agDan 3, 91,92
ah3 Esdr 4, 38
alIsa 2, 25
apAp 3, 17
boMat 11, 28,29
bsPsa LXXXIV
ceMat 10, 21,25
dpIbid, 7
fo1Co 1, 90
Luke 2:41
SEPTIÈME SERMON. LA NAISSANCE DE JÉSUS-CHRIST. (PREMIER SERMON.)
ANALYSE. —1. Difficulté de parler sur un tel sujet. —2. Heureuse difficulté qui nous élève jusqu’à l’unité et la Trinité divine. —3. La Divinité une et trine. —4. La Trinité comparée à l’or. — 5. Un seul Dieu et non pas trois dieux. —6. Jésus-Christ, fils de Marie, pasteur et brebis. —7. La naissance de Jésus-Christ annoncée aux bergers. —8. L’incarnation appuyée sur des témoignages irrécusables. —9. Dieu a voulu naître, afin de pouvoir mourir et de nous sauver de l’enfer par sa mort. —10. Perpétuelle virginité de Marie. —11. Le sein de Marie en quelque sorte digne de Dieu. —12. Marie a conçu dans la virginité, et elle a enfanté par la vertu du Dieu tout-puissant. —13. Dieu n’a pu être souillé dans le sein de Marie. —14. Exemple d’Élie et des corbeaux. —15. Exemple tiré du soleil. —16. Pureté du sein de Marie. —17. Le lieu dans lequel Dieu apparut à Moïse a été par cela même sanctifié, combien plus le sein de Marie. —18. Le Fils de Dieu entre dans le sein de Marie comme dans une fournaise ardente. —19. Celui qui a fait germer la verge d’Aaron a pu naître d’une vierge. —20. Récit de ce fait. —21. Application à la maternité de Marie. —22. Comment l’incarnation a été immaculée. —23. Le fruit de la verge. —24. Paroles d’Isaïe : « Une Verge sortira de la souche de Jessé ». —25. Témoignages d’Ézéchiel, d’Isaïe et de David. —26. Celui qui a soustrait une côte au premier homme pour en former la première femme en dehors de toute concupiscence, a pu naître d’une vierge. —27. Les chrétiens doivent se réjouir de cette nativité miraculeuse. 1. Comment ne rougirais-je pas de parler, quand le saint dont on vient de lire le témoignage trouve plus à propos de se renfermer dans son silence ? Toutefois la honte ne saurait nous arrêter, car la foule pieuse ici réunie, les élans de sa dévotion, l’éclat que projette en ce jour la vérité et la foi, les honneurs avec lesquels vous célébrez la fête de la naissance du Seigneur, tout cela ne condamnerait-il pas une torpeur exagérée ? Notre devoir nous jette dans l’embarras ; la charité me presse de vous être agréable, la solennité me commande de porter la parole, votre sainteté provoque ma présence dans cette chaire. 2. Le devoir, ai-je dit, me jette dans l’embarras, et voyez ce que dit le Seigneur : « Si quelqu’un vous oblige à l’accompagner pendant mille pas, faites-en encore deux autres mille avec lui a ». J’obéis ; je ne puis résister à la parole du Seigneur, je m’incline devant ce jugement ; on me conduit à un mille, j’en offre trois. La Trinité sera l’objet de ma course. Dieu m’appelle à l’unité, je l’accompagne jusqu’à la Trinité. Une même intention dirige le maître et l’esclave, car il est nécessaire que celui qui me commande marche avec moi. « Si quelqu’un vous entraîne à mille pas, faites-en deux mille avec lui ». O bienheureuse contrainte, qui, loin de me faire injure, me conduit à la gloire ! Un et deux ; trois en un. Quatre chemins nous conduisent à la patrie, parce que les quatre Évangiles nous initient aux mystères de la Trinité. D’un nous allons à trois, et en courant les trois nous revenons à un. Mais nous ne finissons pas dans l’unité qui est trois. Dans cette voie que nous parcourons, je vois couler trois sources. À ces mots l’hérétique relève la tête ; on dirait qu’il a entendu ce qu’il désire, qu’il entende donc aussi ce qu’il ne veut pas. Je dis donc que je vois couler trois sources, mais il n’y a qu’un seul récipient qui se verse dans ses trois déversoirs, parce que la Trinité reflue dans l’unité ; voilà pourquoi, en buvant à une source, nous buvons aux trois. Toutefois que personne ne se contente d’une seule et qu’il use de toutes les trois afin qu’il aspire d’une manière plus parfaite le goût de l’unité. 3. Nous connaissons cette belle parole du Sauveur : « Allez, enseignez toutes les nations, et les baptisez au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit b ». Quel est donc le nom du Père ? Dieu. Quel est le nom du Fils ? Dieu. Quel est le nom du Saint-Esprit ? Dieu. Dieu un, car il n’a pas été dit aux noms, mais : « au nom », pour exclure la pluralité de nature. Un seul Dieu, Père et Fils et Saint-Esprit, selon ce témoignage de l’Apôtre : « Car le Seigneur notre Dieu est un seul Dieu. Il n’y a de médiateur qu’entre plusieurs personnes, mais Dieu est unique c ». Ce qui est individuel dans l’unité de nom, n’est l’objet d’aucune distinction dans l’égalité de la nature. Le Fils est engendré du Père ; le Saint-Esprit procède du Père ; le Fils et le Saint-Esprit sont dans le Père ; le Saint-Esprit et le Père sont dans le Fils ; il n’y a qu’une seule et même divinité, le Père et le Fils et le Saint-Esprit. Il n’y a aucune division dans l’unité, ni de distinction de nature dans la Trinité ; une personne n’est ni inférieure ni supérieure à l’autre ; la plénitude de la divinité dans toute sa perfection, son unité et son intégrité, appartient à chacune des trois personnes. Voilà que nous parcourons les trois mille, au-delà nous ne trouvons plus rien. 4. Toutefois, ne craignons pas de recourir à des comparaisons pour jeter plus de lumière sur notre foi, malgré la distance infinie qui sépare la créature du créateur. S’il répugnait à quelqu’un d’entendre parler de pluralité quand il s’agit de la divinité, je citerais l’or qui n’admet pas de pluralité dans le nom et qui cependant se divise en différentes espèces, du moins quant aux objets qui en sont formés ; ainsi l’on dit : un anneau d’or, un collier d’or, un bracelet d’or, et autres choses semblables formées de la même masse d’or. Et cependant la différence des noms ne change pas la nature de l’or, quels que soient les objets qui en sont formés. Un anneau, c’est de l’or ; un collier, c’est de l’or ; un bracelet, c’est de l’or. Prenez trois morceaux d’or ; tous sont de l’or, celui-ci est de l’or, chacun est de l’or, tout est de l’or ; abstenez-vous de toute pluralité, si vous le pouvez. L’or, sous quelque nom qu’on le désigne, est toujours de l’or ; quant aux objets qu’il forme, il reçoit différentes dénominations ; mais dans son genre il est toujours le même. Dans la Trinité, de quelque personne qu’il s’agisse, elle est Dieu. Vous nommez le Père, il est Dieu ; vous nommez le Fils, il est Dieu ; vous nommez le Saint-Esprit, il est Dieu. Il n’y a qu’un seul Dieu. La Divinité n’admet donc pas de nombre, parce que la Trinité n’admet aucune distinction quant à la nature. Comme elle n’admet pas de nombre, elle ne saurait non plus admettre d’accroissement. 5. Mais, dites-vous, ne peut-on pas dire les dieux, s’il y a trois personnes dans l’unité de nature ? Gardez-vous bien de vous arrêter à de telles apparences. Dès l’origine du monde, le démon s’est trahi sur ce point ; car, en voulant tromper les hommes il a osé pluraliser les dieux en disant : « Vous serez comme des dieux », au lieu de dire : Vous serez comme Dieu. Il préparait ainsi la voie aux idoles, lui qui avait été rejeté par l’unité divine. Enfin, soit qu’il ait tenu ce langage du Père et du Fils et du Saint-Esprit, ou bien des hommes eux-mêmes, sous prétexte qu’ils deviendraient des dieux, il a menti de toute manière, il est devenu le père du mensonge. Si nous admettons des dieux, quelle différence établir entre le chrétien et le gentil, lequel croit à la pluralité des dieux, s’en forge de grands et de petits et s’éloigne ainsi, par vanité et par erreur, du Dieu unique et véritable ? Si le chrétien embrasse une telle doctrine, en quoi le païen peut-il être condamné ? Qu’il affirme, qu’il soutienne deux ou trois dieux, celui qui, méprisant l’autorité de la règle de foi, n’admet pas l’unité de nature dans le Père, le Fils et le Saint-Esprit, et divise la Trinité essentiellement inséparable dans son unité. En séparant ainsi la Trinité, il s’efforce de tuer la vérité ; de même, en admettant de l’inégalité parmi les personnes, il introduit nécessairement la division dans la divinité elle-même ; que cette inégalité soit basée sur la durée ou sur le mérite, peu importe ; car la nature cesse d’être égale et par conséquent d’être une. Pour nous, chrétiens, comme nous l’avons dit, il n’y a qu’un seul Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit. L’égalité n’admet pas de degrés, l’unité rejette la diversité, et la divinité ne dégénère ni par le nom, ni par la nature. 6. Mais en me laissant entraîner par la grandeur du sujet, voici que je touche à des hauteurs redoutables. La fête de ce jour nous ramène à d’autres idées. Passons donc sous silence ce qu’il y a de mystérieux dans les sacrements, et traitons de ce qui regarde l’incarnation elle-même. En effet, mes frères, en ce jour les anges ont tressailli, les cieux ont frémi, les éléments du monde ont rebondi, et dans les limbes les victimes de la mort ont été saisies de joie à la pensée de leur délivrance. Qu’en ce jour aussi la joie rayonne sur le front du peuple chrétien ; car vient de naître dans la chair le Sauveur du monde, et le crime du premier homme a été effacé. Le Seigneur est né dans une chair véritable, et la nature a été vaincue dans cette naissance, parce qu’une vierge a conçu et enfanté sans porter aucune atteinte à sa virginité et parce qu’elle est devenue véritablement mère, tout en restant vierge. Le Seigneur est né en ce jour, le monde a été racheté et le démon a été vaincu. Contemplez ce prodige. L’agneau vient de naître, et le loup a été mis en fuite. L’agneau vient de naître, et il a été annoncé aux bergers tout à la fois comme bon pasteur et comme agneau ; comme pasteur, pour garder et pour nourrir le troupeau ; comme agneau, pour servir de victime. Désigné comme agneau, il nous est aussi présenté comme bélier et comme brebis. Il était ce bélier retenu par les cornes dans les épines, lorsque le bienheureux Isaac se préparait à sa propre immolation. Isaac fut arraché à la mort, mais Jésus fut attaché à la croix. Isaac, chargé de liens, fut étendu sur le bois du sacrifice ; Jésus-Christ percé de clous, fut suspendu à la croix, après avoir porté une couronne d’épines, lui qui avait eu une couronne tissée de pierres précieuses, couronne d’autant plus belle qu’elle avait été formée par son Père. Un bélier porte sur son front toute sa force ; toute notre force nous vient de la croix, dont le signe a été gravé sur notre front. Ce que la Judée faisait en figure en teignant de sang la porte de ses maisons, l’Église le fait sur notre front, nous apprenant ainsi que l’agneau innocent a été immolé pour nous. Bélier par la fermeté, agneau par l’innocence. Sans doute on remarque dans ces animaux la diversité des sexes ; toutefois leur communauté d’origine établit entre eux une sorte d’égalité. 7. Un Dieu nous est né aujourd’hui dans la chair, et les anges ont annoncé : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté d ». Gloire est rendue à Dieu par le triomphe, et aux hommes qui depuis longtemps étaient séparés de Dieu, le sacrement de la paix a été rendu, et le démon a subi une défaite éternelle. Écoutons l’Évangile : « Il y avait aux alentours des bergers qui passaient la nuit à la garde de leurs troupeaux. Un ange du Seigneur leur apparut, une lumière divine les environna et les bergers furent saisis de beaucoup de crainte. L’ange leur dit : Ne craignez point ; car voici que je vous annonce une grande joie pour vous et pour toute la terre ; c’est qu’il vous est né aujourd’hui un Sauveur, qui est le Christ Seigneur, dans la ville de David. Et voici le signe auquel vous le reconnaîtrez : vous trouverez un enfant enveloppé de : langes et placé dans une crèche e ». Allez, pasteurs, allez à l’étable ; courez promptement à la crèche ; là vous trouverez l’agneau né aujourd’hui, notre joie, couvert, à cause de nos péchés, de langes très-pauvres ; il a voulu s’immoler, non point pour le salut d’un seul peuple, mais pour celui de toutes les nations. Enfant dans l’étable, il a été, jeune encore, suspendu à la croix. 8. La naissance du Sauveur, tel est, selon l’Apôtre, « le sacrement qui a été manifesté dans la chair, justifié dans le Saint-Esprit, connu par les anges, prêché aux gentils, cru dans ce monde, transformé en gloire f » ; les patriarches l’ont reçu, les Prophètes l’ont attesté, les auges l’ont fondé, les Apôtres l’ont confirmé, les martyrs l’ont confessé dans leurs souffrances, la vérité l’a enseigné par les faits, notre foi l’a prouvé, la vertu l’a accompli, et il est passé jusqu’à nous par la grâce du divin sacrement. Nous avons de cette foi des témoins sûrs et des docteurs éclairés, les Apôtres. La majesté divine ne pouvait se voir en elle-même, mais elle nous est apparue dans l’humilité de la chair ; et ce qui était caché aux sages dans la puissance céleste, a été révélé aux petits dans l’infirmité corporelle ; et afin que la faiblesse fût relevée, la sublimité céleste s’est humiliée. La divinité s’est humiliée de manière que sans rien perdre de sa nature, elle communiquait de sa force à la faiblesse en se mettant en contact avec elle. 9. Il a été fait comme l’Évangéliste l’a attesté : la force a brillé par la faiblesse. Dieu, en revêtant la nature humaine dans le sein d’une vierge, n’a rien voulu devoir à la chair et tout à l’action divine et à l’union du Verbe ; voulant, par un excès d’amour, réparer l’homme déchu, il a réformé l’homme dans l’homme et a pris une chair vierge dans une vierge. L’Homme-Dieu vous a aimé, et Dieu s’est fait homme pour vous. Il s’est humilié pour vous recevoir, selon cette parole de L’Apôtre : « Il s’est anéanti lui-même, prenant la forme d’esclave, se constituant dans la ressemblance de l’homme et portant tous les traits extérieurs de l’homme. Voilà pourquoi Dieu l’a exalté et lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom g ». Il s’est anéanti, et il vous a comblé de biens ; il s’est enseveli dans la plus profonde obscurité, et il vous a inondé de gloire. Il s’est abaissé et il vous a élevé. De là ces paroles inspirées par le Saint-Esprit au roi-prophète : « Seigneur, inclinez les cieux et descendez h ». Il est descendu vers vous, afin de vous faire monter vers lui ; il s’est tellement abaissé que celui qui, par sa nature, ne devait pas mourir, est mort pour vous, et cela par sa libre volonté, parce que, s’il n’avait pas voulu mourir, la mort n’aurait eu sur lui aucun empire ; et de même, s’il n’avait pas voulu naître, il était infiniment au-dessus de la condition charnelle. Il a donc voulu naître, afin de vouloir mourir. S’il n’avait pas d’abord subi volontairement la chair, il n’aurait pu souffrir dans la suite, et la mort n’aurait pu l’atteindre, s’il n’avait voulu revêtir notre chair comme condition pour pouvoir mourir. Bien plus, sa chair elle-même ne pouvait mourir, si lui-même ne l’avait voulu, conformément à cette parole : « Je donne ma vie de moi-même, et personne ne me l’ôtera, car je l’abandonne librement. J’ai le pouvoir de me dépouiller de la vie, et j’ai aussi celui de la reprendre i ». Sa mort nous eût été inutile, si elle n’avait pas été volontaire de sa part ; car s’il n’eût voulu mourir, l’homme n’agirait pas recouvré ses droits à l’éternité bienheureuse. Il est donc mort parce qu’il l’a voulu, et par sa mort il a rendu à l’immortalité l’homme qui était mort. « Il a incliné les cieux et il est descendu ». Il a brisé la captivité des limbes, et il est monté, selon cette parole de l’Apôtre : « Il a conduit la captivité captive j ». L’Apôtre ne parle pas de l’auteur de la captivité, mais de la captivité elle-même, quoique, en détruisant l’empire de la captivité, il ait par cela même détruit l’auteur de cet empire. Et quelle captivité ? La mort. Il a tué la lettre, et le maître du mal a perdu son pouvoir. Il a désarmé le fort armé, il lui a arraché son glaive et l’a conduit captif de cette même captivité. C’est là ce que nous atteste l’Écriture : « La mort ira et sortira, et le démon se tint debout à ses pieds k ». Or, celui qui s’est tenu vaincu devant les pieds du vainqueur, quelle peut être sa contenance, si ce n’est celle d’un captif ? « Il a incliné les cieux, et il est descendu » vers le monde. Il a fait captif le démon et il est monté au ciel, afin que celui qui par nature est le Roi suprême du ciel, fût établi par son corps le roi de la terre, et par sa mort le triomphateur des enfers, selon cette parole de l’Apôtre : « Afin que tout genou fléchisse au ciel, sur la terre et dans les enfers l ». Et « Jésus-Christ est mort et ressuscité, afin qu’il devînt le roi des morts et des vivants m ». 10. Dieu est né du sein d’une vierge, d’une chaste union et du mariage le plus pur ; sans le concours de l’homme et par l’action du Verbe ; et celui qui est né de Dieu avant tous les siècles, et qui était Dieu lui-même, a pris la forme d’esclave. Afin que l’esclave devint maître, le Seigneur est devenu esclave. Tout cela s’est accompli dans le sein d’une vierge, par l’opération du Saint-Esprit. Il en est sorti un homme plein de Dieu, qui était en même temps Dieu et homme, comme le dit l’Apôtre : « L’un et l’autre ne faisaient qu’un n » ; il parlait de la chair et du Verbe ; natures infiniment séparées, mais réunies en une seule personne par la volonté de Dieu, de telle sorte que, après avoir été essentiellement éloignées l’une de l’autre, elles se trouvèrent indivisiblement unies. Or, c’est dans le sein de Marie que s’accomplit ce prodige : Comme elle avait conçu, elle enfanta ; son enfantement fut aussi miraculeux que la conception, la pudeur n’y reçut aucune atteinte. Elle ne dut rien à l’homme ; aussi, le fruit de ses entrailles, loin d’être un mélange quelconque de force divine et d’humaine faiblesse, est un Dieu parfait dans ses vertus et ses opérations, selon cette parole de saint Pierre : « Jésus de Nazareth, cet homme dont Dieu a fait éclater les œuvres parmi vous o ». Isaïe avait dit : « Voici qu’une Vierge concevra et enfantera un fils. ». C’est donc une Vierge qui a conçu, c’est une Vierge qui a enfanté. À une conception sans tache a succédé un enfantement incorruptible, comme l’effet participe naturellement à la cause. Le Fils de Dieu, sans doute, nous a été semblable dans son enfantement, mais sa conception a dû être toute différente. Nous sommes conçus dans l’iniquité, tandis que la Mère de Dieu est toujours restée vierge. Elle est devenue mère par son enfantement, et elle a conçu dans une virginité parfaite. La conception de son Fils a été exclusivement l’œuvre du Verbe, et son enfantement n’a porté aucune atteinte à sa pudeur, parce qu’elle est demeurée vierge dans sa conception et dans son enfantement. Marie a subi la loi de l’enfantement, tandis qu’elle est restée complètement étrangère à la conception ; ce qui pour elle avait été d’abord insensible, le devint dans l’enfantement ; toutefois, son intégrité et sa pureté ne reçurent aucune atteinte : Dans cette alliance céleste s’unirent la virginité et la divinité. La Vierge offrit son esprit, le Verbe lui présenta l’incorruption ; elle offrit la sainteté de son âme et de son corps, le Verbe lui présenta l’intégrité de la pudeur et la virginité perpétuelle. De là cette parole de l’ange : « Vous êtes bénie entre toutes les femmes », parce qu’elle avait été bénie entre toutes les vierges. C’est là ce qui la distingue de toutes les mères et de toutes les vierges. Parmi les mères, elle est vierge ; parmi les vierges, elle est mère ; car elle a conçu et enfanté, et dans sa conception et son enfantement elle est restée vierge. « Vous êtes bénie entre toutes les femmes » ; elle devait être élevée aux honneurs de la maternité, sans en subir les atteintes. 11. Mais, répondent les hérétiques, quelle indignité de renfermer Dieu dans le sein d’une femme, et de prétendre qu’une femme mortelle peut engendrer le Dieu immortel ? n’est-il pas insensé de soutenir que les grandes choses procèdent des petites ? Homme perfide, qui que vous soyez, voulez-vous donc que, m’appuyant sur les choses temporelles, je vous prouve qu’un être qui naît peut-être plus grand que celui qui l’engendre et peut le dépasser en valeur et en magnificence ; une telle démonstration ne pourra-t-elle enfin vous fermer la bouche et étouffer vos clameurs impudentes ? Veuillez donc me dire ce qui est le plus précieux du miel ou de l’abeille, de la mouche ou de la cire. Comparez, et vous trouverez que l’ouvrage est plus précieux que l’ouvrier, que le miel est plus précieux que la mouche, et que l’abeille, très laide en elle-même, est très-belle dans son œuvre. La reine, dit-on, n’a aucun commerce charnel, et pourtant elle produit des essaims ; son corps est des plus vils, et pourtant elle forme un miel d’une douceur extrême. Une autre comparaison : l’or naît de la terre, le ver tisse la soie, et la soie est bien plus précieuse que le ver ; le coquillage produit la perle, et la perle l’emporte de beaucoup sur le coquillage ; on teint la laine en pourpre dans le suc d’un coquillage, et pourtant la pourpre est beaucoup plus précieuse que le coquillage. Du sein des montagnes on extrait des pierres précieuses, et le prix d’une seule pierre précieuse dépasse de beaucoup la valeur même de la montagne. Dans une pierre se trouve renfermé l’éclat d’une perle, c’est là que cette perle a pris naissance ; qu’est-ce donc qu’une pierre en comparaison d’une perle ? Et pourtant celle-là engendre, et celle-ci est engendrée. C’est ainsi que de choses viles naissent des choses superbes ; les grandes naissent des petites ; les belles naissent des laides ; les plus précieuses naissent des plus communes. Pourquoi donc jugez-vous encore le sein de Marie indigne de Dieu ? Vous ne pensez pas que l’Homme Dieu ait pu naître d’une créature, quand vous venez de voir que, dans toutes les choses terrestres, ce qui engendre est souvent fort inférieur à ce qui est engendré ? Combien de fois un plébéien n’a-t-il pas donné naissance à un empereur, et un laïque à un évêque ; celui-là devenant le maître de son père, et celui-ci devenant le père spirituel de celui qui lui a donné la vie temporelle ; celui-là devenant le maître du monde, et celui-ci le père du peuple chrétien ? Mais il est quelque chose de plus extraordinaire que tout ce qui précède, quelque chose qui devrait attirer votre attention et soulever votre admiration : une vierge a conçu, une vierge a enfanté ; elle est demeurée vierge, elle n’a jamais cessé d’être vierge. Elle était vierge avant de concevoir, elle est vierge après son enfantement, elle demeure éternellement vierge. 12. La naissance du Seigneur confond l’argumentation du siècle et la sagesse de la terre. Quelle est cette argumentation ? Si Marie a enfanté, elle a connu l’homme, et le monde semble entendre cette parole sans frémir, tant est vrai ce mot de l’Apôtre : « L’homme animal ne perçoit pas ce qui est de l’Esprit de Dieu, car sa prétendue sagesse n’est que de la folie et il ne peut comprendre p ». Mais le Créateur de la nature a renversé cette argumentation et suspendu en cette circonstance la loi de la nature. Dans l’ordre ordinaire, c’est l’expérience qui fait loi ; mais quand il s’agit de la maternité de Marie, il n’y a d’autre règle à invoquer que la vertu et la grandeur du Tout-Puissant ; par conséquent, la loi ordinaire est ici sans valeur. Pourquoi ? Parce que, selon l’Apôtre, « Dieu appelle les choses qui ne sont pas, comme si elles étaient q ». Quelle est l’argumentation de Dieu ? Une vierge a enfanté, et pourtant elle est restée vierge, parce qu’une mère parfaite a engendré le Verbe fait chair. Mais, dit le monde, c’est folie de croire qu’une vierge ait pu enfanter, tout en restant vierge. Or, cette folie est pour nous la plus grande sagesse qui, dans ce mystère, nous saisit d’admiration ; voilà pourquoi je ne suis sage, aux yeux de Dieu, qu’en devenant insensé aux yeux du monde. Il est écrit : « Je confondrai les sages dans leur astuce r » ; et encore : « Le Seigneur connaît les pensées des sages, car elles sont vaines s ». L’apôtre saint Paul dit également : « Où est le sage ? où est le scribe ? où est l’investigateur de ce siècle ? Est-ce que le Seigneur n’a pas rendu folle la sagesse de ce monde ? Car le monde n’a pas connu Dieu par la sagesse. Or, il a plu à Dieu de sauver les croyants par la folie de la prédication t ». « Donc, ce qui est insensé aux yeux du monde, c’est ce qui est sage aux yeux de Dieu u », « afin que la sagesse du monde soit réprouvée par la sagesse de Dieu v ». Le propre de cette sagesse du monde, c’est de faire grand bruit de ses syllogismes plus ou moins sophistiques, et c’est ce qui l’empêche de comprendre que la volonté de Dieu n’a d’autre règle et d’autre mesure que sa toute-puissance. Dans les œuvres et les opérations de Dieu, est-ce à nous de lui tracer ses règles ? Ce qu’il crée n’existait pas, et pour le créer toute matière préexistante lui était inutile. « Il a dit, et tout a été fait ; il a commandé, et tout a été créé w ». Or, celui qui a le pouvoir de créer ce qui n’était pas, ne pourrait pas faire ce qu’il veut de ce qui existe déjà ? Vous invoquez ce qui se fait dans l’ordre ordinaire du mariage ; mais qu’importent ces lois primitivement établies, dès que la puissance du Créateur daigne intervenir directement ? Quand il s’agit de l’action immédiate de Dieu, toute comparaison doit disparaître ; car à quelle œuvre purement humaine peut-on comparer les œuvres divines ? Tout ce qui se fait par les hommes s’accomplit en vertu des lois générales et ne saurait avoir le caractère d’un miracle qui est un fait essentiellement singulier. 