‏ Psalms 115:12-13

SECOND DISCOURS SUR LE PSAUME 113

SECOND SERMON. – SECONDE PARTIE DU PSAUME.

Ces grâces du Seigneur par lesquelles finit le psaume précédent, nous viennent de la miséricorde et de la vérité que les nations verront au dernier jour, alors que Dieu fera éclater la gloire de son noix, et qu’elles ne diront plus : Oh est leur Dieu ? Quant aux dieux des nations, ce sont des simulacres fabriqués par les hommes et inférieurs même aux bêtes, puisque du moins celles-ci ont un cri, inférieurs au cadavre, qui du moins a vécu. L’Écriture en réprouvant fréquemment les idoles, combat le penchant des hommes à se laisser séduire par la forme attrayante, et à lui attribuer quelque puissance. Mais si quelque puissance habite l’idole, c’est une puissance démoniaque ; et si l’on prétend adorer les mêmes éléments dans ces mêmes idoles, c’est mettre la créature à la place du Créateur ; souvent encore la statue nous fait illusion au point que pour adorer la statue du soleil nous tournons souvent le dos au soleil. Pour nous, si nous avons des vases sacrés, ce sont des instruments et non les objets d’un culte. Quant à la maison d’Israël, et à la maison d’Aaron, ou des saints grands et petits ; ils ont mis leur espérance dans le Créateur du ciel et de ta terre, qui a béni les uns et les autres, et à leur tour ils le béniront dans l’éternité.

1. Pour tout homme, qui examine avec attention, il y a dans tous les psaumes une liaison telle que le suivant pourrait toujours se joindre au précédent ; ici, néanmoins, nous devons envisager celui-ci comme n’en formant qu’un seul avec le précédent. C’est en effet dans ce précédent que le Prophète a dit : « Ce n’est point sur nous, Seigneur, ce n’est point sur nous, mais bien sur votre nom qu’il faut faire éclater votre gloire, à cause de votre miséricorde et de votre vérité afin que les nations ne disent plus : Où est leur Dieu a ? » Car nous adorons un Dieu invisible, que ne peut voir l’œil du corps, et que n’aperçoit que le petit nombre dont le cœur est très pur. Or, comme si les nations pouvaient dès lors nous dire : Où donc est leur Dieu ? car elles peuvent mettre sous nos yeux leurs divinités : voilà que le Prophète nous avertit que la présence de Dieu se fait sentir par ses œuvres, « puisqu’il est au-dessus des cieux, et qu’il fait ce qu’il lui plaît dans le ciel et sur la terre ». Et comme s’il nous disait : Que les Gentils nous montrent leurs dieux, « Les idoles des nations », s’écrie le Prophète, « sont de l’or et de l’argent, œuvres de la main des hommes b ». C’est-à-dire, quoique nous ne puissions mettre sous vos yeux charnels ce Dieu que nous adorons, et que vous devez comprendre par ses œuvres, ne vous laissez pas néanmoins séduire par la vanité des idoles, sous le prétexte que vous pouvez montrer du doigt ce que vous adorez. Il serait plus honorable pour vous de n’avoir aucune divinité à montrer, que de montrer par ces idoles, que vous étalez à nos yeux, jusqu’où va l’aveuglement de votre cœur. Que nous montrez-vous en effet, sinon de l’or et de l’argent ? Ils en ont même d’airain, de bois, de terre cuite, et de telle ou telle autre matière. Mais l’Esprit-Saint a préféré mentionner ce qu’ils ont de plus précieux, parce que l’homme, qui aura rougi d’adorer ce qu’il y a de précieux, renoncera d’autant plus facilement au culte de ce qu’il y a de plus vil. On lit en effet dans un autre endroit des saintes Écritures, à propos des idolâtres : « Ils disent au bois : Tu es mon père, et à la pierre : Tu m’as engendré » c. Mais que celui qui se croit plus sage, parce qu’il a tenu ce langage à l’or et à l’argent, non plus au bois et à la pierre, jette ici les yeux et y apporte l’oreille de son cœur : « Les simulacres des nations sont de l’or et de l’argent ». Le Prophète ne désigne ici rien de vil et de méprisable ; et pour l’homme, dont le cœur n’est point encore devenu terre, l’or et l’argent ne sont qu’une terre, mais plus belle, plus brillante, plus ferme, plus solide. Ne va donc point chercher la main des hommes pour faire une fausse divinité avec le métal qu’a créé le vrai Dieu, ou même pour faire un faux homme, que tu vas adorer à la place du vrai Dieu, un homme que personne, sans folie, ne voudrait pour ami. Cette ressemblance qu’on lui a formée, cette harmonie que l’on a gardée dans les membres, lui donne un certain attrait pour le cœur des hommes grossiers. Mais, de ces membres dont la beauté est si ravissante pour toi, ô vanité de l’homme, viens nous montrer les mouvements, comme tu nous en montres les proportions.

