Matthew 8:10-11
CHAPITRE XX. LE SERVITEUR DU CENTURION.
48. Saint Matthieu poursuit ainsi : « Lorsqu’il fut entré dans la ville de Capharnaüm, un centurion s’approcha de lui et lui fit cette prière : Seigneur, mon serviteur gît paralytique dans ma maison et il souffre extrêmement ; » et le reste jusqu’à l’endroit où nous lisons : « Et à l’heure même son serviteur fut guéri a. » Saint Luc de son côté rapporte cet événement, relatif au serviteur du centurion, non, comme saint Matthieu, après avoir parlé de la guérison du lépreux dont il fait plus tard le récit, mais immédiatement après l’exposition du long discours sur la montagne. « Jésus, dit-il, ayant achevé de faire entendre toutes ces paroles aux oreilles du peuple, entra dans Capharnaüm. Or, il. y avait là un Centurion dont le serviteur qui lui était cher était fort malade et près de mourir », et le reste, jusqu’à l’endroit où nous voyons ce serviteur guéri b. Entendons ici qu’à la vérité Jésus entra dans la ville de Capharnaüm après avoir achevé d’adresser au peuple toutes ses paroles, c’est-à-dire qu’il n’y entra pas avant d’avoir fini de parler ; mais que l’Évangéliste ne marque point l’intervalle de temps compris entre le discours du Seigneur et son entrée à Capharnaüm. Dans cet intervalle fut guéri le lépreux dont saint Matthieu fait l’histoire en son lieu, et que saint Luc rappelle plus tard. 49. Voyons actuellement si les deux évangélistes sont d’accord entre eux au sujet de ce serviteur du Centurion. Voici comme parle saint Matthieu : « Un centurion s’approcha de lui, le priant et disant : Mon serviteur gît paralytique dans ma maison. » Or saint Luc paraît le contredire : « Ce centurion, dit-il, ayant entendu parler de Jésus, lui envoya des anciens d’entre les Juifs pour le prier de venir guérir son serviteur. Étant donc venus trouver Jésus, « ces anciens le suppliaient instamment et lui disaient : Il mérite que vous fassiez cela pour lui. Il aime en effet notre nation, et il nous a même bâti une synagogue. Jésus s’en alla donc avec eux, et comme il n’était plus loin de la maison, le Centurion envoya de ses amis pour lui dire de sa part : Seigneur, ne vous donnez point tant de peine, car je ne suis pas digne que vous entriez chez moi. C’est pourquoi je ne me suis pas jugé digne d’aller vous trouver ; mais dites seulement une parole et mon serviteur sera guéri. » Si la chose a eu lieu de cette sorte, où est la vérité dans ces mots de saint Matthieu : « Un centurion s’approcha de lui », puisqu’il ne vint pas lui-même le trouver, mais lui envoya ses amis ? Ne faut-il pas qu’une observation attentive nous fasse comprendre que saint Matthieu a employé ici une figure de langage assez habituelle ? Car, non-seulement nous disons de quelqu’un qu’il s’approche, avant même qu’il arrive près de l’objet dont, il est dit s’approcher ; et de là les expressions : il s’approche peu, ou, il s’approche beaucoup du but qu’il veut atteindre : mais de plus, nous disons ordinairement qu’on est parvenu près de quelqu’un, (et l’on ne s’approche que pour parvenir,) bien qu’on ne le voie pas soi-même, quand on arrive, par l’intermédiaire d’un ami, près de quelqu’un dont on recherche la faveur. Cette forme de langage a tellement prévalu, que l’on dit vulgairement d’un homme, qu’il est parvenu jusqu’à certains personnages puissants, quand avec les manœuvres de l’ambition et au moyen de ceux qui les entourent, il a pu agir sur leur esprit, dont l’accès lui était en quelque sorte fermé. Si donc nous disons communément qu’on parvient soi-même, quand on parvient par autrui ; à combien plus forte raison peut-on s’approcher par d’autres, puisque d’ordinaire on n’avance pas autant en s’approchant qu’en parvenant ; car il est possible qu’on s’approche beaucoup, sans toutefois parvenir. Le centurion s’étant donc approché du Seigneur, par l’intermédiaire des anciens, saint Matthieu a pu dire pour abréger : « Un centurion s’approcha de lui. » C’est une façon de parler que tout le monde est capable d’entendre. 50. Il ne faut pas du reste négliger de considérer la vérité profonde que révèle dans le sens mystique le langage du saint Évangéliste et qu’expriment ces paroles d’un Psaume : « Approchez-vous de lui, et vous serez éclairés c. » Aussi bien, la foi du centurion ayant été l’objet de ce magnifique éloge du Sauveur : « Je n’ai point trouvé une si grande foi dans Israël ; » l’Évangéliste a voulu dire qu’à raison de cette vertu qui nous approche véritablement de Jésus, le centurion s’était plutôt lui-même approché de lui que ceux qu’il avait chargés de lui présenter sa requête. Quant à saint Luc, s’il a expliqué comment tout s’est passé, c’est pour nous faire comprendre dans quel sens saint Matthieu, également infaillible, a dit que le centurion s’était approché de Jésus. C’est ainsi qu’en touchant seulement la frange du vêtement du Sauveur, l’hémorroïsse le toucha mieux que la foule dont il était pressé d. De même donc qu’elle toucha d’autant plus le Seigneur qu’elle avait plus de foi en lui, ainsi le centurion s’approcha d’autant plus de Lui que sa foi fut plus vive. À quoi bon maintenant discuter les particularités que l’un des évangélistes relève et que l’autre néglige dans ce passage, puisque selon la règle établie précédemment, on n’y trouve aucune opposition entre les deux récits ?
Copyright information for
FreAug