Luke 10:38-42
SERMON CIII. MARTHE ET MARIE OU L’UNIQUE NÉCESSAIRE a. ANALYSE. – Marthe avait le bonheur de nourrir le Fils de Dieu ; Marie avait un bonheur plus grand, celui d’être nourrie par lai et de demeurer attachée à cette unité divine au sein de laquelle nous devons demeurer éternellement. Si donc il est bon d’exercer la charité avec Marthe, il est meilleur encore d’écouter Jésus-Christ avec Marie ; mais n’oublions pas que les bonnes œuvres de Marthe conduisent au bonheur éternel figuré par celui de sa sœur.
1. Les paroles de Jésus-Christ Notre-Seigneur qu’on vient de nous lire dans l’Évangile, nous rappellent qu’il y a une mystérieuse unité vers laquelle nous devons tendre, pendant que nous nous fatiguons au sein de la multiplicité que présente ce siècle. Or nous y tendons en marchant et avant, de nous reposer, pendant que nous sommes sur la voie, et pas encore dans la patrie, à l’époque des désirs et non au jour des jouissances. Tendons-y toutefois, mais tendons-y sans lâcheté et sans interruption, de manière à pouvoir y arriver enfin. 2. Marthe et Marie étaient deux sœurs ; aussi unies par la religion qu’elles l’étaient par le sang, toutes deux s’attachèrent au Seigneur et elles s’accordèrent toutes deux à le servir pendant qu’il était ici dans sa vie mortelle. Marthe le reçut comme on reçoit un hôte, et pourtant c’était une servante qui recevait son Maître, une malade qui accueillait son Sauveur, une créature qui traitait son Créateur ; elle le recevait pour nourrir son corps, mais aussi pour être nourrie elle-même dans son âme. Quand en effet le Seigneur daigna prendre une nature d’esclave et laisser nourrir cette nature par ses serviteurs, c’était par condescendance et non par nécessité ; oui c’était condescendance de permettre qu’on le traitât. Sans doute il avait une chair sujette à la faim et à la soif ; mais ignorez-vous que quand il eut faim au désert les anges vinrent le servir b ? En acceptant ce qu’on lui donnait, il faisait donc une grâce. Pourquoi s’en étonner, puisque pour donner à une veuve, il se servit du saint prophète Élie ? Il nourrissait d’abord ce prophète par le ministère d’un corbeau c. Ne pouvait-il plus employer ce moyen quand il l’envoya vers la veuve ? Assurément, il pouvait l’employer encore lorsqu’il l’envoya vers elle ; mais il voulait que le service rendu à son serviteur fût pour cette pieuse veuve une source de bénédictions. Ainsi en était-il du Sauveur lorsqu’il recevait l’hospitalité. Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu ; mais à tous ceux qui l’on reçut il a donné le pouvoir de devenir les enfants de Dieu d ; les adoptant dans leur esclavage pour en faire ses frères ; les rachetant de leur captivité, pour en faire ses cohéritiers. Que nul toutefois ne vienne à dire parmi vous : Heureux ceux qui ont mérité d’accueillir le Christ dans leur propre demeure ! Ne te plains pas, ne murmure pas d’être né au temps où on ne voit plus le Sauveur dans son corps car il n’a pas laissé d’être condescendant pour toi. « Ce que vous avez fait à l’un de ces derniers d’entre mes frères, dit-il, c’est à moi que vous l’avez fait e. » 3. Assez sur la nourriture corporelle à donner au Seigneur. Disons quelques mots seulement, le temps n’en permet pas davantage, de la nourriture que lui-même donne à l’âme ; abordons le sujet que j’ai annoncé, l’unité. Pour préparer un repas au Sauveur, Marthe s’occupait de soins nombreux ; Marie sa sœur aima mieux être nourrie par lui ; elle laissa donc Marthe aux occupations multipliées du service, et pour elle, elle s’assit aux pieds du Seigneur et écoutait tranquillement sa parole. Docile et fidèle, elle avait entendu ces mots : « Cessez et voyez que je suis le Seigneur f. » Ainsi l’une des deux sœurs s’agitait, et l’autre était à table l’une préparait beaucoup et l’autre n’envisageait qu’une chose. Ces deux fonctions étaient bonnes ; mais avons-nous besoin de dire quelle était, la meilleure ? Nous avons ici, quelqu’un à interroger ; écoutons patiemment. Déjà, pendant la lecture de l’Évangile, nous avons appris quelle fonction était