13. Vous vous imaginez donc, ô incrédule, que Dieu peut être souillé par le contact du sein maternel ? Je repousse votre sacrilège et je réponds à votre blasphème. Quand, dans le vase impur de votre cœur se formait cette pensée téméraire, vous oubliiez donc cette maxime de l’Apôtre : « Tout est pur pour ceux qui sont purs x) ». Si donc, même dans les choses de ce monde, tout est pur pour ceux qui sont purs, à combien plus forte raison tout n’est-il pas pur pour Dieu qui, étant la pureté même, n’a rien fait que de pur. Ne lisons-nous pas : « Dieu vit tout ce qu’il avait fait, et tout était très-bien y ? » Si tout était très-bien, tout était donc pur. Les créatures ne deviennent impures ou honteuses que par le mauvais usage que nous en faisons. C’est en ce sens qu’il a été dit ailleurs, en parlant des animaux : « Ils seront impurs pour vous z ». Cette impureté ne tient donc pas à l’essence même des choses, ou à leur nature ; c’est quelque chose d’accidentel résultant, non pas du fait même de leur création, mais du mauvais usage que les hommes peuvent en faire. Par exemple, le vin est bon de sa nature, mais il devient mauvais pour celui qui s’enivre ; le miel est bon et doux, mais dans certaine maladie il est mauvais et funeste ; « la loi est bonne », comme le dit l’Apôtre, mais pour celui qui en fait un usage légitime ; quant à en faire un usage illégitime, ce n’est plus en user, mais en abuser. Ce n’est donc pas la nature même qui a rendu impur tout ce qui peut l’être, c’est uniquement la défense qui en interdit l’usage. Cette défense est elle-même essentiellement accidentelle et spéciale à telle chose en particulier et dans tel cas déterminé, et c’est à tort que l’on y chercherait une malédiction générale, une condamnation absolue. Après avoir appuyé cette doctrine sur des témoignages, il nous est facile de la confirmer par des exemples et de montrer que ce qui est impur d’après la loi, est réellement pur par nature. Nous savons tous comment le prophète Élie, après avoir accompli son pèlerinage sur la terre, quitta ce monde sur un char de triomphe pour aller prendre place en paradis, où l’appelaient sa parfaite sainteté, ses grandes vertus et ses nombreuses révélations. Il fut ravi sur un char de feu, sans que les flammes, qui jaillissaient de toutes parts, lui portassent la plus légère atteinte, quoiqu’il eût conservé sa chair mortelle. Il est dit qu’il fut transporté en paradis ; or, nous savons qu’après avoir chassé le premier homme du paradis, terrestre, Dieu confia à l’ange du feu la garde de ce séjour heureux ; voilà pourquoi le char d’Élie fut un char de feu, afin que le feu livrât passage au feu. Le texte porte : « Élie, emporté dans un tourbillon, monta comme au ciel aa ». « Comme au ciel », et non pas réellement au ciel, « car personne n’est monté au ciel que Celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme, qui est dans le ciel ab ». Insistons sur ce témoignage dans lequel se révèle d’une manière éclatante la gloire du Sauveur. « Personne n’est monté au ciel, si ce n’est Celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme qui est au ciel ». Le voici sur la terre, et il n’a pas quitté le ciel ; il est auprès de son Père et au ciel ; il est tout entier dans le sein de Marie, et tout entier au ciel, et tout entier en son Père. Il est dans l’intérieur du sein de Marie, il enveloppe l’univers entier, et dans son Père il est l’unique souverain de toutes choses. O grand Dieu répandu partout ! Il remplit le sein de sa mère, il enveloppe le monde, il possède le ciel. 14. Mais je reviens à mon sujet. Le Seigneur dit à Élie : « Allez vers le torrent dans le désert de Charath, qui est en face du Jourdain… Et les corbeaux lui apportaient du pain le matin, et à midi de la viande, et il buvait de l’eau du torrent ac ». Quel doute peut encore exister sur la question qui nous occupe ? Quelle impiété n’y aurait-il pas à condamner ce saint homme parce qu’il a accepté la nourriture qui lui était présentée par ces corbeaux regardés comme des animaux immondes ? Mais je n’ai point oublié la sentence générale du Seigneur : « Tout ce qu’un impur aura touché sera rendu impur* ad ». Voici donc un corbeau qui apporte du pain, un corbeau qui apporte de la viande, et ce qu’il a touché n’a pu être impur, et celui qui a reçu ce pain et cette viande n’a pas été rendu impur. L’Apôtre nous en donne la raison : « Tout est pur pour ceux qui sont purs » ; et cette maxime s’appliquait même à ces temps reculés où la distinction des animaux était en pleine vigueur. Je n’ai nullement l’intention de discuter sur la nature des viandes qui pouvaient être licites, mais qui devenaient impures par l’effet de leur contact avec un oiseau impur, en vertu de cette prescription légale : « Tout ce qu’un impur aura touché sera rendu impur ». Or, rien ne pourrait être impur pour cet homme devant lequel toute prescription générale cessait. C’est ce qui prouve que la défense des viandes dites impures était toute personnelle ; d’où il suit que l’impureté du corbeau n’avait aucune prise sur l’éminente sainteté d’Élie ; ce corbeau lui-même devint pur en entendant ce que ne veulent pas entendre les Juifs. En entendant, il devint pur ; en refusant d’entendre, les Juifs restent impurs ; car, dit l’Apôtre : « Tout est pur pour ceux qui sont purs ». Ce que le corbeau impur avait touché n’est donc pas devenu impur, et le sein que Jésus-Christ a touché aurait pu être impur ? Oh ! je vois partout de ces corbeaux devenus de pieux ministres de Dieu. Ils sont noirs quant à la couleur, mais blancs quant à la crainte surnaturelle qui les dirige ; ils sont impurs par leur nom, mais purs par leurs œuvres. Enfin, le corbeau a expié sa faute primitive, il est rentré dans la voie de l’obéissance ; autrefois il sortit de l’arche et refusa d’y rentrer ; plus tard il se rendit le pourvoyeur docile du serviteur de Dieu. 15. Vous regardez comme impur le sein virginal de Marie ; vous croyez qu’il était indigne de Dieu ou qu’il a pu communiquer une certaine souillure au Verbe incarné ; pour vous confondre, il me suffira d’un exemple. Le soleil jette sur le monde une clarté uniforme et qui, néanmoins, produit des effets bien différents sur chaque chose en particulier. Il fait fondre la cire, il durcit la boue, il dissout le fumier, il dessèche la fange, et, en jetant de tous côtés ses rayons, s’il dessèche certaines choses, du moins il n’est souillé par quoi que ce soit. Et le sein d’une Vierge pourrait souiller la divinité, quand ce qu’il y a de plus fétide ne saurait souiller le soleil ? Jésus-Christ serait souillé dans les entrailles de sa mère, quand le soleil n’a rien à craindre des cloaques les plus hideux ? Toutefois, lors même que ce sein de Marie aurait été souillé par son origine, du moment qu’un Dieu daigne y pénétrer, ne se trouve-t-il pas orné de la pureté la plus parfaite ? Marie avait été couverte de l’ombre du Tout-Puissant, le Verbe s’incorporait à elle d’une manière incorruptible, le Saint-Esprit avait lui-même formé ses membres, et quelque chose d’impur pourrait encore se rencontrer dans cette Vierge incomparable, malgré la présence du Verbe divin dont le regard efface soudain toutes les souillures ? Par le simple attouchement de sa robe, le Sauveur a purifié la souillure légale d’une femme affligée d’une perte de sang, et ce même Sauveur, entrant dans le sein d’une autre femme, n’aurait pu y purifier tout ce qu’il y rencontrerait de souillé ? 16. Ajoutons à cela que le sein de Marie était saint, pur, sans tache, sans souillure, directement créé par Dieu et rempli de la majesté divine. Dieu y a reconnu son œuvre dans toute son intégrité, et il a pu en sortir comme un nouvel époux sort du lit nuptial. Nouvel époux de la chair, il est sorti du tabernacle vivant dans lequel il s’était renfermé, et l’on oserait mettre des bornes à la sainteté de ce sein virginal dans lequel a trouvé bon de se renfermer le Dieu que le : monde lui-même ne saurait contenir ? 17. Le Seigneur apparut à Moïse sur la montagne d’Horeb, dans un buisson ardent qui brûlait sans se consumer ; la flamme enveloppait les épines et ne les dévorait pas. Malheur à vous, pécheurs, qui entendez ces paroles et passez sans y faire attention ! La flamme étincelait et les épines n’étaient point consumées. Les corps brûleront en enfer, et ce feu sera éternel comme le châtiment des coupables. Et une voix se fit entendre : « Moïse, Moïse, ôtez la chaussure de vos pieds, car le lieu dans lequel vous vous trouvez est une terre sainte ae ». Si donc cette terre a été sanctifiée parce que la majesté divine y était apparue, combien plus ce sein de Marie dans lequel la divinité devait habiter n’a-t-il pas dû être sanctifié ? C’était la lumière qui entrait dans les ténèbres et faisait étinceler de son éclat la demeure tout entière. La lumière véritable, c’est-à-dire Dieu lui-même, est entré dans le sein de Marie et lui a communiqué sa sainteté. Il était donc d’une sainteté parfaite, ce sein dans lequel la sainteté même est entrée, qu’elle a sanctifié et dont elle est sortie sans subir la plus légère atteinte, selon cette parole de l’ange : « Voilà pourquoi le Saint qui naîtra de vous sera appelé le Fils de Dieu af ». 18. Affirmons-le donc sans crainte : non, il n’a pas dédaigné d’entrer dans le sein de Marie, Celui qui n’a pas dédaigné d’entrer dans la fournaise ardente, comme l’atteste Nabuchodonosor : « N’avons-nous pas envoyé trois hommes au milieu du feu ardent ? Comment donc puis-je en voir quatre se promenant en toute liberté dans les flammes, sans qu’elles leur portent aucune atteinte ; et le quatrième porte la ressemblance du Fils de Dieu ag ? » Celui-là donc qui est entré dans la fournaise ardente, est entré dans le sein de Marie restée vierge. Quel est celui qui est entré dans la fournaise ? le Fils de Dieu. Quel est celui qui est entré dans le sein de Marie ? le Fils de Dieu. De là il chassait la flamme ; ici il chassait la nature. De même donc qu’il fut au milieu de la fournaise ardente sans brûler, de même il sortit du sein de Marie sans porter aucune atteinte à son intégrité. Il entra dans la fournaise ardente pour en tirer les trois jeunes Israélites ; et il n’aurait pas dû entrer dans le sein de Marie quand il s’agissait de racheter le monde tout entier ? 19. Mais, disent les Juifs, Marie n’a pu enfanter contre la nature. O étrange impudence, toujours frappée et ne s’avouant jamais vaincue ! Sans cesse vous êtes convaincu d’erreur et vous ne cédez pas ; combien moins la vérité doit-elle céder, elle quine tombe jamais et triomphe toujours, selon cette parole de l’Écriture : « La vérité triomphe, s’affermit, vit et règne dans les siècles ah ». Marie, dit-on, n’a pu enfanter contre la nature. Ceux qui tiennent ce langage se sont flattés sans doute de nous avoir en quelque chose ravi la victoire. Aussi nous provoque-t-on au combat, mais je ne craindrai pas, aucune terreur n’arrivera jusqu’à moi ; car celui qui me provoque est déjà frappé à mort. Marie n’a pu enfanter contre la nature, ce n’est donc pas contre la nature que la verge d’Aaron a fleuri dans le tabernacle de l’Alliance, sans aucun secours naturel. Tout manquait à cette floraison, la semence, les racines, les sucs de la terre. La verge, par sa nature, avait possédé tout cela, mais en perdant ses racines elle avait tout perdu. Et cependant, malgré l’absence de tout principe naturel de fécondité, la verge d’Aaron fleurit, sans aucune sève, sans aucune semence, sans aucune racine. 20. Mais ce fait d’histoire paraît ignoré de quelques-uns ; je le raconterai brièvement. Coré, Dathan et Abiron, par esprit de jalousie contre Moïse et Aaron, prétendaient s’attribuer à eux-mêmes le sacerdoce et tentèrent de consommer ce sacrilège malgré les ordres formels du Seigneur ; mais la terre s’entr’ouvrit sous leurs pas, ils se virent eux-mêmes descendre dans l’abîme, et contre l’ordre ordinaire ils furent ensevelis avant leur mort. La terre engloutit ces sacrilèges et les enveloppa dans ses entrailles, non point pour les conserver, mais pour les punir. Leurs corps furent enterrés tout vivants, et tandis que l’espoir de la sépulture est d’ordinaire une consolation pourles mourants, cette même sépulture fut pour ces malheureux une aggravation de peine ; car ils furent ensevelis dans leur propre châtiment. Non-seulement ces trois auteurs de la révolte furent engloutis, mais leurs complices furent dévorés par des flammes sorties de la terre ; « la terre s’ouvrit », dit l’Écriture, « et engloutit Dathan… et le feu consuma leurs compagnons ». Alors le Seigneur ordonna à Moïse d’apporter dans le tabernacle une verge de chacune des tribus. Douze verges furent présentées, parmi lesquelles se trouvait celle de la tribu de Lévi, et appartenant au prêtre Aaron ; elles furent toutes placées dans le tabernacle de l’Alliance, et le lendemain il se trouva que la verge d’Aaron avait produit des feuilles, des fleurs et des fruits. 21. Ce fait et la perfidie qui en fut l’occasion méritent un examen sérieux, car nous y trouvons une figure sensible du mystère que nous étudions. Une verge produit ce qu’elle n’avait pas. Elle n’avait aucune racine, elle n’était même pas enfoncée dans la terre, elle n’avait aucune sève, aucune semence ne pouvait la féconder, et cependant elle porte des fleurs, des feuilles et des fruits. Elle avait entièrement perdu la fécondité qu’elle pouvait tenir de l’arbre auquel elle avait appartenu, et cependant, en témoignage du sacerdoce suprême, elle produit ce qui n’était pas en elle ni en son pouvoir ; car il était contre sa nature de verge desséchée de produire des fleurs et des fruits. Et une Vierge n’a pu engendrer, contre l’ordre de la nature, le Fils de Dieu ? Je vous dirai comment la Vierge a conçu et enfanté ; montrez-moi de votre côté comment une verge complètement desséchée a pu germer. Mais je conçois que vous ne puissiez expliquer ni la fécondité de la verge, ni l’enfantement de la Vierge. Si donc vous ne pouvez dire comment cette verge d’Aaron a produit des fruits, pourrez-vous dire comment une Vierge a conçu et enfanté la Vérité ? Ainsi donc, puisque vous ne pouvez expliquer le mystère d’une Vierge devenue féconde, acceptez les effets de l’Incarnation divine. 22. Venez à moi et je vous dirai ce que j’ai entendu intérieurement, Sur ce sujet, ce qui me trouble, ce n’est point la raison, mais la pudeur, et je veux, dans mes paroles, apporter toute la réserve possible, pourvu que la foi ne coure aucun danger. Pardonnez-moi, Seigneur Jésus, et épargnez ma bouche ; car je reconnais tout ce qu’il y a de témérité de ma part à décrire le mystère de votre incarnation ; il est vrai que vous avez tenu fermé le sein dans lequel vous avez voulu naître, mais vous nous avez permis d’ouvrir votre Évangile aux incrédules. Je dirai donc ce qui s’est passé dans le secret de la nature. Marie, comme toute autre femme, possédait ce qui est requis pour la génération. Le Verbe lui-même vint se mêler à son sang pour le solidifier, et la substance de ce sang ainsi coagulé produisit la chair. Survint alors l’action de l’Esprit-Saint qui forma cette masse jusque-là informe, en distingua les parties et en produisit l’homme dont les linéaments cachèrent réellement la divinité. Vous savez maintenant comment la Vierge a conçu. Si vous me demandez ensuite comment elle a enfanté, je vous le dirai encore. Elle a enfanté comme elle a conçu ; de même que l’enfant s’était mystérieusement formé dans son sein, il en sortit d’une manière incorruptible comme il y était entré. Ici, du reste, tout se passa selon l’ordre de la nature ; la Vierge accomplit la durée de la gestation, tandis que la verge d’Aaron ne subit point le temps de la germination. Ce ne fut qu’après neuf mois que Marie enfanta ; et après trois jours la verge avait germé, quoique par elle-même elle fût entièrement desséchée. Nous savons du premier homme qu’il n’eut ni père ni mère et qu’il fut formé du limon de la terre. Comment un corps peut-il être formé sans venir d’un autre corps ; comment la chair peut-elle exister sans venir de la chair ? Le premier homme sortit en quelque sorte du sein de la terre, comme l’enfant sort du sein de sa mère, avec cette différence qu’aucun principe générateur venant de l’homme n’y avait été déposé. Si donc, sur le sujet qui nous occupe, je crois plus facile de recourir à une comparaison, que votre conviction n’en soit nullement ébranlée. Le rayon du soleil pénètre un miroir, sans que la densité de la glace fasse obstacle à la subtilité insensible du rayon solaire, et le soleil se voit à l’intérieur comme à l’extérieur. En pénétrant dans la glace, il ne la brise pas ; en en sortant, il ne la souille point, et malgré l’entrée et la sortie du rayon solaire, le miroir reste dans sa parfaite intégrité. Le rayon du soleil ne brise pas le miroir ; et l’entrée ou la sortie de la vérité aurait pu vicier l’intégrité de Marie ? 23. Mais pourquoi insister plus longtemps ? Que le chrétien entende ce que ne veut pas entendre le juif ; ainsi racheté, le chrétien progressera dans le bien, tandis que le juif périra dans son endurcissement. La verge d’Aaron était réellement la figure de la vierge Marie, qui a conçu et enfanté le véritable prêtre dont il a été dit : « Tu es prêtre pour l’éternité ai ». Au verset précédent il avait été dit : « Le Seigneur fera sortir de Sion, la verge de sa puissance ». En effet, le fruit produit par la verge était la ligure du corps de Jésus-Christ. Une noix dans son unité renferme trois substances distinctes : l’enveloppe, la coque et le noyau. L’enveloppe figure la chair, la coque figure les os et le noyau figure l’âme. L’enveloppe figure la chair du Sauveur, laquelle a porté les aspérités et les amertumes de la passion ; le noyau figurerait bien la douceur intérieure de la Divinité, de qui nous recevons à la fois la nourriture et la lumière ; la coque représenterait le bois longitudinal de la croix, désignant non pas ce qui est intérieur et extérieur, mais les choses terrestres et les choses célestes mises en communication les unes avec les autres par l’intermédiaire de la croix, selon cette parole de l’Apôtre : « Par le sang de sa croix il a pacifié soit les choses qui sont au ciel, soit les choses qui sont sur la terre aj ». Voilà, ô Juif, comment votre verge figurait notre Vierge. 24. Même au seul point de vue de l’étymologie, vierge est pour ainsi dire synonyme de verge (virgo, virga). À la différence d’une lettre, ces deux mots font entendre le même son. Or, veulent-ils se convaincre que la verge désignait la Verge ? Qu’ils méditent ces paroles d’Isaïe : « Une verge sortira de la souche de Jessé ak ». La verge est de la race de Jessé ; Jessé est le père de David ; la verge est donc de la famille de David, et cette verge, c’est Marie. Jessé, étant un homme, n’a pu produire du bois, c’est-à-dire une verge. Ce qui est sorti de Jessé, ce n’est donc pas une verge, mais la vierge Marie qui, répondant à sa race selon la chair, reproduisit le miracle de la verge d’Aaron, puisqu’elle conçut et enfanta, quoique toujours elle fût restée vierge. Il est vrai que l’on a tenté d’appliquer cette prophétie à David lui-même ; mais cette opinion se réfute d’elle-même, ne fût-ce qu’à raison du temps. En effet, David était mort lorsqu’Isaïe prophétisa, et pourtant c’est le futur qu’il emploie, à l’exclusion du passé : « Une verge sortira de la souche de Jessé ». « Sortira » et non pas, est sortie. D’ailleurs le Prophète ajoute : « Une verge sortira de la souche de Jessé, et une fleur montera de sa racine ». Cette fleur, c’est la chair du Seigneur ; car cette chair fut formée miraculeusement en dehors de tout concours de l’homme, et elle conserve toute sa beauté native. « Une fleur montera de sa racine, et l’Esprit du Seigneur se reposera sur elle ». Sur qui ? il est évident que c’est sur la fleur. « L’Esprit de sagesse et d’intelligence, l’Esprit de conseil et de force, l’Esprit de science et de piété, et l’Esprit de crainte l’a remplie. Elle ne jugera pas selon la gloire, elle n’accusera pas sur un ouï-dire, mais elle jugera par « un humble jugement et elle accusera les orgueilleux de la terre. Elle ébranlera la terre par la parole de sa bouche, et elle écrasera l’impie par l’Esprit qui siégera sur « ses lèvres ; la justice ceindra ses reins, et la vérité l’enveloppera comme d’un vêtement al ». Un peu plus loin nous lisons également : « En ce jour apparaîtra la souche de Jessé ; celui qui s’élèvera sera le prince des nations, et tous les peuples espéreront en son nom am ». O fleur roi ! ô fleur juge ! De même que cette verge n’est pas la verge, mais la Vierge, de même cette fleur n’est pas la fleur de la verge, mais la chair formée dans le sein de la Vierge. Marie a réellement produit cette fleur de sa virginité et a tiré de sa chair la chair du Messie ; mais cette génération n’a rien qui ressemble à la génération du péché ; car Jésus-Christ dans son humanité ne doit rien à l’action de l’homme, puisqu’il a été conçu du Saint-Esprit. La verge d’Aaron prophétisait ainsi la vierge Marie. Si donc cette verge a pu fleurir sans sève ni racine, une vierge en restant vierge n’aurait pu engendrer dans une parfaite incorruptibilité ? Mais, disent nos adversaires, ce n’est que par un miracle que la verge d’Aaron a pu fleurir. Eh bien ! c’est par un miracle plus grand encore que s’est opérée l’Incarnation : la verge d’Aaron n’était qu’une image et une figure ; mais ici nous trouvons la réalité dans tout son éclat et sa divinité. 25. Un autre témoignage plus grand encore et plus formel nous est fourni par Ézéchiel ; nous en avons fait la lecture hier dimanche, mais nous avons dû en remettre le commentaire et nous appliquer exclusivement à l’objet du mystère que nous avons célébré. « Je me suis tourné », dit le Prophète, « vers la porte de la voie extérieure des saints, laquelle regarde l’Orient, et elle était fermée. Et le Seigneur me dit : Cette porte sera fermée et ne s’ouvrira point, et personne n’y pénétrera, parce que le Seigneur, Dieu d’Israël, y entrera lui-même ; il en sortira et elle sera fermée an ». Donnez-moi donc l’explication de cette porte par laquelle le Seigneur est entré et sorti, sans que l’on pût expliquer son entrée et sa sortie. « Cette porte sera fermée et ne sera point ouverte, parce que le Seigneur, Dieu d’Israël, y entrera lui-même ; il en sortira ensuite et la porte restera fermée ». Cette porte est certainement une allégorie, sous le voile de laquelle la chasteté virginale de Marie nous est clairement désignée. Comment le prouvons-nous ? Écoutons Job : « Maudit soit le jour où je suis né, puisqu’il n’a pas fermé la porte du sein de ma mère lorsqu’elle m’a enfanté ao» C’est dans le même sens que le Prophète se sert du mot porte pour désigner le sein de Marie, où personne que Dieu lui-même n’est entré et d’où personne que lui n’est sorti. Le Verbe y est entré pour en sortir revêtu de notre propre humanité, à l’exclusion du péché ; et soit y entrant, soit en sortant, il a laissé cette porte absolument fermée ; car c’est de lui qu’il est écrit : « Ce qu’il ouvre, personne ne le ferme, et ce qu’il ferme, personne ne l’ouvre ap ». Levez-vous donc, Isaïe, levez-vous dans la joie, donnez la main à Ézéchiel et applaudissez dans le Saint-Esprit à la gloire de la nativité du Seigneur. Que David accoure également avec sa cithare divinement harmonieuse pour chanter la naissance du Sauveur, dont les mystères défieront à jamais toute l’harmonie de la terre. Isaïe s’écriait : « Cieux, laissez tomber votre rosée, et que les nues pleuvent le juste ; que la terre s’ouvre et fasse germer son Sauveur aq ». Quelle est cette terre ? C’est notre chair, mais restée parfaitement pure comme elle l’était en Marie. « Que la terre germe son Sauveur » : ces paroles n’ont pas besoin de commentaire. Il ne s’agit pas ici d’une semence charnelle, mais de la rosée céleste ; non pas de la pluie naturelle, mais de l’action divine ; car ce mystère est tout entier l’œuvre de Dieu, la créature n’y est qu’un agent purement passif ; c’est ce que David exprime en ces termes : « Il est descendu comme la rosée se distillant sur la terre ar ». Il dit également : « La terre donnera son fruit » ; et par ces paroles il désigne spécialement le sein de Marie. On peut dire de ce sein qu’il a véritablement donné « son fruit », puisque rien ne lui est venu d’ailleurs. 26. Si vous éprouvez encore quelque doute, affermissez votre foi par des exemples. Dès l’origine du monde, après la formation complète du corps d’Adam, une côte est soustraite de ce corps, et nulle part on ne trouve l’endroit d’où cette côte a pu être arrachée ; Adam perd un de ses os, et cependant il reste parfait dans son entier. Nulle part on ne remarque la cicatrice, nulle part on ne trouve de vestige de cette disparition. Une côte sort du côté, et le corps ne perd rien de sa plénitude. Ce qui sort est parfait, ce qui reste est entier. Je vais plus loin encore et j’ajoute, que sans porter atteinte à quoi que ce soit, cette côte a pour ainsi dire engendré d’elle-même un corps humain ; deux corps se sont trouvés au lieu d’un, sans que la mère ait subi aucune diminution. Ainsi donc la puissance divine a pu soustraire une côte au flanc de l’homme, sans que le corps en ressentît aucune atteinte ; et un Dieu sortant du sein d’une vierge n’aurait pu conserver son intégrité ? Pourtant aucun homme, à l’exception du juif, ne pousse la folie jusqu’à nier que ce soit le Verbe lui-même qui ait opéré ce prodige sur le corps du premier homme. Et ce qu’il a fait en formant la première femme, le Verbe n’aurait pu le faire lorsqu’il revêtait notre humanité dans le sein de Marie ? Il n’a pas permis que le corps d’Adam laissât paraître aucune trace de ce qui se passait, et il aurait permis que la virginité ou la pudeur de sa Mère subît quelque atteinte ! Mais, dites-vous, « Dieu remplit de chair le vide laissé par la disparition de la côte as », et ne causa aucune souffrance. De même, en sortant du sein de sa Mère, le Verbe incarné ne déchira point sa pudeur et ne laissa aucun signe de corruption là où s’était déployée toute la puissance divine. Enfin, montrez-moi comment Dieu remplit de chair le vide laissé par la disparition de la côte, et moi je vous montrerai comment Jésus-Christ est sorti du sein de Marie sans y laisser aucune trace. Mais vous ne pourrez satisfaire à ma demande ; car où la puissance divine n’a laissé aucun vestige, vous ne sauriez en trouver ; de même vous ne pouvez découvrir aucune corruption en Marie, puisque Dieu a voulu cacher à tous les regards ce que vous cherchez. 27. Chrétiens, levez-vous donc joyeux et répandez-vous en louanges aux pieds du Seigneur. Que les accents de votre reconnaissance remplissent l’Église de Dieu, le temple de Jésus-Christ, la demeure du Saint-Esprit. Entrez dans l’étable de votre Créateur, visitez la crèche de votre Sauveur, baisez les haillons du Pasteur éternel, et prenez dans vos bras ce Dieu devenu petit enfant. Venez adresser avec moi des louanges à la Vierge sainte, à la Mère véritable restée pure dans son enfantement, et rehaussant sa beauté par l’intégrité de sa pudeur. Louez avec les cieux, louez avec les anges, louez avec toutes les vertus, louez avec tous les éléments de la nature. Ne cessez pas, ne vous lassez pas de chanter la gloire du Sauveur : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté at ».HUITIÈME SERMON. LA NAISSANCE DE JÉSUS-CHRIST. (DEUXIÈME SERMON.)