2. « Elles ont une bouche et ne parlent point ; elles ont des yeux et ne voient point ; elles ont des oreilles et n’entendent point ; elles ont des narines et ne flairent point ; elles ont des mains et ne touchent point ; elles ont des pieds et ne marchent point ; et leur gosier ne rend aucun son » d. Il leur est donc bien supérieur, cet ouvrier qui a pu les fabriquer par le mouvement et l’adresse de ses mains : et pourtant tu rougirais d’adorer cet ouvrier. Toi-même, qui ne les as point faites, tu es bien supérieur, puisque tu fais ce qu’elles ne font point. La bête même leur est supérieure, et c’est pourquoi le Psalmiste ajoute : « Leur gosier ne rend aucun son ». Car après avoir dit tout à l’heure : « Elles ont une bouche et ne parlent point », à quoi bon, après avoir fait l’énumération des pieds à la tête, nous parler du cri du gosier, sinon, je crois, parce que nous comprenons que tout ce qu’il avait dit des autres nombres, était commun aux bêtes et aux hommes ? Car les bêtes voient, entendent, sentent, marchent, et même quelques-unes, comme les singes, se servent dès mains. Ce que le Prophète avait dit à propos de la bouche, est particulier à l’homme, puisque les bêtes ne parlent point. Mais afin qu’on ne puisse rapporter tout ce qui est dit, à l’œuvre des membres humains, ni préférer seulement les hommes aux dieux des nations, il ajoute après tout cela : « Leur gosier ne rend aucun son » ; ce qui est commun aux hommes et aux bêtes. Si, tout d’abord, quand il a énuméré les membres humains, à commencer par la bouche, il eût dit : « Elles ont une bouche, et ne crieront point », tout cela pourrait encore se rapporter à la nature humaine, et l’auditeur n’y trouverait pas aussi facilement quelque chose qui tînt de la bête. Mais quand, à propos de la bouche, il a dit ce qui est propre à l’homme, et qu’après l’énumération des différents membres du corps, qu’il semblait terminer aux pieds, le Prophète ajoute : « Leur gosier ne donne aucun cri », il stimule ainsi l’attention de l’auditeur ou du lecteur, afin qu’en cherchant l’à-propos de cette parole, il comprenne que, non seulement les hommes, mais aussi les bêtes, sont préférables aux dieux des nations ; et que s’il répugne à ces nations d’adorer une bête, à qui néanmoins Dieu a donné l’œil, l’ouïe, l’odorat, le toucher, la marche, et le cri du gosier, on comprenne combien il est honteux d’adorer un simulacre muet, qui n’a ni vie, ni sentiment, et dont les membres, semblables aux nôtres, sont une amorce pour l’âme adonnée aux sens charnels, et qui s’éprend d’une idole comme si elle était vivante et animée, dès qu’elle voit en elle ces membres, qu’elle trouve animés et vivants dans le corps qu’elle habite. Combien les rats, les serpents, et autres animaux semblables, jugent-ils mieux, en quelque sorte, les idoles des nations, si l’osa peut s’exprimer ainsi, puisque, ne trouvant point en elles la vie humaine, ils se mettent peu en peine de leur ressemblance avec l’homme ? Aussi l’on voit souvent qu’ils y font leur nid, et sans le bruit des hommes qui vient les effrayer, ils n’auraient point d’asile plus sûr. C’est donc l’homme qui se remue, pour effrayer une bête vivante et l’éloigner de son Dieu ; et il adore comme une puissance ce Dieu sans mouvement, dont il a éloigné l’animal qui lui était supérieur ! Car il a éloigné une bête qui voyait, d’un Dieu qui ne voyait pas ; une bête qui entendait, d’un Dieu qui était sourd ; une bête qui criait, d’un Dieu muet ; une bête qui marchait, d’un Dieu un mobile ; une bête qui sentait, d’un Dieu insensible ; une bête vivante, d’un Dieu mort, et même pire que s’il était mort. Car, s’il est évident qu’un mort ne vit plus, il est aussi évident qu’il a vécu. Un mort est donc bien préférable à un dieu qui n’a aucune vie, qui n’a jamais vécu.