préférable ; je vais le redire, entendons-le de nouveau. Marthe en appelle à son hôte, elle dépose aux pieds du Juge sa pieuse requête, elle se plaint que sa sœur l’ait laissée et ne pense pas à l’aider dans ce service qui la fatigue. Marie ne répond pas, cependant elle est là, et le Seigneur prononce. On dirait que dans le repos dont elle jouit, elle aime mieux confier sa défense à son juge, et ne veut pas travailler à préparer une réponse. Ne faudrait-il pas, pour la préparer, qu’elle relâchât de son attention ? Le Seigneur n’avait pas besoin de travailler ses discours, puisqu’il était le Verbe éternel ; il répondit donc. Et que dit-il ? « Marthe, Marthe. » Cette répétition est-elle un témoignage d’affection ou seulement un moyen d’exciter l’attention ? Quoiqu’il en soit, l’attention de Marthe fut excitée plus vivement par cette répétition. « Marthe, Marthe », écoute : « tu t’appliques à des soins nombreux, mais il n’y a qu’un besoin », c’est-à-dire qu’une seule chose nécessaire. Il n’entend pas qu’il ne faille absolument qu’une action, mais qu’il n’y a qu’une seule chose utile, avantageuse, nécessaire ; c’est celle dont Marie a fait choix. 4. Songez à l’unité, mes frères, et voyez si dans la multiplicité même rien vous plait comme elle. Par la grâce de Dieu je vous vois ici en grand nombre : qui pourrait vous y souffrir si vous n’étiez unis de sentiments ? D’où vient ce calme dans une telle multitude ? Avec l’unité, c’est un peuple, et sans elle, une foule. Qu’est-ce en effet qu’une foule, sinon une multitude en désordre ? Mais écoutez l’Apôtre : « Je vous conjure, mes frères ; » il s’adressait à une multitude, mais à une multitude où il voulait rétablir l’unité ; « Je vous conjure, mes frères, de n’avoir tous qu’un même langage et de ne pas souffrir de schismes parmi vous ; mais d’être tous affermis dans le même esprit et dans les mêmes sentiments g. » Ailleurs encore il engage « à vivre dans l’union des cœurs, dans les mêmes pensées, à ne rien faire par esprit de contention ni par vaine gloire h. » Le Seigneur ne disait-il pas à son Père, en parlant des fidèles« Qu’ils soient un, comme nous sommes un nous-mêmes i ? et n’est-il pas écrit aux Actes des Apôtres : « Or, la multitude des croyants n’avait qu’une âme et qu’un cœur j ? » Ainsi donc bénissez le Seigneur avec moi et glorifions son nom pour arriver à l’unité k ; à cette unité nécessaire, à cette unité sublime où sont si intimement unis le Père, le Fils et l’Esprit-Saint. Vous voyez comme tout nous recommande l’unité. Oui, notre Dieu est Trinité ; le Père n’est pas le Fils, le Fils n’est pas le Père, et l’Esprit-Saint n’est ni Père ni le Fils, mais l’Esprit de l’un et de l’autre ; ces trois néanmoins ne sont ni trois Dieux ni trois tout-puissants, mais un seul Dieu tout-puissant, et la Trinité n’est qu’un Dieu. C’est l’unité nécessaire ; mais pour y arriver il faut que tous nos cœurs soient unis. 5. Il est bonde rendre service aux pauvres, surtout aux pauvres consacrés à Dieu ; c’est un devoir, ce sont des fonctions pieuses. C’est plutôt le paiement d’une dette qu’une grâce véritable, car, dit l’Apôtre : « Si nous avons semé en vous des biens spirituels, est-il étonnant que nous recueillions de vos biens temporels l ? » Oui, il est bon de rendre ces services, nous vous y exhortons, nous vous y engageons sur l’autorité de la parole de Dieu ; ne néglige donc pas d’accueillir les saints. N’est-il pas arrivé qu’en recevant des inconnus, on a, sans le savoir, reçu des Anges mêmes m ? Ces services sont bons. Mieux vaut cependant le choix fait par Marie. Ces devoirs de charité entraînent à des occupations nécessaires : la contemplation de Marie produit des douceurs pleines de charité. En servant l’un, on voudrait aller au-devant de l’autre, et parfois on ne le peut ; on cherche ce qu’on n’a pas, on prépare ce qu’on a, l’esprit est partagé. Si Marthe suffisait à tout, elle ne réclamerait pas l’aide de sa sœur. Ces actes sont donc multiples et différents, précisément parce qu’ils sont corporels et temporels ; ils sont bons mais ils passent. Que dit au contraire le Seigneur à Marthe ? « Marie a choisi la meilleure part. » La tienne n’est pas mauvaise, mais la sienne est meilleure. Pourquoi meilleure ? Parce qu’ « elle ne lui sera point ôtée. » On t’ôtera un jour ce fardeau imposé par les besoins d’autrui : les délices de la vérité sont éternelles. On ne lui ôtera donc pas le choix qu’elle a fait ; on ne le lui ôte pas, mais on y ajoute ; on y ajoute dans cette vie, dans l’autre on y mettra le comble, et jamais elle n’en sera séparée. 