Matthew 6:25
CHAPITRE XIV. ON NE PEUT SERVIR DIEU ET LE DÉMON.
47. Quant aux paroles qui suivent : « Personne ne peut servir deux maîtres » il faut encore les rapporter à l’intention. Le Sauveur lui-même les explique en disant : « Car ou il haïra a l’un et aimera l’autre, on il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. » Il faut soigneusement méditer ce passage ; et le Seigneur lui-même indique quels sont ces deux maîtres, en disant : « Vous ne pouvez pas servir Dieu et Mammon. » Les Hébreux donnent, dit-on, aux richesses le nom de Mammon. En langue punique, le mot a le même sens ; car Mammon signifie gain. Or servir Mammon, c’est être l’esclave de celui que sa perversité a mis à la tête des choses terrestres et que le Seigneur appelle prince de ce siècle a. Donc ou l’homme le haïra et aimera l’autre » c’est-à-dire Dieu ; « ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. » En effet quiconque est esclave des richesses, s’attache à un maître dur et funeste ; car enchaîné par la cupidité, il est soumis au démon ; et il ne l’aime pas, car et qui peut aimer le démon mais cependant il le supporte ; comme dans une grande maison, celui qui est uni à une servante étrangère, subit à cause de sa passion un rude esclavage, bien qu’il n’aime pas celui dont il aime la servante. 48. « Ou il méprisera l’autre » le Seigneur ne dit pas : il haïra ; car personne peut-être ne peut sérieusement haïr Dieu ▼▼Rét.l. 1, ch. 19 n. 3
; mais il le méprise, c’est-à-dire ne le craint plus, comme s’il se rassurait sur sa bonté. L’Esprit-Saint cherche à nous tirer de cette négligence et de cette fatale sécurité, quand il nous dit : « Mon fils, n’ajoute pas péché sur péché et ne dis pas : La miséricorde de Dieu est grande c » et encore : « Ignorez-vous que la patience de Dieu vous invite à la pénitence d ? » Qui trouverez-vous d’aussi miséricordieux que Celui qui pardonne tous leurs péchés à ceux qui se convertissent et qui donne la fertilité de l’olivier au rejeton sauvage ? Et qui trouverez-vous d’aussi sévère que Celui qui n’a pas épargné les branches naturelles, mais les a brisées à cause de leur infidélité e ? Donc que celui qui veut aimer Dieu et éviter de l’offenser, ne s’imagine pas qu’il peut servir deux maîtres ; mais qu’il purifie son intention et garantisse son cœur de toute duplicité ; alors il aimera Dieu dans sa bonté et le cherchera dans la simplicité de son cœur f. CHAPITRE XV. SOLLICITUDES SUPERFLUES.
49. « C’est pourquoi je vous dis : Ne vous inquiétez point pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps de quoi vous vous vêtirez. » De peur que peut-être, sans chercher le superflu, le cœur ne devienne double à la recherche du nécessaire, que notre intention ne se détourne vers nos propres intérêts, quand nous paraissons faire œuvre de miséricorde à l’égard du prochain ; c’est-à-dire de peur que tout en voulant rendre service à un autre, nous n’avions bien plutôt nos propres avantages en vue ; puis que nous nous croyions innocents, parce que nous ne cherchons pas le superflu, mais le simple nécessaire. Le Seigneur veut que nous nous rappelions qu’en nous créant et en nous composant d’une âme et d’un corps, Dieu nous a donné beaucoup plus que la nourriture et le vêtement, et il ne veut pas que le souci de ces nécessités rende notre cœur double. « L’âme, dit-elle, n’est-elle pas plus que la nourriture ? » Pour vous faire entendre que Celui qui vous a donné la vie, vous donnera bien plus facilement encore la nourriture. « Et le corps plus que le vêtement ? » c’est-à-dire est davantage : également pour que vous compreniez que Celui qui vous a donné votre corps, vous donnera plus facilement encore de quoi le vêtir. 