ANALYSE. —1. Naissance inénarrable de Jésus-Christ. —2. Réfutation de l’impiété des Juifs. —3. À la fin des temps le Fils de Dieu est venu comme législateur. 1. Frères bien-aimés, quand il s’agit de célébrer la grandeur du mystère de notre salut, le prodige de la naissance du Sauveur, l’humanité doit avouer l’impuissance de ses conceptions et de sa parole. À un tel bienfait, à cette grâce infinie, que peut répondre la faiblesse de notre dévotion ? Comment concevoir que le Fils unique, consubstantiel au Père, éternel comme le Père, redoutable au ciel, à la terre et aux enfers, ait voulu se revêtir d’un corps humain pour opérer le salut de l’homme ? Quelle langue pourra raconter ce que l’intelligence ne saurait comprendre ? Quel homme tenterait de juger ce qui n’a pour auteur et pour témoin que Dieu lui-même ? « Car personne ne connaît le Fils, si ce n’est le Père au ». Comment la fragilité humaine, corrompue par le péché, pourrait-elle sonder le secret de cette Nativité virginale ? Jésus-Christ naît, non point par la nécessité de vivre, mais par sa volonté de nous sauver. Il naît parmi les morts, lui qui donne la vie aux morts. Nous ne devons pas douter de l’accomplissement de cette Prophétie formulée par le plus grand des prophètes sous l’inspiration du Saint-Esprit : « Voici qu’une Vierge concevra dans son sein, et enfantera un Fils av ». Qu’une femme enfante, c’est l’objet de notre foi à l’incarnation ; mais que cette femme ait toujours été vierge, c’est le principe d’une gloire éternelle pour celui qu’elle nomme son Fils. Jésus-Christ naît d’une vierge, car il notait pas convenable que la vertu prît naissance dans la volupté, la chasteté dans la luxure, ou la pureté dans la corruption. Celui qui venait détruire l’ancien empire de la mort, ne pouvait naître sous les lois de cet empire, et le Seigneur de l’univers ne pouvait prendre la forme d’esclave dans laquelle il devait nous sauver, qu’en prenant un corps dans le sein d’une servante. Comment le Fils de Dieu aurait-il subi pour nous les crachats, les soufflets et la croix, s’il ne s’était pas constitué le Fils de l’homme ? 2. O malheureux Juifs qui, en recourant à la calomnie de l’adultère, éteignent pour eux-mêmes cette grande lumière sous le souffle de ténébreux soupçons, en refusant de croire qu’une Vierge ait conçu ! Ils ne voient plus qu’un crime humain dans l’acte par excellence de l’amour de Dieu pour nous ; et ce qui n’est que vertu ils l’appellent une faute, tant ils sont aveuglés par leur jalousie. Malheureux que vous êtes, croyez donc à celui qui n’a voulu naître que pour opérer votre salut. Comprenez, mes frères, l’aveuglement de ces hommes perfides qui nient obstinément que le Christ ait pu naître d’une Vierge. Dans une naissance toute céleste ils invoquent ce qui se passe parmi les hommes et veulent soumettre le Créateur aux lois établies pour les simples créatures. Que l’impiété humaine n’essaie donc pas de porter atteinte à la glorieuse Nativité de Jésus-Christ, qui n’a voulu naître que par amour pour nous. Si le Fils de l’homme et de Dieu s’est humilié dans la chair, si une Vierge a enfanté et est demeurée vierge après son enfantement, tout cela s’est fait, non point selon l’ordre d’une nature mortelle, mais par l’effet immédiat de la puissance divine. 3. Comment peut-on douter que ce soit là le secret du Tout-Puissant, quand on entend dire que le Roi des cieux est né d’une vierge, et que le Fils de la Vierge commande aux puissances du ciel ? Qui dira, mes frères, l’accroissement miraculeux des bienfaits de Dieu pour le salut des nations ? Autrefois, après le passage de la mer Rouge, voulant donner au peuple hébreu des préceptes relatifs au culte divin, le Seigneur appela Moïse au sommet du Sinaï, et confia à ce serviteur l’expression authentique de sa volonté à l’égard de cette petite nation. Mais quand les temps prédits furent arrivés, voulant prodiguer à toutes les nations les sacrements de la vie éternelle, Dieu lui-même, descendant du ciel et du sein de son Père, se renferma dans le sein d’une Vierge, et y revêtit notre humanité et se fit homme sans cesser d’être Dieu, acquérant ainsi une gloire incomparable. C’est ainsi que le Tout-Puissant est sorti du sein de Marie, a subi les infirmités de la chair sans perdre la majesté du Fils de Dieu, et, tempérant cette majesté suprême, il a réalisé ce prodige d’un Dieu fait homme s’entretenant avec les hommes, et d’un homme triomphant du démon par la puissance infinie qu’il tenait de son union hypostatique avec Dieu.NEUVIÈME SERMON. LA NAISSANCE DE JÉSUS-CHRIST. (TROISIÈME SERMON.)
ANALYSE. —1. Accord des Prophètes et des Apôtres sur la naissance de Jésus-Christ. —2. Virginité sans tache de Marie dans son enfantement. 1. Frères bien-aimés, nous avons longuement parlé de la divinité du Fils de Dieu et réfuté, selon notre pouvoir, toutes les attaques de nos adversaires. Je veux aujourd’hui vous parler de l’Incarnation, parce que ces mêmes adversaires refusent au Fils de Dieu la qualité de Fils de l’homme. « Cieux, laissez tomber votre rosée, et que les nuées pleuvent le Juste ; que la terre s’ouvre et germe le Sauveur, et que la justice s’élève en même temps ; c’est moi, le Seigneur, qui l’ai créé aw ». Nous lisons également : « Voici qu’un petit enfant nous est né, la principauté a été déposée sur ses épaules, et il sera appelé l’Admirable, l’Ange du grand conseil, le Dieu fort, le Père du siècle futur, le prince de la paix ax » ; et encore : « Voici qu’une Vierge concevra dans son sein, elle enfantera un Fils et il sera appelé Emmanuel ay ». L’ordre des choses exige qu’en parlant sur l’Évangile je ne passe pas sous silence les Prophètes. Saint Paul lui-même nous en donne l’exemple dans ce début de l’Épître aux Romains : « Paul, serviteur de Jésus-Christ, appelé à l’apostolat, séparé pour prêcher l’Évangile de Dieu, Évangile qu’il avait promis auparavant par ses Prophètes dans les saintes Écritures, touchant son Fils qui est sorti de la race de David selon la chair az ». Saint Paul vient de vous apprendre que, avant d’être publié, l’Évangile avait dû être promis par les Prophètes. L’Apôtre vient de vous dire que le Fils de Dieu, selon la divinité, est devenu le Fils de l’homme « de la race de David, selon la chair ». Quelles contradictions peuvent donc exister entre les prophéties et l’Évangile ? Le Prophète s’écrie : « Cieux, laissez tomber votre rosée, et que les nuées pleuvent le Juste ». Que l’Ange vienne, qu’il annonce le Verbe ; que la terre s’ouvre, que Marie entende, qu’elle conçoive le Sauveur, qu’elle enfante Jésus. Le Prophète avait dit : « Voici qu’une Vierge concevra et enfantera un Fils, et il sera appelé Emmanuel ». L’Évangéliste rapporte textuellement ces paroles et ajoute : « C’est-à-dire Dieu avec nous ba ». De son côté l’Apôtre écrit : « Touchant son Fils qui est sorti de la race de David selon la chair ». Ce que les Prophètes ont prévu et prédit, les Apôtres l’ont vu et prêché. Celui qui était a été fait ; celui quia été fait était déjà le Verbe, et il s’est fait chair ; il était le Fils de Dieu, et il s’est fait le Fils de l’homme. 2. Il était Dieu, il s’est fait homme ; il a pris notre humanité sans perdre la divinité ; il s’est fait humble, il est demeuré sublime. Il est né homme, il n’a pas cessé d’être Dieu. Il est né petit, tout en restant l’Infini sous les voiles de l’enfance. Que celui qui embrasse avec plaisir le Dieu né, se garde bien d’avoir horreur de l’enfantement de la Vierge. Dieu lui-même, le Créateur de l’homme, le Fils de l’homme, vous dit : Qu’y a-t-il pour vous étonner dans ma naissance ? La concupiscence n’a eu aucune part dans mon enfantement. Moi-même j’ai créé la mère dont je devais naître ; moi-même j’ai préparé et purifié la voie que je devais suivre en entrant dans le monde. Celle que vous méprisez, c’est ma mère, laquelle a été créée de ma propre main. Si j’ai pu me souiller en la créant, j’ai pu me souiller en prenant d’elle ma naissance. De même que sa virginité n’a reçu aucune atteinte par ma présence dans son sein, de même ma majesté n’a pu subir aucune souillure. Si les rayons du soleil savent dessécher les lieux les plus infects et rester toujours purs, combien plus la splendeur de la lumière éternelle, dans laquelle aucune tache ne saurait se produire, pourra-t-elle, sans se souiller, purifier tout ce qu’elle touchera de ses rayons ? Insensé, dans une Vierge restant toujours Vierge, puisqu’elle enfante en dehors de tout concours de l’homme, comment prétendez-vous trouver en elle des souillures ? Elle a conçu sans éprouver aucune concupiscence ; elle a enfanté sans ressentir aucune douleur où donc trouver des taches en elle ? Aucun étranger n’a eu accès dans cette demeure ; elle n’a été visitée que par son Créateur et son maître, dans le but de se couvrir d’un vêtement qu’il n’avait pas ; en la quittant, il l’a fermée sans que personne pût l’ouvrir, et vous soutenez qu’elle a été profanée ? Comme ce Fils de Marie est le seul libre entre les morts, de même la pudeur de sa mère est la seule qui ait conservé toute son intégrité. Eve, par sa désobéissance, a mérité le châtiment ; Marie, par son obéissance, a obtenu la gloire. Eve, en goûtant du fruit défendu, a été maudite ; Marie, en croyant à la parole de l’ange, a été bénie.DIXIÈME SERMON. LA NAISSANCE DE JÉSUS-CHRIST. (QUATRIÈME SERMON.)
ANALYSE. —9. Naissance du Sauveur ; virginité de Marie. —2. Annonciation de l’Ange. —3. L’étoile brillant du haut du ciel. —4. Offrandes symboliques des Mages. 1. Si nous pouvions exposer parfaitement l’événement de ce jour, nous aurions la connaissance complète des mystères de notre salut. Or, chacun de ces mystères défie, par sa profondeur, toute l’habileté du langage humain. Comment donc pourrait-on se flatter de les exposer tous à la fois sur un seul et même sujet ? Nous célébrons aujourd’hui la naissance du Sauveur ; mais ne devons-nous pas voir dans cette naissance du Christ la naissance même du monde ? C’est aujourd’hui la naissance du Sauveur, c’est-à-dire le mystère d’où le monde a reçu la vie et d’où la lumière, qui avait péri, a été rendue aux mortels. Il naît, celui que les Prophètes ont proclamé le Roi des nations. « Il naît d’une Vierge, comme le Prophète l’atteste en ces termes : Voici qu’une Vierge concevra et enfantera un fils, et ils l’appelleront Emmanuel, c’est-à-dire Dieu avec nous ». Le mode de sa naissance prouve donc qu’il est le Seigneur des vertus ; une vierge a conçu sans avoir jamais connu la concupiscence ; le Saint-Esprit a tout fait en elle ; tout a été pur, et le sein qui a conçu le Verbe, et les membres qui l’ont conservé, et les entrailles qui l’ont porté. La mère du Sauveur est elle-même le plus grand miracle ; une vierge a conçu, une vierge a enfanté ; elle était vierge avant, elle est restée vierge après l’enfantement. Virginité glorieuse et fécondité éclatante ; le Tout Puissant prend naissance, et sa mère n’exhale aucun gémissement. Elle enfante, son fils paraît à la lumière et sa virginité ne souffre aucune atteinte. Du moment que c’est un Dieu qui naît, il fallait que la chasteté de la mère reçût un nouvel éclat, et celui qui était venu pour guérir toutes les souillures ne pouvait porter atteinte à la parfaite intégrité de sa mère. L’enfant, à sa naissance, est déposé dans une crèche ; ce sont là les premières bandelettes d’un Dieu, le Roi du ciel ne dédaigne pas ces entraves, après avoir trouvé bon d’habiter dans un sein virginal. Marie, dépouillée de son précieux fardeau, se tient là debout et se reconnaît mère, avant de s’être connue épouse. Elle adore la divinité de son fils et tressaille de joie d’avoir enfanté par le Saint-Esprit ; elle ne frémit pas d’avoir enfanté en dehors du mariage, mais elle se réjouit d’avoir donné naissance à un Dieu. 2. Quand fut arrivé le moment où le Sauveur devait descendre sur la terre et régénérer le monde ; à cette époque où les prophéties planaient sur les nations attentives, le Saint-Esprit survint dans la Vierge Marie, selon cette parole de l’Ange : « Le Saint-Esprit viendra sur vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre. Voilà pourquoi le Saint qui naîtra de vous sera appelé le Fils du Très-Haut bb ». Grand est donc le mérite de notre foi, parce que grand est le prodige de cette génération, et c’est en toute justice que nous adorons la puissance divine dans la naissance de Celui que nous savons nous être venu du ciel et engendré de Dieu le Père par la vertu du Saint-Esprit, afin de proclamer plus solennellement la Trinité et de sceller la sainteté de Marie. Le Sauveur naît, et le soleil s’élance plus loin dans sa carrière. N’est-il pas nécessaire que la splendeur qui apparaît aujourd’hui avec tant d’éclat prenne de jour en jour une nouvelle extension ? 3. Mais voici un nouveau messager qui vient nous attester la naissance du Sauveur. C’est une étoile qui apparaît du ciel ; ne fallait-il pas que celui qui descendait du ciel fût également attesté par un envoyé du ciel ? La course de l’étoile annonce la naissance du Dieu fait homme ; les éléments attestent le même prodige et, mêlée aux rayons du soleil, l’étoile n’en jette que plus d’éclat. 4. Voyons donc ce que signifiaient ces présents mystérieux offerts par les Mages, malgré l’abjection de la crèche, et comprenons qu’ils proclament en Jésus-Christ l’union personnelle de la divinité et de l’humanité. Le Sauveur est vu comme homme, et il est adoré comme Dieu ; il est gisant dans ses langes et il brille parmi les étoiles. Ses langes annoncent l’enfant qui vient de naître, les étoiles proclament qu’il est le souverain Maître de toutes choses. C’est son humanité qui est enveloppée de langes, c’est sa divinité qui est adorée ; les bergers tressaillent sur la terre, les Anges sont remplis de joie dans les cieux. Mais enfin, quels sont donc ces présents que les Mages, divinement instruits, offrent à l’Enfant-Dieu ? Ils présentent de l’or et confessent ainsi que cet enfant est le souverain Maître de toutes choses. Ils présentent de l’encens, et ce sacrifice s’adresse à un Dieu. Ils présentent de la myrrhe, symbole de sa mortalité. L’or nous le montre comme Roi, l’encens nous le fait connaître comme Dieu, la myrrhe nous annonce sa sépulture. Les Prophètes annoncent un seul Dieu, et les Apôtres le prêchent ; les Mages ont cru, et à Jésus-Christ dans les langes ils ont offert de l’encens, de l’or et de la myrrhe. Pour nous, mes frères, craignons le Dieu unique, afin qu’il daigne nous accorder tous les biens par Jésus-Christ Notre-Seigneur, qui est béni dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.ONZIÈME SERMON. LA NAISSANCE DE JÉSUS-CHRIST. (CINQUIÈME SERMON.)