6. Je le dirai toutefois pour ta consolation, Marthe : ton ministère attire sur toi de divines bénédictions, ce travail te conduit à une récompense qui sera le repos. Que de soins aujourd’hui t’occupent pour donner l’hospitalité à des saints, qui n’en sont pas moins des mortels ? Mais une fois parvenue à cette heureuse patrie, y rencontreras-tu encore des étrangers à accueillir, des affamés à nourrir, des altérés à rafraîchir des malades à visiter des cœurs divisés à réconcilier, des morts à ensevelir ? Il n’y aura rien de tout cela. Et qu’y aura-t-il ? Ce dont Marie a fait choix : là en effet nous mangerons sans avoir à donner à manger. Aussi le bonheur que Marie a pris ici pour son partage, sera-t-il alors plein et parfait. Ici en effet elle ne faisait que recueillir des miettes tombées d’une table opulente, les miettes de la parole de Dieu. Mais là, qu’y aura-t-il ? Voulez-vous le savoir ? Le Seigneur lui-même nous parle ainsi de ce qu’il fera pour ses serviteurs : « En vérité je vagis le déclare, il les fera mettre à table, et passera et les servira n. » Qu’est-ce qu’être à table, sinon être tranquille ? Qu’est-ce qu’être à table, sinon être en repos ? Que signifie : « Il passera et les servira ? » Cela signifie qu’il passe d’abord et qu’ensuite il sert. Où sert-il ? À ce banquet céleste dont il parle en ces termes : « En vérité je vous le déclare, beaucoup viendront de l’Orient et de l’Occident et se mettront à table avec Abraham, Isaac et Jacob dans le royaume des cieux o. » C’est là que le Seigneur sert à table ; mais pour y arriver il faut qu’il y aille, qu’il y passe d’ici. Ne savez-vous pas que Pâque signifie passage ? Le Seigneur est venu parmi nous, il y a fait des œuvres divines et enduré des souffrances humaines. Mais le voit conspué encore, encore souffleté, encore couronné d’épines, encore flagellé, encore crucifié, percé encore d’une lance ? Il a passé. Et voici ce que dit de lui l’Évangile quand il fit la Pâque avec ses disciples. Que dit-il donc ? « L’heure étant venue pour Jésus de passer de ce monde à son Père p. » C’est ainsi qu’il a passé pour notas servir ; pour être servis suivons-le.SERMON CIV. MARTHE ET MARIE OU LES DEUX VIES q.
ANALYSE. – Marthe en ayant appelé à l’autorité de Jésus-Christ pour obtenir d’être aidée par sa sœur Marie, Jésus-Christ donne droit à Marie. Ne s’ensuit-il pas que nous devons tous abandonner les fonctions de Marthe ou l’exercice de la charité envers le prochain ? Gardons-nous-en avec soin. Si la part de Marie est préférée à celle de Marthe, c’est que Marie s’occupe de Dieu et Marthe de la créature. L’une fait ce qu’on fera éternellement au ciel, et l’autre ce qu’on ne saurait faire que sur la terre. L’une est ainsi le symbole de la vie future, et l’autre l’image de la vie présente. Servons-nous de l’une pour aller à l’autre ; et n’oublions pas que fidèles l’une et l’autre à leur vacation, Marthe et Marie sont saintes toutes deux et toutes deux attachées au Seigneur. 1. Nous avons vu, pendant la lecture du saint Évangile, une femme pieuse, nommée Marthe, recevoir le Seigneur et lui donner l’hospitalité. Comme elle était occupée des soins du service, sa sœur Marie se tenait assise aux pieds du Sauveur et entendait sa parole. L’une travaillait, l’autre demeurait en repos ; l’une donnait, l’autre recevait. Très-occupée cependant des soins et des préparatifs du service, Marthe en appela au Seigneur, et se plaignit que Marie ne l’aidât point dans son travail. Le Seigneur répondit à Marthe, mais ce fut en faveur de Marie et il devint son avocat après avoir été prié d’être son