‏ Matthew 16:19

CHAPITRE LIII. CONFESSION DE SAINT PIERRE.

108. Saint Matthieu poursuit ainsi : « Or Jésus vint aux environs de Césarée de Philippe ; et il demanda à ses disciples : Que disent les hommes du Fils de l’homme ? Et les disciples lui répondirent : Les uns disent que c’est Jean-Baptiste ; les autres, Élie ; les autres, Jérémie ou quelqu’un des prophètes ; » et le reste, jusqu’à l’endroit où nous lisons : « Ce que vous délierez sur la terre sera aussi délié dans le ciel a. » Saint Marc rapporte le même événement à-peu-près dans le même ordre ; mais il expose auparavant un fait dont lui seul a parlé, savoir, la guérison de cet aveugle qui répondit au Seigneur : « Je vois les hommes qui marchent semblables à des arbres b. » C’est après avoir parlé du miracle des cinq pains que saint Luc rappelle à sa mémoire et rapporte la question du Sauveur et la réponse des disciples c. Mais en suivant l’ordre de ses souvenirs, il ne contredit nullement l’ordre des autres évangélistes. On pourrait, il est vrai, se demander comment, d’après saint Luc, le Seigneur priait et se trouvait seul avec ses disciples quand il leur demanda ce que les hommes disaient de lui ; tandis que selon saint Marc ; ce fut dans le chemin. Mais ceci n’est une difficulté que pour celui qui ne prie jamais en marchant.

109. J’ai, du reste, il m’en souvient, averti plus haut le lecteur de ne pas croire que Simon reçut le nom de Pierre quand Jésus lui dit : « Tu es Pierre et sur cette Pierre je bâtirai mon Église d. » Car il est certain que ce nom lui fut donné lorsque, d’après saint Jean, le Sauveur lui dit : « Tu t’appelleras Céphas ; c’est-à-dire Pierre e. » Il ne faut donc pas croire non plus que ce fut au moment où en rappelant les noms des douze Apôtres, saint Marc dit que Jacques et Jean furent appelés fils du tonnerre f. C’est bien là que l’évangéliste parle du nom de Pierre donné à Simon ; mais il le dit parce qu’il se le rappelle et non parce que le fait vient d’avoir lieu.

CHAPITRE LIV. LA PASSION PRÉDITE.

110. On lit ensuite dans saint Matthieu ; « En même temps Jésus défendit à ses disciples de dire à personne qu’il fût le Christ. Puis il commença à leur découvrir qu’il lui fallait aller à Jérusalem et y souffrir beaucoup de la part des anciens et des docteurs de la loi ; » et le reste, jusqu’à ces mots : « Tu ne goûtes point les choses de Dieu, mais celles des hommes g. » Saint Marc et saint Luc rapportent les mêmes faits dans le même ordre h : seulement saint Luc omet de dire que Pierre s’opposa à la passion du Christ.

CHAPITRE LV. SUIVRE LE CHRIST.

111. Saint Matthieu continue ainsi : « Alors Jésus dit à ses disciples : Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, se charge de sa croix et me suive : » et le reste, jusqu’à ces mots : « Et il rendra à chacun selon ses œuvres i. » Ceci est exposé par saint Marc dans le même ordre : mais cet évangéliste ne relève pas ce qui est dit du Fils de l’homme, qu’il doit venir avec ses anges pour rendre à chacun selon ses œuvres. Pourtant il nous fait lire dans le discours de Notre-Seigneur : « Quiconque aura rougi de moi et de ma parole au milieu de cette nation adultère et corrompue, le Fils de l’homme de son côté rougira de lui quand il viendra dans sa gloire accompagné des saints anges j. » Ce qu’on peut rapporter à cette pensée du texte de saint Matthieu. « Alors le Fils de l’homme rendra à chacun selon ses œuvres. » Saint Luc aussi rapporte tout cela dans le même ordre. Il diffère peu de saint Marc dans la forme du récit : et quant au fond il n’en diffère nullement k.