ANALYSE. —1. La naissance du Sauveur, cause de joie pour le monde. —2. Salutation de l’Ange à Marie. —3. Éloge de la bienheureuse Vierge. 1. Frères bien-aimés, la naissance de Jésus-Christ est la rédemption du pécheur. En effet, le pécheur n’aurait pu être délivré si le Sauveur n’était pas venu sous la forme d’esclave. C’est aujourd’hui la naissance du Seigneur, que les esclaves se réjouissent ; c’est la naissance du Rédempteur, que les captifs rachetés se réjouissent ; c’est la naissance du médecin, que les malades se réjouissent ; c’est la naissance de la miséricorde, que les pécheurs se réjouissent ; c’est la naissance de Jésus-Christ, que tous les chrétiens applaudissent. Dieu a voulu naître dans le temps, lui qui a fixé la mesure des temps. Écoutons l’Apôtre : « Il s’est anéanti lui-même, en prenant la forme d’esclave, il a pris la ressemblance de l’homme et il a paru comme homme bc ». Vous entendez qu’il s’est anéanti, mais il n’a jamais perdu la nature divine et ne s’est jamais séparé d’elle. Il s’est fait homme, mais sans cesser d’être Dieu. Il a revêtu l’humanité, mais il n’a pas dépouillé la divinité. Il s’est fait homme en prenant la forme humaine, sans perdre la forme divine. Il a pris le vêtement de la chair, mais intérieurement il est toujours resté Dieu. Comme Dieu et comme Créateur, « par qui tout a été fait, et sans lequel rien n’a été fait, il s’est construit à lui-même le temple dans lequel il devait naître. Il a créé sa Mère ; or, il demeure éternellement avec son Père. Il a revêtu notre humanité, il est né d’une mère qu’il avait formée lui-même en régnant avec son Père ». Tel est le sens de ces paroles du Prophète : « Sion est ma mère, dira un homme, un homme a été fait en elle, et le Très-Haut lui-même l’a établie bd». Que les cieux tressaillent, et que la terre se réjouisse ; que les cieux tressaillent, parce qu’ils n’ont personne pour les accuser ; que la terre se réjouisse, parce qu’elle a germé son Sauveur. Qui donc pourra trouver le secret d’un don si précieux ? L’Apôtre, parlant de ce secret, n’a pas craint de dire « qu’il était caché depuis les siècles be ». 2. La Mère du Sauveur, irrévocablement attachée à sa virginité, demanda à l’Ange comment elle pourrait concevoir sans porter aucune atteinte à sa pudeur : « Comment », dit-elle, « cette promesse pourra-t-elle s’accomplir, puisque je ne connais pas d’homme bf? » Les Prophètes m’ont appris qu’une vierge devait enfanter, mais je n’ai jamais su comment ce prodige devait s’accomplir. Je vous en prie, bienheureux Gabriel, ange de Dieu, expliquez à une chaste vierge le secret d’un aussi grand mystère. Vous m’avez adressé une salutation inouïe jusque-là, ajoutez-y une consolation pour ma virginité, car je l’ai vouée à Dieu, je me suis engagée à le servir dans son temple. Dites-moi donc : « comment cela se fera, puisque je ne connais pas d’homme ». L’Ange lui répondit : Vous ne connaîtrez pas d’homme, mais vous connaîtrez le mystère : « Le Saint-Esprit surviendra en vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre, voilà pourquoi le Saint qui naîtra de vous sera appelé le Fils de Dieu ». Marie avait dit : Expliquez-vous, ô envoyé de Dieu, car ce que vous m’annoncez est extrêmement sérieux : « Comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais pas d’homme », et il en sera ainsi tant que je vivrai. Contemplez cet Ange instruit du mystère, et Marie en demandant l’explication. O Marie, écoutez « comment cela se fera » votre virginité n’aura pas à souffrir, votre pudeur ne subira aucune atteinte ; pour vous, croyez la vérité, du moment que votre virginité est sauve, soyez en toute sécurité ; parce que votre foi est parfaite, votre virginité restera intacte. Écoutez comment cela se fera : « Le Saint-Esprit surviendra en vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre » ; parce que vous concevez par l’espérance en croyant, vous deviendrez mystérieusement féconde ; « voilà pourquoi le Saint qui naîtra de vous sera appelé le Fils de Dieu ». Et comme son arrivée en vous est insensible, sa sortie le sera également. Dieu peut-il être un fardeau ? Marie répondit : S’il en est comme vous le dites, je m’incline avec joie devant votre voix angélique. En refusant de croire, je ferais injure à Celui qui vous a envoyé, et Dieu pourrait me frapper de mutisme, comme l’a été Zacharie. L’Ange répliqua : O Vierge, ne soyez point incrédule, mais fidèle ; « le Saint-Esprit surviendra en vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre » ; vous ne connaîtrez pas les ardeurs de la concupiscence, parce que tout ici défie les règles ordinaires de la mortalité et reflète les caractères de la sainteté la plus parfaite. Marie dit à son tour : Si Dieu, en me conférant la maternité, me laisse ma virginité, « voici la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon votre parole bg ». Oh ! que Marie est heureuse d’avoir cru ; Celui que le monde ne peut contenir, elle l’a porté dans son sein, l’a conçu par la foi et l’a formé de sa chair et de son sang ; de la virginité a germé la rédemption pour ceux qui croient. 3. O bienheureuse Marie, à quel titre avez-vous donc mérité de devenir la Mère du Sauveur ? Par quel privilège Celui qui vous a créée est-il venu à vous ? D’où vous vient une si grande faveur ? Vous êtes vierge, vous êtes sainte, vous avez fait un vœu ; ce que vous avez voué, vous l’avez reçu de lui, et cependant qu’il est grand, Celui que vous avez enfanté ! Réjouissez-vous, sainte virginité, réjouissez-vous d’être ainsi protégée par le message d’un Ange. Votre pudeur vous est conservée dans toute son intégrité, et pourtant vous êtes réellement la Mère du Sauveur. Votre enfantement sera célébré par toute l’armée angélique, par toute la milice céleste. Bientôt un ange va porter la bonne nouvelle de la naissance du Sauveur aux pasteurs qui veillaient dans les champs : « Bienheureux les serviteurs que le Seigneur trouvera éveillés lorsqu’il viendra bh ». Jésus-Christ est venu pour nourrir ceux qui ont faim, pour rendre les captifs à la liberté, pour éclairer les aveugles, pour ressusciter les morts ; des enfants de colère, qu’il fasse des vases de miséricorde, afin que tous ceux qui croient en lui aient la vie éternelle et louent avec les Anges la naissance du Sauveur.DOUZIÈME SERMON. LA NAISSANCE DE JÉSUS-CHRIST. (SIXIÈME SERMON.)
ANALYSE. —1. Joseph et Marie prennent part au recensement. —2. Naissance de Jésus-Christ. 1. Après avoir longuement étudié le mystère de l’enfantement virginal et de la naissance de Jésus-Christ, il nous est donné de suivre dans tous ses détails le récit du saint Évangile : « Voici ce qui arriva dans ces jours : « César-Auguste ordonna par un décret d’opérer le recensement de l’univers. Ce premier recensement se fit, etc. » Au moment de la naissance de Jésus-Christ, tout l’univers se fait enregistrer sur les rôles publics, parce que le tribut est dû à César, comme l’adoration est due à Dieu. La pièce de monnaie est marquée au coin de César, comme les hommes sont formés à l’image de Dieu. Le recensement du monde s’opère en ce moment, afin que l’image du roi soit empreinte sur la monnaie, et que l’image de Dieu soit réformée dans l’homme. C’est ainsi que le tribut était rendu à César et l’homme à Dieu, selon cette parole du Seigneur : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu bi ». Alors, dit l’Évangile, s’accomplit le premier recensement ; le premier quant au mystère, et non pas quant au temps ; quant au mérite, et non pas quant à la classification ; quant à la foi, et non pas quant à l’exécution matérielle. Depuis longtemps déjà l’univers payait le tribut aux Romains, ce qui suppose le cens établi ; comment donc peut-on dire qu’il y eut, à la naissance du Sauveur, un premier recensement ? n’y a-t-il pas là un enseignement mystérieux et prophétique ? « Joseph monta donc, afin d’inscrire son nom sur les registres, avec Marie son épouse ». Cette parole. « Il monta », est parfaitement exacte, car c’est monter que de se diriger vers les choses divines. Il monta pour confesser qu’il était époux, et non mari ; qu’il était chargé de prendre soin de l’enfant, et non pas de concourir à sa formation, et que cet enfant était tout à la fois et le Fils de Dieu et le Fils de l’homme. Marie monta également, afin de confesser qu’elle était plus encore la servante que la mère de son Fils ; qu’elle avait reçu l’annonce de sa maternité, sans que sa chair en ressentît les atteintes ; qu’elle portait le don de Dieu, et non pas un fardeau humain ; car, du moment que la mère reste vierge, l’enfant qu’elle porte ne saurait être que l’œuvre de Dieu. 2. « Et pendant qu’elle était là, les jours de l’enfantement furent accomplis » ; ces jours sont plutôt des temps et des siècles que des jours proprement dits. Écoutez l’Apôtre : « Quand la plénitude des temps fut arrivée, Dieu envoya son Fils bj » pour revêtir notre humanité. Le premier homme, accablé sous le poids du précepte, succomba. La postérité de Noé, en cherchant à s’élever dans le ciel, se sentit précipitée et confondue par la diversité des langues. Le peuple juif, impuissant à porter le fardeau de la loi, s’inclina de plus en plus vers la terre et préféra « être « comparé aux animaux sans raison bk », quant à ses œuvres, plutôt que de devenir leur égal par l’ignorance de la loi. C’est donc par un juste dessein que l’Auteur du monde attend le temps du monde et veut donner à ce monde le moyen de s’instruire, afin de l’amener à recevoir, si tard que ce soit, son Rédempteur, lui qui avait rejeté son Créateur parce qu’il n’avait pas encore l’expérience de son malheur. « Les jours de l’enfantement furent accomplis, et elle enfanta un fils, l’enveloppa de langes et le déposa dans une crèche bl ». Celui qui contient l’univers est renfermé dans le sein d’une femme ; l’Auteur de la nature prend lui-même naissance ; le Créateur des hommes et des temps devient le premier-né des hommes ; le Trésor du ciel est enveloppé sous la pauvreté des langes ; le Maître de la foudre fait entendre le gémissement de l’enfance ; Celui à qui toute créature est soumise est couché dans une étable. Sentez-vous, ô homme, quel est celui qui vous poursuit, afin de vous rappeler Jésus-Christ. Il entre dans le sein d’une femme, afin de vous y reformer ; il naît, afin de vous faire renaître à l’immortalité ; il devient le premier-né des hommes, afin de vous rendre participant de la nature divine. Voilà pourquoi le Christ est couché dans une crèche et devant de vils animaux, c’est afin de leur faire sentir, en quelque sorte, leur Créateur. Enfin il est placé dans une crèche, afin de réaliser cette parole dût Prophète : « Le bœuf a reconnu son possesseur, et l’âne l’étable de son maître bm ». Le Psalmiste avait dit également : « Seigneur, vous sauverez les hommes et les animaux bn ». Les hommes ne sont-ils pas comparés aux animaux, dans ces paroles du Sauveur : « Prenez sur vous mon joug, car il est doux, et mon fardeau, car il est léger bo »TREIZIÈME SERMON. LA NAISSANCE DE JÉSUS-CHRIST. (SEPTIÈME SERMON.)
ANALYSE. —1. Nous devons naître avec Jésus-Christ par les bonnes œuvres. —2. Nombreuses manifestations de Jésus-Christ. —3. Naissance virginale de Jésus-Christ. —4. Humilité et gloire de Jésus-Christ naissant. —5. Conclusion. 1. Jésus-Christ naît d’une Vierge ; quel éclat ne jette pas sur le monde cette naissance du Sauveur ! En la méditant avec piété, nous mettons un terme à nos péchés, et, rejetant les habitudes criminelles de nos mauvaises actions, nous nous unissons à la vie nouvelle, nous renaissons avec Jésus-Christ naissant. De même qu’aujourd’hui, pour sauver le monde, Jésus-Christ est sorti du sein de Marie, de même le genre humain sort aujourd’hui du sein de Marie, c’est-à-dire des entrailles de l’Église, créé de nouveau par les sacrements mystiques et spirituels, et paraît à la lumière avec Jésus-Christ, et s’élance dans la voie qui mène au salut. Je vous parle ainsi, mes frères, parce que tous nous célébrons aujourd’hui en commun la naissance du Sauveur. Trop peu de chrétiens cherchent à se rendre compte du but et de l’auteur de cette naissance ; car si ce mystère était toujours présent à notre esprit, nous ne pécherions jamais ; et cependant tous disent : C’est aujourd’hui la naissance du Seigneur ; applaudissons par des bonnes œuvres, réjouissons-nous dans le Seigneur par des actions saintes, dépouillons notre malice à l’arrivée de Jésus-Christ et montrons-nous bons en toutes choses. Et pourtant, malgré ce langage, ils n’ont d’autres préoccupations que de satisfaire aux besoins de la chair et du sang, ils mêlent leur joie à des actions criminelles, tandis que leur âme, pour laquelle aucun bien n’est à négliger, reste privée de toute nourriture spirituelle, et tous leurs soins sont pour le corps, auquel ils n’osent imposer aucune privation en faveur de leur âme. Ceux qui célèbrent aussi indignement la naissance de leur Sauveur, est-il étonnant qu’ils soient comparés à des animaux sans raison, qui n’ont d’autre joie qu’à repaître leur corps ? Si donc nous sommes des fidèles et des chrétiens, rappelons-nous quel est Celui qui a daigné naître aujourd’hui, et à la vue de sa grandeur infinie, nous changerons promptement notre vie, parce que dans cette naissance nous reconnaîtrons Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui est notre vie véritable et éternelle. Renonçons à nous-mêmes et commençons à vivre pour Celui qui a daigné pour nous non seulement naître, mais encore mourir. Contemplez sa grandeur, pénétrez-vous de sa mansuétude, afin que vous méritiez de concevoir son infinie majesté. Aujourd’hui paraît pour nous à la lumière le suprême arbitre de la liberté, l’auteur de toute équité, le promoteur de la justice, le destructeur de l’orgueil, le principe de l’humilité, celui qui dissipe la discorde, nous ramène la paix, triomphe de la mort et nous procure la rédemption et la vie. 2. Mais Jésus-Christ nous a manifesté sous différentes formes son apparition sur la terre. D’abord, sur la terre, les anges le montrent aux bergers ; ensuite, dans le ciel, une étoile le désigne aux Mages ; dans les eaux du Jourdain, le Saint-Esprit le fait connaître clairement ; enfin il se manifeste lui-même dans le vin de Cana. Tous ces prodiges ont pour but de prouver aux hommes que Celui qui, en se faisant homme, leur est apparu dans un tel état d’abaissement, est véritablement Dieu ; tourtes ces merveilles confondent les incrédules qui ne voulaient voir en lui qu’un homme, et confirment d’une manière éclatante la foi des fidèles. Autrefois les enfants d’Israël, sûrs d’échapper à la haine des Égyptiens par le miracle de la mer Rouge, virent marcher à leur tête la colonne de nuée qui s’obscurcissait pendant le jour pour leur servir de guide, et se transformait en une colonne de feu qui les inondait de lumière pendant la nuit. Autant cette colonne projetait de clarté pour les Juifs fidèles, autant elle projetait d’obscurité pour les Égyptiens incrédules. Figuré par cette colonne, le Sauveur s’est toujours rendu visible pour affermir la foi des croyants, et aujourd’hui, au moment même de sa naissance, il se manifeste de la manière la plus éclatante au genre humain tout entier, pour l’empêcher de périr éternellement. Il était apparu à Abel pendant ses sacrifices, à Noé dans la construction de l’arche, à Abraham, le père des croyants, à Isaac bénissant son fils, à Jacob fuyant la colère d’Esaü, à Moïse paissant les troupeaux ; c’est lui qui fit entrer Josué dans la terre promise, où devaient couler pour lui des ruisseaux de lait et de miel ; c’est lui qui affermit le trône de David, accorda la sagesse à Salomon, entoura d’honneurs le sacerdoce. Or c’est ce même Sauveur qui, aujourd’hui, a daigné prendre la forme d’esclave, afin de rendre participants de sa propre nature tous ses serviteurs dévoués, et d’en faire, par l’adoption, les enfants de son Père tout-puissant. Engendré du Père avant tous les temps, et sans le concours d’aucune mère, il. a créé le monde ; il est né dans le temps d’une mère vierge, sans le concours d’aucun homme, et a purifié le monde de toutes ses souillures. Né de la bouche du Père, il a créé tout ce qui existe ; né d’une mère vierge, il a réparé toutes les brèches faites au monde par le péché. 3. Lecteur, redoublez de vigilance et d’attention lorsque vous entendez dire que le Verbe s’est incarné dans le sein d’une vierge pour la rédemption du monde. Vous avez été formé d’une terre vierge, parce que la vie a précipité le monde dans la mort. Voilà pourquoi il a été nécessaire que le Sauveur, sorti d’un enfantement virginal, arrachât le monde à l’abîme de la mort pour le rappeler à la vie, et que Celui qui est né d’une vierge, comme homme, triomphât du prince de la mort qui avait vaincu l’homme créé d’une terre vierge. Le premier homme a été vaincu, et il a perdu la vie pour sa postérité ; l’Homme-Dieu a vaincu et il a rendu aux hommes la vie qu’ils avaient perdue. Le premier Adam est devenu le chef de tous les mourants ; le second Adam est devenu le chef de tous ceux qui passent de la mort à la vie. Marie a enfanté un Fils qui devait faire de tous les hommes des enfants de Dieu, qui devait nous soustraire à l’ignominie de la mort et obtenir la vie éternelle à ce monde condamné à mourir. Sur la terre une Vierge-Mère engendre son Fils en forme d’esclave, et dans le ciel ce même Fils est reçu comme souverain Maître par Dieu son Père. Une Mère engendre un Fils dont elle attend sa propre nourriture, et, simple créature, elle porte dans son sein Celui devant qui le ciel n’est rien. Dans cet enfantement glorieux, ses entrailles rayonnaient de gloire plutôt qu’elles ne souffraient, l’enfant divin croissait dans son sein et formait pour sa mère un fardeau céleste qu’elle portait sans en être surchargée. Son sein renfermait Celui que les cieux ne sauraient contenir, et elle enfanta Celui qui, loin de souiller sa mère, devait par sa naissance purifier le monde de toute souillure. Sainte, elle a cru ; sainte, elle a conçu ; mais elle a été rendue plus sainte encore par son enfantement. Le Verbe n’était que son Epoux, mais il devient son Fils par l’Incarnation ; il était son Créateur, et c’est d’elle qu’il reçoit la vie. La foi de Marie a été pour elle le principe de sa maternité divine ; l’Archange en a été le héraut. Elle devint mère et épouse vierge, et elle eut pour époux Jésus-Christ même qu’elle enfanta. Jésus-Christ n’est-il pas le Verbe sorti de la bouche du Père ? Reçu par la Vierge immaculée, il revêtit dans son sein l’humanité à laquelle il devait rester éternellement uni, selon cette parole du Saint-Esprit s’exprimant par la sagesse de Salomon : « La Sagesse s’est choisi une demeure bp ». Quelle est cette Sagesse, sinon le Fils de Dieu engendré du Père avant tous les temps ? Quelle est cette demeure qu’il a choisie, si ce n’est l’homme-Christ Jésus dont il s’est revêtu, que la glorieuse Vierge a engendré, que le Saint-Esprit a formé, que l’archange Gabriel a annoncé, que le chœur des anges a célébré, que l’étoile éclatante a manifesté ? Marie n’a été rendue féconde que par Celui-là même qu’elle devait enfanter, et comme la lumière n’a aucun poids, la grossesse de Marie ne fut nullement pour elle un fardeau ; elle tressaillait, au contraire, parce qu’elle n’ignorait pas ce qu’elle portait. Marie est devenue la Mère de Celui qui n’avait pas de père selon la chair. O heureuse Vierge, qui, devenant un nouveau ciel, a mérité de porter Dieu lui-même ? Le Saint-Esprit parlait par l’ange et, en l’écoutant, Marie se sentit pénétrée de son ombre vivifiante. 4. Le Roi des rois, repoussé de partout, ne trouva d’asile que dans une grotte ; il eut pour berceau une crèche, et la plume fut pour lui remplacée par le cilice. Le ciel verse sa rosée divine, et une Vierge enfante ; les étoiles brillent dans le ciel, et les rois tremblent sur la terre. Les anges tressaillent d’allégresse, les bergers sont saisis d’étonnement, les mages consultent les habitants de Jérusalem, et les princes des Juifs sont confondus. Les Prophètes se réjouissent de trouver en Jésus-Christ l’accomplissement de toutes leurs prophéties. « Abraham a vu ce jour, et il s’en est réjoui bq ». Car aujourd’hui dans sa race toutes les nations ont accès à l’héritage de l’éternelle promesse. Vous avez accompli, Seigneur, ce que vous avez promis dans le passé et vous avez prouvé que vous réaliserez toujours l’objet de vos serments. Car, Seigneur, vous êtes fidèle dans vos promesses, et dans la naissance de Jésus-Christ tout est arrivé comme vous l’avez promis à Abraham. De même tout ce que vous promettez maintenant à votre Église, vous l’accomplirez au second avènement du Sauveur. Celui qui nous apparaît aujourd’hui sur la terre pour sauver le monde, vous apparaîtra un jour au milieu des élus pour rendre à chacun selon ses œuvres. Aujourd’hui se manifeste le maître des archanges, la lumière des anges, l’arbitre des siècles, le libérateur de tous ceux qui cherchent en lui leur refuge, la gloire de l’intégrité, la couronne de la virginité, le secours de la chasteté, le port de la foi, l’aliment de l’innocence, le destructeur des vices, le roi des siècles, l’ami des fidèles, le rémunérateur de la vertu, l’attrait des conversions, la purification des souillures, la guérison des blessures, le guide de la vie, le secours des faibles, le modèle des saints, la voie des Prophètes, l’harmonie du Psalmiste, le charme de la pureté, l’intelligence des voyants, la force de ceux qui persévèrent, la direction du bon chemin, le repos de ceux qui sont agités, le rafraîchissement de ceux qui ont soif, le pardon des péchés, le maître des Apôtres, le précepteur du monde, le persécuteur du démon. C’est Lui qui proclame toute la sagesse des Prophètes ; c’est Lui que prêchent toutes les voix des saints ; la foule des Apôtres se prosterne à ses pieds ; les saints célèbrent ses louanges ; il est la vraie foi de ceux qui croient ; il est la solution de toutes les discussions ; il est la porte du paradis et le principe de la vie éternelle. 5. Que tout âge et toute condition prêtent l’oreille : Marie a contracté alliance dans son enfantement ; sa sainteté s’est accrue dans sa maternité ; en devenant mère, elle a doublé son intégrité, elle a couronné sa virginité. Jésus-Christ naissant a prêté secours aux veuves, il est devenu l’appui des orphelins, l’assistance des pauvres, la vue des aveugles, le bâton des boiteux et la nourriture de ceux qui ont faim. Il est enfant parmi les hommes, jeune parmi les forts, beau parmi les anges, perle céleste, héraut de la paix, olivier de l’Église, vigne des martyrs, aliment de tous les siècles. Aujourd’hui nous est manifesté dans la chair Celui qui règne avec le Père et le Saint-Esprit dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.QUATORZIÈME SERMON. LA NAISSANCE DU JÉSUS-CHRIST. (HUITIÈME SERMON.)
ANALYSE. —1. L’Ange envoyé à Marie. —2. Nativité de Jésus-Christ. 1. Nous célébrons ce grand jour dans lequel le Dieu Tout-Puissant est descendu du ciel, et, par sa naissance, a brillé parmi les hommes d’une gloire toute nouvelle. Le prince des anges est descendu ; il a entendu les gémissements des malheureux, et il est venu, arracher les hommes aux ténèbres du péché. Le monde tout entier gisait la proie de l’enfer, et ses misères auraient achevé de le corrompre, si Jésus-Christ n’était promptement descendu sur la terre. La Vierge Marie nous a procuré un remède aussi grand qu’efficace, et maintenant les hommes, jusque-là courbés vers l’abîme, ont reconquis le droit de monter au ciel. Au premier jour du monde Eve avait distillé dans nos veines un venin mortel ; mais Marie, en engendrant le Christ, nous a mérité une glorieuse liberté. Quoi de plus beau que cette salutation que lui adresse l’envoyé de Dieu, l’ange Gabriel ? C’est le ciel qu’il salue sur la terre : « Je vous salue, Marie, ô pleine de grâce, le Seigneur est avec vous br ». Car il convient que ce soit en ces termes que je salue la Mère de mon Dieu. J’ai été choisi et envoyé vers vous, et non pas vers Abraham, Isaac, ou Jacob. Car ceux qui étaient dans les liens du mariage n’ont pu me contempler. Un ange vierge et une femme vierge, un ange et la Mère de Dieu. À ma voix, vos oreilles se sont ouvertes, afin que le Saint-Esprit daignât vous pénétrer de sa présence ; « vous êtes bénie entre toutes les femmes », car devant vous sont saisies d’admiration toutes les nations et les puissances angéliques. Quand les Gentils apprendront qu’une vierge a conçu et est restée vierge dans son enfantement, ils se convertiront à la foi, parce que le monde n’a jamais connu un tel enfantement et n’a jamais contemplé un Dieu vivant parmi les hommes. Les Juifs sécheront d’envie, mais ils ne pourront nous, ravir le Christ Notre Seigneur ; les incrédules voudront détruire notre foi, mais ils resteront frappés d’impuissance. La libéralité divine resplendira dans toute sa magnificence. 2. C’est au milieu de ces circonstances mystérieuses que le Verbe de Dieu, porté, pour ainsi dire, sur la parole de l’ange, pénétra dans le sein de Marie, mettant le sceau à son intégrité et à la virginité de son enfantement divin. Celui qui, dans l’Eden, avait employé une terre vierge pour former l’homme, créa le second Adam dans le sein d’une vierge ; et comme le premier Adam, créé âme vivante, dépouilla sa postérité des biens qui lui avaient été accordés, de même le second Adam est venu nous rendre tous ces biens dans l’Esprit vivificateur, après avoir replacé l’homme dans un état supérieur à celui dont il jouissait d’abord. Incrédule, vous doutez qu’une vierge ait pu concevoir ou enfanter. Mais ne voyez-vous pas que, parmi les abeilles, toutes les mères sont vierges ? elles conçoivent par la bouche dans le baiser des fleurs, et elles engendrent par la rosée du ciel, comme elles-mêmes ont été engendrées ; elles sortent filles vierges, et cependant, en revenant vierges, elles se connaissent vierges et mères. De même Marie ne connaît pas d’homme, et cependant elle enfante ; elle n’a reçu aucun mari de la terre, mais elle a reçu un fils du ciel. Celui qu’elle nous donne par son enfantement virginal, se révèle lui-même dans sa toute-puissance comme étant le Fils de Dieu ; comment exprimer un tel prodige ? Les cantiques des anges, l’admiration des bergers, les déclarations des Mages, l’éclat de l’étoile, la persécution d’Hérode, le ravissement de Siméon, les prédications de Jean, les cieux ouverts, la voix même de Dieu, tout cela manifeste Jésus-Christ et le proclame le Fils unique du Père. Le Saint-Esprit le manifeste à son tour en descendant sur lui en forme de colombe, et une clarté divine l’entoure d’une splendeur céleste ; c’est ainsi que les cieux nous montrent Dieu descendu parmi les hommes et annoncent au genre humain qu’il trouvera son salut dans le Fils de Dieu qui règne avec le Père et le Saint-Esprit, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.QUINZIÈME SERMON. LA NAISSANCE DE JÉSUS-CHRIST. (NEUVIÈME SERMON).
