Psalms 143:1
DISCOURS SUR LE PSAUME 142
SERMON AU PEUPLE.
LA PASSION DE JÉSUS-CHRIST DANS L’ÉGLISE.
David est ici la figure du Christ, et Absalon, la figure de Judas. Le Christ est né de la sainte Vierge ou de cette cité de Dieu que lui-même a fondée : de là cette femme vêtue du soleil, foulant aux pieds la lune ou la mortalité. C’est le Christ qui souffre en nous qui sommes ses membres, lui qui est un avec son Père, et un avec nous, qui l’avons revêtu. Judas, fils de l’Époux, persécutait donc l’Époux, ce qui existe encore aujourd’hui ; de là ces plaintes du Christ contre ses ennemis intérieurs. Souvenez-vous de moi dans votre justice, et non dans celle qui me viendrait de la foi, mais dans celle de la foi ; et n’entrez pas en jugement avec votre serviteur, qui se défie de ses œuvres, puisque devant vous nul fils d’Adam n’est juste. Quiconque vous sert est votre ami, et vos amis, comprenant qu’ils avaient besoin de miséricorde, disaient tomme nous : « Remettez-nous nos dettes ». L’ennemi nous persécute, en nous détournant du ciel, en nous jetant dans les ténèbres, comme ceux qui sont justement condamnés à mourir ; mais comme le Christ n’avait rien en lui de répréhensible, il se plaint ici comme au jardin des Oliviers. Le Prophète médite les œuvres de Dieu, afin d’en admirer plus parfaitement l’ouvrier, de qui nous vient tout bien qui est en nous ; car de nous-mêmes nous n’avons que la malice, et c’est Dieu qui opère en nous le vouloir et le faire. En voyant que tout bien me vient de Dieu, j’ai tendu mes mains vers vous ; car mon Orne a soif de vous, hâtez-vous de me donner le bonheur, car mon esprit s’est affaissé en moi. Ne détournez pas de moi votre face, comme vous l’avez fait quand l’étais orgueilleux, autrement je tomberais dans ces ténèbres où l’on n’a plus que le mépris. Je veux espérer en vous par la patience, vous chercher par de bonnes œuvres et dans le secret. C’est dans les ténèbres que le pécheur cherche un refuge, l’homme contrit cherche en Dieu un refuge contre les princes du monde, qni entreraient en nous comme en Judas, recevant indignement le morceau de pain. Apprenez-moi à faire votre volonté, parce que vous êtes mon Dieu, mon héritage ; c’est à vous de nous prescrire ce que nous devons faire, c’est vous qui nous sauverez à cause de votre saint nom. 1. Je dirai ce que Dieu voudra bien m’inspirer, sur le psaume que l’on vient de chanter. Hier notre psaume était court, et le temps nous permettait de parler longuement sur quelques versets ; aujourd’hui que le psaume est plus long, nous ne pouvons nous arrêter aussi longtemps à chaque parole, de peur que Dieu ne nous permette point de l’achever. 2. Voici le titre du psaume. « Pour David, quand son fils le poursuivait a ». Or, le livre des Rois nous apprend que cela s’est fait, qu’Absalon se déclara l’ennemi de son père b, qu’il souleva contre lui non seulement une guerre civile, mais une guerre domestique. Quant à David, loin de succomber sous le poids de cette injustice, il s’humilia profondément, accepta ce châtiment de Dieu, supporta ce remède amer, sans rendre injustice pour injustice, mais avec un cœur toujours prêt à suivre la volonté de Dieu. Ce David fut donc louable. Mais il nous faut reconnaître un autre David, qui eut vraiment la main puissante, comme l’exprime ce mot David, et qui est Notre-Seigneur Jésus-Christ. Ces faits anciens étaient des figures de l’avenir ; et je ne veux point m’arrêter à vous expliquer ce que vous avez entendu sauvent, et fort bien retenu. Cherchons donc dans ce psaume notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, qui s’annonce lui-même dans cette prophétie, et nous prêche dans les faits passés ce qui doit arriver de nos jours. Car c’est lui-même qui s’annonçait par les Prophètes, puisqu’il est le Verbe de Dieu, et que les Prophètes ne parlaient que pleins de ce Verbe divin. Ils étaient donc pleins du Christ pour annoncer le Christ ; ils marchaient devant leur prince qui devait venir après eux et n’abandonnaient pas ceux qui le précédaient. Reconnaissons donc comment le Christ était poursuivi par son fils ; car il avait des fils, dont il est dit : « Les fils de l’Époux ne jeûnent point tandis que l’Époux est avec eux ; mais quand l’Époux leur sera enlevé, ils jeûneront c ». Donc les fils de l’Époux sont les Apôtres, et parmi eux Judas le persécuteur, qui fut un démon. C’est donc sa passion que le Christ va nous annoncer dans ce psaume. Écoutons. 