50. On demande ici quel rapport a la nourriture avec l’âme, puisque l’une est incorporelle et l’autre matérielle. Mais, âme est mis ici pour vie, et c’est la nourriture matérielle qui entretient la vie. C’est en ce sens qu’on a dit : « Celui qui aime son âme, la perdra g » Si âme ne signifiait pas cette vie présente qu’il faut perdre pour acquérir le royaume de Dieu, comme évidemment les martyrs l’ont fait, il y aurait contradiction avec cet autre passage : « Que sert à l’homme de gagner le monde entier, s’il vient à perdre son âme h ? » 51. « Regardez les oiseaux du ciel : ils ne sèment ni ne moissonnent, ni n’amassent dans des greniers, et votre Père céleste les nourrit ; n’êtes-vous pas plus qu’eux ? » c’est-à-dire, vous valez davantage. En effet un animal doué de raison, comme l’homme, est placé plus haut dans l’ordre de la nature que des animaux privés de raison, comme sont les oiseaux. « Or qui de vous, en s’inquiétant beaucoup, peut ajouter à sa taille une seule coudée ? » C’est-à-dire celui qui, par sa puissance et sa volonté, a fait croître votre corps jusqu’à la taille qu’il a, saura bien aussi, par les soins de sa Providence, lui procurer des vêtements. Or vous comprendrez que votre taille n’est point votre ouvrage par cela que, malgré toutes vos inquiétudes et vos désirs, vous ne pourriez y ajouter une seule coudée ; laissez donc le soin de vêtir votre corps à Celui qui lui a donné sa taille. 52. Il fallait donner un exemple pour le vêtement comme pour la nourriture. Aussi le Seigneur ajoute-t-il : « Voyez les lis des champs ; comme ils croissent ; ils ne travaillent ni ne filent. Or je vous dis que Salomon même dans toute sa gloire, n’a jamais été vêtu comme l’un d’eux. Que si l’herbe des champs qui est aujourd’hui et qui demain sera jetée dans le four, Dieu la vêtit ainsi, combien plus vous, hommes de peu de foi ? » Mais nous n’avons pas à discuter ces exemples comme allégories, ni à chercher ce que signifient ici les oiseaux du ciel et les lis des champs : car on nous propose simplement des objets d’une nature inférieure pour nous faire entendre des choses d’un ordre plus élevé. Telle est dans un autre endroit, la comparaison du juge qui ne craignait pas Dieu, n’avait point d’égards pour l’homme, et néanmoins céda aux instances de la veuve, non par sentiment de piété ou d’humanité, mais pour se débarrasser de ses importunités. Car ce juge inique ne représente Dieu en aucune façon, même allégoriquement ; mais le Seigneur a voulu nous faire comprendre combien Dieu, qui est bon et juste, a soin de ceux qui le prient, puisque même un homme injuste ne peut repousser ceux qui le fatiguent de leurs réclamations, ne fût-ce que pour se soustraire à l’ennui de les entendre i.CHAPITRE XVI. NE PAS ÉVANGÉLISER POUR VIVRE, MAIS VIVRE POUR ÉVANGÉLISER.
53. « Ne vous inquiétez donc point disant Que mangerons-nous ou que boirons-nous, ou de quoi nous vêtirons nous ? Car ce sont toutes choses que les païens recherchent ; mais votre Père sait que vous en avez besoin. Cherchez donc premièrement le royaume de Dieu et sa justice, et toutes ces choses vous seront données par surcroît. » Le Seigneur nous montre ici très clairement qu’on ne doit point rechercher ces biens de façon à les avoir en vue dans les bonnes actions ; mais que pourtant ils sont nécessaires. Il nous fait voir aussi quelle différence il y a entre le bien qu’il faut rechercher, et le nécessaire qu’il faut recevoir ; quand il nous dit : « Cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice, et toutes ces choses vous seront données par surcroît. » Le royaume de Dieu et sa justice : voilà donc notre bien, ce que nous devons rechercher, où nous devons placer notre fin dernière, le but en vue duquel il faut faire tout ce que nous faisons. Mais comme nous luttons en cette vie pour pouvoir arriver à ce royaume, et que ces choses nous sont indispensables pour vivre, le Seigneur ajoute : « Toutes ces choses vous seront données par surcroît. » Mais cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice. » En disant : « premièrement » il indique que le reste est à ta seconde place, non pour le temps, mais pour l’importance. L’un doit être recherché comme notre bien propre, l’autre comme une nécessité ; mais celui-ci en vue de celui-là. 54. Ainsi, par exemple, nous ne devons pas évangéliser pour manger, mais manger pour évangéliser ; car évangéliser pour manger, ce serait mettre l’Évangile au dessous des aliments ; ceux-ci seraient notre bien et celui-là notre nécessaire. Et c’est ce que l’Apôtre défend ; en disant qu’il a droit d’user de la permission accordée par le Seigneur, à ceux qui annoncent l’Évangile de vivre de l’Évangile, c’est-à-dire d’en tirer ce qui est nécessaire à la vie ; mais que pourtant il n’a point abusé de ce pouvoir. Car il y avait alors bien des hommes qui cherchaient l’occasion d’acheter et de vendre l’Évangile ; et pour