Matthew 4:17
CHAPITRE XVII. VOCATION DES APÔTRES.
34. Le récit de saint Matthieu continue en ces termes : « Or Jésus ayant appris que Jean-Baptiste avait été jeté en prison, se retira en Galilée. » C’est ce que disent aussi saint Marc et saint Luc a excepté que saint Luc ne fait ici nulle mention de l’emprisonnement de Jean-Baptiste. D’après l’évangéliste saint Jean, avant la retraite de Jésus en Galilée, Pierre et André demeurèrent un jour avec lui et alors fut donné ce nom de Pierre au premier, qui s’appelait auparavant Simon. Le même dit encore que le jour suivant, comme Jésus voulait sortir et se rendre en Galilée, il trouva Philippe et lui commanda de le suivre ; il arrive de là à raconter aussi ce qui regarde Nathanaël ; puis il dit que le troisième jour, étant en Galilée, Jésus fit à Cana le miracle du changement de l’eau en vin b. Les autres évangélistes ont omis tous ces détails, quand après avoir rappelé la tentation du Sauveur ils ont parlé de son retour en Galilée. On doit donc comprendre qu’il y eut un intervalle de quelques jours durant lequel eut lieu ce que rapporte saint Jean au sujet des disciples. Mais ce qu’il dit de Pierre n’est pas en opposition avec le passage où plus loin saint Matthieu raconte que le Seigneur dit à l’Apôtre : « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai man Église c. » Car il faut croire que ce nom lui fut donné, non pas quand Jésus lui adressa les paroles que nous venons de citer, mais bien quand, d’après saint Jean, il lui parla ainsi Tu t’appelleras Céphas, c’est-à-dire Pierre ; » de sorte qu’en lui disant plus tard : « Tu es Pierre », il l’appelait par le nom que l’Apôtre portait déjà. En effet, s’il ne lui dit pas alors : Tu t’appelleras Pierre ; mais : « Tu es Pierre », c’est qu’il lui avait dit précédemment : « Tu t’appelleras. » 35. Après cela nous lisons dans le récit de saint Matthieu : « Et Jésus, ayant quitté Nazareth, vint habiter Capharnaüm, ville maritime sur les frontières de Zabulon et de Nephtali », et le reste, jusqu’à la fin du sermon sur la montagne. Saint Marc lui fait écho dans l’ordre et la suite du récit pour la vocation de Pierre et d’André, puis, un peu après, de Jacques et de Jean. Mais tandis que saint Matthieu, aussitôt après avoir parlé de la multitude des malades guéris par Jésus et des foules nombreuses qui le suivaient, s’applique à reproduire le long discours du Sauveur sur la montagne, saint Marc interpose d’autres détails ; à savoir, que Jésus enseignait dans la synagogue de Capharnaüm et qu’on était éperdument étonné de sa doctrine ; puis il remarque, comme saint Matthieu le fait après le grand discours sur la montagne, que Jésus enseignait comme ayant puissance et non comme les scribes et les docteurs de la loi. » Saint Marc raconte aussi l’histoire de cet homme qui fut délivré d’un esprit immonde, ensuite la guérison de la belle-mère de Pierre. Pour ces détails le récit de saint Luc s’accorde avec le sien d. Saint Matthieu n’a rien dit du possédé : il n’a parlé que plus loin de la belle-mère de Pierre e. 36. Mais dans la partie de son récit que nous considérons maintenant, le même saint Matthieu, après avoir décrit la vocation des disciples auxquels Jésus ordonna d’abandonner leurs barques de pêcheurs et de le suivre, rapporte que le Sauveur parcourut la Galilée, enseignant dans les synagogues, prêchant l’Évangile, guérissant toute sorte d’infirmités, et que se voyant entouré d’une grande multitude il gagna le haut d’une montagne où il fit son grand discours. Il donne ainsi lieu de comprendre que les choses rappelées par saint Marc après l’élection des disciples dont il s’agit, furent accomplies quand Jésus parcourait la Galilée et qu’il instruisait dans les synagogues ; qu’alors aussi fut guérie la belle-mère de Pierre ; mais qu’il n’a rapporté que plus loin ces événements, encore qu’il n’ait pas fait rentrer dans sa narration tout ce qu’il y avait omis précédemment. 