bId 72,28
Psalms 119:62
1. Dans notre long psaume nous entreprenons d’expliquer, avec le secours de Dieu, les versets suivants : « Le Seigneur est ma portion », ou, comme d’autres ont traduit : « Seigneur, vous êtes mon héritage a ». Ces deux expressions signifient-elles que tout homme a sa part en Dieu, dès lors qu’il s’attache à lui, selon cette parole : « Il m’est bon de m’attacher au Seigneur b ? » Ce n’est point en effet parce qu’un homme existe qu’il est dieu, mais il le devient par sa participation à celui qui est seul et vrai Dieu. Ou bien le Seigneur est-il notre portion à la manière dont les hommes se choisissent ici-bas, ou obtiennent par le sort, celui-ci telle portion, celui-là telle autre qui le fait vivre ; et qu’en un certain sens le partage des justes serait le Seigneur qui leur donne la vie éternelle ? Ces deux sens n’ont rien d’absurde. Mais écoutons ce qui suit : « Je l’ai dit, c’est de garder votre loi ». Qu’est-ce à dire : « Ma portion, Seigneur, je l’ai dit, c’est de garder votre loi », sinon que le Seigneur sera notre héritage à mesure que nous garderons sa loi ? 2. Mais comment la peut-il garder sans le don et le secours de l’Esprit qui vivifie, de peur que la lettre ne tue c, et que le péché à l’occasion du précepte ne soulève dans l’homme toute concupiscence d ? Il faut donc invoquer cet Esprit, et c’est alors que la foi obtient de lui ce qu’ordonne la loi : quiconque en effet invoquera le nom du Seigneur sera sauvé e. Aussi voyez ce qu’ajoute le Prophète : « J’ai imploré votre présence du fond de mon cœur ». Et pour montrer comment il a prié : « Ayez pitié de moi », dit-il, « selon votre parole ». Et comme il a été exaucé et secouru par celui qu’il avait invoqué : « J’ai réfléchi », nous dit-il, « à mes voies, et j’ai ramené mes pieds dans le sentier de vos préceptes f ». Je les ai ramenés de mes voies qui m’ont déplu, et je les ai fait marcher dans vos préceptes qui seront leur sentier. Dans plusieurs exemplaires, on ne lit point : « Parce que j’ai réfléchi », comme dans quelques-uns, mais simplement : « j’ai réfléchi ». Cette phrase encore : « J’ai détourné mes pieds », se lit ailleurs : « Parce que j’ai réfléchi et que vous avez détourné mes pieds », pour attribuer plutôt à la grâce de Dieu une telle conversion, selon cette parole de l’Apôtre : « C’est Dieu qui agit en vous g » ; c’est à lui que l’on dit : « Détournez mes yeux afin qu’ils ne voient point la vanité ». Si donc il détourne les yeux afin qu’ils ne voient point la vanité, pourquoi ne détournerait-il pas les pieds de peur qu’ils ne s’égarent ? C’est encore pour cela qu’il est écrit : « Mes yeux sont toujours fixés sur le Seigneur, parce qu’il détournera tues pieds des embûches h ». Mais qu’on lise : vous avez détourné mes pieds, ou bien j’ai détourné mes pieds, nous ne pouvons le faire que par celui dont le Prophète a imploré la présence de tout son cœur, et à qui il a dit : « Ayez pitié de moi, selon votre parole », c’est-à-dire selon votre promesse. Car ce sont les fils de la promesse qui composent la postérité d’Abraham i. 3. Enfin, après avoir obtenu ce bienfait de la grâce : « Je suis prêt », dit le Prophète, « et rien ne une trouble dans l’accomplissement de vos préceptes j ». Quelques-uns ont traduit : « Pour garder vos préceptes » ; d’autres, « afin de garder » ; d’autres encore, « à garder », d’après le grec tou phulaxastai. 4. Pour montrer combien il est prêt à garder les préceptes du Seigneur, le Prophète ajoute : « Les filets des pécheurs m’ont environné, mais je n’ai point oublié votre loi k ». Ces filets des pécheurs sont les obstacles des ennemis, soit spirituels, comme le diable et ses anges, soit charnels, comme les incrédules, en qui le démon agit comme il lui plaît l. Car ces funes peccatorum du latin, ne signifient point filets des péchés, mais bien filets des pécheurs, comme on le voit par le grec ▼▼Amartolon
