‏ Psalms 119:107

1. Il faut avec la grâce de Dieu approfondir et vous exposer quelques versets de notre psaume dont le premier est celui-ci : « Votre parole est un flambeau qui guide mes pas, une lumière dans mon sentier a ». Le mot « flambeau » est répété dans « lumière », et « mes pas » répété « dans mon sentier ». Que signifie cette parole ou ce Verbe ? Est-ce bien ce Verbe qui, dès le commencement, était Dieu et en Dieu, ce Verbe par qui tout a été fait b ? Point du tout ; car ce Verbe est la lumière, et non un flambeau, et tout flambeau est créature, et non Créateur ; il ne s’allume qu’au contact de l’immuable lumière. C’est là ce qu’était Jean, dont le Verbe de Dieu a dit : « Il était une lampe ardente et brillante c ». Toutefois cette lampe était aussi lumière, et néanmoins, en comparaison du Verbe dont il est dit : « Le Verbe était Dieu », il n’était point la hum ère, mais seulement envoyé pour rendre témoignage à la lumière. La lumière véritable n’était point celle qui reçoit la lumière d’ailleurs, à l’imitation des hommes, mais celle qui éclaire tout homme d. Et cependant, si le flambeau n’était aussi lumière, le Sauveur ne dirait point aux Apôtres : « Vous êtes la lumière du monde e ». Mais de peur que cette parole ne leur persuadât qu’ils étaient lumière dans le même sens qu’il avait dit de lui : « Je suis la lumière du monde f », voilà qu’il leur dit d’eux-mêmes : « Une ville placée sur une montagne ne saurait être cachée, et on n’allume point un flambeau pour le placer sous le boisseau, mais sur un candélabre, afin qu’il éclaire tous ceux qui sont dans la maison ; ainsi que votre lumière brille devant les hommes g » ; il voulait qu’ils se considérassent comme des flambeaux allumés à cette lumière qui ne change point. Nulle créature, en effet, pas même celle qui est raisonnable et intelligente, ne saurait s’éclairer par elle-même ; elle ne s’allume que par la participation à la vérité éternelle, bien que souvent on l’appelle jour : ce jour n’est point le Seigneur, mais le jour que le Seigneur a fait. Aussi le Prophète lui dit-il : « Approchez de Dieu afin d’en être éclairés h ». C’est à cause de cette participation que le Médiateur est dans son humanité appelé une lampe dans l’Apocalypse i. Mais c’est là une prérogative particulière, car il n’est point d’homme, quelque saint qu’il soit, dont il soit dit d’en haut, et dont on puisse dire : « Le Verbe s’est fait chair j » ; c’est uniquement du Médiateur de Dieu et des hommes k. Si donc l’on appelle lumière ce Verbe unique égal à celui qui l’engendre ; si l’on appelle lumière cet homme éclairé par le Verbe que l’on nomme aussi flambeau, tel que Jean, tels que les Apôtres, bien que nul d’entre eux ne soit le Verbe, et que ce Verbe qui les éclaire ne soit point une lampe ; qu’est-ce dès lors que ce Verbe qui est tout à la fois lumière et flambeau (car « votre Verbe, nous dit le Prophète, est un flambeau qui guide mes pas, une lumière dans mes sentiers »), si nous n’entendons par là ce Verbe, cette parole donnée aux Prophètes, prêchée par les Apôtres, non pas la parole qui est le Christ, mais la parole du Christ, dont il est écrit : « La foi vient de ce qu’on entend, et on entend la parole du Christ l ? » Saint Pierre, à son tour, comparant à une lampe la parole des Prophètes : « Nous avons », dit-il, « une preuve plus frappante dans les oracles des Prophètes, sur lesquels vous faites bien d’arrêter les yeux, comme sur un flambeau qui luit dans un lieu obscur m ». Alors ce que le Prophète nous dit ici : « Votre parole est un flambeau pour mes pieds, une lumière dans mon sentier », s’entend de la parole contenue dans les saintes Écritures.