37. Voici cependant une difficulté. D’après saint Jean, ce fut sur les bords du Jourdain, non en Galilée, qu’André s’attacha au Seigneur avec un autre dont le nom n’est pas cité ; que Jésus-Christ donna à Simon le nom de Pierre, et troisièmement qu’il appela Philippe à le suivre : tandis que d’après les trois autres Évangélistes, dont le récit se trouve ici complètement d’accord, d’après surtout saint Matthieu et saint Marc, André, Simon et les fils de Zébédée étaient occupés à pêcher sur la mer de Galilée lorsqu’ils furent appelés. Si en effet saint Matthieu et saint Marc rapportent qu’André était dans la même barque que Simon, saint Luc ne le nomme point, tout en donnant à entendre qu’il y était ; si de plus eux-mêmes n’exposent qu’en peu de mots l’événement, lorsque saint Luc le présente avec plus de détails ; car il rapporte l’histoire de la pêche miraculeuse et il nous montre le Seigneur adressant de la barque de Simon ses premières paroles à la multitude ; il n’y a là aucune opposition. Une autre différence serait que d’après saint Luc, le Seigneur dit, seulement à Simon Pierre : « Dès ce jour tu seras pêcheur d’hommes », et que suivant les récits de saint Matthieu et de saint Marc, il tient ce langage aux deux frères en même temps. Mais sans nul doute, il est possible que Jésus ait ainsi parlé d’abord à Pierre, surpris de la quantité de poissons qu’on venait de prendre ; puis à tous deux. Alors les récits se concilient facilement. Revenons donc et appliquons-nous à la difficulté offerte par le texte de saint Jean comparé à ceux de saint Matthieu, de saint Marc et de saint Luc. On peut la regarder en effet comme très-sérieuse ; puisqu’il y a une différence notable pour le temps, le lieu et le fait même de la vocation. Si c’est près du Jourdain, et avant le départ de Jésus pour la Galilée que sur le témoignage de Jean-Baptiste les deux disciples, dont l’un était André, suivirent le Sauveur ; si c’est alors, que conduit à Jésus par son frère André, Simon reçut le nom de Pierre : comment, d’après la leçon des autres Évangélistes, est-ce en Galilée que Jésus, les trouvant sur leurs barques de pêcheurs, les appela à devenir ses disciples f ? Mais il suffit de supposer que quand ils virent le Seigneur près du Jourdain, ils ne s’attachèrent pas à lui inséparablement, mais seulement commencèrent à le connaître, et retournèrent ensuite à leurs foyers, plein d’admiration polir sa personne. 38. Aussi bien le même saint Jean dit-il que les disciples de Jésus crurent en lui à Cana en Galilée, quand il changea l’eau en vin. Ce qu’il raconte en ces termes : « Or le troisième jour il y eut des noces à Cana en Galilée, et la mère de Jésus y était. Jésus fut aussi convié aux noces avec ses disciples g. » Si ce fut alors qu’ils crurent en lui, comme l’Évangéliste ledit un peu après, ils n’étaient pas encore ses disciples quand ils furent conviés aux noces. Mais l’écrivain sacré emploie ici une manière de parler que nous employons lorsque nous disons, par exemple, que l’Apôtre Paul reçut le jour à Tarse en de Cilicie h, quoique Paul n’ait pas été Apôtre en naissant. Quand donc il dit que les disciples de Jésus furent conviés aux noces, nous devons par ce nom de disciples entendre, non pas ce que ces hommes étaient alors, mais ce qu’ils devaient être ensuite. Sans aucun doute ils étaient disciples de Jésus lorsque saint Jean raconta et écrivit cet événement ; et c’est pour cette raison qu’en sa qualité d’historien du passé il leur donne ce titre. 