3. Qu’y a-t-il de plus évident que tout cela, mes frères bien-aimés ? quoi de plus évident ? Quel enfant, si on l’interroge, qui ne réponde que e les idoles des nations ont des yeux et « ne voient point, une bouche et ne parlent point », et tout le reste qu’ajoute le Psalmiste ? Pourquoi donc ce soin que prend l’Esprit-Saint de nous enseigner tout cela en plusieurs endroits de l’Écriture, comme si nous ne le savions point ; sinon parce que cette figure extérieure des membres que nous sommes accoutumés de voir vivante chez les êtres animés, et de sentir vivante en nous, quoique faite, comme ils l’avouent, pour servir d’idole, et posée à ce sujet avec éclat dans un lieu élevé, ne laisse pas, lorsque nous la voyons adorée avec un profond respect par la foule, de faire naître en chacun de nous une affection vile et erronée, qui nous fait croire qu’il y a là une puissance cachée, puisque l’on ne voit dans cette idole aucun signe de vie ? Alors la forme séduisante, l’impression produite par l’autorité de quelques faux sages qui les ont établies, des foules qui les ont adorées, nous fait croire qu’une statue qui ressemble si bien au corps vivant, n’est point sans un être vivant qui l’habite. C’est ce penchant des hommes qui porte les démons à s’emparer des idoles des Gentils, et sous leur influence l’erreur se multiplie à l’infini avec ses poisons mortels. C’est contre ces erreurs que les saintes lettres nous prémunissent en tant d’endroits, de peur qu’en face de ce culte dérisoire, quelqu’un ne vienne dire : Ce n’est point l’idole visible que j’adore, mais la puissance invisible qui l’habite. L’Écriture, dans un autre endroit, condamne ainsi ces mêmes puissances : « Les dieux des nations sont des démons, mais le Seigneur a créé les cieux e ». Et l’Apôtre nous dit aussi : « Non que l’idole soit quelque chose, mais comme les sacrifices des nations s’offrent aux démons et non à Dieu, je ne veux point que vous ayez part avec les démons f ».

4. D’autres croient avoir un culte pins pur, parce qu’ils disent : Ce n’est ni la statue, ni le démon que j’adore, mais je vois dans cette forme corporelle le signe de l’objet que je dois adorer. Ils assignent donc une signification à chacune de leurs statues, en sorte que l’une est le symbole de la terre, de là le nom de temple de la terre, templum telluris; l’autre de la mer, comme la statue de Neptune ; celle-ci de l’air, comme celle de Junon ; celle-là du feu, comme celle de Vulcain ; une autre de Lucifer, comme celle de Vénus ; une autre du soleil, une autre de la lune, dont les statues portent les mêmes noms, comme celle de la terre ; une autre de tel ou tel astre, telle ou telle créature, car nous ne pouvons tout énumérer. Mais pressez-les de nouveau, et reprochez-leur d’adorer des corps, et principalement la terre, la mer, l’air, le feu, dont l’usage nous est ordinaire (car en ce qui regarde les corps célestes, comme ils sont hors de notre portée, et que nous ne pouvons les atteindre que par le rayon visuel, ils n’en rougissent pas tant), ils oseront bien vous répondre qu’ils n’adorent point des corps, mais bien les divinités qui y président. Un seul arrêt de l’Apôtre nous montre quelle sera la peine et la condamnation de tous ces hommes : « Ils ont changé », dit-il, « la vérité de Dieu en mensonge, ils ont honoré et servi la créature plutôt que le Créateur, qui est béni dans les siècles » g. Dans la première partie de cet arrêt, en effet, l’Apôtre condamne les idoles, et dans la seconde le sens qu’on leur attribue. Donner à des ouvrages qu’a travaillés l’ouvrier, les noms des choses que Dieu a faites, c’est changer en mensonge la vérité de Dieu ; mais regarder ces choses comme divines et les adorer, c’est servir la créature plutôt que le Créateur qui est béni dans les siècles.

5. Mais où est l’homme qui adore ou qui invoque une idole, et qui n’est point disposé à croire qu’il en est écouté, à espérer que cette idole lui accordera ce qu’il désire ? Des hommes donc, engagés dans ces sortes de superstitions, tournent souvent le dos au soleil pour prier devant une statue qu’ils appellent soleil ; et quand ils entendent derrière eux le mugissement de lamer, ils s’imaginent que la statue de Neptune, qu’ils prennent pour la mer, entend leurs sanglots. Tel est l’effet produit, ou plutôt extorqué en quelque sorte par cette conformation des membres. L’esprit qui vit dans les sens du corps est plus porté à croire qu’il y a du sentiment dans un corps semblable au corps qu’il habite, que dans le soleil dont la forme est ronde, et que dans l’étendue des eaux, et dans ce qui n’est pas circonscrit dans ces lignes qu’il a coutume de voir chez les êtres vivants. C’est pour détruire ce penchant, auquel tout homme charnel se laisse prendre si facilement, que la sainte Écriture nous dit dans ses cantiques des choses très connues, afin de nous les rappeler et de stimuler nos esprits qui s’endorment si facilement dans la routine des corps visibles. « Les idoles des nations », dit-elle, « sont de l’argent et de l’or ». Mais c’est Dieu qui a créé l’argent et l’or. « Ce sont là des œuvres faites de mains d’hommes ». Car ils adorent ce qu’ils ont fait eux-mêmes avec de l’or et de l’argent.

