‏ Luke 1:1-4

SIXIÈME SERMON. L’INCARNATION.

ANALYSE. —1. Prophétie d’Isaïe. —2. Jésus-Christ de la famille de David. —3. Naissance immaculée de Jésus-Christ — 4. Jésus-Christ Fils de Dieu. —5. Réfutation des hérétiques qui nient la divinité de Jésus-Christ. —6. Même sujet.

1. Mes frères, que votre charité écoute en quels termes le prophète Isaïe a annoncé Notre-Seigneur Jésus-Christ. « Voici », dit-il, « qu’une vierge concevra dans son sein et enfantera un Fils a » ; « et vous l’appellerez Jésus, car il sauvera lui-même son peuple de leurs péchés b ».

2. « Joseph, fils de David c ». Vous voyez, mes frères, la race tout entière désignée dans une seule personne ; vous voyez dans un seul nom toute une généalogie. Vous voyez dans Joseph la famille de David. « Joseph, fils de David » ; Joseph était sorti de la vingt-huitième génération, et il est appelé fils de David, pour mieux nous découvrir le mystère de sa naissance, et nous prouver l’accomplissement de la promesse ; ne s’agit-il pas d’une conception surnaturelle et d’un enfantement céleste dans une chair restée parfaitement vierge ? « Joseph, fils de David » ; voici en quels termes David avait reçu la promesse de Dieu le Père : « Le Seigneur a juré la vérité à David, et il ne le trompera pas : je placerai sur mon trône le fruit de tes entrailles d ». David chante ainsi ce grand événement : « Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Asseyez-vous à ma droite e ». « Le fruit de vos entrailles » ; c’est bien le fruit de ses entrailles, le fruit de son sein ; car le divin Hôte, le Dieu du ciel, en venant faire séjour dans son sein, n’a pas connu les barrières du corps ; il est sorti du sein de Marie sans ouvrir la porte virginale. Et c’est ainsi que s’est accomplie cette parole du Cantique des Cantiques:« Mon Épouse, jardin fermé, source scellée f ».

3. « Joseph, fils de David, gardez-vous de craindre ». L’époux est prévenu de ne pas craindre au sujet de son épouse, car tout esprit vraiment pieux s’effraie d’autant plus qu’il compatit davantage. « Joseph, fils de David, gardez-vous de craindre » ; vous qui êtes assuré de votre conscience, ne succombez pas sous le poids des pensées que provoque ce mystère. « Fils de David, gardez-vous de craindre ». Ce que vous voyez est une vertu, et non pas un crime ; ce n’est point une chute humaine, mais un abaissement divin ; c’est une récompense, et non pas une culpabilité. C’est un accroissement du ciel, et non pas un détriment du corps. Ce n’est point la perte d’une personne, mais le secret du Juge. Ce n’est point le châtiment d’une faute, mais la palme de la victoire. Ce n’est point la honte de l’homme, mais le trésor de Jésus-Christ. Ce n’est point la cause de la mort, mais de la vie. Voilà pourquoi : « Gardez-vous de craindre », car celle qui porte un tel Fils ne mérite point la mort. « Joseph, fils de David, ne craignez pas de recevoir Marie pour votre épouse ». La loi divine elle-même donne à la compagne de l’homme le titre d’épouse. De même donc que Marie est devenue mère sans éprouver aucune atteinte à sa virginité, de même elle porte le nom d’épouse en conservant sa pudeur virginale.

4. « Joseph, fils de David, ne craignez pas de recevoir Marie pour votre épouse ; car l’enfant qui naîtra d’elle est le fruit du Saint-Esprit ». Qu’ils viennent et entendent, ceux qui demandent quel est cet enfant qui est né de Marie : « Ce qui est né en elle vient du Saint-Esprit ». Qu’ils viennent et entendent, ceux qui, profitant de l’obscurité du grec pour troubler la pureté latine, ont multiplié les blasphèmes dans le but de faire disparaître ces expressions : Mère de l’homme, Mère du Christ, Mère de Dieu. « Ce qui est né en elle vient du Saint-Esprit ». Et ce qui est né du Saint-Esprit est esprit, parce que « Dieu est esprit ». Pourquoi donc demander ce qui est né du Saint-Esprit ? Il est Dieu, et parce qu’il est Dieu il nous répond avec saint Jean : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu ; et le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire g ». Jean a vu sa gloire ; vous, infidèle, mesurez l’injure : « Ce qui est né en elle vient du Saint-Esprit. Et nous avons vu sa gloire ». De qui ? « De Celui qui est né du Saint-Esprit » ; du « Verbe qui s’est fait chair et qui a habité parmi nous. Ce qui est né en elle vient du Saint-Esprit ». Une Vierge a conçu, mais par l’action du Saint-Esprit ; une Vierge a enfanté, mais enfanté Celui que prophétisait Isaïe en ces termes : « Voici qu’une Vierge concevra et enfantera un fils, et il sera appelé Emmanuel, c’est-à-dire Dieu avec nous ». Il sera homme avec eux, mais : « Maudit soit l’homme qui place son espérance dans l’homme h ».

5. Qu’ils écoutent, ceux qui demandent quel est celui qui est né de Marie. « Elle enfantera un fils », dit l’Ange, « et ils l’appelleront Jésus ». Pourquoi Jésus ? L’Apôtre répond : « Afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse au ciel, sur la terre et dans les enfers i ». Et vous, disciple trompeur, vous demandez ce qu’est Jésus ? « Que toute langue confesse que le Seigneur Jésus est dans la gloire de Dieu son Père j », et vous osez encore demander hautement ce qu’est Jésus !