39. « Après cela, continue saint Jean, il descendit à Capharnaüm avec sa mère, ses frères et ses disciples : mais ils n’y demeurèrent pas longtemps i. » On ne sait pas si alors Pierre, André et les fils de Zébédée lui étaient déjà attachés Car saint Matthieu rapporte d’abord que Jésus vint habiter à Capharnaüm et ensuite que les ayant trouvés sur leurs barques occupés à pêcher, il leur commanda de le suivre ; tandis que, selon saint Jean, les disciples vinrent avec lui à Capharnaüm. Serait-ce que saint Matthieu rappelle ici un fait que d’abord il avait omis ? Aussi bien, ne dit-il pas : après cela, comme Jésus marchait sur le rivage de la mer de Galilée, il vit deux frères. Mais sans exprimer aucun rapport de temps : « Comme Jésus, dit-il, marchait sur le bord de la mer de Galilée, il vit deux frères, etc. » Il est donc possible que saint Matthieu, relate en cet endroit non un fait postérieur à ceux dont le narré précède ; mais un fait qu’il a omis auparavant de rapporter. Ainsi rien n’empêche de comprendre que les disciples soient venus à Capharnaüm avec le Sauveur, puisque, selon saint Jean, il s’y rendit accompagné de sa mère et de ses disciples. Qu plutôt ne s’agit-il pas d’autres disciples ? Car Philippe déjà le suivait, puisqu’il l’avait précédemment appelé en lui disant Suis-moi ? » En effet les récits évangéliques ne nous montrent pas quel a été, pour tous les douze Apôtres, l’ordre de leur vocation ; attendu qu’ils ne mentionnent même pas la vocation de tous, mais parlent seulement de celle de Philippe, de Pierre et d’André, des fils de Zébédée et de Matthieu le publicain, lequel se nommait aussi Lévi j : Pierre cependant est le premier et le seul qui ait reçu en particulier de la bouche de Jésus-Christ un nom nouveau. Car ce ne fut pas chacun en particulier mais tous deux ensemble, que les fils de Zébédée reçurent le nom de Fils du tonnerre k. 40. Du reste observons que l’Évangile et les livres Apostoliques nomment disciples de Jésus-Christ, non seulement les douze Apôtres, mais tous ceux qui, croyant au divin maître, étaient par ses leçons formés au royaume des cieux. C’est parmi eux qu’il en choisit douze auxquels il donna le nom d’Apôtres. Saint Luc, de qui nous apprenons ce fait, dit un peu plus bas : « Il descendit ensuite avec eux et s’arrêta dans la plaine, où il se vit entouré de la foule de ses disciples et d’une grande multitude de peuple l. » Assurément l’Évangéliste n’appellerait pas la réunion de douze hommes, une foule de disciples. Plusieurs autres passages des Écritures nous montrent avec non moins d’évidence que le nom de disciples de Jésus appartenait à tous ceux qui apprenaient de lui, discerent, ce qui regarde la vie éternelle. 41. Mais on peut demander comment, d’après les récits de saint Matthieu et de saint Marc, Jésus appela de leurs barques de pêcheurs, d’abord Pierre et André, puis s’étant avancé un peu plus loin, les deux fils de Zébédée ; quand, suivant saint Luc, chacune des barques se trouvant remplie des poissons de la pêche miraculeuse, Pierre fit signe aux fils de Zébédée, Jacques et Jean, ses compagnons, de venir l’aider à retirer les filets : et que tous ensemble ils témoignèrent leur étonnement d’une si grande quantité de poissons, et que tous en même temps quittant leurs barques ramenées à bord, suivirent le Seigneur, bien qu’à Pierre seul il eût dit : « A dater de ce