6. Il est vrai que nous-mêmes, nous avons des instruments, des vases du même métal qui nous servent à la célébration de nos mystères, et que l’on appelle sacrés, parce qu’ils sont employés en l’honneur de celui que nous servons dans l’intérêt de notre salut. Or, ces instruments, ces vases, que sont-ils autre chose que l’œuvre de la main des hommes ? Et toutefois ont-ils une bouche pour ne point parler ? Ont-ils des yeux pour ne point voir ? Leur adressons-nous des prières parce qu’ils nous servent à prier Dieu ? La principale cause de cette impiété folle et sacrilège, vient de ce que la forme d’un corps, qui est semblable à un homme vivant, et qui attire les idolâtres à lui adresser des prières, a plus d’effet sur l’esprit de ces malheureux, que l’assurance que cette idole est sans vie, et n’est digue que du mépris des hommes. Ces idoles, parce qu’elles ont mine bouche, qu’elles ont des yeux, qu’elles ont des oreilles, min nez, des mains et des pieds, ont plus de force pour courber une âme vers la terre, que pour la redresser, par cela même qu’elles ne parlent point, qu’elles ne voient point, qu’elles n’entendent point, ne sentent point, ne touchent point, ne marchent point.

7. Il faut dès lors que s’accomplisse la sentence qu’ajoute le Psalmiste ; c’est-à-dire, « Que ceux qui les font leur deviennent semblables, et tous ceux qui se confient en elles h ». Avec leurs yeux ouverts et impressionnés, que ces malheureux voient ; et que le cœur fermé et insensible ils adorent des idoles qui ne voient point et qui ne vivent point.

8. « C’est dans le Seigneur qu’a espéré la maison d’Israël i ». Or, l’espérance qui voit n’est plus une espérance. Comment, en effet, espérer ce que l’on voit ? Si donc nous espérons ce que nous ne voyons point, nous l’attendons par la patience j ». Mais afin que notre patience dure jusqu’à la fin, « le Seigneur est leur protecteur et leur appui ». Les hommes spirituels, toutefois, ceux qui instruisent les hommes charnels avec un esprit de douceur, qui prient comme des supérieurs pour des inférieurs, ne voient-ils pas déjà, et n’ont-ils pas en réalité ce que les inférieurs n’ont qu’en espérance ? Nullement ; car « la maison d’Aaron, elle aussi, a espéré dans le Seigneur k ». Donc, pour avancer avec persévérance vers ce qui est devant eux, pour courir jusqu’à ce qu’ils aient atteint celui qui les appelle l, et pour le connaître comme ils en sont connus m, il faut que « Dieu soit leur aide et leur protecteur ». Les uns et les autres « craignent le Seigneur, e espèrent dans le Seigneur, et il est pour eux un aide et un appui n ».

9. Ce n’est point nous en effet, qui, par nos mérites, avons prévenu la divine miséricorde, mais bien « le Seigneur qui s’est souvenu de nous et nous a bénis : il a béni la maison d’Israël, il a béni la maison d’Aaron ». Et en bénissant les uns et les autres, « il a béni tous ceux qui craignent le Seigneur o ». Quels sont, me diras-tu, ces uns et ces autres ? Le Psalmiste répond : « Les petits et les grands » ; c’est-à-dire la maison d’Israël et la maison d’Aaron, ceux-là mêmes qui, dans cette nation, crurent au Sauveur Jésus : « puisque tous ne furent pas agréables au Seigneur p. Mais si quelques-uns n’ont pas cru en lui, leur infidélité anéantira-t-elle donc la fidélité de Dieu ? Loin de là q ; car tous ceux qui sont d’Israël ne sont point pour cela israélites ; non plus que tous ceux qui sont de la race d’Abraham, ne sont fils d’Abraham » ; mais selon qu’il est écrit : « les restes seront sauvés ». Car c’est au nom de ceux du peuple qui ont cru qu’il est dit : « Si le Seigneur des armées n’avait réservé quelqu’un de notre race, nous serions devenus semblables à Sodome et à Gomorrhe r ». Ce reste est donc appelé semence, parce qu’il a été répandu et s’est multiplié dans toute la terre.