3. J’appelle aussi votre attention sur ce point, mes frères, non pour vous apprendre ce que vous ignorez, mais pour vous rappeler ce que vous savez déjà, c’est que notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ est la tête de son corps c’est que l’unique médiateur de Dieu et des hommes, c’est Jésus-Christ homme d, né de la Vierge, comme dans une solitude, ainsi que nous l’apprenons de l’Apocalypse. Et par cette solitude, nous devons entendre, je crois, que seul il est né de la sorte. Cette femme a enfanté celui qui doit conduire les hommes avec une verge de fer e ; et cette femme est la cité de Dieu dont il est dit dans un psaume : « O cité de Dieu, on dit de vous des choses merveilleuses f » ; cette cité qui eut son commencement en Abel, comme la cité du mal en Caïn g, l’antique cité de Dieu, toujours tourmentée sur la terre, espérant le ciel, et dont le nom est Jérusalem et Sion. C’est assurément d’un homme né en Sion, et fondateur de Sion, qu’un psaume nous a dit : « Un homme dira : Sion est ma mère ». Quel est cet homme ? « Un homme qui a été fait en elle, et c’est le Très-haut qui l’a fondée h ». C’est donc en Sion qu’il a été fait homme, mais homme humble, et lui-même qui est le Très-Haut a fondé cette cité en laquelle il a été fait homme. C’est pourquoi celte femme était revêtue du soleil i, et du soleil de justice lui-même, que les impies ne connaissent point, eux qui diront au dernier jour : « Nous avons donc erré hors de la voie de la vérité, et la lumière de la justice n’a pas lui à nos yeux, le soleil ne s’est point levé pour nous j ». Il est donc un soleil de justice qui ne se lève point pour les impies. Du reste, il fait lever ce soleil sur les bons et sur les méchants k. Cette femme était donc revêtue du soleil, et portait dans ses entrailles un fou qu’elle devait enfanter. Le même était donc fondateur en Sion, et naissait en Sion ; et cette femme, cité de Dieu, était protégée par la lumière de celui qu’elle portait dans ses entrailles. C’est avec raison dès lors que la lune était sous ses pieds, parce que dans sa force elle foulait aux pieds la mortalité de cette chair qui croît et décroît. Donc notre Seigneur Jésus-Christ est tout à la fois la tête et le corps. Lui qui a voulu mourir pour nous a daigné parler en notre nom et faire du nous ses membres. Aussi parla-t-il quelquefois au nom de ses membres, et quelquefois en son propre nom, comme chef. Il peut parler en dehors de nous, et nous jamais sans lui. L’Apôtre a dit : « Afin de suppléer en sa chair aux douleurs du Christ l ». Ce qui manque, non pas à mes douleurs, mais aux douleurs du Christ, non plus en la chair du Christ, mais en la mienne. Le Christ, en effet, souffre non pas en sa chair, puisque c’est en elle qu’il est monté au ciel, mais en ma chair qui souffre encore sur la terre. C’est en ma chair que Jésus-Christ souffre : « Je vis, non pas moi, mais c’est le Christ qui vit en moi m ». Et si le Christ ne souffrait point dans ses membres, c’est-à-dire dans les fidèles, Saul ne persécuterait point sur la terre le Christ qui est assis dans les cieux. Enfin, dans un endroit de ses Épîtres il nous dit clairement : « Et comme notre corps, qui est un, est néanmoins composé de plusieurs membres, et que tous ces membres, quoique nombreux, ne sont néanmoins qu’un seul corps ; ainsi en est-il du Christ n ». Il ne dit point : Ainsi en est-il du Christ et de son corps ; mais bien : « Le corps est un avec plusieurs membres ; de même en est-il du Christ ». Tout donc n’est qu’un seul Christ. Et comme tout ne forme qu’un seul Christ, la tête s’écriait du haut du ciel : « Saul, Saul, pourquoi me persécuter o ? » Retenez bien cela, mes frères, et qu’il demeure dans votre mémoire, puisque vous êtes les enfants instruits de la doctrine et de la foi catholique. Reconnaissez dans Jésus-Christ ta tête et le corps, et dans ce même Christ le Verbe de Dieu, unique et égal au Père. Voyez de là par quelle admirable grâce vous touchez à Dieu, au point qu’il a voulu être un avec nous, lui qui est un avec son Père. Comment un avec son Père ? « Mon Père et moi sommes un p ». Comment un avec nous ? « L’Écriture ne dit point : Et ceux qui naîtront », comme pour en marquer plusieurs ; mais elle dit, comme parlant d’un seul : « Celui qui naîtra de vous et qui est le Christ ». Mais, dira-t-on, si le Christ est de la race d’Abraham, en sommes-nous ? Souvenez-vous que le Christ est la race d’Abraham, et que dès lors si nous sommes la race d’Abraham, nous sommes aussi le Christ. Or, « le corps dans son unité a néanmoins plusieurs membres, il en est de même du Christ. Et vous tous qui êtes baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ ». Toutefois le Christ est la race d’Abraham, et l’on ne saurait contredire les paroles si claires de l’Apôtre : « Et dans ta race, qui est le Christ » q. Voyez encore ce qu’il nous dit : « Si donc vous êtes au Christ, vous êtes de la race d’Abraham r ». De là ce grand sacrement « Ils seront deux dans une même chair » s. L’Apôtre l’a dit : « Ce sacrement est grand, je l’entends de Jésus-Christ et de l’Église t ». Le Christ et l’Église sont deux dans une seule chair. Deux à cause de la distance qui nous sépare de la majesté divine, deux certainement ; car nous ne sommes point le Verbe, puisque nous n’étions au commencement ni Dieu, ni en Dieu ; nous ne sommes point celui par qui tout a été fait u. Mais au point de vue de la chair, on trouve le Christ, et l’on nous trouve avec lui. Ne nous étonnons donc plus du langage des psaumes ; le Prophète parle souvent au nom du chef, et souvent au nom des membres, et il en parle comme s’ils n’étaient qu’une même personne ; et il n’est pas étonnant que deux dans une même chair n’aient qu’une même voix. 4. Judas, fils de l’Époux, persécutait donc l’Époux. C’est ce q ni est arrivé ; mais n’y avait-il