supprimer cet abus, l’Apôtre pourvoyait à sa nourriture de ses propres mains j. C’est d’eux qu’il dit ailleurs : « Pour ôter l’occasion à ceux qui cherchent l’occasion k. » Du reste si, comme les vrais Apôtres, il eût vécu, de l’Évangile suivant la permission du Seigneur, la nourriture n’eût pas été pour lui le but de la prédication, mais bien la prédication le but de la nourriture ; c’est-à-dire il n’eût pas évangélisé pour gagner ses aliments et les autres objets nécessaires à la vie, mais il eût usé de ceux-ci pour évangéliser par amour et non par besoin, ce dont il ne veut pas quand il dit : « Ne savez-vous pas que les ministres du temple mangent de ce qui est offert dans le temple, et que ceux qui servent à l’autel ont part à l’autel ? Ainsi le Seigneur lui-même a prescrit à ceux qui annoncent l’Évangile de vivre de l’Évangile. Pour moi je n’ai usé d’aucun de ces droits. » Par là il fait voir que c’est une permission et non un ordre ; autrement il serait coupable de désobéissance à la loi du Seigneur. Puis il continue et dit : « Je n’écris donc pas ceci pour qu’on use ainsi envers moi ; car j’aimerais mieux mourir que de laisser quelqu’un m’enlever cette gloire. » Il dit cela parce qu’il avait déjà résolu de gagner lui-même sa vie, à cause de ceux qui cherchaient l’occasion. « Car si j’évangélise, dit-il, la gloire n’en est pas à moi » c’est-à-dire si j’évangélise pour qu’on en use ainsi envers moi, c’est-à-dire encore, si j’évangélise pour obtenir ces choses, j’aurai placé le but de la prédication dans la nourriture, la boisson et le vêtement. Mais pourquoi la gloire n’en est-elle pas à lui ? Ce m’est une nécessité » répond-il ; c’est-à-dire il faudra alors que j’évangélise parce que je n’ai pas de quoi vivre, ou pour retirer un profit temporel de la prédication des vérités éternelles : par là en effet je ne prêcherai plus volontairement l’Évangile, mais par nécessité. « Et malheur à moi, ajoute-t-il, si je n’évangélise l » Mais comment doit-il évangéliser ? En cherchant sa récompense dans l’Évangile même et dans le royaume de Dieu : de cette manière ce ne sera plus par nécessité, mais de bonne volonté qu’il pourra évangéliser. « Car si je le fais de bon cœur, j’aurai la récompense : mais si je ne le fais qu’à regret, je dispense seulement ce qui m’a été confié m » c’est-à-dire si je prêche l’Évangile parce que j’y suis forcé pour subvenir aux nécessités de la vie, d’autres en recueilleront le profit en s’attachant à l’Évangile que je prêche ; et moi je n’en retirerai rien, parce que je n’aime pas l’Évangile même, mais les avantages temporels qui en font le prix à mes yeux. Et c’est un crime de ne pas annoncer l’Évangile comme un fils, mais comme un esclave qui dispense ce qui lui est confié ; de le répandre comme un bien étranger, sans en retirer autre chose que des aliments qui n’ont rien de commun avec le royaume de Dieu, mais sont purement extérieurs et destinés à prolonger un misérable esclavage. Ce n’est pas que l’Apôtre ne se donne ailleurs le nom de dispensateur. En effet, un serviteur élevé à la dignité de fils adoptif, peut parfaitement dispenser à ses semblables ce qu’il a reçu en qualité de cohéritier. Mais en disant : « Si je ne le fais qu’à regret, je dispense seulement ce qui m’a été confié » l’Apôtre désigne cette espèce de dispensateur qui se contente de distribuer le bien d’autrui sans en rien retirer lui-même. 55. Donc tout objet recherché en vue d’un autre objet est incontestablement au dessous de celui-ci ; par conséquent la supériorité appartient à l’objet qu’on a en vue, et non à celui par lequel on cherche à atteindre le but. Donc, si nous cherchons l’Évangile et le royaume de Dieu en vue de la nourriture, nous donnons à celle-ci la prééminence sur ceux-là, en sorte que si la nourriture ne nous fait pas défaut, nous laisserons de côté le royaume de Dieu : c’est là chercher premièrement la nourriture et ensuite le royaume de Dieu, c’est-à-dire donner à celle-là la priorité sur celui-ci. Si au contraire nous ne cherchons notre nourriture qu’en vue d’obtenir le royaume de Dieu, nous remplissons le précepte : « Cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice, et toutes ces choses vous seront données par surcroît. »CHAPITRE XVII. À CEUX QUI CHERCHENT LE ROYAUME DE DIEU RIEN NE MANQUE.
