l’Église ou qu’on s’y réfugie, pour signifier le lieu et les murs mêmes qui contiennent l’assemblée des fidèles ? Il est encore écrit« Celui qui prive le mercenaire de sa récompense, répand le sang l. » Aux termes de l’Écriture la récompense c’est le sang, parce que c’est elle qui alimente la vie, autrement dit, le sang.

4. Le Seigneur dit : « Si vous ne mangez ma chair, et si vous ne buvez mon sang, vous n’aurez point là vie en vous m ; » pourquoi donc la défense faite au peuple d’user du sang des sacrifices offerts pour les péchés, si tous ces sacrifices étaient la figure du sacrifice unique, source véritable du pardon des péchés ? Certainement nul n’est empêché de prendre en aliment le sang de ce sacrifice ; tous ceux qui, au contraire, veulent avoir la vie sont conviés à le boire. Il faut donc rechercher pour quel motif il est rigoureusement défendu à l’homme, sous la Loi, de manger du sang, tandis qu’il lui est prescrit de le répandre en l’honneur de Dieu. Quant aux raisons pour lesquelles le sang est mis pour l’âme, il me semble que nous venons de les développer suffisamment.

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