Matthew 21:9
CHAPITRE LXVI. L’ÂNESSE ET SON ANON.
127. Saint Matthieu continue : « Lorsqu’ils approchèrent de Jérusalem et qu’ils furent venus à Bethphagé, près du mont des Oliviers, Jésus envoya deux disciples, leur disant : Allez au village qui est devant vous, et soudain vous trouverez une ânesse attachée, et son ânon avec elle ; » etc, jusqu’à ces paroles : « Béni celui qui vient au nom du Seigneur a. » Saint Marc suit la même marche dans son récit b. Saint Luc s’arrête à Jéricho et raconte ce que les autres ont ici passé sous silence, savoir l’histoire de Zachée, chef des publicains, et quelques paraboles : puis avec eux il parle de l’ânon sur lequel s’assit Jésus c. Ne soyons point embarrassés de ce qu’il y a dans saint Matthieu une ânesse et son ânon, tandis que les autres ne font aucune mention de l’ânesse. Mais rappelons-nous la règle que nous avons indiquée plus haut, au sujet des personnes que l’on fit asseoir par groupes de cent et de cinquante, lorsque la foule fut nourrie avec cinq pains ▼▼Ci-dessus 46, 98.
. Le lecteur guidé par cette règle ne devra éprouver aucune difficulté, quand même saint Matthieu aurait passé l’ânon sous silence comme les autres y ont passé l’ânesse. Si l’un avait seulement désigné celle-ci, et l’autre celui-là, on ne devrait y voir aucune contradiction. La difficulté ne sera-t-elle pas moindre encore, si l’un nomme l’ânesse dont les autres ne font point mention et désigne en même temps l’ânon mentionné par ceux-ci ? Dès lors que deux choses ont pu avoir lieu en même temps, il n’y a plus d’objection à faire si l’un raconte la première et l’autre la seconde ; à plus forte raison si l’un raconte l’une des deux et l’autre toutes les deux à la fois. 128. Saint Jean ne dit point comment le Seigneur envoya chercher ces deux animaux ; cependant il indique en peu de mots qu’il y avait un ânon, et cite le passage du prophète également rapporté par saint Matthieu e. Si donc le texte du prophète présente une légère différence avec celui des Évangélistes, on peut dire que la pensée n’est point différente. Mais la difficulté est plus sérieuse, parce que saint Matthieu fait paraître l’ânesse dans le passage qu’il cite du prophète, tandis qu’il n’en est pas question dans la même citation qu’en fait saint Jean, ni dans les manuscrits dont se servent les Églises. On peut, je crois, expliquer cette différence, par la raison que saint Matthieu, comme on le sait, écrivit en hébreu son Évangile. Or il est certain que la version des Septante ne s’accorde pas toujours avec le texte hébraïque, comme ont pu le constater ceux qui connaissent cette langue et qui ont entrepris de traduire chacun en particulier ces mêmes livres écrits en hébreu. Veut-on savoir encore la raison de cette différence, et chercher pourquoi cette version des Septante, qui jouit d’une si grande autorité, s’écarte en tant d’endroits du sens rigoureux exprimé dans les manuscrits hébraïques ? Voici la raison qui me parait la plus probable. Les Septante ont été inspirés dans ce travail par le même Esprit qui a révélé les vérités contenues dans le texte à traduire : la preuve en est dans leur accord si admirable, attesté par l’histoire. Aussi, malgré quelques variétés d’expressions, comme ils ne se sont point écartés de la pensée divine, écrite en ces livres et à laquelle doit se plier le langage, ils nous offrent un nouvel exemple de ce que nous admirons aujourd’hui dans le récit à la fois si varié et si uniforme des quatre évangélistes, car on ne peut accuser de fausseté un auteur dont les expressions diffèrent de celles d’un autre, s’il ne s’écarte point de sa pensée lorsqu’il doit exprimer les mêmes faits, les mêmes idées. Ce principe, très-utile dans le cours de la vie pour éviter ou condamner l’imposture, ne l’est pas moins en matière de foi. Ne croyons pas, en effet, que la vérité soit attachée à des sons qui seraient comme consacrés et que Dieu nous recommande les mots comme la pensée qu’ils doivent exprimer : bien loin de là, les vérités sont tellement supérieures aux formes de langage qui doivent les reproduire, que nous ne devrions point nous mettre en peine de chercher ces formes, si nous pouvions, sans elles, connaître la vérité comme Dieu la connaît et comme les anges la connaissent en lui.
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