Matthew 26:52
CHAPITRE V. ON SE SAISIT DE JÉSUS.
15. « Le Sauveur parlait encore, disent saint Matthieu et saint Marc, et voici que Judas, l’un des douze, se présenta, accompagné d’une foule nombreuse, armée de glaives et de bâtons, et envoyée par les princes des prêtres et par les anciens du peuple. Or, celui qui le livra, leur avait donné ce signal : Celui que j’embrasserai, c’est lui-même, emparez-vous de lui. Et s’approchant de Jésus, il lui dit : Je vous salue, maître, et il l’embrassa a. » La première parole que Jésus prononça, c’est celle-ci, rapportée par saint Luc : « Judas, tu trahis le Fils de l’homme par un baiser b ; » la seconde est celle de saint Matthieu : « Mon ami, pourquoi est tu vend ? » Enfin une troisième parole nous est conservée par saint Jean : « Qui cherchez-vous ? Ils lui répondirent : Jésus de Nazareth. Jésus leur dit : C’est moi. Or, au milieu d’eux se trouvait Judas, qui le livrait. Quand donc il leur eut dit : C’est moi ; ils allèrent à la renverse et tombèrent à terre. Après cela, il leur demanda encore une fois : Qui cherchez-vous ? Ils lui dirent : Jésus de Nazareth. Jésus leur répondit : Je vous ai dit que c’est moi. Si donc c’est moi que vous cherchez, laissez aller ceux-ci. Afin que cette parole qu’il avait prononcée, fut accomplie : Je n’ai perdu aucun de ceux que vous m’avez donnés c. » 16. « Or, dit saint Luc, ceux qui l’environnaient, voyant ce qui allait arriver, lui dirent : Seigneur, si nous – frappions de l’épée ? Et l’un d’eux », les quatre évangélistes sont unanimes sur ce point, « frappa un serviteur du grand-prêtre et lui coupa l’oreille droite », disent saint Luc et saint Jean. Or, selon saint Jean, celui qui frappa ainsi, ce fut saint Pierre, et celui qu’il frappa, se nommait Malchus. D’après saint Luc, « Jésus élevant la voix leur dit : Laissez aller jusque-là », et d’après saint Matthieu il continua ainsi : « Remets ton épée dans le fourreau. Car tous ceux qui auront pris l’épée, périront par l’épée. Crois-tu que je ne puisse pas prier mon Père, qui m’enverrait aussitôt plus de douze légions d’anges ? Comment donc s’accompliront les Écritures, qui ont annoncé qu’il doit en être ainsi ? » On peut ajouter à cela ce que rapporte saint Jean : « Ce calice que mon Père m’a donné, ne veux-tu pas que je le boive ? » Saint Luc continue son récit en disant que Jésus toucha l’oreille de celui qui avait été frappé, et le guérit. 17. On soulève des difficultés au sujet de ce passage de saint Luc, où le Seigneur interrogé par ses apôtres, s’ils devaient frapper de l’épée, répondit : « Laissez aller jusque-là », comme s’il eût approuvé ce qui venait de se passer, tout en défendant d’aller plus loin. Dans saint Matthieu, au contraire, on voit clairement que ce coup de hardiesse de saint Pierre a déplu au Sauveur. Voici la vérité, je crois. À cette question des apôtres : « Maître, si nous frappions de l’épée ? » le Sauveur répondit : « Laissez aller jusque-là », c’est-à-dire, ne vous opposez point à ce qui va arriver, car je dois permettre à mes ennemis de pousser la haine envers moi, jusqu’à s’emparer de ma personne, afin que les Écritures s’accomplissent. Mais dans l’intervalle qui suivit la demande et précéda la réponse, Pierre, saisi d’un enthousiasme plus vif pour son Maître et du désir de le défendre, frappe le serviteur du grand-prêtre. Or, il est évident qu’il fallut plus de temps pour poser la question et y répondre qu’il n’en fallut a saint Pierre pour frapper son ennemi. En effet, le texte porte : « Et Jésus répondit », c’était donc à la question qu’il répondit et non à l’acte de Pierre. Saint Matthieu, seul, nous fait connaître la pensée du Sauveur, sur l’empressement de son disciple. Dans ce passage, saint Matthieu ne dit pas de Jésus : « Il répondit à Pierre : Remets ton épée dans le fourreau ; » nous lisons : « Alors il dit à Pierre : Remets ton épée ; » ce qui n’a pu être dit qu’après l’acte de Pierre. Si saint Luc porte : « Jésus répondit. Laissez aller jusque-là ; » cette réponse dut évidemment être faite à ceux qui l’avaient interrogé ; mais parce que, comme nous l’avons observé, le coup fut porté dans l’intervalle de la demande et de la réponse, l’écrivain sacré, polir suivre l’ordre des faits, a cru devoir mentionner l’action entre la demande et ta réponse. Il n’y a donc aucune contradiction à tirer de ces paroles de saint Matthieu : « Tous ceux qui prendront l’épée, qui en feront usage périront par l’épée. » Il en serait autrement si le Seigneur, dans sa réponse, avait paru approuver l’usage spontané du glaive, ne fût-ce que pour une seule blessure, et ne fût-elle pas mortelle. Enfin, rien ne s’oppose à ce que l’on applique à saint Pierre la réponse tout entière, telle que nous la trouvons dans saint Luc et saint Matthieu : « Laissez aller jusque-là ; remets a ton glaive dans le fourreau. Tous ceux qui prendront l’épée périront par l’épée, etc. » J’ai expliqué le sens de ces expressions : « Laissez aller jusque-là ; » si l’on peut en donner une meilleure interprétation, j’y consens ; Pourvu cependant qu’on n’ébranle pas la vérité ni l’accord des récits évangéliques. 18. Saint Matthieu continue, et met sur les lèvres du Sauveur ces autres paroles, prononcées à l’heure même : « Vous êtes venus, armés d’épées et de bâtons, pour me prendre, comme un larron. Cependant, je me suis trouvé tous les jours au milieu de vous, siégeant et enseignant dans le temple ; et vous n’avez pas mis la main sur moi. Mais, selon le texte de saint Luc, voici votre heure et celle de la puissance des ténèbres. Or, selon saint Matthieu, tout cela se passa afin que toutes les prophéties fussent accomplies. Alors tous les disciples l’abandonnèrent et s’enfuirent », comme l’atteste aussi saint Marc, qui continue ainsi : « Jésus était suivi par un jeune homme couvert d’un linceul ; et comme on voulait le saisir, il abandonna son linceul aux mains de ceux qui le tenaient et s’enfuit sans aucun vêtement. »
Copyright information for
FreAug