point là une figure de l’avenir ? L’Église, en effet, devait avoir bien des faux frères, et maintenant encore le fils de l’Époux persécute l’Époux, et le persécutera jusqu’à la fin. « Qu’un ennemi m’ait outragé, je l’aurais supporté », dit-il ailleurs, « et si celui qui me hait s’élevait contre moi, je me déroberais à ses poursuites v ». Quel est l’ennemi ? Quel est celui qui me hait ? Celui-là même qui dit : Qui est le Christ ? Le Christ est un homme qui n’a pu vivre quand il voulait vivre : il est mort malgré lui, disent-ils, mort convaincu, mort sur une croix, mort d’après une sentence. Voilà ce que disent les ennemis. Celui-là, dit le Christ, est un ennemi déclaré, il me hait, il me fait ouvertement la guerre : on peut facilement le, supporter ou l’éviter. Mais que faire avec Absalon ? Que faire avec Judas?que faire avec de faux frères ? que faire avec de mauvais fils, mais fils néanmoins, qui ne se soulèvent point contre nous pour blasphémer le Christ, mais qui adorent le Christ avec nous, et qui persécutent le Christ en nous ? C’est d’eux que le même psaume nous dit ensuite qu’il eût été facile de tolérer un ennemi déclaré, ou de se dérober à ses embûches. C’est, en effet, se dérober au païen que d’entrer dans l’Église. Mais quand c’est dans l’Église que l’on trouve ce que l’on redoutait ailleurs, où chercher un refuge ? Aussi le même Apôtre, qui gémit des périls qu’il trouve chez les faux frères, nous dit-il que ce sont « des combats au-dehors, et des craintes à l’intérieur w. Si l’homme qui « me haïssait se fût élevé contre moi, je me serais dérobé à ses poursuites ; mais toi qui n’avais avec moi qu’une même âme ». Il y a ici unité d’âme, comme unité dans le Christ. L’Église a donc à souffrir au-dehors et à gémir à l’intérieur ; et toutefois, qu’elle croie à des ennemis au-dehors et au dedans ; ceux du dehors plus faciles à éviter, ceux de l’intérieur plus difficiles à tolérer. 5. Que notre Sauveur donc, que le Christ avec nous, le Christ tout entier s’écrie : « Seigneur, exaucez ma prière, prêtez l’oreille à mes supplications x ». « Exaucez » a le même sens que « prêtez l’oreille ». C’est une répétition qui a pour but de corroborer. « Exaucez-moi dans votre vérité, dans votre justice ». Ne passons pas légèrement sur cette expression : « dans votre justice ». Elle nous prêche la grâce de Dieu, afin que nul d’entre nous ne s’imagine que sa justice vient de lui-même. Car cette justice vient bien de Dieu, et si tu l’as, c’est qu’il te l’a donnée. Que dit, en effet, l’Apôtre de ceux qui ont voulu se glorifier de leur propre justice ? « Je leur rendrai », dit-il, « ce témoignage qu’ils ont le zèle de Dieu ». Il parlait alors des Juifs. « Ils ont à la vérité le zèle de Dieu », nous dit-il ; « mais non selon la science y ». Qu’est-ce à dire : « non point selon la science ? » Quelle science, ô saint Apôtre, nous donnez-vous comme utile ? Est-ce la science qui enfle dès qu’elle est seule, qui n’édifie que quand elle est unie à la charité z ? Ce n’est point cette science, assurément, mais la science qui est la compagne de la charité, la maîtresse de l’humilité, Vois si telle est la science dont il est dit : « Ils ont à la vérité le zèle de Dieu, mais non selon la science ». Qu’il nous dise lui-même de quelle science il parle : « Ignorant la justice qui vient de Dieu », nous dit-il, « et voulant établir leur propre justice, ils n’ont pas été soumis à la justice de Dieu aa ». Quels sont donc les hommes qui veulent établir leur propre justice ? Ceux qui s’attribuent à eux-mêmes le bien, et à Dieu le mal qu’ils font. C’est le comble de la perversité : ils ne seront droits qu’à la condition de se corriger. Il y a donc perversité à rejeter sur Dieu le mal que l’on commet, à s’arroger le bien : il n’y a de droiture qu’à s’attribuer le mal, et à Dieu le bien que l’on fait. Car tu ne passerais pas d’une vie impie à la vie des justes, si tu n’étais devenu juste par celui qui justifie l’impie ab. Donc, dit le Prophète : « Exaucez-moi dans votre justice », et non dans la mienne : afin que « je sois trouvé en Dieu, non point avec ma propre justice qui vient de la loi, mais avec celle qui vient de la foi ac ». Voilà ce que signifie : « Exaucez-moi dans votre justice ». Quand en effet je me considère, je ne trouve de moi que le péché. 6. « Et n’entrez point en jugement avec votre serviteur ad ». Quels hommes veulent entrer en jugement avec Dieu, sinon ceux qui ignorent sa justice, et veulent établir celle qui leur est propre ? Que signifie : « Nous avons jeûné et vous ne l’avez point vu ; nous nous sommes humiliés, et vous ne l’avez point su ? » ae C’est comme si ces interlocuteurs disaient : Nous avons accompli vos préceptes, pourquoi ne pas accomplir vos promesses envers nous ? Et Dieu te répondra : Recevoir ce que j’ai promis, c’est un don de ma grâce, et faire ce qui mérite cette récompense est encore un don de cette même grâce. Enfin, voici ce que dit le Prophète à ces superbes : « Pourquoi vouloir entrer en jugement avec moi ? Vous m’avez tous abandonné, dit le Seigneur af ». Pourquoi vouloir entrer en jugement avec moi et faire mention de vos actes de