CINQUANTE-HUITIÈME SERMON.

SUR LE MARTYRE DES APÔTRES SAINT PIERRE ET SAINT PAUL.

ANALYSE. — 1. Contraste entre la vocation de saint Pierre et celle de saint Paul. — 2. Interprétation mystique des circonstances de leur martyre.

1. Avec la grâce de Dieu, nous célébrons aujourd’hui le martyre de saint Pierre et de saint Paul ; le monde entier solennise aujourd’hui leur mémoire, les unissant dans les mêmes cantiques, comme ils ont été unis par une même foi et couronnés par un même triomphe. C’est la fête de Paul ; et, tous le proclament, c’est aussi la fête de Pierre. Comment garder le silence sur Pierre, quand on se rappelle avec quelle fermeté il a refoulé la rage de Simon le Magicien, lui a enseigné la saine doctrine et a confondu son orgueil ? Par leur trépas glorieux, ces deux Apôtres ont prouvé combien la mort des saints est précieuse devant Dieu. Paul est un vase d’élection, Pierre tient les clefs de la maison du Seigneur ; l’un était pêcheur, l’autre a été persécuteur. Paul a été frappé d’aveuglement, afin de mieux voir ; Pierre a renié, afin de croire. Paul, embrassant la foi de Jésus-Christ après la résurrection de l’Église, s’est montré le disciple d’autant plus glorieux de la vérité, qu’il avait été plus obstiné dans son erreur. Pierre pêcheur n’a pas déposé ses filets, mais les a changés, parce qu’honoré le premier du sacerdoce, il préféra désormais les sources à la mer, et chercha les poissons, non pas pour les détruire, mais pour les purifier. Tous deux furent heureux dans l’administration de la doctrine, mais la mort les confirma dans un bonheur plus grand encore. Sur la terre, la gloire n’est qu’en désir ; au ciel, elle a toute sa réalité. Sur la terre, les tribulations se succèdent, la mort met les saints en possession de la véritable grandeur. La voix de ces Apôtres se fait entendre jusqu’aux confins de la terre. Partout s’élève en leur faveur un concert de louanges ; partout la voix des fidèles redit la magnificence de leur triomphe.

2. Comment appeler morts des hommes dont la foi est un principe de vie et de résurrection pour le monde entier ? Pour arriver au glorieux séjour de l’éternelle lumière, que personne n’hésite à se confier en toute assurance à la direction de ces illustres docteurs ; à leur suite la conquête du ciel n’est plus impossible. Paul est là pour seconder nos efforts, et Pierre pour ouvrir les portes de l’éternel séjour. Du reste, il ne peut que nous être utile de rappeler le glorieux martyre de ces Apôtres. Paul fut décapité, Pierre fut crucifié la tête en bas. Ce genre de mort est plein de mystère. Il convenait que Paul eût la tête tranchée, parce qu’il est pour les Gentils le chef ou la tête de la foi. Pierre avait reconnu que Jésus-Christ est la tête de l’homme, et comme Jésus-Christ était alors assis dans sa gloire, Pierre lui présenta d’abord sa tête, que les pieds devaient suivre, afin que dans ce nouveau genre de martyre, pendant que les pieds et les mains étaient enchaînés, la tête pût prier et prendre le chemin du ciel. Je ne suis pas digne, disait Pierre, d’être crucifié comme mon Seigneur. Par ce langage il ne refusait pas le martyre, mais il craignait de s’approprier le genre de mort du Sauveur, et ne se trouvait digne que de honte et de châtiment. Bienheureux Pierre, quand nous vous voyons suspendu à la croix, combien vous l’emportez à nos yeux sur le Magicien aspirant à prendre son vol dans les airs ! Il ne s’élève que pour tomber plus profondément, tandis que vous n’inclinez votre tête vers la terre que pour posséder le ciel après votre mort, par la grâce de Jésus-Christ qui vit et règne dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

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