ANALYSE. —1. La naissance du Sauveur annoncée par les Prophètes. —2. Actions de grâces à Jésus-Christ naissant. —3. Il vient pour exercer miséricorde. —4. Nécessité de nous attacher à lui. —5. Exhortation à une vie sainte. —6. L’univers entier doit tressaillir à la naissance du Sauveur. 1. Nous célébrons aujourd’hui, mes frères, la naissance de Notre-Seigneur Jésus-Christ ; aujourd’hui « la vérité est sortie de la terre, et la justice nous a regardés du haut du ciel bs » ; aujourd’hui le Sauveur a daigné naître dans la chair ; aujourd’hui, lumière du monde, il s’est élevé pour arracher le monde à sa ruine ; aujourd’hui, lumière éternelle, ou plutôt soleil de justice plus éclatant que toute lumière, il est sorti du sein virginal de Marie. C’est le jour de notre rédemption, de notre salut, « de la voie, la vérité et la vie bt » ; c’est le jour où notre héritage, notre royaume, notre paradis, en un mot le Christ Jésus, est sorti de la terre, c’est-à-dire de la bienheureuse Marie. Aujourd’hui, en revêtant notre chair, l’invisible Divinité s’est rendue visible aux hommes ; aujourd’hui Dieu nous est apparu dans la nature de l’homme. « Nations entières, applaudissez des mains, célébrez votre Dieu dans les chants de l’exaltation bu » ; car « un enfant nous est né, le Fils nous a été donné, il porte sa puissance sur ses épaules et il sera nommé l’Ange du grand conseil, le Dieu fort, le Prince de la paix, le Père du siècle futur bv ». Aujourd’hui, mes frères, s’est accomplie cette prophétie d’Isaïe « Voici qu’une Vierge concevra et enfantera un Fils qui sera nommé Emmanuel, c’est-à-dire Dieu avec nous bw ». Aujourd’hui s’est réalisé cet oracle du saint prophète Habacuc, s’écriant avant la venue de Jésus-Christ : « Seigneur, j’ai entendu votre voix, et j’ai craint ; j’ai considéré vos œuvres, et j’ai été frappé d’étonnement bx ». Puis, comme si quelqu’un lui eût demandé quelle est cette œuvre qui le frappe d’étonnement, il répond immédiatement : « Vous serez reconnu entre deux animaux », c’est-à-dire dans l’étable, où le bœuf et l’âne mangent le foin et la paille, et où vous vous cacherez pour échapper à la fureur d’Hérode. 2. Telle est, mes frères, la joie à laquelle nous convie la solennité de ce jour ; le bonheur que nous a procuré la miséricorde de Jésus-Christ est si grand, qu’au moment même où « nous étions assis dans les ténèbres des péchés et dans l’ombre de la mort by », la lumière de Jésus-Christ a brillé à nos yeux, et par là nous avons mérité « le nom et la qualité d’enfants de Dieu bz ». Nous devons ce bienfait à Celui dont il est dit : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu ». Or, « Celui par qui tout a été fait, et sans lequel rien n’a été fait ca », s’est profondément humilié dans sa naissance, afin de nous relever de notre profonde bassesse ; il s’est manifesté sur la terre, afin de nous montrer le chemin qui conduit au ciel. Quel jour de gloire et de bonheur ! Quelle langue humaine serait capable de le célébrer dignement ! Toutefois, si elle est ineffable, la faveur que Jésus-Christ nous accorde aujourd’hui gratuitement dans sa naissance ; si cette faveur surpasse infiniment toute la reconnaissance que nous pourrions témoigner à Dieu, ne laissons pas cependant de rendre au Seigneur toutes les actions de grâces dont nous sommes capables. « Confessons ses bienfaits en sa présence, et faisons éclater notre jubilation dans de saints cantiques cb» ; que notre cœur lui parle, que nos lèvres redisent sa gloire ; que personne ne s’abstienne de cette louange, et sachons que notre silence serait un signe d’ingratitude : nous vous rendons grâces, ô Christ, notre Sauveur, notre Rédempteur et notre appui, souverain maître et ordonnateur du monde ; vous étiez avec le Père et le Saint-Esprit ; vous régniez en souverain absolu dans le ciel, et pour nous vous avez pris la forme d’esclave. 3. C’est ce bienfait, mes frères, qu’avec la grâce de Dieu j’essaie de dérouler sous vos yeux, en vous rappelant que ces dons nous ont rendu nos droits au royaume éternel. Aspirez aux biens éternels avec une ferme confiance ; puisque Jésus-Christ vient à vous, cherchez la compagnie des anges et la société des saints. Pour nous, le Créateur des temps s’est soumis à la condition du temps ; pour nous, l’Auteur et le Créateur de toutes choses s’est soumis aux lois de la création temporelle. En naissant aujourd’hui d’une Vierge, Jésus-Christ aurait-il eu besoin de nous ? bien plutôt c’est notre profonde misère qui réclamait un tout-puissant auxiliaire. En effet, s’il ne se fût humilié pour nous, il ne nous aurait pas délivrés de notre misère. Il a vu que l’homme, « qui n’est que cendre et poussière cc», paille et étoupe, sang et humeur, périrait dans sa misère, resterait l’esclave du démon orgueilleux, négligerait les ordres du Seigneur et serait éternellement privé du royaume des cieux. Le Verbe est descendu dans la chair et s’est fait homme, afin qu’à son exemple nous devenions des dieux. Pour sa naissance il a pris en quelque sorte modèle sur la nôtre, et il nous invite à imiter son humilité : « Venez à moi, vous tous qui êtes accablés de peines et de fardeaux », qui sentez sur vous le poids écrasant du joug dit démon, c’est-à-dire de l’orgueil, de la méchanceté, de l’iniquité et du péché. Vous souffrez de tout cela, mais « venez à moi », c’est-à-dire humiliez-vous, comme vous voyez que je m’humilie moi-même, « et je vous soulagerai cd » ; car si vous ne commencez par vous humilier, vous ne pourrez vous élever. Rejetez loin de vous le fardeau de vos péchés, ce joug que le démon vous imposait jusqu’alors, et « prenez mon joug, car il est doux, et mon fardeau, car il est léger », afin que vous imitiez en tout mon humilité. Vous qui n’êtes qu’une simple créature et l’ouvrage de mes mains, vous auriez pu rejeter l’humilité ; voilà pourquoi je l’ai pratiquée moi-même le premier, en me revêtant de la chair, moi qui suis votre Dieu, votre créateur et qui, pour votre salut, accomplis en tout la volonté de mon Père. « Qu’il suffise au disciple de ressembler à son précepteur, et au serviteur de ressembler à son maître ce ». Si je suis votre précepteur, où est l’honneur que vous me rendez ? Et si je suis votre maître, où est la crainte dont vous m’entourez ? Si vous aimez votre précepteur, montrez les œuvres de votre charité ; et si vous craignez votre maître, donnez des témoignages de votre crainte.« Pourquoi me dire : Seigneur, Seigneur, et ne pas faire ce que je vous commande cf ? » 4. Réunissons-nous donc en ce jour, d’un commun accord, pour célébrer Jésus-Christ naissant de la Vierge Marie ; craignons, louons, honorons, aimons-le puisqu’il nous a aimés le premier cg. Si son amour pour nous n’avait pas été purement gratuit, aujourd’hui il ne serait pas né de la chair, et nous ne trouverions pas dans sa naissance une cause de joie si légitime. Recevons Notre-Seigneur avec un esprit pur, une charité ferme, une foi inébranlable, une chasteté sans tache conservons-le, ne le repoussons point par nos péchés ; car il nous abandonnerait, et en se retirant il nous laisserait pauvres et orphelins ; offrons-lui une sainte hospitalité, une demeure chaste, un corps mortifié ; soyons pour lui un temple, puisque c’est de nous qu’il est écrit : « Vous êtes le temple de Dieu, et l’Esprit de Dieu habite en vous ch ». Si l’Esprit-Saint habite en nous, nécessairement le Père y habite également, parce que le Saint-Esprit est consubstantiel au Père et au Fils ; et là où habitent le Père et le Saint-Esprit, il est nécessaire que le Fils habite également, puisque le Fils n’a jamais été sans le Père, ni le Père sans le Fils, ni le Saint-Esprit sans le Père et le Fils ; car la Trinité est absolument indivisible, et cette Trinité est un seul Dieu. Donc, que dans aucun chrétien ne se trouvent les œuvres du démon. 5. Mes frères, mes fils, nous avons changé de Père, il est juste que nous changions d’héritage. Jusque-là le démon était notre père ; que Jésus-Christ le soit maintenant ; par conséquent délivrons-nous du péché et servons Dieu. Quel charme pouvons-nous trouver encore dans les choses mortelles ? Malgré nos efforts, pouvons-nous retenir notre vie fugitive ? Une plus grande espérance vient de briller sur la terre, Jésus-Christ Notre-Seigneur a daigné naître dans la plénitude des temps afin de relever les hommes terrestres par la promesse d’une vie céleste ; livrons-nous aux flammes de cette charité divine, et, pour Jésus-Christ, « regardons comme de l’ordure ci » tout ce que nous voyons sur la terre ; car à la fin du monde tout cela sera détruit. À notre mort, sachons-le bien, nous n’emporterons rien que nos propres œuvres ; bonnes ou mauvaises, ces actions nous suivront au jour du jugement devant le tribunal de Jésus-Christ. N’hésitons donc pas à faire des choses passagères et périssables comme une monnaie pour acquérir les biens éternels ; « avec l’argent » que nous possédons, « faisons-nous des amis qui nous reçoivent dans les tabernacles éternels cj » ; c’est-à-dire, attachons-nous les pauvres, les indigents, les faibles, les boiteux, les aveugles, les malheureux de toute sorte, afin que, aidés par leurs prières, nous méritions d’être introduits avec eux dans le royaume de Jésus-Christ, par la médiation de Jésus-Christ lui-même, dont nous célébrons aujourd’hui la naissance et qui est né miraculeusement du sein virginal de Marie, sans porter aucune atteinte à son intégrité. Cette intégrité, cette virginité sans tache de Marie est l’œuvre de la puissance divine ; mais j’admire encore davantage cette infinie miséricorde, car que nous aurait-il servi que le Fils de l’homme pût naître ainsi, s’il ne l’avait pas voulu ? Fils unique du Père, il naît aujourd’hui Fils unique de sa mère, et il naît de celle que lui-même avait créée pour en faire sa mère. Fils éternel du Père, il sort enfant d’un jour, du sein de sa mère ; son Père ne fut jamais sans lui ; et sans lui sa mère n’eût jamais été. 6. Vierges de Jésus-Christ, tressaillez de joie ; à vos rangs appartenait la Mère de Jésus-Christ. Vous n’avez pu enfanter le Christ, mais à cause de Jésus-Christ vous avez refusé d’enfanter. Celui qui n’est pas né de vous est né pour vous. Toutefois, si vous vous souvenez de ses paroles, comme vous devez vous en souvenir, vous êtes aussi sa mère, puisque vous faites la volonté de son Père. N’a-t-il pas dit lui-même : « Quiconque fera la volonté de mon Père, celui-là est mon frère, ma sœur et ma mère ck ». Réjouissez-vous également, veuves de Jésus-Christ, parce qu’à Celui qui a rendu la virginité féconde vous avez voué la chasteté de la continence. Que la chasteté conjugale se réjouisse également ; soyez dans l’exaltation, vous tous qui vivez dans la fidélité avec vos épouses, et conservez dans votre cœur ce que vous avez perdu dans votre corps. Si, dans le mariage, la chair ne peut conserver son intégrité, que la conscience du moins reste vierge dans le cœur. Et comme Jésus-Christ est la charité, la paix et la justice, concevez-le par la foi, enfantez-le par les œuvres, afin que votre cœur fasse dans la loi de Jésus-Christ ce que le sein de Marie a fait dans la foi du Sauveur, et qu’ainsi vous méritiez l’accomplissement des promesses de Jésus-Christ, qui vit et règne dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.SEIZIÈME SERMON. LA NAISSANCE DE JÉSUS-CHRIST. (DIXIÈME SERMON.)
ANALYSE. —1. La naissance de Jésus-Christ est pour tous une cause de joie. —2. Jésus-Christ vient pour relever le genre humain. 1. Notre-Seigneur est né aujourd’hui, et toute créature est invitée à la joie par ces paroles du Prophète : « Que les cieux se réjouissent et que la terre tressaille ; que la mer s’agite et toute sa plénitude cl ». Par les cieux, entendez les chœurs des anges qui occupent les trônes célestes et qui, apparaissant aux bergers, font entendre cet hymne de joie : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté cm ». La terre désigne la nature humaine ; et la mer le monde tout entier et tout ce qu’il renferme ; or, c’est à tout cet univers que la naissance de Jésus-Christ a procuré une joie immense. Jésus-Christ est né d’une Vierge, afin que nous naissions du Saint-Esprit. Celui qui a été engendré du Père avant tous les siècles, est né aujourd’hui d’une mère vierge. Engendré par Marie, il est demeuré dans le Père. Celui qui est éternellement a été fait ce qu’il n’était pas en demeurant ce qu’il était. Il n’était pas homme, et il s’est fait homme, selon cette parole de l’Apôtre : « Il est né d’une vierge, il s’est soumis à la loi, afin de racheter ceux qui étaient sous la loi cn » ; mais il est demeuré ce qu’il était, c’est-à-dire Dieu. Sa naissance selon la chair a été le principe de notre salut, mais sans le priver de quoi que ce soit ; car elle nous a procuré l’adoption des enfants de Dieu, et Jésus-Christ est resté essentiellement dans la divinité avec le Père. 2. Celui qui était la grandeur infinie s’est abaissé, afin de nous relever de notre profond abaissement. En effet, avant la venue du Sauveur, la nature humaine gisait accablée sous le poids du péché. Il est vrai que c’était par sa volonté propre que l’homme s’était courbé sous le joug, mais il ne pouvait se relever par ses propres forces. Cet esclavage sous lequel gémissait la nature humaine nous est dépeint dans ces paroles du Prophète : « Je suis devenu malheureux, je suis écrasé jusqu’à la fin, et je marchais attristé pendant tout le jour co ». « Pendant tout le jour », c’est-à-dire pendant les siècles qui ont précédé la venue du Sauveur ; car alors le genre humain marchait tristement courbé vers la terre, et il ne trouvait personne qui pût le relever ni l’arracher à l’abîme du péché. C’est dans ce but que Notre-Seigneur est venu, et rencontrant cette femme courbée que « Satan retenait liée depuis dix-huit ans, sans qu’elle pût se redresser cp », il la guérit lui-même par la puissance de sa divinité. L’état physique de cette femme était l’image de l’état moral du genre humain ; comme sa guérison est l’image de la liberté que nous a rendue le Sauveur en brisant les liens sous lesquels Satan nous retenait captifs, et en nous permettant de regarder le ciel. Si donc autrefois nous marchions dans la tristesse sous le poids de toutes nos misères, aujourd’hui regardons le médecin qui vient à nous, et tressaillons de joie ▼▼La suite de ce sermon se retrouve textuellement dans le sermon CLXXXVI, tome 7, page 135, numéro 1, commençant à ces mots : Si donc le Verbe fait chair, etc.
. DIX-SEPTIÈME SERMON. LA NAISSANCE LE JÉSUS-CHRIST. (ONZIÈME SERMON.)
ANALYSE. —1. Jésus-Christ est descendu du ciel pour nous sauver. —2. Marie mère et vierge. —3. La virginité de Marie prouvée contre les Manichéens. 1. La sainte et glorieuse solennité de ce jour jette partout le plus vif éclat et apporte le salut au genre humain tout entier. Le Seigneur a vu la terre couverte de péchés et plongée dans l’abîme où l’avait précipitée l’ennemi de tout bien, mais il a daigné la secourir par Jésus-Christ. Il ne s’est pas contenté de ce qu’il faisait autrefois, d’envoyer des Prophètes pour prêcher aux hommes et les détourner des pièges de l’enfer. Le Père de famille a vu qu’il était méprisé dans la personne de ses envoyés ; il s’est dit à lui-même : « Que ferai-je ? ne dois-je pas leur envoyer mon Fils unique et bien-aimé ? Peut-être ils le respecteront cr ». En effet, tout homme, fût-il juste, porte en lui-même la trace du péché, il participe aux misères communes, et a lui-même besoin de miséricorde ; « car tous cherchent leur propre gloire et non pas celle de Jésus-Christ cs ». Le premier des Prophètes ainsi envoyés fut Moïse, ensuite Aaron, Isaïe, Jérémie, Élie et les autres, et aucun d’entre eux n’a pu nous procurer la guérison ; car pour cela il nous fallait voir Notre-Seigneur Jésus-Christ. Le Sauveur eut pitié de nous, il descendit vers nous, n’ayant en lui-même ni ruse ni péché, ni mélange d’aucun mal ; car il est la justice, l’innocence, la sainteté même, brillant « comme l’argent purifié au creuset, purifié sept fois ct » ; loin d’avoir en lui-même aucun péché, il est venu pour condamner celui qui « a fait le péché et qui possédait l’empire de la mort cu ». 2. Alors fut accompli cet oracle d’Isaïe : « Voici venir le Seigneur sur une nuée légère cv ». Quelle est cette nuée légère, sinon la Vierge Marie, qui n’a, jamais ressenti le poids d’aucun péché ? Après le ciel, elle a pu porter le Seigneur, puisqu’elle a mérité de rester vierge après l’enfantement. Le Roi des auges s’est renfermé dans sa créature, et il a apparu parmi les hommes comme une perle éclatante et précieuse. Quelle et combien grande fut la Vierge Marie, qui a pu porter le Seigneur, quand le ciel et la terre sont impuissants à le contenir ; elle a porté dans son sein le Verbe fait chair, sans en ressentir aucun poids. Pourquoi ne ressentit-elle aucun fardeau ? parce que la lumière est impondérable. Quel fardeau pouvait ressentir la sainte Vierge Marie, puisque le Seigneur s’était reposé en elle « comme la pluie descend sur la toison cw ? » Elle mit au jour la perle précieuse, et sa virginité n’en éprouva aucune atteinte. 3. Plusieurs hérétiques, et en particulier les Manichéens, soutiennent que le Seigneur n’a pu naître d’une femme. Le Manichéen s’écrie : Je ne reçois ni Moïse ni les Prophètes. Eh quoi, Manichéen ! que faites-vous donc de l’apôtre saint Paul qui prélude ainsi dans son épître aux Romains : « Paul, serviteur de Jésus-Christ, appelé à l’apostolat, a choisi pour l’Évangile de Dieu, qu’il avait a promis auparavant par ses Prophètes dans ales saintes Écritures, touchant son Fils qui a lui a été donné de la race de David selon la chair cx ». C’est en vain, ô Manichéen, que vous vous élevez contre le Prophète, puisque l’Apôtre vous atteste que « le Fils de Dieu a été fait de la race de David selon la chair ». Ce que les Prophètes avaient prévu et annoncé, les Apôtres l’ont vu et prêché. Qu’était-il, et qu’a-t-il été fait ? Il était le Verbe, et le Verbe s’est fait chair ; le Fils de Dieu est devenu le Fils de l’homme. Il était Dieu, et il s’est fait homme ; il a revêtu notre humanité sans perdre sa divinité ; il s’est abaissé et il est resté le Très-Haut ; il s’est fait homme sans cesser d’être Dieu. Voici ce que nous dit lui-même le Créateur des hommes, le Fils de l’homme : Qu’est-ce qui vous scandalise dans ma naissance ? La convoitise n’est entrée pour rien dans ma conception ; je suis le créateur de la mère qui m’a donné la naissance ; j’ai moi-même préparé et purifié la voie que je devais suivre dans ma course. Cette femme que vous méprisez, ô Manichéens, c’est ma mère ; c’est moi qui l’ai créée de ma propre main. Si j’ai pu me souiller en la formant, j’ai pu me souiller en sortant de son sein. De même que, dans mon passage, sa virginité n’a subi aucune atteinte ; de même ma souveraine majesté n’a reçu aucune souillure. Le rayon du soleil peut dessécher un marais de fange, sans en être aucunement souillé ; combien plus la splendeur de la lumière éternelle peut-elle purifier tout ce qu’elle touche, sans en recevoir aucune souillure. Insensés, où donc trouvez-vous des taches en Marie, puisqu’elle a conçu en dehors de toute concupiscence, et qu’elle a enfanté sans aucune douleur ? Des souillures dans une mère vierge qui n’a jamais connu d’homme ? des souillures dans une demeure dont personne ne s’est jamais approché ? Dieu seul vint à elle ; il y prit un vêtement qu’il n’avait pas ; et, la trouvant fermée, il la laissa fermée. De même qu’« il est le seul libre entre les morts cy », de même la pudeur de la Mère dont il est né est seule restée dans toute son intégrité ; car la Vierge a enfanté un Fils vierge et est demeurée vierge ; vierge avant l’enfantement, vierge après l’enfantement. Elle conçoit, et elle est vierge ; elle engendre, et elle demeure vierge. Eve par sa désobéissance a mérité le châtiment ; Marie par son obéissance a obtenu la grâce, parce qu’elle a engendré le Sauveur de tous les croyants, Celui qui vit avec le Père et le Saint-Esprit dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.DIX-HUITIÈME SERMON. LA NAISSANCE DE JÉSUS-CHRIST. (DOUZIÈME SERMON.)