justice ? Comment approuver la justice dans un cœur où je condamne l’orgueil ? C’est donc avec raison que notre interlocuteur, qui est humble dans le corps du Christ, apprenant de ce chef auguste à être doux et humble de cœur ag, s’écrie ici : « N’entrez point en jugement avec votre serviteur ». Ne disputons point, je ne veux aucun différend avec vous, ô mon Dieu, ni faire valoir ma justice, pour être, par vous, convaincu d’humilité. « N’entrez point eu jugement avec votre serviteur ». Pourquoi ? Que craint-il ? « C’est que nul homme vivant ne sera trouvé juste devant vous ». Nul homme vivant, est-il dit, nul homme vivant ici-bas, vivant dans la chair, vivant pour mourir, nul homme né des hommes, vivant pour les hommes, né d’Adam, ou plutôt Adam vivant ; tout homme vivant de la sorte pourra sans doute paraître juste à ses propres yeux, mais non à vos yeux. Comment à ses propres yeux ? Ayant pour lui-même des complaisances, et dès lors il vous déplaira : « Car devant vous nul homme vivant ne paraîtra juste ». N’entrez donc point en jugement avec moi, je vous en supplie, ô mon Dieu. Quelle que soit ma justice à mes propres yeux, vous tirez de vos trésors la règle infaillible, vous l’appliquez surmoi, et vous nue trouvez tortueux. « N’entrez point en jugement avec votre serviteur ». Oui, « avec votre serviteur ». Il est indigne de vous, ô Dieu, d’entrer en jugement avec celui qui vous sert, non plus qu’avec votre ami. Autrement vous ne diriez point : « Je vous le déclare, à vous qui êtes mes amis ah », si de vos serviteurs vous ne les aviez faits vos amis. Bien que vous me donniez le nom d’ami, je confesse que je ne suis qu’un serviteur. J’ai besoin de miséricorde, je reviens de mes égarements, implorant mon pardon, et indigne d’être appelé votre fils ai. « N’entrez donc pas en jugement avec votre serviteur ; car nul homme vivant ne sera juste à vos yeux. Ne louez personne avant sa mort aj ». Nul homme donc absolument. Que dirons-nous de ces chefs du troupeau, de ces apôtres dont il est dit : « Offrez au Seigneur les fils des béliers ak ». L’un d’eux, saint Paul, sait bien, nous dit-il, qu’il n’est point parfait : « Non pas que j’aie déjà reçu, ou que je sois parfait al ». En un mot, mes frères, ils ont appris à faire la même prière que nous, le divin Jurisconsulte leur a prescrit la même règle de supplications. « C’est ainsi que vous prierez am », leur dit-il, et après quelques articles qui précèdent il prescrivit ce que devaient dire ces béliers, ces chefs du troupeau, ces principaux membres du Pasteur suprême, de celui qui rassemble toutes les brebis en un seul troupeau ; ils apprirent à dire ; « Remettez-nous nos dettes, comme nous remettons à ceux qui nous doivent an ». Ils ne dirent point : Nous vous rendons grâces parce que vous nous avez remis nos dettes, comme nous remettons, nous aussi, à ceux qui nous doivent ; mais bien : remettez-nous comme nous remettons. Déjà, sans doute, les Apôtres priaient, les fidèles priaient ; car cette prière est enseignée par le Sauveur principalement à ceux qui lui sont fidèles ; si l’on entendait par ces dettes celles qui sont remises au baptême, les catéchumènes principalement devraient dire : « Remettez-nous nos dettes ». Que les Apôtres donc disent eux-mêmes : « Remettez-nous nos dettes, comme nous remettons à ceux qui nous doivent ». Et quand on leur dira : Pourquoi ce langage ? quelles sont vos dettes ? qu’ils répondent : « Nul homme vivant ne sera justifié en votre présence ». 7. « Car l’ennemi a persécuté mon âme, il a humilié ma vie sur la terre ao ». Voyez-nous, Seigneur, voyez notre chef pour nous : « C’est que l’ennemi a persécuté mon âme ». Le diable, en effet, a persécuté l’âme du Christ, Judas l’âme de son maître ; et maintenant encore le même diable continue à persécuter le corps du Christ ; à Judas succède un autre Judas. Le corps du Christ ne manque pas d’ennemi, et dès lors il peut dire : « Voilà que l’ennemi a persécuté mon âme, il a humilié ma vie sur la terre ». Au lieu de cette parole : « Il a humilié ma vie sur la terre », nous lisons ailleurs : « Ils ont courbé mon âme ap ». Quel est en effet le but que se propose à notre égard son persécuteur, sinon de nous détourner de toute espérance du ciel, et de nous inspirer le goût de la terre ? C’est là ce qu’ils font eux-mêmes autant qu’il est en eux ; mais Dieu nous préserve d’un tel malheur, nous à qui il est dit : « Si vous êtes ressuscités avec le Christ, ayez du goût pour les choses du ciel où le Christ est assis à la droite de Dieu ; cherchez ce qui est du ciel, et non ce qui tient à la terre ; car vous êtes morts aq ». Nul homme vivant, en effet, ne sera justifié devant Dieu. Ces persécuteurs donc, soit à force ouverte, soit par de secrètes embûches, s’efforcent de nous amener à la vie terrestre. Soyons en garde contre eux, afin de pouvoir dire : « Toute notre conversation est dans le ciel ar. L’ennemi », dit le Prophète, « a humilié ma vie sur la terre ». 