2. « J’ai juré, j’ai résolu de garder les décrets de votre justice n ». Cette parole est d’un homme qui suit fidèlement cette lumière divine, et qui marche dans les droits sentiers.

Le second verbe explique ce qu’avait commencé le précédent ; comme si nous lui demandions ce que signifie « je l’ai juré », il ajoute « et je l’ai résolu ». Il appelle jurement ce qu’ila confirmé par un serment ; car l’âme doit être tellement déterminée à garder les jugements de la justice divine, que sa résolution soit un véritable serment.

3. Or, c’est par la foi que l’on garde les décrets de la justice divine ; cette foi vive qui nous persuade que sous un Dieu juste, il n’y a nulle bonne œuvre sans récompense, ni crime sans châtiment ; mais comme cette foi a valu au corps du Christ de graves et nombreuses persécutions, le Prophète s’écrie : « J’ai été humilié à l’excès o ». il ne dit point : Je me suis humilié, en sorte qu’on doive entendre ces paroles de l’humilité qui est de précepte ; mais il dit : « J’ai été humilié à l’excès », endurant la plus affligeante persécution ; parce qu’il a juré, résolu de garder les décrets de la justice divine, Et de peur que la foi ne l’abandonne dans une si grande humiliation, il ajoute : « Seigneur, donnez-moi la vie selon votre parole », c’est-à-dire, selon votre promesse. Car cette parole des saintes promesses est un flambeau pour mes pieds, une lumière pour mes sentiers. C’est ainsi que plus haut, dans la persécution qu’il endurait, il a demandé à Dieu de le vivifier, en disant : « Peu s’en est fallu qu’ils ne m’anéantissent sur la terre ; et pour moi je n’ai point abandonné vos préceptes ; vivifiez-moi selon votre miséricorde, et je garderai vos témoignages ou vos martyres ». Ce qui nous fait comprendre que si Dieu ne nous vivifiait en nous dominant la patience, selon cette parole : « Vous posséderez vos âmes dans votre patience p » ; et c’est encore de lui qu’il est dit : « Que la patience vient de lui q », la persécution pourrait bien ne pas tuer le corps, mais l’âme mourrait pour n’avoir point gardé les martyres ou les décrets de la justice divine.

4. « Agréez, Seigneur, les offrandes volontaires de ma bouche r » ; c’est-à-dire, puissent-elles vous plaire, ne les rejetez point, mais approuvez-les. Or, par ces sacrifices de la bouche, peuvent très bien s’entendre les sacrifices de louanges qu’exhale un cri d’amour et non la crainte d’une servile nécessité. De là cette autre parole : « Je vous offrirai des sacrifices volontaires s ». Mais pourquoi ajouter : « Et enseignez-moi vos jugements ? » Le Prophète n’avait-il pas dit plus haut : « Je ne me suis point écarté de vos jugements ? » Comment l’a-t-il pu, s’il ne les connaissait point ? Et s’il les connaissait, comment dit-il ici : « Enseignez-moi vos jugements ? » En est-il ici comme de ces autres paroles : « Vous avez fait acte de douceur envers votre serviteur », après lesquelles il dit : « Enseignez-moi votre douceur ? » paroles que nous avons expliquées comme le cri d’une âme qui progresse, et qui demande que l’on ajoute encore à ce qu’elle a déjà reçu.

5. « Mon âme est toujours entre vos mains t ». On lit dans plusieurs exemplaires, « entre mes mains » ; mais dans le plus grand nombre, « entre vos mains », et le sens est clair les âmes des justes, en effet, sont entre les mains de Dieu u ; et nous-mêmes sommes entre ces mains ainsi que nos paroles v. « Et je n’ai point oublié votre loi », dit le Prophète ; comme si ces mains de Dieu entre lesquelles est son âme aidaient sa mémoire à ne point oublier la loi de Dieu. Mais je ne sais en quel sens il faudrait dire : « Mon âme est entre mes mains ». Ce langage n’est point celui de l’injuste, mais du juste qui retourne à son Père, et non qui s’en éloigne. On pourrait dire que le prodigue de l’Évangile voulait avoir son âme entre ses mains, quand il disait à son Père : « Donnez-moi la portion de bien qui doit m’échoir w ». Mais telle fut la cause de sa mort, la cause de sa perdition. Ou bien cette expression : « Mon âme est entre mes mains », signifierait-elle que le Prophète offre son âme à Dieu afin qu’elle soit vivifiée ? Elle reviendrait alors à cette autre : « J’ai levé mon âme vers vous x ». Car le Prophète a dit plus haut : « Vivifiez-moi ».