ANALYSE. —1. La naissance de Jésus-Christ, cause de notre joie. —2. Jésus-Christ à la fois Dieu et homme. —3. Le Verbe en s’incarnant conserve la forme de Dieu et prend la forme d’esclave. —4. Jésus-Christ a prouvé par ses œuvres qu’il est à la fois Dieu et homme. 1. Mes frères, je rends grâces au Seigneur notre Dieu de voir qu’il n’est point nécessaire de vous apprendre quelle est la solennité de ce jour, puisque votre dévotion a prévenu notre enseignement. Sur les mystères que nous célébrons, les oracles des Prophètes et de l’Évangile se sont réunis pour nous rappeler ce que la foi nous a déjà enseigné. Puissiez-vous donc, par la grâce de Dieu, conformer toujours, comme aujourd’hui, vos œuvres avec la lecture des Écritures ! puissiez-vous réaliser dans votre conduite la sainteté que vous prescrivent les commandements divins ! Notre Sauveur nous est né aujourd’hui, tressaillons de joie ; quand la source des joies nous apparaît, pourrions-nous être dans la tristesse ? Or, la joie convient à tous, parce que c’est pour tous que Jésus-Christ est né. Que personne donc ne se croie étranger à cette allégresse. Celui qui est juste doit se réjouir, parce qu’il recevra la récompense ; le pécheur doit se réjouir aussi, parce qu’il est appelé au pardon ; le païen lui-même doit se réjouir, parce qu’il est admis au salut. Pour nous le Verbe divin a revêtu notre humanité. Par cela même que nous refusons de nous séparer de Jésus-Christ, nous sommes en Jésus-Christ. Reconnaissons donc notre rédemption, reconnaissons notre salut. C’est se séparer de Jésus-Christ que de refuser d’appartenir au corps de Jésus-Christ. Mais, mes frères, puisque les Écritures célèbrent à l’envi la naissance de Jésus-Christ, étudions cette naissance ; voyons comment est né dans la plénitude des temps Celui qui est le créateur des siècles : « Car il a dit, et tout a été fait ; il a commandé, et toutes choses ont été créées cz». 2. Or, mes frères, nous croyons de Jésus-Christ Notre-Seigneur qu’il est en même temps Dieu et homme ; Dieu consubstantiel au Père ; homme formé par sa Mère ; Dieu par sa propre nature ; homme parce qu’il s’est fait chair ; Dieu avant tous les siècles ; homme dans le temps ; Dieu avant le commencement des choses ; homme dans le cours des choses. Celui qui, au commencement, a tout créé par sa toute-puissance, vient aujourd’hui nous sauver par sa chair. La création fut le premier miracle de sa puissance ; la rédemption fut le second prodige de son amour. Mû par son infinie bonté, Dieu a voulu que la miséricorde nous rendît ce qui nous avait été ravi par le péché. Le Verbe est donc descendu afin de nous faire monter ; il a incliné les cieux, afin d’élever la terre ; il s’est fait participant de la nature de l’homme, afin de nous rendre participants de la nature divine ; car, selon l’Apôtre, « il a été fait de la femme, il a été fait sous la loi da ». Toutefois, quand on nous dit qu’une femme est devenue la Mère de Dieu, que personne ne s’offense de cette proposition. Vierge, elle a conçu par l’opération du Saint-Esprit, et le nom de femme n’est dû qu’à son sexe. L’Évangéliste que nous venons d’entendre lui donne le nom de vierge, et l’Apôtre celui de femme, afin de rendre plus éclatante aux yeux de tous la toute-puissance qui a présidé à son enfantement virginal, sans changer pour Marie sa condition de femme. 3. Notre Sauveur est donc né de la chair, mais non de la corruption charnelle ; il est né homme, mais n’a pas été engendré par l’homme. Il a pris notre chair, mais de manière à sauver l’honneur de sa majesté. Ainsi donc, en sauvegardant la pureté de sa naissance contre toute intervention de la corruption humaine, il s’est parfaitement soumis aux conditions de la nature humaine, mais sans s’éloigner en quoi que ce soit de la dignité de Dieu. Il passa dans ce monde tel qu’il s’était montré à sa naissance, dont il conserva la pureté par l’innocence de sa vie. C’est de lui seul, en effet, qu’il a été écrit : « Jamais le mensonge ne se trouva sur ses lèvres db » ; lui qui n’avait pas connu la corruption humaine dans sa conception, pouvait-il la connaître dans le reste de sa vie ? En effet, dit l’Apôtre, « il prit la forme d’esclave alors qu’il possédait la forme de Dieu dc». Mes frères, tous les hommes avaient été esclaves du péché ; voilà pourquoi c’est à dessein que l’Apôtre nous dit du Sauveur qu’il ne prit que la forme d’esclave ; il revêtit substantiellement la nature humaine, mais sans en prendre les vices ; il eut la forme d’esclave, mais il n’en eut pas la culpabilité ; il eut de l’homme toute la nature, mais il n’eut pas la conscience du pécheur ; telle est la pensée de l’Apôtre : « Lorsqu’il était Dieu, il daigna prendre la forme d’esclave et parut réellement un homme ». Il avait de l’homme l’enveloppe extérieure, mais il possédait la puissance divine ; par le dehors il paraissait un esclave, mais dans sa nature il était Dieu ; extérieurement il montrait la faiblesse qu’il tenait de sa Mère, mais intérieurement il possédait la majesté de son Père ; extérieurement il n’avait que l’humble forme corporelle, mais intérieurement il brillait de tout l’éclat de la divinité. 4. Dans sa conduite au milieu des hommes, le Sauveur prouva sa double nature ; ses souffrances prouvèrent qu’il était homme, et ses miracles prouvèrent qu’il était Dieu. Il eut faim, et il multiplia les pains pour en nourrir ceux qui avaient faim. La faim qu’il ressentit prouvait qu’il était homme ; et en nourrissant miraculeusement la foule, il prouva qu’il était Dieu. Il pleura et consola ceux qui pleuraient. Ses larmes prouvaient qu’il était homme, et les consolations qu’il donnait aux autres prouvaient qu’il était Dieu. Il priait, et il exauçait les prières qu’il formulait. En priant, il montra qu’il était homme ; et en réalisant lui-même ce qu’il demandait, il montra qu’il était Dieu. En toutes choses il prouva ainsi sa double nature ; voilà pourquoi il est le Médiateur nécessaire entre Dieu et l’homme ; car, en inclinant les cieux, il a élevé la terre et il a réuni ces deux extrêmes dans une harmonie parfaite. Dieu et l’homme se trouvent réunis dans la personne de Notre Seigneur Jésus-Christ qui, sorti aujourd’hui du sein de la Vierge Marie, vit et règne éternellement avec Dieu le Père et le Saint-Esprit, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il. Le 19ème Sermon, celui sur l’Épiphanie, se trouve en Mat 2.QUATRIÈME SUPPLÉMENT. — DEUXIÈME SECTION.
VINGT ET UNIÈME SERMON. POUR LA NATIVITÉ DU SEIGNEUR. I
ANALYSE. —1. Les deux naissances du Christ. —2. Il s’est abaissé pour nous relever. —3. Le Christ enfanté par une Vierge. 1. Notre-Seigneur est né aujourd’hui, aussi le Prophète invite-t-il toutes les créatures à se réjouir ; il s’écrie : « Que les cieux soient dans la joie ! que la terre tressaille d’allégresse ! que la mer et tout ce qu’elle renferme bondisse de bonheur dd » Par les cieux, il faut entendre aujourd’hui les chœurs des anges, qui sont assis dans le ciel, et qui, en ce jour, font entendre aux bergers attentifs ce beau cantique : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté de ». La terre est le symbole de la nature humaine. Quant à la mer, elle représente le monde entier, et, par tout ce qu’elle renferme, l’Écriture nous indique ceux pour qui ce jour de la nativité du Christ doit être la source d’une joie inexprimable. Le Christ est né d’une Vierge, afin que nous naissions de l’Esprit-Saint ; Celui qui a été engendré du Père avant tous les siècles est né aujourd’hui de la Vierge Marie. Sa Mère lui a donné le jour, mais il est resté dans le sein de son Père. Car si Celui qui est éternel est devenu ce qu’il n’était pas, il n’a pas cessé d’être ce qu’il était : il n’était pas homme, et il s’est fait homme, selon cette parole de l’Apôtre : « Il a été formé d’une femme, il s’est assujetti à la loi, pour racheter ceux qui étaient sous la loi df ». Mais il était Dieu, et il est resté ce qu’il était. Sa naissance selon la chair nous a été utile sans lui faire tort ; car elle nous a procuré la grâce de devenir les enfants adoptifs de Dieu, et il a continué à rester Dieu avec son Père. 2. Tout grand qu’il était, il s’est abaissé afin de nous relever ; car nous étions courbés vers la terre. Et de fait, avant l’avènement du Seigneur, la nature se trouvait courbée sous1ç fardeau de ses péchés qui l’écrasait. si elle s’était pliée jusqu’au niveau du péché, elle avait agi de son propre mouvement, mais elle était, par elle-même, incapable de se relever. L’homme ne supportait pas, sans gémir, les tristes inconvénients de cette courbature ; aussi le saint Prophète s’en plaignait-il avec amertume dans l’un de ses psaumes : « Je suis devenu malheureux », disait-il, « et courbé à l’excès ; je marche dans la douleur durant tout le jour dg ». Durant tout le jour ; ces mots indiquent tout le temps qui s’est écoulé avant la venue du Christ : alors le genre humain marchait comme courbé, et il se désolait, car il n’y avait personne pour le redresser ; il était tombé dans l’abîme du péché, et personne n’était là pour lui tendre la main et l’en retirer. C’est pourquoi Notre-Seigneur est venu ; il a rencontré la femme que Satan forçait si bien, depuis dix-huit ans, à marcher courbée, qu’elle ne pouvait plus se redresser ; et, par l’effet de sa puissance divine, il a brisé ses entraves. Cette femme symbolisait la courbature du genre humain tout entier ; et, dans sa personne, notre Sauveur, qui est né aujourd’hui, a brisé les liens dans lesquels le démon nous retenait captifs ; de là nous est venu le pouvoir de regarder le ciel. Après avoir si longtemps marché dans la désolation et traînant dernière nous la chaîne de nos infortunes, recevons avec empressement le médecin qui vient aujourd’hui nous secourir, et tressaillons d’allégresse. 3. Oui, réjouissons-nous, frères ▼▼Voir la suite au tom. 7, page 131.
. VINGT-DEUXIÈME SERMON. POUR LA NATIVITÉ DU SAUVEUR. II
ANALYSE. —1. Les anéantissements et les grandeurs du Christ Dieu et homme. —2. Le bienheureux docteur continue le développement de sa pensée. —3. De la trinité et de l’unité en Dieu. —5. Épilogue. 1. Tous les dialecticiens, à beaucoup près, ne considèrent pas les humiliations du Sauveur comme un motif de devenir hérétiques ; au contraire, ils y trouvent des causes qui les portent à rendre gloire à Dieu, car si le Christ s’est fait homme, s’il est né dans le temps de la Vierge Marie ; s’il a vêtu sur la terre avant tous les siècles, il était Dieu et il a été engendré de Dieu. Toute ton attention, ô hérétique, se porte donc sur les anéantissements du Sauveur, et ils t’empêchent d’apercevoir sa glorieuse divinité. Après avoir lu ces paroles : « Mon Père est plus grand que moi di », lis donc aussi ces autres : « Mon Père et moi, nous sommes un dj », et alors tu reconnaîtras que son humanité est la cause de son infériorité, mais aussi tu comprendras qu’il est Dieu et égal à son Père. Tu vois en lui un nouveau-né enveloppé de langes, et tu n’aperçois pas les légions d’anges qui l’environnent ? Tu le vois petit enfant, fuyant en Égypte, et tu ne remarques pas que les anges lui préparent le chemin et préservent de tout péril son aller et son retour ? Devenu homme, il s’approche de Jean pour recevoir de sa main le baptême, tu vois cela et tu ne vois pas que les cieux s’ouvrent au-dessus de lui, et qu’au lieu de recevoir la grâce qui sanctifie, il la confère ? Enfin, le Père se fait entendre du haut des nues ; le Saint-Esprit descend corporellement sous la forme d’une colombe : ainsi la sainte Trinité tout entière vient consacrer le mystère du baptême, et le Père déclare lui-même que le Christ est vraiment son Fils. 2. En lui tu vois l’homme tenté par trois fois, et tu ne remarques pas le Dieu qui a triomphé des tentations du démon ? Tu vois l’homme qui a faim, et tu ne remarques pas les anges qui lui apportent à manger ? Tu le vois exposé aux tempêtes de la mer, et tu ne peux l’apercevoir quand il commande aux vents et qu’il marche à pieds secs sur les flots ? Tu le vois fatigué par la marche, et tu ne vois pas qu’il met fin aux fatigues des hommes ? Tu le vois assis sur le puits, ressentant la soif et demandant à boire, et tu ne prends pas la peine de remarquer la source d’eau vive qui s’échappe de lui ? Il est pauvre, il n’a à sa disposition que quelques pains ; aussi, le regardes-tu d’un œil de pitié, et tu n’aperçois pas en lui le Dieu riche qui rassasie tant de milliers d’hommes avec de si minces provisions ? Tu te moques de lui, quand tu le vois aller au tombeau de Lazare et pleurer la mort de son ami, et tu ne le reconnais pas comme Dieu à le voir ressusciter celui qu’il pleurait tout à l’heure ? Judas vend l’homme, tu le remarques : le Dieu rachète l’univers, et tu n’y prêtes pas attention ? Si le Christ est retenu captif entre les mains des hommes, tu ouvres les yeux ; et tu les fermes obstinément quand il délivre les hommes de l’esclavage du démon ? Tu ne vois que le Fils de l’homme dans les chaînes, et tu méconnais le Fils de Dieu qui brise les chaînes du genre humain ? Puisque tu contemples le Fils de l’homme lorsqu’il est bafoué ; pourquoi ne pas contempler le Fils de Dieu, lorsqu’il arrache les âmes humaines aux moqueries des démons ? Tu vois bien le bois de la croix ; pourquoi ne pas voir aussi l’arbre de la prévarication remplacé par celui de la passion ? Tu as pleuré, au sépulcre, sur son corps inanimé ; pourquoi ne pas te réjouir en voyant le Dieu', ressusciter et remonter dans les cieux ? Puisque tu remarques en lui toutes les apparences de l’esclavage ; pourquoi refuser d’y voir la nature divine ? 3. Nous n’adorons qu’un seul Dieu, mais nous reconnaissons trois personnes unies dans une même Divinité : Un Père qui n’a pas été engendré, un Fils unique engendré du Père, et un Saint-Esprit, qui procède du Père. Nous lisons cela dans l’Évangile. Aussi n’est-ce pas aux noms, mais « au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit dk », que nous sommes consacrés ; par le baptême, que nous acquérons le glorieux titre d’enfant de Dieu, et, que parla grâce, Dieu devient notre Père : cette grâce, c’est Jésus de Nazareth qui nous l’a méritée par sa naissance et en vertu de sa glorieuse origine ; car, s’il est homme et s’il est né d’une Vierge, il est aussi Fils de Dieu ; et s’il a été enfanté sur la terre par une femme, le Père l’avait auparavant engendré dans le ciel. Il en est donc de la Divinité en trois personnes comme d’une source de sagesse, d’où s’échappent à la fois le son, la parole et la raison de la parole, ou comme du lit d’une rivière où se trouvent l’eau qui coule, son goût, et sa fraîcheur ; ce sont là autant de choses personnellement distinctes et bien tranchées, et néanmoins elles ne forment qu’une seule et même substance qu’on ne peut ni partager ni diviser, dans laquelle ne se rencontre ni plus grand ni plus petit. 4. Tenons-nous-en donc à cette règle de foi catholique : Dans l’ordre des. personnes, tu ne dois en voir ni une plus grande, ni une moindre, et, en toutes, nous devons reconnaître une seule et même nature divine. Dieu, en effet, est toujours le même, et il demeure immuablement Dieu ; donc, dans l’ordre des personnes, il n’y eu a pas d’inférieure aux autres, et la première n’est ni plus grande ni plus ancienne que les autres : elles puisent toutes en elles-mêmes le principe de leur existence, et le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont un seul Dieu qui vit et règne dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.VINGT-TROISIÈME SERMON. POUR LA NATIVITÉ DU SEIGNEUR. III
ANALYSE. —1. Au sujet de l’éternité du verbe il faut choisir entre Jean et Arius. —2. Saint Paul affirme sa divinité. —3. Immuable en lui-même, Dieu se manifeste à ses serviteurs, tantôt d’une manière, tantôt d’une autre. —4. Il ne faut pas toujours entendre selon la lettre les paroles de l’Écriture. —5. Funestes conséquences d’une interprétation par trop littérale. —6. Les Ariens nous représentent le Père comme sujet au changement et à l’imperfection. —7. L’orgueilleux arien rencontre encore ici un adversaire dans l’apôtre Paul. —8. Le Verbe n’infirme nullement sa propre divinité en disant que le Père est plus grand que lui, et en se proclamant le Fils de l’homme. 1. Je vais attaquer Goliath, il me faut donc prendre ma houlette pastorale, et, comme le bienheureux David, choisir trois pierres dans le lit du torrent. Arien, que fais-tu ? Tu oses dire : Le Fils de Dieu n’était pas, et Dieu était ? Mais l’Évangéliste sacré te contredit, puisqu’il s’écrie : « Au commencement était le Verbe ». Après avoir dit : « Il était », il ajoute : « Il était ». Car voici la suite : « Et le Verbe était en Dieu ». Non content d’avoir proféré deux fois ce mot : « Il était », il le prononce une troisième fois, en disant : « Et le Verbe était Dieu dl ». Et parce qu’aux quatre coins du monde on devait, par la prédication, opposer la vérité à l’erreur, l’Apôtre affirme une quatrième fois qu’ « il était », en ajoutant : « Il était au commencement en Dieu dm ». Arius dit une seule fois : Il n’était pas ; mais Jean dit quatre fois : « Il était, Il était, Il était, « Il était ». Maintenant, que faire ? Il faut nécessairement nous ranger à la parole de l’un des deux, et répudier l’autre. Si nous croyons au dire d’Arius, nous encourons la colère de Jean, et si nous marchons sur les pas de Jean, Arius s’offensera de notre désertion. Toutefois, comme, pour nous tenir le langage qu’il nous tient, Jean a reçu les enseignements du Christ et qu’Arius a puisé son système dans les leçons d’Aristote, suivons tous le disciple du Christ et laissons là l’élève d’Aristote. 2. Cependant, ô Arien, dis-nous quelle raison fa porté à prétendre que le Christ est une créature ? Parles-tu ainsi parce que, étant né d’une Vierge, on l’a vu sur la terre au milieu des hommes, ou parce que le Père nous le montre lui-même assis dans les cieux au rang des immortels ? Si c’est parce qu’il est le fils de la Vierge, je te dirai que Dieu ne peut s’appeler créature ; car il est le Créateur, et il s’est revêtu seulement de sa créature. En effet, s’il a apparu ici-bas, ce n’est point comme un véritable esclave au milieu de compagnons d’esclavage ; mais, étant Dieu, « il a pris la forme d’esclave », afin de pouvoir entrer en société avec des hommes réduits à l’état de servitude. Si. l’utilité de la république exige qu’il se cache dans la foule de ses sujets, l’empereur ne pourra le faire qu’en ôtant son diadème, en se dépouillant de son manteau de pourpre, en se revêtant de l’ordinaire livrée du peuple. Nous employons cette comparaison pour expliquer l’avènement passé de notre Roi. Voilà comment l’apôtre Paul, notre maître, continue à développer sa pensée : « parce qu’ayant la nature de Dieu, il n’a point cru que ce fût pour lui une usurpation que de s’égaler à Dieu dn ». Qu’en dis-tu, Arien ? Cette phrase ajoutée par l’Apôtre casse les bras à ton Aristote. Paul dit le Verbe égal à Dieu ; suivant toi, il lui est inférieur. Au dire de Jean, « Il était » ; à t’entendre, Il n’était pas. Mais poursuivons notre tâche : « Il n’a pas cru do », dit Paul, « que ce fût pour lui une usurpation de s’égaler à Dieu ; mais il s’est anéanti lui-même en prenant la forme d’esclave dp ». Nous, qui sommes catholiques, attachons-nous inviolablement à ces deux points de doctrine : ainsi pourrons nous répondre victorieusement à toutes les objections des hérétiques. « Il s’est anéanti lui-même », dit l’Apôtre, « en prenant la forme d’esclave ». Quel est celui qui s’est anéanti ? Évidemment, c’est celui « qui, ayant la nature de Dieu, n’a point cru que ce fût pour lui une usurpation de s’égaler à Dieu ». En se revêtant de notre humanité, il n’a rien perdu de cette perfection qu’il partage à degré égal avec Dieu le Père : au contraire, il lui adonné un nouvel éclat ; car, dans sa divinité, il y a titre à des louanges toujours nouvelles, et quand elle s’adjoint quelque chose, elle ne s’expose point à encourir l’ombre même d’une critique. Or, en disant qu’en Dieu il y a titre à des louanges toujours nouvelles, nous prétendons que la créature pourra se rapprocher de plus en plus de lui, mais ne parviendra jamais à se confondre avec la nature divine. 3. En effet, Dieu n’acquiert aucun accroissement, comme il ne peut subir aucune diminution dans son essence ; seulement, d’après la nature de l’être créé dont il se revêt, il se montre aux uns avec les proportions de la grandeur, et aux autres avec celles de l’exiguïté. Nous en trouvons la raison et la preuve dans son infinie puissance. Quant à le voir en lui-même, et selon ce qu’il est dans sa nature, jamais aucune créature n’en sera capable. C’est pourquoi, lorsqu’il fit connaître sa volonté à Adam, il ne lui avait point apparu sous la même forme que quand il vint lui reprocher sa désobéissance. Le juste Abel et Caïn le prévaricateur ne l’aperçurent point sous des dehors pareils. Autre semblait-il être quand il enleva Enoch, autre quand il se montra à Noé, à l’heure du déluge, pour sauver le monde qui allait périr. Pour tenter Abraham relativement à son fils, il se montra à lui d’une manière, et il se manifesta d’une façon différente à Isaac pour le porter à servir de victime dans le sacrifice que son père allait offrir, à porter lui-même le bois destiné à le brûler, et à figurer ainsi le Christ chargé de sa propre croix. Jacob endormi et Moïse éveillé et gardant son troupeau ne l’ont point vu de la même manière. Quelle différence entre ce qu’il parut aux yeux des Égyptiens pendant qu’ils se noyaient, et ce qu’il parut aux enfants d’Israël en-les délivrant ! N’était-ce point une colonne de nuée durant le jour et une colonne de feu durant la nuit ? Ici, c’étaient des éclats de voix, des tonnerres et des éclairs ; ailleurs, l’air était pur et le ciel tranquille, lorsqu’il se manifestait sous les traits splendides d’un prophète. Tantôt il ouvrait les cieux et en faisait tomber la manne qui devait nourrir son peuple ; tantôt un rocher se fendait pour donner issue à une source d’eau vive qui devait le désaltérer. Il n’apparaissait pas1e même. quand, sous le coup du bâton de Moïse, les eaux de la mer se séparaient pour favoriser la fuite des Israélites, que quand elles se réunirent, sous le coup du même bâton, pour détruire leurs. persécuteurs. Autre il se montra au passage du Jourdain, lorsque les eaux reprirent leurs cours interrompu ; autre il se fit voir, quand, au son des trompettes, les murailles ennemies s’écroulèrent. Manifestations bien diverses de la Divinité ! Sur un signe d’une prostituée, des hommes de mœurs pures échappent à la mort et sont protégés par des saints, et un homme commande au soleil de ne pas se coucher, et un homme défend aux nuées de donner de la pluie. Sur l’ordre d’un homme, le feu du ciel vient frapper d’autres hommes, et, à sa prière, le feu descend d’en haut pour consumer la victime d’un sacrifice ; l’attouchement de son manteau suffit à séparer les eaux du Jourdain, et cet homme est enlevé sur un char de feu, comme pour devenir le conducteur des chevaux de feu qui le traînent. Samuel, David, Salomon, ont aperçu Dieu sous des aspects très-différents : Daniel a mérité de le voir autrement que Nabuchodonosor ; d’innombrables Prophètes l’ont contemplé sous une forme, et les Apôtres sous une autre. 4. Va, hérétique, et toutes les fois que tu liras que le Verbe a apparu d’une façon ou d’une autre, représente-le-toi sous tant de traits, sous tant de couleurs, qu’il t’apparaisse ici sous la forme d’un buisson, là sous celle du feu, tantôt comme une nuée, tantôt comme un rocher, puis comme un bûcher, enfin comme une mâchoire d’âne ; dis-toi : Voilà le Fils de Dieu. Si, en effet, tu lis l’Écriture, et que tu la comprennes dans le sens obvie de la lettre, non-seulement tu nieras l’existence de. Dieu, mais encore tu embrouilleras les commandements de la loi elle-même. Car la loi ne défend-elle pas de refuser du pain aux faméliques, et un rafraîchissement à ceux que la soif dévore ? Toutefois, ne s’exprime-t-elle pas quelque part en ces termes : « Puise de l’eau à ta citerne, et ne laisse à personne le loisir d’en boire dq ? ». Suivant la lettre, il y aura donc un précepte assez inhumain, assez cruel, pour nous interdire de donner même un verre d’eau à un homme consumé par la soif. Quiconque, en effet, ne fait attention qu’au sens littéral, s’expose au danger d’une condamnation au feu éternel ; car il est écrit « Allez, maudits, au feu. éternel, car j’ai eu faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ; j’ai eu soif, et vous ne m’avez pas donné à boire dr ». 