8. « Ils m’ont placé dans les ténèbres, comme les morts du siècle ». Ces paroles conviennent mieux à notre chef, et se comprennent mieux en lui. Il est mort en effet pour nous, mais il n’est pas un mort du siècle. Quels sont, en effet, les morts du siècle ? et comment notre chef n’est-il pas un mort du siècle ? Ceux-là sont les morts du siècle, qui sont morts justement, qui ont reçu le châtiment de l’iniquité, qui ont dû mourir à cause de la transmission du péché, selon cette parole « Voilà que je suis conçu dans l’iniquité, et ma mère m’a nourri avec le péché dans ses entrailles as » ; tandis que le Christ est venu au sein d’une Vierge prendre une chair, mais non l’iniquité de la chair, prendre une chair pure et purifiante. Or, ceux qui le croyaient pécheur, le regardaient comme un mort du siècle. Mais celui qui a dit dans un autre psaume : « Je payais ce que je n’avais point ravi at » qui a dit encore dans l’Évangile : « Voici le Prince du monde », le préposé de la mort, l’instigateur de toute œuvre mauvaise, qui en exige le châtiment ; « le voici, mais il ne trouvera rien en moi au ». Qu’est-ce à dire, qu’« il ne trouvera rien en moi ? » Aucune faute, rien qui mérite la mort. « Mais afin », dit-il, « que tous connaissent que je fais la volonté de mon Père, levez-vous, sortons d’ici av ». Mourir, nous dit-il, c’est accomplir la volonté de mon Père ; mais je n’ai rien fait qui soit digne de mort. Je n’ai rien fait qui mérite la mort, seulement je veux mourir, afin de délivrer, par la mort d’un innocent, tous ceux qui ont mérité de mourir. « Ils m’ont placé dans les ténèbres », comme dans les enfers, comme dans le sépulcre, comme dans la passion même ; ils ont traité comme les morts du siècle celui qui a dit : « Je suis devenu comme un homme sans secours, libre entre les morts aw ». Qu’est-ce à dire libre ? Pourquoi libre ? Parce que tout homme qui commet le péché est esclave du péché ax. Ensuite il ne nous délivrerait point de nos chaînes, s’il n’était lui-même libre de toute entrave. Celui-là donc qui était libre a tué la mort, enchaîné les chaînes, captivé la captivité, et ils l’ont placé dans les ténèbres comme un mort du siècle. 9. « Et voilà qu’en moi l’esprit a été accablé d’ennui ay ». Reportez-vous à cette autre parole : « Mon âme est triste jusqu’à la mort az ». Voyez que c’est bien la même plainte. Le passage du chef aux membres et des membres au chef n’est-il pas visible ? « En moi l’esprit a été accablé d’ennui » ; parole qui nous appelle : « Mon âme est triste jusqu’à la mort ». Mais nous étions là nous-mêmes. « Car il a transfiguré en lui notre corps misérable, en le rendant conforme à son corps glorieux ba » ; et notre vieil homme a été attaché avec lui à la croix bb. s Mon cœur s’est troublé au dedans de moi ». « Au dedans de moi », dit le Prophète, et non dans les autres. Les autres, en effet, m’ont abandonné, et ceux qui s’étaient attachés à moi se sont retirés ; en me voyant mourir, ils m’ont cru tout autre, cédant ainsi le pas à un voleur qui croyait en moi bc, quand eux-mêmes s’esquivaient. 10. Le Prophète passe ensuite aux membres : « Je me suis souvenu des jours d’autrefois ». A-t-il pu se souvenir des jours anciens, Celui pour qui tout jour a été fait ? Mais c’est le corps qui parle ici, l’interlocuteur est tout homme justifié par la grâce et attaché au chef par les liens de la charité et d’une humble piété ; c’est lui qui dit : « Je me suis souvenu des jours anciens, j’ai médité sur toutes vos œuvres bd ». Car toutes vos œuvres sont parfaites, et rien n’eût été affermi, si vous ne l’eussiez affermi vous-même. Toutes vos créatures sont pour moi un grand spectacle : je cherche l’ouvrier dans son ouvrage, et le créateur dans la créature. Pourquoi cela ? pourquoi cette recherche, sinon afin de comprendre que tout ce qu’il y a de bon en lui vient de Dieu, de peur que dans son ignorance de la justice de Dieu il ne prétendît établir la sienne, et ne fût plus dès lors soumis à la justice de Dieu be ? Dès lors cette parole du commencement lui est applicable : « Dans votre vérité et dans votre justice ». Ainsi donc, dès qu’il médite les œuvres de Dieu, qu’il s’applique à les considérer, l’interlocuteur nous insinue la grâce de Dieu, nous en établit l’importance, et s’applaudit d’avoir trouvé cette grâce qui nous sauve gratuitement. Pourquoi te glorifier dans ta justice ? Pourquoi t’élever, ô toi qui ignores la justice de Dieu ? Il t’en a coûté, diras-tu, pour être sauvé ; mais qu’as-tu donné pour être homme ? Considère dès lors l’auteur de ta vie, de ta substance, de ta justice, l’auteur de ton salut. « Médite les œuvres de ses mains », et tu comprendras que la justice qui est en toi est une œuvre de la main de Dieu. Écoute une leçon de l’Apôtre : « Cela ne vient point des œuvres, de peur qu’on ne vienne à s’enorgueillir bf ». Sommes-nous donc sans bonnes œuvres ? Nous en avons assurément ; mais vois ce qui suit : « Nous sommes l’ouvrage de Dieu », nous dit le même Apôtre. Or, en disant que nous sommes l’ouvrage de Dieu, l’Apôtre a-t-il voulu, par ce mot d’ouvrage, désigner cette nature qui fait de nous des hommes ? Nullement ; il est question de nos œuvres. « Cela ne vient pas de nos œuvres », dit-il, « afin que nul ne s’élève » bg. Mais, sans nous en tenir à des conjectures, écoutons-le : « Nous sommes