6. « Les pécheurs », poursuit-il, « m’ont tendu un piège, et je n’ai point dévié de vos préceptes y ». D’où vient cette fidélité, sinon de ce que son âme est entre les mains de Dieu, ou qu’il l’offre de ses mains à Dieu afin qu’il la vivifie ?

7. « J’ai acquis vos témoignages comme un héritage éternel z ». Quelques-uns, pour imiter le grec, et renfermer tout en un mot, ont traduit, haereditavi; mais cette expression, quoique latine, semble désigner plutôt celui qui donne en héritage, que celui qui accepte ; en sorte que haereditavi, signifierait j’ai enrichi. Le sens est donc plus exact dans ces deux expressions : « J’ai acquis par héritage », ou « possédé par héritage » ; mais « par héritage », et, non un héritage. Et si l’on se demande ce qu’il a acquis par héritage, « ce sont vos témoignages », répond-il. Que veut-il dire, sinon qu’il a reçu du Père, dont il est héritier, la faveur d’être son témoin, de confesser ses témoignages, c’est-à-dire d’être le martyr de Dieu, de le confesser comme le font ses martyrs ? Beaucoup, en effet, l’ont voulu et ne l’ont pu ; mais nul ne l’a pu s’il n’a voulu ; car ils n’eussent rien pu, s’ils eussent voulu renier à Dieu son témoignage. Encore est-ce le Seigneur qui a ainsi disposé leur volonté aa. Voilà ce qu’il déclare qu’il a reçu en héritage, et cela « pour jamais » ; parce qu’on ne retrouve pas dans ces témoignages cette gloire passagère des hommes qui recherchent la vanité, mais cette gloire éternelle qui échoit à ceux qui souffrent un moment ici-bas, et qui doivent régner sans fin. De là ce qu’ajoute le Prophète : « Parce qu’ils font les délices de mon cœur ». Ils peuvent affliger le corps, mais ils sont la joie du cœur.

8. « J’ai incliné mon cœur », dit-il ensuite, « afin d’accomplir éternellement vos préceptes, en vue de la récompense ab ». Celui qui dit ici : « J’ai incliné mon cœur », avait déjà dit : « Inclinez mon cœur vers vos témoignages », afin de nous faire comprendre que c’est là l’œuvre de Dieu et de notre volonté tout ensemble. Mais devons-nous accomplir éternellement les préceptes du Seigneur ? Les œuvres par lesquelles nous soulageons les besoins du prochain ne sauraient être éternelles, non plus que ces besoins ; mais si nous ne les faisons par charité, elles ne peuvent nous justifier ; si nous agissons par charité, comme la charité est éternelle, une récompense éternelle lui est réservée. C’est en vue de cette récompense éternelle qu’il a, dit-il, incliné son cœur pour accomplir les préceptes de Dieu, afin qu’en l’aimant éternellement, il mérite de posséder éternellement l’objet de son amour.

VINGT-QUATRIÈME DISCOURS SUR LE PSAUME 118

IMPORTUNITÉ DES MÉCHANTS.

Haïr les méchants ne peut, selon la charité, s’entendre que de leurs œuvres. Le Prophète les éloigne de lui afin d’approfondir la loi du Seigneur, dont il est détourné par leurs affaires du temps, par leurs querelles. Il demande à Dieu ce soutien qui est vie, c’est-à-dire vie éternelle, car Dieu réduit au néant ceux qui s’éloignent de lui. Tous ceux qui pèchent sont-ils prévaricateurs ?

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