56. En effet quand nous cherchons premièrement le royaume de Dieu et sa justice, c’est-à-dire quand nous les mettons au-dessus de tout le reste au point de ne chercher dans tout le reste qu’un moyen de les obtenir, alors nous ne devons pas craindre de manquer de ce qui est nécessaire en cette vie pour parvenir au royaume de Dieu. Car plus haut le Seigneur a dit : « Votre Père sait que vous en avez besoin. » Aussi, après avoir dit : « Cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice » il n’ajoute point : cherchez ensuite ces choses ; bien qu’elles soient nécessaires ; mais il dit : « Et toutes ces choses vous seront données par surcroît » c’est-à-dire vous arriveront, si vous les cherchez sans, vous en mettre en peine ; pourvu qu’en les cherchant, vous ne vous détourniez point du but ; que vous ne vous proposiez point deux fins, d’abord le royaume de Dieu pour lui-même et ensuite ces choses nécessaires, mais que vous cherchiez celles-ci en vue de celui-là : dans ce cas, elles ne vous feront point défaut. La raison en est que vous ne pouvez servir deux maîtres. Or c’est servir deux maîtres que de chercher le royaume de Dieu comme un grand bien, puis ces objets temporels. On ne peut avoir l’œil simple, ni servir Dieu comme seul maître, si on ne rapporte tout le reste, même le nécessaire, à ce but unique, c’est-à-dire au royaume de Dieu. Mais comme tout soldat reçoit une ration et une solde, ainsi tous ceux qui évangélisent reçoivent la nourriture et le vêtement. Seulement tous les soldats ne se battent pas pour le salut de la république ; il en est qui ont en vue leur salaire. Ainsi tous les ministres de Dieu ne se proposent par le salut de l’Église : il en est qui cherchent les avantages temporels, comme qui dirait leur ration et leur solde ; ou même se proposent les deux buts à la fois. Mais on l’a dit plus haut : « Vous ne pouvez pas servir deux maîtres. » Nous devons donc faire du bien à tous avec un cœur simple, seulement en vue du royaume de Dieu, et non pour nous procurer des avantages temporels soit uniquement, soit conjointement avec le royaume de Dieu : avantages que le Seigneur renferme sous le nom de lendemain, quand il nous dit : « Ne soyez point inquiets du lendemain. » Car ce mot n’a d’application que dans le temps, où l’avenir succède au passé. Par conséquent, quand nous faisons quelque chose de bien ; ne songeons point aux choses du temps, mais à celles de l’éternité ; alors l’œuvre sera bonne et parfaite. « En effet, continue le Seigneur, le jour de demain sera inquiet pour lui-même » c’est-à-dire prenez votre nourriture, votre boisson, votre vêtement quand il faudra, quand la nécessité s’en fera sentir. Car tout se trouvera là, puisque notre Père sait que nous en avons besoin. « A chaque jour, dit le Seigneur, suffit son mal » c’est-à-dire il suffit que la nécessité vous force à user de ces choses. Quant au mot de mal, je pense qu’il a été choisi pour nous indiquer que c’est une punition pour nous, puisque c’est le résultat de la fragilité et de la mortalité que nous nous sommes attirées par le péché ▼▼Rét 1, ch. XIX. n. 6
. N’aggravez donc pas encore le poids de ce châtiment ; en ne vous contentant pas de subir des besoins temporels, mais en cherchant dans le service de Dieu les moyens d’y satisfaire. 57. Cependant il faut bien prendre garde ici d’accuser de désobéissance au divin précepte et d’inquiétude pour le lendemain, un serviteur de Dieu que nous voyons attentif à se pourvoir des choses nécessaires, ou pour lui ou pour ceux dont le soin lui est confié. Car le Seigneur lui-même, servi par les anges o, a daigné, pour l’exemple, pour que personne ne se scandalise de voir un de ses serviteurs se procurer les choses nécessaires, a daigné, dis-je, avoir une bourse avec de l’argent, pour fournir aux besoins de la vie ; bourse dont Judas, qui le trahit, fut tout à la fois le gardien et le voleur, comme cela est écrit p. Et l’Apôtre Paul aussi pourrait passer pour avoir eu souci du lendemain, lui qui écrit : « Quant aux aumônes que l’on recueille pour les saints, faites, vous aussi, comme je l’ai réglé pour les églises de Galatie. Qu’au premier jour de la semaine, chacun de vous mette à part chez lui et serre ce qui lui plaira, afin que ce ne soit pas quand je viendrai que les collectes se fassent. Lorsque je serai présent, j’enverrai