son ouvrage, créés en Jésus-Christ par les bonnes œuvres ». Ne t’imagine pas faire quelque chose, si ce n’est dans ta malice. Laisse ton œuvre pour n’envisager que l’œuvre de ton créateur : c’est lui qui t’a formé d’abord, qu’il te rétablisse dans ce qu’il t’avait fait, et que tu as détruit. Il a fait que tu sois ; et si tu es bon, c’est lui qui te fait bon. « Opérez votre salut », nous dit-il, « avec crainte et tremblement bh ». Mais si notre salut est une œuvre qui nous soit propre, pourquoi le faire avec crainte et tremblement, puisque notre œuvre dépend de nous ? Écoute bien cette crainte et ce tremblement. « C’est Dieu qui, dans sa bonté, opère en nous le vouloir et le faire bi ». Donc avec crainte et tremblement, afin que ce divin ouvrier se plaise à opérer dans les vallées ; car celui qui juge les nations, qui les couvre de ruines, agit en nous comme en s’abaissant. « J’ai médité sur l’œuvre de vos mains ». J’ai donc vu, « j’ai considéré vos ouvrages » ; car il n’est en nous rien de bon qui ne vienne de tous qui nous avez faits. 11. Qu’ai-je fait après avoir vu que toute grâce excellente vient de vous, que tout don partait nous vient d’en haut, descend du Père des lumières, en qui il n’y a ni changement, ni ombre de vicissitude bj ? À cette vue je me suis détourné du mal que j’avais fait en moi : « Et j’ai tendu mes mains vers vous ». « J’ai étendu », dit le Prophète, « mes mains vers vous, et mon âme, devant vous, est une terre sans eau bk ». Répandez sur moi votre rosée, afin que je porte de bons fruits. « Car c’est le Seigneur qui répandra la douceur afin que la terre porte son fruit bl ». « J’ai étendu mes mains vers vous, mon âme est une terre sans eau devant vous », et non devant moi. Je puis en effet vous témoigner ma soif, mais non m’abreuver moi-même. « Mon âme est devant vous comme une terre sans eau » ; car mon âme a soif du bien vivant bm. Quand viendrai-je, sinon quand Dieu lui-même viendra ? Mon âme a soif du Dieu vivant, parce que « mon âme est devant vous comme une terre sans eau ». Je vois la mer qui regorge, elle a de grandes eaux qui s’élèvent avec fracas, mais des eaux amères. Voilà que l’eau est séparée, et l’aride paraît bn ; c’est mon âme, arrosez-la, « car elle est devant vous comme une terre sans eau ». 11. « Hâtez-vous, Seigneur, de m’exaucer bo ». Pourquoi différer quand je suis altéré, et attiser ainsi ma soif ? Mais si vous retenez vos eaux sacrées, c’est afin que j’y puise plus avidement, que je ne les dédaigne point quand vous les répandez. Si vous ne les retenez que dans ce dessein, donnez-les-moi maintenant ; car « mon âme est devant vous comme une terre sans eau ; hâtez-vous, Seigneur, de m’exaucer, mon esprit est en défaillance ». Puisque mon esprit tombe en défaillance, comblez-moi de votre esprit. Cette défaillance de mon esprit est un motif de m’exaucer plus promptement. Me voilà pauvre d’esprit, donnez-moi le bonheur du ciel bp. Que l’esprit vive dans l’homme, il y a orgueil, c’est par l’esprit qu’il s’élève contre Dieu. Puisse-t-il être assez heureux pour que cette parole s’accomplisse en lui : « Vous leur ôterez leur esprit, et ils tomberont, et ils rentreront dans leur poussière bq », afin qu’un humble aveu leur fasse dire : « Souvenez-vous que nous sommes poussière br ». Mais après avoir dit. « Souvenez-vous que nous sommes poussière » ; qu’ils disent encore : « Mon âme est devant vous comme une terre sans eau ». Quelle terre est sans eau plus que la poussière ? Mais « hâlez-vous de m’exaucer, ô mon Dieu o, répandez sur moi votre rosée et votre force, afin que je ne sois plus comme une poussière que le vent soulève de la surface de la terre bs. « Hâtez-vous de me secourir, ô mon Dieu, mon esprit a défailli ». Ne mettez aucun retard à secourir mon indigence. Vous m’avez ôté mon esprit, afin que dans ma défaillance et en restant dans ma poussière, je puisse dire : « Mon âme est devant vous comme une terre sans eau » : accomplissez en moi cette autre parole du psaume : « Vous enverrez votre esprit, et ils seront créés ; vous renouvellerez la face de la terre bt », Si donc quelqu’un est à Jésus-Christ, c’est une nouvelle créature : le passé n’est plus bu. C’est leur esprit vieilli qui n’est plus, et c’est votre esprit qui a tout renouvelé. 13. « Ne détournez point de moi votre face ». Vous l’avez détournée de mon orgueil, car autrefois j’étais dans l’abondance et je m’élevais. « Pour moi », j’ai dit un jour, dans mon abondance : « Je ne serai jamais ébranlé ». Je disais donc : Jamais je ne serai ébranlé, j’ignorais votre justice, et j’établissais la mienne ; mais « c’est votre bonté, Seigneur, qui m’a consolidé dans mon état florissant ». J’ai dit, dans mon abondance : « Jamais je ne serai ébranlé » ; mais c’est de vous que me venait toute cette abondance, et pour me montrer qu’elle me venait de votre bonté, « vous avez détourné de moi votre face, et je suis tombé dans le trouble bv ». Après ce trouble où je suis tombé quand vous avez détourné votre face, après cet ennui de l’esprit, ce trouble du cœur que j’ai ressenti parce que vous avez détourné de moi votre face, voilà que j’ai été devant vous