10. Or, dans la maison d’Aaron, les grands ont dit : « Que le Seigneur vous multiplie, qu’il ajoute à vous et à vos enfants s ». C’est ce qui est arrivé. Voilà que des enfants d’Abraham, suscités d’entre les pierres t, sont venus se joindre à eux ; voilà que sont venues aussi des brebis qui n’étaient point de ce bercail, en sorte qu’il n’y a plus qu’un seul troupeau et qu’un seul pasteur u : voilà que pour venir à eux les nations ont embrassé la foi, et que s’est accru le nombre, non seulement de sages évêques, mais aussi de peuples soumis ; le Seigneur multipliant ainsi non seulement les pères qui doivent aller à lui dans le Christ, et y conduire ceux qui voudront les imiter, mais encore les fils qui marcheront sur les traces des pères. Voici, en effet, comment leur parle Celui qui les a engendrés à Jésus-Christ par l’Évangile : « Soyez mes imitateurs comme je le suis du Christ v ». Dieu a donc multiplié, non seulement les montagnes qui bondissent comme des béliers, mais aussi les collines qui bondissent comme des agneaux.

11. C’est donc à tous ceux-là, aux grands et aux petits, aux montagnes et aux collines, que le Prophète s’adresse quand il dit : « Soyez les bénis du Seigneur, qui a fait le ciel et la terre w ». Comme s’il disait : soyez les bénis du Seigneur qui a fait de vous les cieux et la terre, le ciel dans les grands, la terre dans les petits ; mais non ce ciel visible, parsemé d’astres lumineux que nous voyons. « Le ciel du ciel est au Seigneur », qui a élevé l’esprit de quelques saints à de telles hauteurs que nul d’entre les hommes, mais Dieu seul, peut les instruire. Or, en comparaison de ce ciel, tout ce que l’on voit des yeux du corps ne mérite que le nom de terre, et « Dieu l’a donnée aux enfants des hommes x », afin qu’en la considérant, ils comprennent autant qu’ils pourront le Créateur, qu’ils ne peuvent découvrir encore que par le moyen de la créature, à cause de l’infirmité de leur cœur.

12. Ces mêmes paroles : « Le ciel des cieux est au Seigneur, et il a donné la terre aux enfants des hommes », peuvent avoir un autre sens que je ne dois point vous dissimuler. Toutefois ne perdons point de vue ce que nous avons dit. Or, les grands et les petits, avons-nous dit, sont désignés dans ces paroles : « Soyez les bénis du Seigneur, qui a fait le ciel et la terre ». Si donc nous désignons les grands par les cieux, et les petits par la terre, comme les petits en grandissant deviendront des cieux, et qu’on les nourrit de lait dans cette espérance ; ainsi ces mêmes grands, quand ils nourrissent les petits, sont le ciel pour la terre, de manière néanmoins à comprendre qu’ils sont aussi les cieux des cieux quand ils méditent sur l’espérance dont ils nourrissent les enfants. Et toutefois, parce que ces saints personnages ne puisent plus dans un homme ni au moyen d’un homme, mais bien en Dieu, les eaux abondantes et pures de la sagesse, ils ont donné leurs soins à des enfants qui seront un jour des cieux, puisqu’ils sont eux-mêmes les cieux des cieux, et qui sont maintenant la terre à qui ils peuvent dire : « J’ai planté, Apollo a arrosé, c’est Dieu qui a donné l’accroissement » y. À ces enfants des hommes dont il a fait des cieux, il a donné la terre pour y travailler, ce même Dieu qui sait pourvoir à la terre au moyen du ciel. Que le ciel et la terre demeurent donc au Dieu qui les a faits ; qu’ils vivent de lui, en le confessant et en le bénissant ; car s’ils veulent vivre d’eux-mêmes, ils trouveront la mort ainsi qu’il est dit : « Un mort, comme ce qui n’est plus, ne confesse point le Seigneur » z. Mais « les morts ne vous loueront point, Seigneur », dit le Prophète, « non plus que ceux qui descendent dans l’enfer ». Et dans un autre endroit l’Écriture vous crie : « Une fois au fond de l’abîme du mal, le pécheur n’a plus que le dédain aa ; mais nous qui avons la vie, nous bénissons le Seigneur dès maintenant et jusque dans les siècles ».
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