ceux que vous aurez désignés par vos lettres, porter vos charités à Jérusalem. Que si la chose mérite que j’y aille moi-même, ils viendront avec moi. Or je viendrai chez.vous lorsque j’aurai traversé la Macédoine ; car je passerai par la Macédoine. Peut-être m’arrêterai-je chez vous et y passerai-je même l’hiver, afin que vous me conduisiez partout ou j’irai. Car ce n’est pas seulement en passant que je veux vous voir cette fois ; j’espère demeurer quelque temps avec vous, si le Seigneur le permet. Je demeurerai à Ephèse jusqu’à la Pentecôte q. » Nous lisons également dans les Actes des Apôtres qu’on s’était procuré des vivres dans l’attente d’une famine prochaine. « Or, en ces jours-là, des prophètes vinrent de Jérusalem à Antioche, et il y eut une grande joie. Et quand nous fûmes assemblés, l’un d’eux, nommé Agabus, se levant, annonçait, par l’Esprit-Saint, qu’il y aurait une grande famine dans tout l’univers ; laquelle, en effet, arriva sous Claude César. Et les disciples résolurent d’envoyer, chacun suivant ce qu’il possédait, des aumônes aux frères qui habitaient dans la Judée. Ce qu’ils firent en effet, les envoyant aux anciens par les mains de Barnabé et de Saul r. » Or, lorsque Paul se mit en mer, les provisions qu’on lui offrit paraissent avoir été bien au de là du besoin d’un seul jour s. Quant à ce passage d’une de ses épîtres : « Que celui qui dérobait ne dérobe plus, mais plutôt qu’il s’occupe en travaillant de ses mains à ce qui est bon, pour avoir de quoi donner à qui est dans le besoin t » ceux qui le comprennent mal croient y voir une contradiction avec le précepte du Seigneur : « Regardez les oiseaux du ciel ; ils ne sèment ni ne moissonnent ni n’amassent dans des greniers » et encore : « Voyez les lis des champs, comme ils croissent ; ils ne travaillent ni ne filent » tandis que l’Apôtre veut qu’on travaille de ses mains pour avoir de quoi donner aux autres. Et lorsque, parlant de lui-même, il dit qu’il a travaillé de ses mains pour n’être à charge à personne u ; et qu’on écrit de lui qu’il s’était joint à Aquila pour travailler avec lui et gagner sa vie v, il ne semble pas qu’il ait imité les oiseaux du ciel ni les lis des champs. Mais par ces passages des Écritures et beaucoup d’autres du même genre on voit assez que Notre-Seigneur ne désapprouve pas celui qui se procure ces ressources par des moyens humains ; mais seulement le ministre de Dieu qui travaille en vue d’obtenir des avantages temporels et non le royaume de Dieu. 58. Donc tout le commandement se réduit à cette règle : Qu’on s’occupe du royaume de Dieu même en se pourvoyant des choses matérielles, et qu’on ne songe point aux choses matérielles lorsqu’on combat pour le royaume de Dieu. Par là, quand même ces ressources nous feraient défaut, ce que Dieu permet souvent pour nous exercer, non seulement notre résolution n’en serait point ébranlée, mais elle n’en serait qu’éprouvée et affermie. « Car, dit l’Apôtre, nous nous glorifions dans les tribulations, sachant que la tribulation produit la patience ; la patience, la pureté ; et la pureté l’espérance. Or l’espérance ne confond point, parce que la charité est répandue en nos cœurs par l’Esprit-Saint qui nous a été donné w. » Or, parmi les tribulations et les souffrances qu’il passe en revue, Paul ne mentionne pas seulement les prisons, les naufrages et les autres épreuves de ce genre, mais aussi la faim et la soif, le froid et la nudité x. Ne nous figurons pas toutefois en lisant cela, que le Seigneur ait manqué à ses promesses, parce que, en cherchant le royaume de Dieu et sa justice, l’Apôtre a souffert la faim, la soif et la nudité, bien qu’on nous ait dit : « Cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice, et toutes ces choses vous seront données par surcroît. » Le médecin à qui nous nous sommes confiés sans réserve, de qui nous tenons les promesses de la vie présente et de la vie future, sait quand il doit, dans notre intérêt, nous accorder ou nous retirer ces ressources, lui qui nous gouverne et nous dirige en cette vie à travers les consolations et les épreuves, pour nous établir solidement ensuite dans le repos éternel. Et l’homme lui-même, en retirant souvent la nourriture à sa bête de charge, ne la néglige pas pour autant, mais travaille à lui rendre la santé.
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