comme une terre sans eau : « Ne détournez point de moi votre face ». Vous l’avez détournée de mon orgueil, daignez la rendre à mon humilité. « Ne détournez pas de moi votre face », si vous la détournez « je serai semblable à ceux qui descendent dans l’abîme. Qu’est-ce à dire, ceux qui descendent dans l’abîme ? Quand l’impie est descendu dans les profondeurs du mal, il méprise bw. Ceux-là descendent dans l’abîme, qui perdent tout aveu ; c’est contre ce malheur que le Prophète dit au Seigneur : « Que le gouffre ne referme pas sa bouche sur moi bx ». Telles sont les profondeurs que l’Écriture appelle souvent l’abîme, et quand le pécheur y est tombé, il n’a plus que le mépris. Qu’est-ce à dire, le mépris ? Il ne reconnaît plus aucune Providence, ou s’il en reconnaît une, il ne croit point en être l’objet. Sans espérance de pardon, il donne libre carrière à ses passions coupables et ne recule devant aucun péché. Il ne dit point : Je retournerai à Dieu, afin qu’il revienne à moi ; il ne comprend point cette parole : « Convertissez-vous à moi et je reviendrai à vous by », parce que dans ces profondeurs il n’a plus que le dédain. « Car », dit le sage, « un mort ne confesse pas le Seigneur non plus que s’il n’était pas bz ». Ne détournez donc point de moi votre face, autrement je serai semblable à ceux qui descendent dans l’abîme ». 14. « Faites-moi entendre dès le matin votre miséricorde, parce que j’ai espéré en vous ca ». Je sais que je suis dans la nuit, mais j’espère en vous jusqu’à ce que l’iniquité des ténèbres soit passée cb. « Nous avons en effet », comme le dit saint Pierre, « une preuve plus certaine chez les Prophètes, sur qui vous ferez bien d’arrêter les yeux comme sur un flambeau qui luit dans un lieu obscur, jusqu’à ce que le jour commence à paraître et que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs cc ». Il donne alors le nom de matin à ce jour qui doit suivre la fin du monde, et qui nous montrera ce que nous aurons cru en cette vie. « Au matin vous entendrez ma voix, au matin je me tiendrai devant vous pour vous contempler cd ». Faites-moi comprendre au matin votre miséricorde, parce que j’ai espéré en vous. Car « si nous ne voyons point ce que nous espérons, nous l’attendons par la patience ». La nuit a besoin de patience, le jour nous donnera la joie. « Faites-moi entendre au matin votre miséricorde, parce que mon espoir est en vous » ce. 15. Mais que faire ici-bas, en attendant que le matin vienne ? Il ne suffit pas, en effet, d’espérer, nous avons une œuvre à faire. Pourquoi une œuvre à faire ? C’est qu’il est dit dans un autre psaume : « J’ai recherché Dieu au jour de ma tribulation cf » ; comme j’ai recherché Dieu dans le temps de ma nuit. Comment l’avez-vous cherché, ô Prophète ? « De mes mains, la nuit, en sa présence, et je n’ai pas été trompé ». Qu’est-ce à dire de mes « mains ? » Par de bonnes œuvres. « En sa présence » : « En faisant l’aumône, garde-toi de sonner de la trompette, et ton Père qui voit dans le secret, te récompensera cg ». Comme donc il nous faut espérer le matin, et supporter ainsi la nuit d’ici-bas, et persévérer dans la patience jusqu’à l’arrivée du jour, que devons-nous faire jusque-là ? Ne feras-tu point quelque chose sur toi-même, pour mériter d’arriver au matin ? « Seigneur, faites-moi connaître la voie par laquelle j’entrerai ». C’est pour cela que le Seigneur a fait briller ce flambeau prophétique, c’est pour cela qu’il nous a envoyé son Fils dans la chair comme dans un vase d’argile, lui qui a dit : « Ma face est desséchée comme l’argile ch ». Marche donc à la lumière des – Prophètes, marche au flambeau de ces prédictions de l’avenir marche à la parole de Dieu, Tu ne vois pas encore ce Verbe qui était au commencement, ce Dieu en Dieu ci ; marche à cette lumière de la forme de l’esclave, et tu arriveras à la forme de Dieu. « Faites-moi connaître, ô mon Dieu, par quelle voie j’entrerai ; parce que j’ai élevé mon âme vers vous ». Oui, vers vous, mais non contre vous. C’est en vous qu’est la source de vie cj ; « j’ai élevé mon âme vers vous », comme un vase que l’on apporte à la source. Remplissez-moi, Seigneur, « puisque c’est vers vous que j’ai élevé mon âme ». 16. « Délivrez-moi de mes ennemis, ô mon Dieu, je me réfugie en vous ck ». Jadis je vous ai fui, maintenant je me réfugie en vous. Adam s’enfuit de devant la face du Seigneur, et se cacha dans les bosquets du paradis cl, en sorte qu’on peut lui appliquer cette parole de Job « Comme le serviteur qui fuit son maître, et qui recherche les ombres cm , ▼▼selon les LXX