. Quand par leurs menaces ils effraient les justes, et les détournent de souffrir pour la loi de Dieu, ils les environnent de leurs filets, et les retiennent, pour ainsi dire, de leurs cordes. Ils traînent en effet leurs péchés comme une longue chaîne n, dont ils s’efforcent de garrotter les saints, et quelquefois Dieu le permet. Mais enlacer le corps ce n’est point enlacer l’âme, puisque notre interlocuteur n’a point oublié la loi de Dieu, et en effet la parole de Dieu n’est point enchaînée o. 5. « Au milieu de la nuit », dit le Prophète, « je me levais pour vous rendre témoignage, à cause des jugements de votre justice p ». Car c’est par un jugement de la justice divine que les liens des pécheurs environnent le juste. C’est ce qui a fait dire à l’apôtre saint Pierre que voici le temps auquel « Dieu doit commencer son jugement par sa propre maison. Et s’il commence par nous », dit-il, « quelle sera la fin de ceux qui ne croient point à l’Évangile ? Et si le juste à peine est sauvé, que deviendront le pécheur et l’impie q ? » Or, il parlait ainsi des persécutions qu’endurait l’Église, quand les filets des pécheurs l’environnaient de toutes parts. Dès lors, par milieu de la nuit, on doit entendre, je crois, le plus terrible moment de la persécution. « Je me levais », dit l’interlocuteur, parce que la persécution l’affligeait, sans l’abattre ; elle l’exerçait au contraire et le faisait lever : c’est-à-dire que la tribulation lui donnait des forces pour confesser le Seigneur avec plus de courage. 6. Mais commue tout cela ne s’opère qu’au moyen de la grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur, voilà que tians cette prophétie le Sauveur va joindre sa voix à la voix de son corps mystique. Car c’est bien le chef, je crois, que nous entendons dans ces paroles : « Je u suis associé à tous ceux qui vous craignent et u qui gardent vos préceptes r ». Ainsi qu’il est marqué dans l’Epître aux Hébreux : « Celui qui sanctifie et ceux qui sont sanctifiés viennent tous d’un seul. C’est pourquoi il ne rougit point de les appeler ses frères ». Et un peu après : « Comme donc les enfants sont revêtus de chair et de sang, lui-même aussi en a été revêtus s ». Mais qu’est-ce dire autre chose sinon qu’il leur est associé ? Nous ne pourrions en effet participer à sa divinité, si lui-même ne participait à notre nature mortelle. Dans un autre endroit de l’Évangile cette participation à la divinité est ainsi énoncée : « Il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu à ceux qui croient en son nom, qui ne sont point nés du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu t ». Et comme, pour nous accorder cette faveur, il a pris part à notre mortalité, l’Évangéliste continue : « Et le Verbe s’est fait chair, et a demeuré parmi nous ». Cette participation nous donne la grâce de craindre Dieu d’une crainte chaste, et d’accomplir ses commandements. C’est donc Jésus-Christ qui parle dans cette prophétie : mais certaines paroles appartiennent à ses membres dans l’unité du corps, qui ne forme qu’un seul homme répandu dans l’univers entier, et qui s’accroît avec le cours des siècles ; d’autres paroles appartiennent au chef lui-même. C’est ce qu’il nous marque dans ces mots : « Je suis associé à tous ceux qui vous craignent, et qui gardent vos préceptes ». Et comme il a pris part avec ses frères, Dieu avec les hommes, l’immortel avec les mortels, voilà que le grain est tombé en terre, afin d’y mourir et de produire ainsi beaucoup de fruits ; et c’est de ces fruits qu’il nous dit aussitôt : « La terre est pleine de la miséricorde du Seigneur ». Et comment, sinon parce que l’impie est devenu juste ? Et afin d’avancer rapidement dans la science de la grâce, le Prophète ajoute : « Enseignez-moi vos ordonnances ». DIX-SEPTIÈME DISCOURS SUR LE PSAUME 118
LES BIENS DE LA GRÂCE.
Le Prophète remercie le Seigneur de lui avoir donné l’amour qui bannit la crainte. Il demande au surplus la douceur ou l’attrait que l’on goûte à faire le bien, la discipline ou l’intelligence des leçons que Dieu nous donne par l’affliction, et la science qui devient utile quand elle est unie à la piété. Les deux premières s’acquièrent par l’expérience, mais la science ne s’acquiert pas sans l’intelligence qui vient de Dieu, ainsi que la force d’accomplir ce que nous savons, qui est la foi efficace. Adam devenu pécheur fut humilié, et Dieu lui donna les moyens de redevenir juste : tels sont les moyens que nous devons étudier et pratiquer en dépit des orgueilleux.
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