6. Écoutez de nouveau ce qu’est Jésus « Elle enfantera un fils, et il sera appelé Jésus. Car il sauvera son peuple de leurs péchés ». Ce n’est pas le peuple d’un autre qu’il doit sauver. De quoi le sauvera-t-il ? de leurs péchés. Que Dieu seul puisse remettre les péchés ; si vous n’en croyez pas les chrétiens, croyez du moins à la parole des Juifs : « Vous n’êtes qu’un homme, et vous vous faites Dieu k ». « Personne ne peut remettre les péchés, si ce n’est Dieu seul l ». Les Juifs refusaient de croire à la divinité de Jésus, puisqu’ils ne lui croyaient pas le pouvoir de remettre les péchés ; vous, au contraire, vous croyez qu’il remet les péchés et vous hésitez à le proclamer Dieu. « Le Verbe s’est fait chair », afin que l’homme-chair pût s’élever jusqu’à la gloire de Dieu, et non pas afin que Dieu fût changé en chair, selon cette parole de l’Apôtre : « Celui qui s’unit à Dieu est un seul esprit avec lui m » ; de même, quand Dieu s’unit à l’homme, il est un seul Dieu. Les lois humaines établissent la prescription de trente ans pour éteindre tous les procès ; et voilà déjà près de cinq cents ans que Jésus-Christ soutient la cause de sa naissance. Son origine lui est disputée, sa nature est sans cesse remise en question. Hérétiques, cessez de juger notre Juge, et adorez dans le ciel notre. Dieu que le Mage a proclamé Dieu sur la terre. C’est à lui qu’appartiennent l’honneur et la gloire, la louange et l’empire dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

CHAPITRE VIII. L’ÉVANGILE DE SAINT LUC ET LES ACTES.

9. Occupons-nous maintenant de l’Évangile de saint Luc, du moins quant aux passages qui ne lui sont pas communs avec saint Matthieu et saint Marc ; car les autres ont déjà été étudiés précédemment. Saint Luc commence ainsi son récit : « Plusieurs ont déjà entrepris d’écrire l’histoire des événements qui ont été accomplis parmi nous, suivant le rapport que nous r en ont fait ceux qui, dès le commencement, « les ont vus de leurs propres yeux, et qui ont été les ministres de la parole. J’ai donc cru à mon tour, très-excellent Théophile, qu’après avoir été exactement informé de toutes ces choses depuis le commencement, je devais en représenter par écrit toute la suite, afin que tu reconnaisses la vérité de ce qui a été annoncé n. » Ce début ne fait pas, à `proprement parler, partie de l’Évangile. Cependant il suffit pour nous faire conclure que c’est ce même saint Luc qui a écrit un autre livre sacré, les Actes des Apôtres. Cette conclusion toutefois ne découle pas uniquement de ce que nous y trouvons écrit le même nom de Théophile ; car il aurait pu se faire qu’il y eût un autre Théophile, ou que s’il est le même dans les deux ouvrages : il les eût reçus de deux auteurs différents ; la principale raison vient du début même du livre des Actes : « J’ai écrit, ô Théophile, ce que Jésus a fait et enseigné jusqu’au jour où il ordonna aux Apôtres qu’il avait choisis par le Saint-Esprit, de prêcher l’Évangile o. » Ces paroles prouvent évidemment que saint Luc avait déjà écrit un des quatre Évangiles dont l’autorité est si haute aux yeux de l’Église. Si cet auteur dit ensuite qu’il a parlé de tout ce que Jésus a fait et enseigné jusqu’à ce jour où il a chargé les Apôtres de prêcher l’Évangile, assurément il ne veut pas nous faire croire qu’il a rapporté absolument toutes les actions et toutes les paroles du Sauveur, car ce serait démentir saint Jean. Celui-ci affirme, en effet, que si tout ce qu’a fait et dit le Seigneur était écrit dans des livres ces livres rempliraient le monde tout entier p. D’ailleurs nous trouvons dans les autres évangélistes des détails que saint Luc a passés sous silence. Il a donc parlé de tout, c’est-à-dire qu’il a choisi dans toutes ces actions et toutes ces paroles ce qui lui a paru convenable et suffisant pour remplir le ministère qui lui était confié. Il ajoute que « plusieurs ont entrepris d’écrire l’histoire des événements qui se sont accomplis parmi nous ; » par là, il fait allusion à ceux qui ayant commencé ce travail, n’ont pu le mener à terme ; il dit encore : « J’ai cru à mon tour écrire avec soin, parce, que plusieurs ont essayé ; etc », ces derniers sont ceux qui ne jouissent dans l’Église d’aucune autorité, parce qu’ils n’ont pu atteindre le but qu’ils avaient en vue. D’un autre côté saint Luc ne s’est pas contenté de conduire sa narration jusqu’à la résurrection et l’ascension du Sauveur, ce qui pourtant lui aurait déjà mérité de prendre place parmi les Évangélistes ; il a encore raconté les Actes des Apôtres, ou au moins parmi ces actes, ce qu’il a cru devoir suffire pour affermir la foi des lecteurs ou des auditeurs ; et maintenant son travail est le seul qui fasse autorité dans l’Église en ce qui concerne les Actes des Apôtres ; on a rejeté comme ne méritant aucune confiance tous les autres récits que l’on a osé entreprendre sur le même sujet. Enfin quand saint Marc et saint Luc ont écrit, leurs travaux ont pu être contrôlés, non-seulement par l’Église de Jésus-Christ, mais aussi par les Apôtres, puisque c’est de leur vivant que ces deux évangélistes ont composé leurs récits.

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