». Il s’enfuit donc de devant la face du Seigneur, et chercha les ombres puisqu’il s’enfuit dans les obscurs bosquets du paradis. Malheur à lui s’il demeure dans cette ombre et s’il fait dire un jour « Tout a passé comme une ombre co. Délivrez-moi de mes « ennemis ». Dans ces ennemis je ne vois point des hommes. « Car nous n’avons pas à combattre contre la chair et le sang ». Contre qui dès lors ? « Contre les princes et les puissances qui dirigent ce monde ». Quel monde ? Non point les cieux et la terre, puisqu’ils ne sauraient gouverner ce qu’ils n’ont point fait. « Qui gouvernent le monde ». Quel monde alors ? « Ces ténèbres cp ». Quelles ténèbres ? Les méchants. « Vous étiez autrefois ténèbres, vous êtes maintenant lumière dans le Seigneur cq ». C’est donc contre les princes du monde, de ces ténèbres, contre les princes des méchants, que vous avez à combattre ; guerre bien nouvelle cr, d’avoir à vaincre un ennemi qu’on ne voit point ! Contre les princes du monde, les princes de ces ténèbres, c’est-à-dire contre le diable et ses anges, et non contre les princes de ce monde dont il est dit : « Et le monde a été fait par lui cs » ; mais de cet autre dont il est écrit : « Et le monde ne l’a point connu. Délivrez-moi de mes ennemis, ô mon Dieu, parce que j’ai cherché en vous un refuge ». « De mes ennemis », non de Judas, mais de celui qui remplit le cœur de Judas. Je vois l’un et je le souffre, j’attaque l’autre sans le voir. Judas prit le morceau de pain, et Satan entra dans son cœur ct, afin que cet autre David souffrît persécution de la part de son fils. Combien n’est-il pas de Judas que remplit Satan, et qui dès lors ne reçoivent le pain sacré que pour leur condamnation ? « Quiconque en effet mange et boit indignement, mange et boit sa propre condamnation cu ». Ce que l’on offre n’est point mauvais, mais on offre au méchant un bien qui fera sa condamnation. Le bien suprême ne saurait profiter à quiconque le reçoit mal. Donc, « délivrez-moi de mes ennemis, parce que j’ai cherché un refuge vers vous ». Où fuir en effet ? « Comment éviter votre esprit ? Si je monte vers le ciel, vous y êtes ; si je descends dans l’abîme, vous y êtes aussi ». Quelle ressource encore ? « Si je prends des ailes comme la colombe, et que je m’envole jusqu’aux confins des mers » ; pour habiter par l’espérance à la fin des siècles : « c’est là que me conduit votre main, là que me fait arriver votre droite cv. Délivrez-moi de mes ennemis, Seigneur, parce que c’est en vous que je cherche un asile ». 17. « Apprenez-moi à faire votre volonté ; « parce que c’est vous qui êtes mon Dieu cw ». Humble confession, saint engagement ! « Parce que c’est vous qui êtes mon Dieu ». J’aurais recours à un autre, pour me refaire, si un autre m’avait fait. Mais vous êtes mon tout, « parce que vous êtes mon Dieu ». Chercherai-je un père pour avoir son héritage ? « Vous êtes mon Dieu » ; non seulement vous me donnez un héritage, mais vous êtes cet héritage même. « Le Seigneur est la portion de mon héritage cx ». Chercherai-je un Seigneur pour me racheter ? « Vous êtes mon Dieu ». Chercherai-je un homme puissant pour me délivrer ? « Vous êtes mon Dieu ». Humble créature, souhaiterai-je d’être créée de nouveau ? « Vous êtes mon Dieu », vous êtes mon Créateur ; c’est vous qui m’avez créé par votre Verbe, et créé de nouveau parce même Verbe. Vous m’avez créé par le Verbe-Dieu qui demeure en vous, et créé de nouveau par le Verbe fait chair pour nous. « Apprenez-moi donc à faire votre volonté, parce que vous êtes mon Dieu ». Si vous ne m’instruisez, je ferai ma volonté, et mon Dieu m’abandonnera. « Apprenez-moi à faire votre volonté, parce que vous êtes mon Dieu ». « Enseignez – moi », car vous ne serez pas mon Dieu pour que je sois mon maître. Voyez comme notre psaume prêche la grâce de Dieu. Retenez ces instructions, abreuvez-en votre âme, et que nul ne les arrache de vos cœurs ; de peur que vous n’ayez le zèle de Dieu, mais non selon la science ; de peur que dans votre ignorance de la justice de Dieu, vous ne prétendiez établir la vôtre cy, et que dès lors vous ne soyez plus soumis à la justice de Dieu. Vous savez que ces paroles sont de l’Apôtre ; répétez dès lors avec le Prophète : « Enseignez-moi à faire votre volonté, parce que vous êtes mon Dieu ». 18. « Votre Esprit plein de bonté », non le mien qui est méchant : « Votre Esprit plein de bonté me conduira dans la terre de Droiture », parce que mon esprit pervers m’a conduit dans la terre de perversion. Qu’ai-je donc mérité, Seigneur ? Quelles bonnes œuvres ai-je pu faire sans votre secours, pour obtenir, pour me rendre digne d’être conduit par votre Esprit dans la terre de la justice ? Quelles sont mes œuvres, ou mes mérites ? « C’est à cause de votre nom, ô mon Dieu, que vous me donnerez la vie ». Comprenez autant qu’il est en vous cette prédication de la grâce qui vous a sauvés gratuitement. C’est, à cause de votre nom, Seigneur, que vous me donnerez la vie. « Ce n’est point à nous, Seigneur, qu’il faut donner la gloire, ce n’est point à nous, mais à votre nom ». Car c’est à cause de votre nom que vous nous donnerez la vie « dans votre justice », et non point dans la mienne ; non point à cause de mes mérites, mais à cause de votre miséricorde. Si je prétendais m’appuyer sur mes mérites, je ne mériterais que l’enfer. Vous avez donc détruit en moi tout mérite, pour y insérer vos dons. « C’est à cause de votre nom, Seigneur, que vous me donnerez la vie, et dans votre justice vous délivrez mon âme de la tribulation ; et dans votre miséricorde vous perdrez mes ennemis vous perdrez tous ceux qui affligent mon âme, parce que je suis votre serviteur ». cz
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