5. A cela, ô Arien, tu pourras répondre ainsi : Vous m’avez dit, non-seulement de ne point donner à boire à celui qui aurait soif, mais même de refuser de l’eau de ma citerne à celui qui désirerait s’en désaltérer. Voilà à quoi s’expose l’homme qui s’arrête à considérer l’écorce des saintes Écritures. S’il lit, au sujet de Dieu, ces paroles : « J’ai vu l’Ancien des jours assis sur un trône ds », il se figure que le Père est le plus vieux ; et si cet autre passage lui tombe sous les yeux : « Quel est ce jeune homme qui vient de Bozor ? Qu’il est beau ! Comme il marche avec force et majesté dt ! » il s’imagine que le Fils de Dieu est la personnification de la jeunesse. C’est ainsi que, pour s’arrêter nonchalamment en route, il pense que la vieillesse s’avance d’une manière incessante au-devant de la jeunesse, et finit par l’atteindre. Dès lors, en effet, que tu supposes un plus grand et un plus petit, il faut nécessairement que tu les astreignes l’un et l’autre à l’indispensable obligation de croître, de devenir vieux, et, finalement, de cesser d’être. 6. Catholiques, je vous en prie, remarquez tous en quel abîme de blasphèmes se précipitent ceux qui, dans la lecture des saints Livres, se constituent leurs propres disciples et leurs propres docteurs : ils n’oseraient lire les vaines et ineptes fables des poètes, sans se mettre sous la direction d’un maître, et, pour les enseignements de « la sagesse du Christ cachée dans son mystère du », ils refusent d’accepter les leçons des hommes spirituels, ils forcent la parole sacrée de Dieu de se plier à leurs caprices. En prenant la défense de l’honneur de Dieu, tu le déshonores. Veux-tu que je t’en donne la preuve, ô Arien ? Prétendrais-tu me forcer à croire, d’après toi, qu’il y a eu un temps où le Fils n’existait pas ? Explique toi : dis-nous comment, dans ton système, le Père est immuable, puisqu’on ne peut appeler Dieu l’être que l’on supposerait capable de changer. Or, il est sûr que le Père est sujet à variation, s’il y a eu un temps où il n’avait pas de Fils ; car en soutenant que le Fils a commencé d’être ce qu’il n’était pas auparavant, tu seras, par là même, obligé de donner au Père ce nom qui n’était point précédemment conforme à sa nature. On verra donc le père nouveau d’un fils tout aussi nouveau, et. tu ne pourras nier que l’ancienneté vient atteindre la nouveauté ; et comme à la nouveauté tu feras succéder l’ancienneté, comme, d’après toi, la vieillesse prendra la place de l’ancienneté ; de même tu forceras la vieillesse à disparaître sous les coups de la mort. Ne vois-tu pas, je te le demande, en quel abîme de ténèbres tu es plongé ? Si, en effet, tu ne refuses pas de croire « que le Christ soit la vertu de Dieu et la sagesse de Dieu dv », et si, en même temps, tu soutiens qu’il y a eu un moment où le Fils n’était pas, il te faut deviner blasphémateur et dire que le Père a été sans force et sans sagesse, puisque tu cherches à démontrer qu’à un moment donné il n’avait pas ce Fils qui est sa force et sa sagesse. Or, être dépourvu de sagesse, c’est être fou, comme être privé de force, c’est la faiblesse ; nul doute à cet égard. 7. Que fais-tu, ô hérétique ? Pourquoi lever ton pied contre l’aiguillon ? Il en sera infailliblement blessé. À t’entendre, le Fils n’est qu’une simple créature. Paul contredit tes blasphèmes en ce passage : « Dieu était dans le Christ, se réconciliant le monde dw ». Ne va point t’imaginer que cette parole de l’Apôtre soit la seule qui condamne ton système ; dès l’instant je te prouve à nouveau ton blasphème. Si, en effet, tu prétends que le Fils est une créature ; comme Paul a dit : « La créature est assujettie à la vanité dx », il est évident que le Christ est assujetti à la vanité. Nous lisons encore ces autres paroles : « Toutes les créatures gémissent et sont dans les douleurs de l’enfantement dy » ; donc, celui qui est venu délivrer le monde entier des gémissements et de la douleur gémit lui-même et se trouve dans les douleurs de l’enfantement. Enfin, l’Apôtre nous dit : « La créature sera affranchie de cet asservissement à la corruption dz ». Donc, celui qui règne dans l’incorruptibilité au séjour céleste est asservi ici-bas à la corruption. 8. Mais, répliquent les Ariens, il faut, bon gré mal gré, te soumettre d’esprit et de cœur à la parole du Christ ; voici ce qu’il a dit de lui-même : « Le Père est plus grand que moi ea ». N’avez-vous lu que cela ? On voit, ce me semble, dans les Évangiles, qu’il est le Fils de l’homme eb. Faites-nous donc un crime de l’appeler Fils de Dieu. Dites-nous pourquoi vous lui donnez le nom de Fils de Dieu, puisqu’il se proclame lui-même Fils de l’homme ? Si tu travestis les motifs de son anéantissement, tu emploies' le remède à creuser tes plaies, et ce qui pourrait seul guérir tes blessures, tu t’en sers à porter la corruption jusque dans les parties saines. Pour nous, cherchons, dans la confession de la vraie foi, à conserver l’entière santé de nos âmes ; croyons, sans hésiter, que la Trinité tout entière réside dans l’unique substance d’une même Divinité : par là, nous pourrons devenir participants de la vie éternelle, en Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui règne avec le Père et le Saint-Esprit dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.VINGT-QUATRIÈME SERMON. POUR LA NATIVITÉ DU SEIGNEUR. ON Y EXPLIQUE CES PAROLES DU PSALMISTE : « IL DESCENDRA COMME LA PLUIE SUR L’HERBE DES CHAMPS ». (PS 71, 6.) IV
ANALYSE. —1. Humilité et grandeur du Christ naissant. —2. Son premier avènement a eu lieu dans les abaissements ; le second se fera dans tout l’éclat de la gloire. 1. On ne saurait en douter, mes très-chers frères, cette partie du psaume qu’on vient de lire est l’annonce de l’avènement corporel de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avènement qu’il a effectué aux yeux du monde, lorsqu’il est descendu du ciel pour opérer notre salut. Et parce qu’il devait être humble dans sa chair, parce que, comme Dieu, il ne devait y affecter aucune puissance, y manifester aucune grandeur, il s’est montré aux regards des hommes avec le prestige de la grandeur. En effet, si les témoins de sa naissance l’ont vu apparaître dans les abaissements et la pauvreté, ceux qui ont cru en lui l’ont reconnu pour un Dieu ; car si, dans son extérieur, il agissait comme homme, parce qu’il était intérieurement, il agissait en Dieu, tout en manifestant l’humanité dont il s’était revêtu, la condition corporelle et terrestre à laquelle il s’était soumis. Pauvre aux regards de ceux qui le considéraient seulement des yeux de la chair, il était plein de majesté et revêtu de la gloire céleste aux yeux de ses fidèles. Au moment de sa descente sur la terre, il fut humble, et, pareil à la pluie qui tombe sur l’herbe molle sans se faire entendre, il descendit du ciel sans annoncer son infinie puissance, sans faire aucun bruit, sans épouvanter les hommes par le fracas de sa venue ; rien, dans les humiliations de sa naissance, ne trahit sa grandeur. De fait, il ne venait point ici-bas pour y régner ; sa mission était de souffrir pour notre salut, de triompher des tentations, de souffrir, bien qu’immortel, les douleurs de la mort en faveur des mortels, et d’ouvrir devant tous ceux qui auraient recours à lui le chemin d’une nouvelle vie. 2. Il a donc effectué son premier avènement, son avènement selon la chair, comme la pluie qui tombe des nuées sur l’herbe ; c’est pourquoi il lui faudra opérer sa seconde venue au milieu du fracas et du bruit. Aussi, selon le langage de l’Écriture, « y aura-t-il des éclairs, des tonnerres, des tremblements de terre et de la grêle ec ». « Un feu dévorant marchera devant lui, une effroyable tempête mugira autour de sa personne ed ». Et, comme dit l’Apôtre, « la violence du feu dissoudra les cieux et fera fondre tous les éléments ee ». « Un feu dévorant le précédera et consumera autour de lui ses ennemis ef ». « Les montagnes se fondront comme la cire eg ». « Mais ceux qui craignent le Seigneur et attendent sa venue seront enlevés sur les nuées pour aller, dans les airs, au-devant de Jésus-Christ, et ainsi seront-ils éternellement « avec le Seigneur eh ». Tout cela a été écrit, afin que nous nous préparions à sortir au-devant de Notre-Seigneur : par là, et en nous humiliant ici-bas à l’exemple du Sauveur, nous mériterons de régner avec lui dans les splendeurs de la gloire céleste. Car voici ce qui aura lieu : Quiconque, sur la terre, aura répandu les larmes de l’humilité comme une pluie abondante, jouira, dans le ciel, des félicités éternelles, par Jésus-Christ Notre-Seigneur, qui vit et règne dans les siècles des siècles avec le Père et le Saint-Esprit. Ainsi soit-il.VINGT-CINQUIÈME SERMON. POUR LA NATIVITÉ DU SAUVEUR. V
ANALYSE. —1. À la naissance du Christ, les anges font entendre les plus douces mélodies. —2. Précieux martyre des Innocents. —3. Saint Augustin parle de la Nativité même aux petits enfants. —4. Epilogue. 1. Frères bien-aimés, Notre-Seigneur Jésus-Christ vient au monde pour le racheter tout entier et renouveler le genre humain. Le Christ naît dans une caverne, afin que le monde ne soit plus désormais enseveli dans le séjour de la mort. Il naît dans une caverne et il pleure, pour chasser de la caverne du péché les criminels voleurs qui s’y cachaient, et afin que, sous l’empire d’un nouvel enfant, tous les enfants devinssent innocents. C’est une Vierge qui lui donne la vie ; par là, Eve n’est plus obligée de se cacher sous le feuillage, la sainte Église s’élève sur la croix, et le monde chante les louanges de la Vierge Mère, comme la tourterelle chante du haut des arbres l’éloge de sa propre chasteté. Les Mages adorent le Christ ! que, devant lui, le genre humain tout entier fléchisse le genou t Celui qui brille avec éclat dans les cieux se fait adorer sous des langes : les chrétiens doivent donc l’adorer aussi maintenant qu’il est assis à la droite du Père non engendré. On l’adore dans une crèche ; nous devons donc l’adorer nous-mêmes aujourd’hui qu’il est sur l’autel éternel. La crèche est devenue un paradis, où se sont épanouies les fleurs des champs et les lis des vallées : aussi, puisque la tige du péché s’est flétrie, le genre humain doit-il fleurir sous le souffle du Christ. Auparavant, grâce à l’iniquité, les épines surabondaient parmi les hommes chez un très-petit nombre d’entre eux se montraient les fleurs de la justice ; les autres se desséchaient, comme des plantes dépourvues de sève. Un nouveau lis, le Christ, est descendu sur la terre, et il a commencé à y planter une pépinière d’anges. Du haut du ciel étaient venus à ce monde des plants nouveaux, étrangers à son sol : c’étaient des anges, et ils exécutaient de mélodieuses symphonies, et, comme les Prophètes ne se faisaient plus entendre, le genre humain était à même de contempler ces esprits célestes et de chanter avec eux : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix, sur la terre, aux « hommes de bonne volonté ei». O louanges nouvelles exécutées par des instruments nouveaux ! O paix après le péché ! O vie après la peine de la géhenne ! O délices après les ronces ! O rose après les épines ! O cantique après le silence ! O musique des anges après les gémissements des captifs ! 2. De nouvelles plantes, les anges, ont donc été apportées au paradis de l’Église, et lui ont donné un nouvel éclat par la beauté de leurs fleurs : et parce que ces jeunes pousses, emblèmes de la paix, étaient venues d’en haut, on vit bientôt germer celles du précieux martyre des innocents. O tendres tiges des petits enfants, vous êtes empourprées de votre sang ; le glaive des brigands a travaillé sur vous, et pourtant vous n’aviez pas commis le péché, et votre sang était pur ! Voilà que vient de naître le jardinier vigilant du paradis ; Adam, son négligent usufruitier, a donc le droit de se réjouir. Où est le serpent ? Il ne poussera plus désormais l’homme à fuir le regard du Seigneur. Voilà que le Christ, le Maître éternel, vient en ce monde pour s’y préparer un perpétuel exil et reconduire au ciel l’homme qui lui appartient. Le paradis a été replanté depuis que le voleur y est entré aussi le rusé adversaire du genre humain ne peut-il plus s’y cacher. La caverne ne peut plus servir d’habitation aux brigands, depuis qu’une caverne nouvelle abrite un Sauveur nouveau, dont la venue a été annoncée du haut des cieux par une étoile. Une Vierge Mère se voit en ce monde, l’Église sur le bois de la croix, le larron dans le paradis, le Seigneur dans le tombeau. 3. Lorsque, victime de ta ruse, l’homme est jadis devenu pécheur, une sentence de condamnation a été prononcée contre lui. Quelle a été cette sentence ? « Tu es poussière, et tu « retourneras en poussière ej ». Aujourd’hui les plaintes et les larmes ont cessé. Tu n’as plus aucune accusation à porter contre l’homme, car celui qui humilie le pécheur est venu, et il demeurera avec le soleil. « Car, depuis le lever du soleil jusqu’à son coucher, les enfants loueront le Seigneur ek ». « Et toi, enfant, tu seras appelé le Prophète du Très-Haut el ». « Afin que les jeunes gens, les vierges, les enfants et les vieillards louent le nom du Seigneur em », « qui a délivré son peuple de ses péchés en ». Il a brisé les chaînes des pécheurs, ouvert les yeux des aveugles et les oreilles des sourds, ressuscité les corps morts, mis un terme aux gémissements des captifs et rempli de joie le cœur des pasteurs. Que les brebis se réjouissent de brouter les lis de la chasteté ! Que les petits agneaux soient dans la joie d’avoir effeuillé les roses d’un précoce martyre, sans avoir commis de péché, sans ressentir encore les douleurs de la mort, sans verser inutilement leur sang, puisqu’ils souffraient pour le Fils du souverain Maître. 4. Aujourd’hui, les anges font entendre ce cantique à la louange du Christ : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux eo » ; les Mages l’adorent en suppliants ; les pasteurs et les agneaux lui donnent leur amour. Aujourd’hui les chrétiens tempérants le bénissent ; les vivants et les morts fléchissent le genou devant ce Dieu qui est assis à la droite du Père et qui effacera les péchés du monde.VINGT-SIXIÈME SERMON. POUR LA NATIVITÉ DU SAUVEUR. VI
ANALYSE. —1. Jour de la nativité du Christ, jour de joie. —2. Salutation de l’Ange. —3. Incarnation du Verbe. —4. La vraie beauté, c’est la chasteté. 1. Frères bien-aimés, un saint et solennel jour vient de luire pour le monde ; réjouissons-nous donc et tressaillons d’allégresse. Aujourd’hui le soleil s’est levé sur l’univers ; aujourd’hui les ténèbres du siècle ont vu apparaître au milieu d’elles la seule vraie lumière ; aujourd’hui nos yeux sont éclairés d’un jour plus vif que celui du soleil ; car ce qu’attendaient les anges et les archanges, les chérubins et les séraphins, ce qu’ignoraient les serviteurs célestes du Très-Haut, s’est fait connaître de notre temps, afin que, nous aussi, nous pussions, avec justice, répéter ces paroles du prophète David : « Seigneur, vous avez fait briller à nos yeux la lumière de a votre visage ; vous avez inondé de joie notre cœur ep ». Admirable lumière ! lumière véritable, s’il en fut, c’est elle qui « éclaire tout homme eq ». Qu’est-ce que cette lumière, me diras-tu ? Je te réponds aussitôt : C’est Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui est la vraie lumière ; voilà le véritable soleil, la splendeur par essence. Le Prophète a dit de lui : « Le soleil de justice s’est levé pour nous er ». « Il était », ajoute l’Évangéliste, « il était la lumière véritable qui éclaire tout homme venant en ce monde es ». O la suave et douce lumière du visage de Dieu ! le peuple du Christ a obtenu la faveur d’en être éclairé. Qu’est-ce que le Christ ? le visage de la lumière, le visage de Dieu. Qu’est-ce que le Christ ? le visage et la sagesse de Dieu. Qu’est-ce que le Christ ? la lumière de l’ineffable lumière. O, mes frères ! quelle peut être cette lumière, puisqu’elle nous a engendré une pareille lumière ! 2. Le saint prophète David a dit dans un cantique, ou plutôt, la voix du Père a dit par l’organe de ce prophète : « De mon cœur s’est échappée une bonne parole et ». Écoutez, mes frères, cette bonne parole qui s’échappe du cœur. Écoutez l’ange Gabriel ; voici ce qu’il dit à la Vierge Marie, au moment où il lui fait connaître les clauses du généreux contrat que Dieu va conclure avec elle. Écoutez, vous dis-je, le messager céleste, descendu des marches du trône de l’Éternel, pour annoncer le mystère de la bienheureuse conception et de la naissance du Roi suprême. « L’ange Gabriel fut envoyé de Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, à une vierge qu’un homme, nommé Joseph, de la maison de David, avait épousée ; et le nom de cette vierge était Marie ». Il entra dans sa maison et lui dit : « Vous êtes bénie entre toutes les femmes, et le fruit de vos entrailles est béni ». Et Marie fut troublée en le voyant s’approcher d’elle et en l’entendant lui adresser ces paroles de bénédiction. L’ange vit son trouble et ajouta : « Marie, ne craignez point, car vous avez trouvé grâce devant Dieu. Voilà que vous concevrez dans votre sein, et que vous enfanterez un fils, et vous l’appellerez du nom d’Emmanuel, c’est-à-dire, Dieu avec nous. Il sera grand, et s’appellera le Fils du Très-Haut, et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père, et il régnera éternellement sur la maison de Jacob, et son règne n’aura point de fin eu ». Marie a entendu, elle a cru ; aussi a-t-elle conçu et enfanté. Elle a entendu la bonne parole, elle y a cru par la foi, elle a corporellement conçu, et, d’après la loi de la nature, elle a enfanté. 3. Aujourd’hui donc, Notre-Seigneur Jésus-Christ est né selon, la chair, mais non selon la divinité ; car « au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement avec Dieu. Toutes choses ont été faites par lui, et, sans lui, rien n’a été fait ev ». Il est venu en ce monde, pour que les hommes fussent à même de le contempler des yeux de leur corps, puisqu’ils ne pouvaient l’apercevoir des yeux de leur cœur. O homme ! ne te montre pas ingrat. Tu vois devant toi celui-là même. qui t’a créé à son image et à sa ressemblance. C’est à son sujet que le Psalmiste adressait aux hommes ce reproche : « Enfants des hommes, jusques à quand votre cœur restera-t-il appesanti ? Pourquoi poursuivez-vous la vanité et embrassez-vous le mensonge ? Sachez que le Seigneur a fait de son Christ l’objet de notre admiration ew ». C’est le Fils de Dieu, c’est son Verbe, c’est l’arbitre et le maître de tous ses secrets ; car le Père lui a dit : « Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance ex ». Il a disposé toutes choses et les a conduites à leur fin, et il est parfois impossible de connaître ce qu’on a dans le cœur, sans la lumière de la parole, selon ce qui est écrit : « Une bonne parole s’est échappée de mon cœur ». Aussi le Prophète annonce-t-il quelle a dû être dans Marie la chaste union de son cœur avec le Verbe c’est l’indissoluble lien de la charité. Car les intentions et les pensées qui naissent dans le cœur ne peuvent se laisser entrevoir qu’à l’aide d’une sorte de maître spirituel, c’est-à-dire d’une parole qui leur soit assortie ; d’autre part, que pourra dire la parole, si la sagesse, auteur de toutes choses, ne vient préalablement, dans le secret du cœur, suggérer des idées ? Rien, absolument rien. « Une bonne parole », dit le Prophète, « s’est échappée de mon cœur ». Où était cette parole ? dans le cœur. D’où s’est-elle échappée ? du cœur. Qu’est-ce que la parole ? le miroir du cœur. Il faut qu’il soit laid ou beau, et, par conséquent, digne de blâme ou de louange., C’est lui qui nous fait « bénir Dieu et maudire l’homme, qui a ôté créé à l’image et à la ressemblance de Dieu ey ». « L’homme bon », dit l’Évangile, « tire de bonnes choses d’un bon trésor, et l’homme mauvais tire de mauvaises choses d’un mauvais trésor ez ». 4. Voilà en quoi consistent la laideur du cœur, et aussi sa beauté. Place-toi du côté où brillent les rayons du soleil, où se trouve le Dieu de charité. Je ne veux. point que tu te complaises dans les agréments extérieurs dont la nature peut t’avoir doué. Que, sur ton visage, de vives couleurs se marient à la blancheur du teint, que la beauté de ta figure se trouve rehaussée par celle de tes yeux et que l’élégance de tes formes mette le comble à ta perfection, tu ne seras jamais qu’un être hi. deux, et tu seras toujours noté comme tel, si tu ne cherches point Dieu dans la simplicité de ton cœur. L’homme voit le visage, Dieu voit le cœur. Cherche donc à briller là où le Christ a bien voulu établir sa demeure. C’est pourquoi l’apôtre Paul a dit : « Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? Or, si quelqu’un profane le temple de Dieu, Dieu le perdra ; car le temple de Dieu est saint, et c’est vous qui êtes ce temple fa ». « Une bonne parole s’est échappée de mon cœur ». Et quelle est cette parole ? C’est ce chaste époux, fruit de la chasteté, qui doit sortir d’une chaste couche et conserver à une vierge sa chasteté. Il est sorti de son lit, il s’est approché de l’Ange, et par l’entremise de l’Ange, qui a parlé en son nom, il a communiqué à la vierge le don de chasteté. Nous trouvons donc ici un père chaste, un époux chaste, une mère chaste, un fils chaste et une chaste union contractée sous les auspices et par l’opération du Saint-Esprit. Par sa foi, Marie a donc mérité de rester ce qu’elle était auparavant ; le Seigneur lui a conservé ce privilège, même quand elle a conçu, et, à l’heure de l’enfantement, elle n’en a rien perdu : elle est restée vierge après la naissance du Sauveur ; car Celui qui règne avec le Père, dans les siècles des siècles, a donné à sa Mère le privilège de la fécondité quand elle l’a conçu, et ne lui a point enlevé la gloire de la virginité, quand il est né d’elle et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.VINGT-SEPTIÈME SERMON. POUR LA NATIVITÉ DU SAUVEUR. VII