juge. « Marthe, dit-il, tu t’occupes de beaucoup de choses, quand il n’y en a qu’une de nécessaire. Marie a choisi la meilleure part, et elle ne lui sera pas ôtée. » Voilà donc, après l’appel de la plaignante, la sentence du Juge. Cette sentence sert à la fois de réponse à Marthe et de défense à Marie. Marie en effet s’appliquait à goûter la douceur de la divine parole ; et pendant que Marthe cherchait à traiter le Seigneur, Marie était heureuse d’être nourrie par lui. Marthe préparait un festin au Seigneur, et Marie jouissait des délices de son divin banquet. Mais pendant que celle-ci recueillait d’une manière si suave sa douce parole, pendant qu’elle se nourrissait si avidement à sa table, quelle ne fut pas sa crainte lorsque sa sœur en appela au Seigneur ? Ne tremblait-elle pas que le Sauveur ne lui dit : Lève-toi et aide ta sœur ? Elle goûtait en effet de merveilleuses délices, car les délices de l’âme l’emportent sur celles des sens. Enfin on l’excuse et elle se trouve plus tranquille. Mais comment Jésus l’excuse-t-il ? Soyons attentifs, examinons ; approfondissons autant que nous en sommes capables ; c’est pour nous aussi le moyen de nourrir notre âme. 2. Comment donc Marie fut-elle justifiée ? Nous imaginerons-nous que le Seigneur blâma les fonctions de Marthe, de Marthe appliquée aux devoirs de l’hospitalité et heureuse hôtesse du Seigneur lui-même ? Mais comment la blâmer de la joie que lui inspirait un tel hôte ? S’il en était ainsi, ne devrait-on pas renoncer au service des pauvres, choisir la meilleure part, la part qui ne sera point ôtée, s’appliquer à la méditation, soupirer après les délices de l’instruction, ne s’occuper que de la science du salut, sans se demander s’il y a quelque étranger à recueillir, quelque pauvre qui manque de pain ou de vêtements, quelque malade à visiter, quelque captif à racheter, quelque mort à ensevelir ? Ne faudrait-il pas enfin laisser là les œuvres de miséricorde et ne s’adonner qu’à la science sainte ? Si la part de Marie est la meilleure, pourquoi tout le monde n’en ferait-il pas choix ? N’aurions-nous pas pour défenseur le Seigneur lui-même ? Comment craindre de blesser ici sa justice, puisqu’il a rendu d’avance une sentence si favorable ? 3. Ce n’est pas cela néanmoins ; et le Seigneur a bien dit. La chose n’est pas comme tu l’entends, elle est comme tu dois l’entendre. Remarque bien : « Tu t’occupes de beaucoup de choses, quand il n’y en a qu’une de nécessaire. Marie a choisi la meilleure part. » La tienne n’est pas mauvaise, la sienne est meilleure. Pourquoi meilleure ? Parce que tu t’occupes de beaucoup de choses, et elle d’une seule. Or l’unité est au-dessus de la multiplicité, car l’unité n’a pas été produite par la multiplicité, mais la multiplicité par l’unité. La multiplicité a été créée et créée par un seul. Le ciel, la terre, la mer et tout ce qu’ils renferment, quelle foule d’objets ! Qui pourrait les énumérer, s’en figurer même la quantité ? Qui les a faits ? Dieu seul. Et voilà que tous sont très-bons r. Mais si toutes ces œuvres sont bonnes, combien meilleur encore Celui qui en est l’auteur ! Considérons à ce point de vue les occupations que suscite cette multitude d’êtres créés. Il est nécessaire de travailler à nourrir le corps. Pourquoi ? Parce que ce corps a faim, parce qu’il a soif. Il est nécessaire d’exercer la miséricorde envers les malheureux. Tu partages ton pain avec celui qui a faim. Pourquoi ? Parce que tu l’as rencontré souffrant de la faim. Suppose que personne n’endure plus la faim ; avec qui partager encore ? Qu’il n’y ait plus d’étranger ; à qui faire l’hospitalité ? Qu’il n’y ait plus de pauvre sans vêtements ; à qui en préparer ? Supprime la maladie ; qui visiter encore ? La captivité ; qui racheter ? Les querelles ; qui réconcilier ? La mort ; qui ensevelir ? Or, aucun de ces maux n’existera dans la vie future ; ni conséquemment aucun de ces services ; et Marthe avait raison de pourvoir aux besoins corporels, mais aux besoins corporels volontaires du Seigneur, de servir sa chair mortelle. Qui était dans cette chair mortelle ? « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu. » Voilà Celui qu’écoutait Marie. « Le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous s. » Voilà Celui que servait Marthe ; et c’est pourquoi « Marie a choisi la meilleure part, qui ne lui sera point ôtée : » elle a choisi ce qui subsiste éternellement ; cela « ne lui sera point ôté. » Elle a voulu ne s’occuper que de cela seul, et déjà elle goûtait combien il est bon de s’attacher à Dieu t. Assise aux pieds de notre Chef, plus elle s’humiliait, plus elle recevait de lui. L’eau cherche le fond des vallées et fuit les hauteurs de la colline. Ainsi donc le Seigneur ne blâma point ce qu’elle faisait ; il distingua les fonctions. « Tu t’occupes de beaucoup de choses ; or, il n’y en a qu’une de nécessaire », et Marie en a fait choix. Quand cesseront les travaux produits par la multiplicité, restera l’amour de l’unité ; c’est ainsi que son choix « ne lui sera point ôté. » Mais le tien, c’est la conséquence, conséquence sous-entendue ; mais le tien te sera ôté. Et toutefois il ne te sera ôté que pour ton avantage, que pour être remplacé par quelque chose de meilleur. À tes travaux en effet succédera le repos, et aux inquiétudes de la navigation la sécurité du port. 4. Ainsi vous le voyez, mes bien-aimés, et vous le comprenez, j’espère ; il y a ici quelque grand mystère, quelque grand mystère que je dois faire connaître et comprendre à ceux-mêmes d’entre vous qui ne l’entrevoient pas encore. Ces deux femmes qui furent l’une et l’autre agréables au Seigneur, aimables toutes deux et toutes deux fidèles, ces deux femmes figurent deux vies : la vie présente et la vie future, la vie du travail et la vie du repos, la vie de l’épreuve et la vie du bonheur, la vie du temps et la vie de l’éternité. Voilà les deux vies ; approfondissez davantage leurs caractères réciproques. Qu’y a-t-il donc, dans la vie du temps, non pas quand elle est vicieuse, injuste, criminelle, débauchée, impie ; mais laborieuse et pleine de soucis, en proie aux supplices de la crainte et aux inquiétudes des tentations ; innocente pourtant, comme il convenait que Marthe la menât ? Examinez-la autant que vous en êtes capables et approfondissez sa nature, plus que je ne le fais dans mon discours. Quant à la vie coupable, elle était étrangère à Marie, et si elle lui fut jamais connue, elle disparut à l’approche du Seigneur ; en sorte que dans cette heureuse demeure qui reçut le Sauveur, il n’y avait que les deux vies représentées par les deux sueurs, deux vies innocentes, deux vies louables ; l’une appliquée au travail, l’autre au repos, sans que ni l’une ni l’autre fût une vie de dérèglements ou d’oisiveté ; oui, deux vies innocentes, deux vies louables dont l’une était appliquée au travail et l’autre au repos ; sans que la première fût une vie de dérèglements, car l’activité doit y prendre garde ; et sans que la seconde fut une vie d’oisiveté, car le repos y est exposé. Ces deux vies étaient donc alors dans cette demeure, et avec elles la source même de la vie. Marthe était une image du présent ; Marie, de l’avenir. Nous sommes à ce que faisait Marthe, nous espérons ce que faisait Marie. Faisons bien l’un pour posséder l’autre pleinement. Qu’avons-nous en effet, combien avons-nous de ces biens à venir ? Combien en avons-nous pendant que nous sommes ici ? Il est vrai toutefois que nous en goûtons quelque chose, quand éloignés des affaires et des soins domestiques vous vous réunissez ici, et vous y tenez attentifs. Vous êtes en cela semblables à Marie. Il vous est même plus facile de l’imiter qu’à moi, puisque c’est moi qui donne. Mais ce que je puis vous donner vient du Christ, vous n’êtes nourris que de ce qui vient de lui, car il est notre commun aliment, et avec vous je puise en lui la vie. Notre vie aussi, mes frères, c’est que vous soyez fermes dans le Seigneur u ; en vous appuyant sur le Seigneur, et non sur nous. Car celui qui est quelque chose, ce n’est pas celui qui plante, ni celui qui arrose, mais Dieu qui donne l’accroissement v.
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