jour tu seras un pêcheur d’hommes. » Il faut donc admettre que le fait rapporté par saint Luc fut antérieur à la vocation formelle des quatre disciples ; que le Seigneur ne les appela point dans cette circonstance à le suivre, mais prédit seulement à Pierre que dorénavant il prendrait des hommes. Ce qui ne voulait pas dire qu’il ne prendrait jamais plus de poissons ; car nous lisons que même après la résurrection du Sauveur, les Apôtres se livraient encore à la pêche m. Si donc Jésus-Christ annonça à Pierre que désormais il prendrait des hommes, ce ne fut pas pour lui dire qu’il ne prendrait plus de poissons. Ainsi l’on peut comprendre que les disciples revinrent pêcher selon leur coutume sur la merde Galilée, et qu’ensuite eut lieu ce que rapportent saint Matthieu et saint Marc ; c’est-à-dire que le Seigneur les appela deux à deux, d’abord Pierre et André, puis les fils de Zébédée. Aussi bien cette fois ils n’amenèrent pas leurs barques à terre comme ayant l’intention de revenir un autre jour à la pêche, mais ils suivirent Jésus-Christ comme un maître qui les appelait et leur intimait l’ordre de s’attacher à lui.CHAPITRE XVIII. DU TEMPS OU JÉSUS-CHRIST SE RENDIT EN GALILÉE.
42. Une autre question se présente. L’Évangéliste saint Jean fait venir Jésus en Galilée avant l’emprisonnement de Jean-Baptiste. Car après avoir rapporté que le Sauveur changea l’eau en vin à Cana de Galilée, puis descendit pour quelques jours à Capharnaüm avec sa mère et ses disciples, il nous le montre allant à Jérusalem pour la fête de Pâque, venant ensuite avec ses disciples habiter et baptiser dans la terre de Judée. C’est alors qu’il dit en continuant son récit : « Or Jean baptisait lui-même à Ennon près de Salim, parce qu’il y avait là beaucoup d’eau : plusieurs y venaient, et y étaient baptisés ; car Jean n’avait pas encore été mis en prison n. » Cependant nous lisons dans saint Matthieu : « Ayant appris que Jean avait été arrêté, Jésus se retira en Galilée o. » C’est ce que nous lisons pareillement dans saint Marc. Après que Jean eut été mis en prison, dit-il, Jésus vint en Galilée p. » Saint Luc de son côté, sans faire aucune mention de l’emprisonnement de Jean-Baptiste, nous dit comme eux, après avoir raconté le baptême et la tentation de Jésus-Christ, que le Sauveur se retira en Galilée. Car voici la suite de sa narration : « Le diable ayant fini de le tenter, s’éloigna de lui pour un temps ; et Jésus, par la vertu de l’Esprit, retourna en Galilée ; et sa réputation se répandit dans tout le pays q. » On doit conclure de là non pas que les trois évangélistes contredisent le récit de saint Jean, mais d’abord qu’ils ont omis de rappeler une première apparition du Seigneur en Galilée après son baptême, alors que le précurseur n’avait pas encore été mis en prison ; et secondement que sans rien dire de cette première démarche signalée parle miracle de Cana, ils en ont tout de suite rapporté une autre qui suivit l’emprisonnement de Jean-Baptiste. Saint Jean parle lui-même de cette seconde retraite de Jésus en Galilée après son baptême. « Jésus donc, dit-il, ayant su que les Pharisiens avaient appris qu’il faisait plus de disciples et baptisait plus de personnes que Jean, « bien que Jésus ne baptisât pas, mais ses disciples, quitta la Judée et s’en alla de nouveau en Galilée r. » Il nous laisse entendre ici que dès lors Jean-Baptiste était en prison, mais que les Juifs avaient appris que Jésus faisait plus de disciples que n’en avait faits Jean, et baptisait plus de personnes que celui-ci n’en avait baptisées.
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