ANALYSE. —1. Le Christ est né d’une vierge. Analogies dans la vie de Samson. —2. Et dans celle de Sara.—3. Témoignage d’Isaïe. —4. Parallèle entre Ève et Marie. 1. Frères bien-aimés, je ne me servirai que d’exemples pour vous prouver le mystère de ce jour. Samson se distinguait par sa force et sa valeur guerrière : il était, comme le Christ, natif de Nazareth, et sa mère avait été stérile jusqu’à sa naissance ; un jour que, inspiré de Dieu, il avait mis en déroute l’armée ennemie, et qu’à défaut d’armes il ne pouvait pas achever sa victoire, il trouva par terre, au milieu du camp, une mâchoire d’âne. L’ayant prise dans ses mains, il tua une multitude d’ennemis avec ce nouvel instrument de combat. Ainsi s’en exprimait-il et s’en faisait-il gloire après l’action : « Je les ai défaits avec une mâchoire d’âne, j’ai tué mille hommes fb ». À la suite de cette lutte vraiment gigantesque, Samson éprouva une soif qui lui brûlait les entrailles, et, toutefois, dans les environs, ne se trouvait aucune source où il fût à même de puiser et de se désaltérer. Il s’écria donc : « C’est vous, Seigneur, qui avez sauvé votre serviteur et qui lui avez donné cette grande victoire, et, maintenant, je meurs de soif fc ». Alors Dieu entr’ouvrit les parois de la mâchoire et en fit couler de l’eau ; Samson la recueillit, et sa soif fut calmée. O mâchoire, tout à l’heure instrument sanglant de mort, et, maintenant, source de force et de vie ! Ici, elle a servi à répandre le sang des ennemis, là elle a produit une eau salutaire ! De la mâchoire d’un âne mort, et contrairement aux lois de la nature, a pu s’échapper une source d’eau vive ; jusqu’à ce jour, ce membre desséché d’un animal a pu s’appeler du nom de la mâchoire ; et la bienheureuse Marie, donnant le jour au Fils de Dieu, n’aurait pu rester vierge ni allaiter son enfant en dépit des lois de la nature ? Par l’effet de la puissance divine, une mâchoire a été capable de fournir ce que naturellement elle ne renfermait pas, et le même pouvoir céleste n’aurait pu permettre au corps de Marie de donner un lait qu’il possédait naturellement ? D’une mâchoire s’est échappée une fontaine ; le Sauveur est sorti du sein de Marie. La vertu d’en haut a fait couler de l’eau d’un ossement aride, et elle eût été impuissante à tirer un corps vivant du sein d’une femme vivante ? Que l’infidélité se taise donc, qu’elle cesse de murmurer. Le même pouvoir qui a rendu féconde la mâchoire d’un animal privé de vie a aussi fait des mamelles d’une vierge, devenue mère sans avoir contracté aucune souillure, une source de lait : ce prodige a été opéré par la vertu du Fils unique qu’elle a mis au monde. 2. Mais puisque tu veux circonscrire dans les bornes des lois de la nature l’enfantement et l’allaitement d’une vierge, dis-moi donc, oui, dis-moi en vertu de quelle loi la bienheureuse Sara a pu enfanter et allaiter à l’âge de quatre-vingt-dix ans. Elle avait alors, pour deux causes, perdu la faculté de concevoir : elle était avancée en âge ; de plus, elle était stérile et ne pouvait avoir d’enfants ; car, dit l’Écriture, « Sara avait passé l’âge de la maternité fd ». Néanmoins, au moment voulu par Dieu, elle a conçu et enfanté, et après avoir, en dépit de sa stérilité, mis au monde un fils, elle l’a allaité, bien qu’elle fût devenue vieille. Sara a obtenu de Dieu une telle faveur, et, pour devenir mère, la Vierge Marie n’aurait pu l’obtenir ? Ce que la vertu divine a accompli à l’égard d’une femme avancée en âge et débilitée, elle n’aurait pu l’accomplir à l’endroit d’une vierge ? Ou bien, celui qui a fécondé une mère décrépite n’aurait pu rendre féconde une vraie vierge, une mère toute jeune ? 3. Mais revenons-en au témoignage des prophéties. Isaïe s’exprime ainsi : « Voilà que le Seigneur est porté sur un léger nuage il entre en Égypte ; à sa présence, les idoles sont ébranlées et tous les cœurs sont dans l’effroi fe ». « Le Seigneur est porté sur un léger nuage ». Ce passage a trait à l’humanité du Christ : elle portait le Seigneur et cachait en elle-même un Dieu qui se dérobait aux regards du monde, mais qui se manifestait par ses miracles. Le soleil, que nous voyons, ne se cache-t-il pas quelquefois derrière les nuages ? Alors, il ne luit plus à tes yeux, bien que pour lui-même il ne cesse d’être lumineux. Quant au soleil éternel, il se dérobait aux regards en se voilant du nuage de notre nature humaine, et pourtant il luisait pour lui-même et pour nous. « Sur un nuage léger » : expression bien juste, puisqu’il ne portait point le fardeau du péché qui écrase toute chair. En effet, comme l’eau alourdit les nuages, ainsi les péchés pèsent beaucoup sur l’homme. Car, si notre chair s’adonne à l’iniquité, elle nous entraîne dans la boue et jusque dans les enfers ; si, au contraire, elle est sainte, elle s’élève vers les régions éthérées et jusque dans les cieux. C’est avec justesse qu’Isaïe appelle « un nuage léger » l’humanité du Christ, puisqu’à aucun instant elle n’a été l’héritière de la prévarication originelle, et que même elle a purifié l’humanité entière de la tache du péché. Nous pouvons encore dire, sans aucun doute, que Marie, la bienheureuse Vierge, la sainte Mère de Dieu, a été « un léger nuage », puisque dans son corps et dans son âme, dans tout son être, elle a été douée de sainteté ; car le Seigneur n’a-t-il pas dit de ses saints, ou le Prophète n’a-t-il pas fait cette question « Qui sont ceux qui volent comme des nuées ff ? » La vierge Marie, Mère du Sauveur, a été un nuage léger : en effet, elle a porté, suspendu à son cou ou couché sur ses bras, l’enfant divin ; elle a fui avec lui jusqu’en Égypte, où elle a demeuré, afin que s’accomplît cette parole de l’Écriture : « J’ai appelé mon Fils de l’Égypte fg ». 4. Toutefois, mes frères, remarquez bien le changement opéré dans les choses par la nativité du Sauveur ; faites attention aux aperçus nouveaux que nous fait découvrir ce mystère. Une vierge a conçu, elle a enfanté et allaité, et elle est restée vierge. Un homme est né sans la coopération de l’homme. Nulle trace de corruption dans ce qui devait être le principe de la vertu. Le premier homme est tombé, cédant aux conseils d’une vierge ; le second Adam a triomphé, parce qu’une autre vierge a consenti aux volontés d’en haut. Le diable a introduit la mort dans le monde par l’intermédiaire d’une femme ; c’est aussi par l’intermédiaire d’une femme que le Sauveur y a ramené la vie. Un mauvais ange a jadis trompé Eve, un ange bon a exhorté Marie. Eve a cru, et elle a perdu son époux ; Marie a cru aussi, mais, par là, elle a préparé dans son sein au Fils de Dieu une habitation digne de lui ; elle a eu pour fils Celui qu’elle avait pour Maître. Une parole a causé la chute d’Eve ; Marie s’est également fiée à une autre parole, et elle a réparé ce qui avait été détruit. Par la pureté de sa foi, Marie a détruit le mal causé par la fausse confiance d’Eve. C’est d’une femme que date le péché, c’est à cause d’elle que nous mourons tous ; la foi aussi a commencé par une femme, et à cause d’elle nous avons retrouvé nos espérances de vie éternelle.VINGT-HUITIÈME SERMON. POUR LA NAISSANCE DU SAUVEUR. VIII
ANALYSE. —1. Parallèle entre Eve et Marie. —2. La salutation angélique et l’obéissance de Marie. —3. Infinie bonté du Christ à notre égard. 1. Témoins des désirs qui animent votre dévotion, nous voulons vous découvrir le saint mystère de ce jour ; car si vous apprenez de notre bouche à bien connaître la secrète portée de la naissance du Christ, nous aurons pleinement satisfait des aspirations enrichies des perles de la foi. Aujourd’hui le Roi des anges a pris naissance au milieu des pécheurs, afin de leur accorder la condamnation de leurs fautes. « Que les cieux se réjouissent ! que la a terre tressaille d’allégresse fh ! » car le véritable architecte est descendu des cieux pour relever le monde de ses ruines, et afin que, par Marie, fût réparé ce qu’Eve avait si malheureusement détruit. Autrefois une femme avait perdu l’univers, et voilà que Marie porte le ciel dans son sein : la première femme a goûté du fruit de l’arbre, elle en a donné à son époux, elle a introduit la mort ici-bas pour Marie, elle a mérité d’engendrer le Sauveur. 2. Vous le savez ; l’ange Gabriel s’approcha de la pudique Vierge de Nazareth et lui dit je vous salue, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre toutes « les femmes fi » ; car votre sein est devenu la demeure du Fils de Dieu. Marie se troubla à la vue du messager céleste, elle entendit l’annonce du mystère, elle entra en négociation avec l’Ange. « Comment », lui dit-elle, « comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais pas d’homme ? fj » Ce que je vous dis là, je vous le dis d’après la manière dont les choses se passent en ce monde, mais je ne doute nullement de la puissance du Très-Haut. Votre parole me préoccupe, car j’ai résolu de rester vierge ; alors, et puisque je n’ai point de mari, comment pourrai-je engendrer un fils ? – Marie, les choses ne se passeront point comme vous le croyez ; vous n’enfanterez pas à la manière des autres femmes. Vous deviendrez mère, et, pourtant, vous ne perdrez jamais votre innocence ; car vous aurez le bonheur de porter dans vos entrailles la Divinité elle-même. « Le Sainte Esprit descendra en vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre, en effet, votre sein est devenu le palais de l’Esprit-Saint. fk » – Dès qu’elle eut entendu les conditions du céleste traité, elle prêta l’oreille aux propositions divines, et aussitôt elle mérita d’avoir le Seigneur pour habitant de son sein. « Voici », dit-elle, « la servante du Seigneur ; qu’il me soit fait selon votre parole fl ». Alors se trouvent occupées par le Très-Haut les entrailles de la Vierge ; la Majesté suprême tout entière se trouve renfermée dans les bornes étroites du corps d’une femme ; alors se forme en elle son fils, son protecteur, son hôte, son gardien. Enfin, arrive le temps de le mettre au monde : Marie donne le jour à son enfant, et néanmoins la porte de sa chasteté demeure close. On voit apparaître le rejeton d’une lignée toute céleste, sans que la pureté de sa mère se trouve souillée de la moindre tache. L’enfantement fut, pour elle, exempt de douleurs et de larmes, parce que son fruit lui était venu du ciel. En ce jour, l’armée des anges s’écrie, dans les transports de la joie : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix aux hommes de bonne volonté sur la terre fm », parce que le sein d’une vierge est devenu fécond. 3. Remarquez bien, mes frères, de quel éclat a brillé la miséricorde de Dieu à notre égard. il a daigné naître parmi les hommes, qu’il avait lui-même formés du limon de la terre. Par sa naissance, il a réparé leurs ruines ; il les a rachetés en mourant pour eux, et, après sa mort, il les a arrachés des abîmes profonds. Il a fallu qu’il nous aimât beaucoup pour prendre sur lui nos péchés, quoiqu’il fût juste, et pour se charger de nos crimes, malgré son innocence. Notre-Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, nous a délivrés des mains de nos ennemis, par cela même qu’il est descendu des cieux et que, après avoir subi les atteintes de la mort, il est sorti vivant et glorieux du tombeau, traînant à sa suite, dans son royal triomphe, tous les captifs dont il avait brisé les chaînes. Qu’à lui soient la gloire et la puissance dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.VINGT-NEUVIÈME SERMON. POUR LA NATIVITÉ DU SAUVEUR. IX
ANALYSE. —1. La naissance du Christ nous fait admirablement connaître l’amour de Dieu pour nous.—2. Cette naissance n’est pas sa première et éternelle naissance, mais la seconde et la temporelle. —3. Elle a été précédée de l’existence de la mère de Jésus, en qui la virginité et la fécondité se sont trouvées merveilleusement unies.—4. Dans la naissance du Christ se manifeste un ineffable mystère.—5. Le Christ, venant au monde, était un homme véritable car il voulait sauver les hommes ; et faire d’eux les enfants de Dieu. —6,. Les paroles par lesquelles on explique le mystère de l’incarnation semblent se contredire ; pourtant, il n’y a aucune contradiction dans l’enseignement de l’Église. —7. Il faut donc croire fermement à ce que là sainte Église croit et enseigne sur ce mystère, et, en particulier, sur les deux naissances du Christ : différences et rapports qui existent entre elles. —8. Considérons avec une vive reconnaissance quels admirables bienfaits nous ont procurés les mystères de l’incarnation et de la rédemption. —9. Il n’y a donc qu’un seul Christ, Dieu et homme tout ensemble, qui soit né et mort pour nous. 1. Frères bien-aimés, l’amour tout gratuit de Dieu pour nous trouve sa preuve dans la naissance temporelle, et selon la chair, du Fils de Dieu, notre Seigneur, dans cette naissance décidée avant tous les siècles, effectuée en ce monde, annoncée d’avance par les Prophètes, prêchée par les Apôtres, cachée, pendant l’ancienne alliance, sous des figures choisies, révélée, au temps de la nouvelle, par d’incontestables preuves, promise à nos Pères, manifestée à nos regards. En effet, Dieu nous a montré une affection entièrement bénévole, puisque, sans que nous l’ayons mérité, il nous a donné son Fils unique pour rédempteur. « Le Seigneur a envoyé un ré« dompteur à son peuple fn ». Voici, au dire du bienheureux Paul, ce que nous devons penser du Christ : « Il nous a été donné de Dieu comme notre sagesse, notre justice, notre sanctification, notre rédemption fo ». 2. Nous célébrons aujourd’hui cette naissance du Fils de Dieu ; toutefois, en venant au monde, il est sorti, non point du sein de son Père, mais du sein de la Vierge, sa mère il a fait précéder cet événement du commencement du monde, et, ce qui est plus admirable encore, de la plénitude des temps fp. Celui que le Père éternel a engendré en dehors de tous les temps a voulu naître ainsi, et, en naissant de la sorte, le Fils a daigné être envoyé par le Père, sans pouvoir, néanmoins, jamais se séparer de lui. Cette naissance n’est donc pas sa première, mais sa seconde. 3. Cette seconde naissance du Fils de Dieu a été précédée de l’existence en ce monde de celle qui lui à donné le jour ; mais jamais la divinité de son Père n’a préexisté relativement à sa première naissance. Celui qui est coéternel à son Père est donc né après sa mère. Voilà pourquoi nous célébrons aujourd’hui l’enfantement de la sainte Vierge, de cette vierge que nous proclamons aussi mère, en qui la gloire de la fécondité est venue accroître l’éclat de la virginité, et dont la fécondité s’est trouvée ennoblie par une virginité inaltérable. Cette vierge a donc eu le privilège de la fécondité, mais elle n’a jamais perdu celui de la virginité ; son enfantement a été de telle nature, que jamais elle n’eût été féconde si elle avait dû perdre l’intégrité de son innocence. Elle a donc été seule à recevoir cette grâce singulière d’un caractère tout divin ; à elle seule a été accordée cette faveur miséricordieuse de former, dans son sein et de son sang, le Créateur de toutes choses, et de concevoir, sans l’intermédiaire d’aucun homme, Celui qui a formé la femme, et, enfin, d’engendrer dans le temps le Dieu engendré de toute éternité. 4. En parlant de cette naissance du Fils de Dieu, qui s’est effectuée dans le temps, le Docteur des nations a dit : « Lorsque les temps ont été accomplis, Dieu a envoyé son Fils à formé d’une femme, et assujéti à la toi, pour racheter ceux qui étaient sous la loi, afin que nous devinssions ses enfants adoptifs fq ». Par ces paroles le bienheureux Apôtre a attiré l’attention de nos esprits et leur a fait comprendre le mystère de notre rédemption. Il connaissait parfaitement les secrets divins, et, en interprète fidèle, il nous a présenté ce mystère sous l’aspect le plus aimable et le plus capable d’exciter notre admiration : Pourquoi ce mystère est-il si admirable ? Parce qu’il s’est ainsi accompli. Pourquoi est-il si aimable ? Parce qu’il s’est accompli en notre faveur. Pourquoi est-il digne de notre admiration ? C’est que celui qui est vrai Dieu de Dieu est aussi né vrai homme d’homme. Y a-t-il rien de comparable à cette merveille, que le vrai Dieu, naturellement né du Père, et, par droit de naissance, Maître de toutes choses, soit aussi né de la Vierge, dans la condition d’esclave ? que le Créateur de tous les temps ait été créé dans le temps ? Pourquoi ce mystère est-il si aimable ? C’est que le Fils unique, qui est dans le sein du Père fr, a daigné devenir vrai homme et naître de l’homme, pour nous faire naître de Dieu. 5. Afin de rendre plus claire et plus intelligible pour nos auditeurs la vérité que nous énonçons, il nous faut reprendre ce que nous avons tous entendu relativement à la naissance humaine du Fils unique de Dieu. « Lorsque les temps ont été accomplis, Dieu a envoyé son Fils, formé d’une femme et assujéti à la loi ». Voilà comment le vrai Dieu est né vrai homme. Mais de quel bienfait cette naissance humaine de Dieu a-t-elle été pour nous la source ? L’Apôtre nous l’enseigne par ces paroles : « Pour racheter ceux qui étaient sous la loi, afin que nous devinssions ses enfants adoptifs fs ». Voilà comment Dieu a agi : il est né vrai homme, afin que nous, qui sommes hommes, nous naissions de Dieu. En effet, nous sommes nés de Dieu lorsque, croyant en lui, nous avons été adoptés pour ses enfants. Le bienheureux Jean prouve en ces termes qu’il y a des hommes nés de Dieu : « Il a donné le droit d’être faits enfants de Dieu à tous ceux qui l’ont reçu, à ceux qui croient en son nom, à ceux qui ne sont point nés du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu même ft ». Nous avons reçu, dans la personne du nouvel Adam, l’adoption de la grâce divine que nous avions perdue dans la personne du premier. Nous étions privés de la grâce, lorsqu’après avoir été conçus dans l’iniquité, nous sommes nés dans le péché ; car c’est un fait certain, que nous l’avions perdue même avant de naître corporellement. Tous ont perdu la grâce de l’adoption en celui « en qui tous ont péché fu ». Dieu a donc fait éclater son amour pour nous, en ce que son Fils unique, par qui toutes choses ont été faites, a été fait au milieu de toutes choses, et qu’il a été fait dans la plénitude des temps, bien qu’il eût fait tous les temps. 6. Frères bien-aimés, il faut comprendre avec exactitude comment a pu être fait Celui par qui toutes choses ont été faites, ou comment l’on peut dire que celui qui a fait tous les temps a été fait dans la plénitude du temps. Les saints Prophètes et les Apôtres ont avancé ces deux assertions, et les disciples de la vérité même nous ont enseigné cela avec encore plus de vérité. Le Christ qui, après sa naissance, a député les Apôtres pour en être les témoins, avait déjà, avant de naître, député les Prophètes dans le même but. Les Prophètes et les Apôtres sont donc venus, envoyés qu’ils étaient par la vérité, et ils ont entendu à la même école ce qu’ils devaient nous enseigner à leur tour. Dans leurs paroles, rien de faux, rien de hasardé : tout y est manifestement vrai, tout y est véritablement manifeste. Voilà, mes très-chers frères, la doctrine des Prophètes et des Apôtres. Lorsqu’en parlant du Fils de Dieu, ils le désignent comme Créateur et créature, comme faisant et comme fait, comme tenant du temps et de l’éternité, il n’y a rien de discordant en leur manière de s’exprimer ; la fausseté ne vicie pas non plus leur enseignement, mais leur profession de foi sur l’une et l’autre naissance est l’expression vraie de la vraie foi, de la foi qui sauve. Il est, en effet, évident, que du Seigneur, Fils unique de Dieu, on peut toujours affirmer une double naissance, puisqu’en lui se trouvent réellement unies la substance divine et la substance humaine. Voilà pourquoi l’Église catholique reconnaît, sans hésiter, en un seul et même Fils de Dieu son créateur et son rédempteur ; son créateur, parce que, comme Dieu, il lui a donné l’existence ; son rédempteur, parce que, comme homme, il a été fait à cause d’elle. Cette chaste épouse reconnaît en lui, et sans l’ombre d’un doute, son époux ; car elle lui est unie dans la plénitude et la vérité des deux natures. Elle confesse qu’il est son chef et que ce chef non-seulement est du Père, demeure dans le Père, est l’Éternel et immuable Seigneur, mais est devenu, tout étant Dieu, un homme parfait, né, dans le temps, de la Vierge Marie. Elle sait qu’il a, avec le Père, une seule nature divine, et, comme sa mère, la nature humaine, c’est-à-dire un corps et une âme. Elle avoue qu’un seul et même Christ a commencé à exister, et n’a jamais eu de commencement ; car, l’Église catholique en fait profession, le Fils unique de Dieu est, tout à la fois, Dieu éternel de Dieu éternel, et homme temporel d’homme temporel. Aussi prêche-t-elle un seul et même Fils de Dieu, égal et inférieur au Père ; car elle sait qu’il n’y a qu’un seul médiateur entre Dieu et les hommes fv, Jésus-Christ homme. En effet, Dieu le Fils nous a emprunté notre nature pour la sauver ; et Dieu, après nous l’avoir empruntée tout entière, l’a sauvée de même par l’effet d’une bonté toute gratuite. Ainsi est-il arrivé que Dieu le Père a accordé le salut à l’homme par les mérites de Dieu le Fils avec qui il partage la divinité : de là il résulte encore que l’homme a obtenu le salut de Dieu le Père, par l’entremise de Dieu le Fils, entré en participation de la nature humaine : d’où il suit, enfin, que, pour les fidèles, la vraie source du salut se trouve en un seul et même Fils de Dieu. Telle est donc la véritable règle de la foi catholique, voilà en quoi consiste la divine et saine doctrine : croire qu’il y a véritablement deux natures dans la personne du Fils de Dieu, et confesser, avec non moins d’assurance, la vérité des deux naissances d’un seul et même Fils de Dieu. 7. Mes frères, que ce point de foi soit donc bien certain pour nous ; que la croyance en soit bien affermie dans nos cœurs, appuyée sur la vérité de la foi et profondément enracinée dans la charité : Dieu, le Fils unique, par qui toutes choses ont été faites, est vraiment né une fois avant tous les temps, et une fois dans le temps ; une fois, sans avoir commencé, et une fois à une époque déterminée ; une fois de Dieu le Père, et une fois de la Vierge Marie ; de Dieu le Père sans avoir de mère ; de la Vierge Marie, non pas sans avoir de Père, mais sans avoir un homme pour père. En effet, Dieu le Fils a Dieu pour père, non-seulement entant qu’il est né de lui sans avoir commencé et qu’il est Dieu de Dieu le Père ; mais aussi en tant qu’il est né de la Vierge, dans le temps, et qu’étant Dieu il a été fait homme. Pour sa première naissance, le Verbe s’est échappé du cœur fw de Dieu le Père ; dans la seconde le Verbe s’est fait chair dans le sein de la Vierge Mère, et Marie l’a enfanté. À sa première naissance, il a été engendré par le Père, et il est sorti de son sein, et c’était le Dieu Très-Haut, à sa seconde, le même Dieu, devenu un humble époux, est sorti d’un lit virginal ; par la première, il nous a faits, et par la seconde, il nous a donné une nouvelle vie ; par l’une, il nous a créés ; et par l’autre, il nous a rachetés ; par celle-là, nous sommes devenus hommes ; par celle-ci, nous avons été adoptés comme enfants de Dieu. Parla première, il est notre Créateur et nous sommes son ouvrage ; par la seconde, il est notre Rédempteur et nous sommes son héritage. Par l’une le Fils de Dieu nous a donné l’existence humaine ; par l’autre, il a daigné faire de nous ses héritiers ; c’est par l’effet de celle-là que tous les hommes viennent en ce monde, c’est par l’effet de celle-ci que tous les justes régneront dans le ciel. Comme conséquence de la première, nous sommes ses créatures et nous tenons de lui la vie ; comme conséquence de la seconde, ceux qu’il a rachetés entreront en possession de la béatitude éternelle. 8. O homme, remarque donc attentivement de quels bienfaits Dieu le Fils t’a comblé, quoique tu en fusses indigne ! Tu étais égaré, et il t’a cherché ; tu étais perdu, il t’a retrouvé ; tu t’étais vendu, il t’a racheté ; tu t’étais arraché la vie, il te l’a rendue. Voilà les faveurs qu’il t’a accordées en venant en ce monde, et il te les a accordées toutes d’une manière entièrement bénévole ; car il n’a trouvé en toi ni le mérite d’aucune bonne œuvre, ni même un commencement de bonne volonté. Quand nous songeons aux bienfaits de Dieu, nous n’en apercevons pas d’autre cause que la grâce d’en haut : nos bonnes œuvres y sont pour rien. En effet, mes très-chers frères, quel bien avions-nous fait pour mériter cette faveur singulière qu’un vrai Dieu se fit pour nous un vrai homme, que le Fils, par nature coéternel au Père, voulût naître d’une Vierge dans le temps, que le Très-Haut s’humiliât, que Celui qui nourrit incessamment les anges demandât sa nourriture aux mamelles d’une femme, que le Dieu infini fût placé dans une crèche étroite, que le Roi de tous les siècles fût abreuvé d’outrages, que Celui qui justifie subît une injuste condamnation, que Celui en qui ne se trouve aucun péché fût compté au nombre des pécheurs, que l’Auteur de la vie fût conduit à la mort avec des brigands, et qu’il mourût, non-seulement avec des scélérats, mais même pour des scélérats ? C’est pourtant un fait attesté par l’Apôtre, que « le Christ est mort pour des impies fx ». Mais a-t-il pu naître pour des justes, Celui qui a daigné mourir pour des impies ? 9. Il n’y a donc qu’un seul et même Christ, qui réunit véritablement en lui les deux natures, vrai Dieu et vrai homme, vraiment né du Père et vraiment né d’une Mère, appartenant d’une manière incontestable à l’éternité et au temps, possédant indubitablement l’immortalité et subissant réellement les coups de la mort, vraiment privé de vie et ressuscité effectivement. Voilà le grand mystère de piété ! Dieu le Fils a été, selon la chair, livré pour nos péchés, et, selon la chair encore, il est ressuscité pour notre justification. Et parce que le même Fils de Dieu a commencé, en naissant, l’œuvre de notre rédemption qu’il a achevée en mourant pour nous, nous vous annonçons à tous, au jour où nous célébrons la nativité du Sauveur, celui de sa résurrection, tant Notre Seigneur Jésus-Christ, qui vit et règne dans les siècles des siècles avec le Père et l’Esprit-Saint, a eu hâte d’opérer notre salut ! Ainsi soit-il.
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