Psalms 147:13
1. Votre charité s’en souvient, nous avons remis à vous parler aujourd’hui du psaume que l’on vient de chanter. C’est lui, en effet, qu’on vous a lu dimanche, et que j’avais même entrepris de vous exposer. Mais la lecture de l’Évangile nous effraya, et cette crainte ainsi que le bien que nous en espérions pour vous, nous forcèrent de nous arrêter sur les paroles du Seigneur à propos du dernier jour, et sur la vigilance, sur les précautions avec lesquelles nous devons attendre son arrivée. Il nous effrayait par des exemples, pour ne point nous condamner en son jugement, nous disait qu’il en serait à l’avènement du Fils de l’homme, de même qu’aux jours de Noé : « Les hommes alors mangeaient et buvaient, ils achetaient, ils vendaient, ils mariaient leurs filles, épousaient des femmes, jusqu’à ce que Noé entra dans l’arche, et que le déluge vint les perdre tous a ». Pris d’inquiétude et frappé de crainte (qui peut en effet croire à ces choses sans trembler ?) nous avons appuyé sur ce sujet, autant que possible, nous avons parlé sur la pureté de vos mœurs, sur la vie régulière, qui doit être la nôtre à tous, afin que nous puissions non seulement voir arriver sans crainte, mais encore désirer ce jour si terrible. Car si nous aimons le Christ, nous devons appeler de nos vœux son avènement. Craindre l’avènement de celui que nous aimons, et néanmoins lui dire dans nos prières « Que votre règne arrive b », quand nous redoutons d’être exaucés, c’est un contre-sens tel que je ne saurais y croire. Pourquoi craindre, en effet ? Parce que notre juge viendra ? Mais est-il donc injuste ? Est-il malveillant ? Est-il jaloux ? Est-ce par autrui qu’il doit connaître ta cause, et peux-tu redouter que celui que tu as chargé de ce soin, ou ne te trahisse dans sa duplicité, ou ne manque d’éloquence et d’habileté pour démontrer ton innocence ? Rien de cela n’est à redouter. Qui donc viendra ? Pourquoi ne point te réjouir ? Qui doit venir te juger, si mon celui qui est venu pour être jugé à cause de toi ? Ne crains pas pour accusateur celui dont le Sauveur lui-même a dit : « Le prince de ce monde a été chassé dehors c ». Ne redoute pas un avocat peu habile tu as pour avocat celui qui sera ion juge. Il n’y aura que lui, et toi, et ta cause ; le plaidoyer de ta cause sera le témoignage de ta conscience. Si donc tu crains le juge à venir, redresse dès aujourd’hui ta conscience. Est-ce peu pour toi qu’il ne recherche point dans le passé ? Il te jugera sans plus te laisser de temps ; mais maintenant qu’il commande, quel espace de temps ne laisse-t-il pas écouler ? Alors il ne te sera plus possible de te corriger. Mais qui t’en empêche maintenant ? Voilà tout ce que nous représentions avec tant de force dimanche dernier, parce que c’est une vérité, parce qu’il n’y a que cela en quelque manière à vous représenter, un temps bien long s’écoula, et nous dûmes remettre pour aujourd’hui le psaume que nous avions entrepris d’expliquer. Le voici maintenant ; qu’il fixe notre attention, ou plutôt écoutons le Seigneur qui, dans sa miséricorde, a bien moulu nous faire dicter par son Esprit ces paroles saintes, selon le besoin qu’il nous connaît dans notre faiblesse. Quel malade, en effet, voudrait donner des conseils au médecin ? 2. À la lecture du psaume, vous avez remarqué, je pense, que tous les versets, ou du moins un grand nombre, veulent, pour être compris, que l’on frappe à la porte ; surtout quand il est dit que « Dieu donne la neige comme la laine, qu’il répand les frimas comme la poussière, qu’il jette son cristal comme des morceaux de pain. Qui pourra résister à la rigueur de son froid d ? » À ces paroles, quiconque les entend à la lettre, porte sa pensée sur les œuvres de Dieu. Qui donne la neige, si ce n’est Dieu ? Qui répand les frimas, si ce n’est Dieu ? Qui durcit le cristal, si ce n’est lui encore ? Or, ces trois phénomènes ont avec des objets bien différents de frappantes analogies. La neige, en effet, ressemble quelque peu à la laine, comme la poussière au frimas, comme un morceau de pain blanc à la blancheur et à l’éclat du cristal. Car on appelle cristal une espèce de verre, mais blanc. Ceux qui savent ces choses et du témoignage desquels nous pouvons douter d’autant moins que l’Écriture, qui est très certaine, les vient appuyer, ceux, dis-je, qui savent ces choses, nous disent que le cristal vient d’une neige durcie pendant de longues années sans se fondre, et qui se congèle au point qu’elle ne saurait plus se résoudre. L’été qui arrive dissout facilement les neiges d’un hiver qui s’écoulent, parce qu’elles n’ont pas eu le temps de se durcir. Mais que des neiges viennent s’amonceler pendant beaucoup d’années, et que cet amas vienne à résister aux chaleurs de l’été, et non d’un seul été, mais d’étés nombreux, surtout dans cette partie de la terre qui forme la plage du nord, et où le soleil, même en été, n’est pas très brûlant, cette dureté que le temps a fortifiée produit ce que l’on appelle cristal. Que votre charité soit attentive. Qu’est-ce donc que le cristal ? Une neige que la glace a durcie durant de longues années, de sorte que le soleil ni le feu ne peuvent la dissoudre facilement. Nous donnons cette explication un peu longue, parce que beaucoup l’ignorent ; quant à ceux qui la savent, qu’ils écoutent sans peine ce que l’on dit, non pour eux, mais pour ceux qui pourraient ignorer ce que nous disons. Lors donc que le lecteur récitait ce passage, je ne doute pas que vous vous soyez laissés aller à bien des pensées, que quelques-uns aient dit, et avec vérité : Que les œuvres du Seigneur sont grandes, quoique l’on n’en rapporte ici qu’une partie, encore est-ce une partie terrestre, et que tout le monde connaît comme la neige que Dieu fait descendre, le frimas qu’il répand, le cristal qu’il durcit. D’autres se sont dit : Est-ce bien sans raison que cela se trouve dans les saintes Écritures, et le sens littéral de ces paroles est-il bien le véritable sens ? N’y a-t-il pas un sens caché sous cette neige que l’on compare à la laine, sous ce frimas comparé à la poussière, sous ce cristal comparé au pain ? Mais pourquoi l’Écriture a-t-elle voulu employer ces voiles et ces comparaisons ? Ne vaudrait-il pas mieux s’exprimer plus clairement ? Pourquoi faut-il chercher le sens de ces paroles, et le chercher en hésitant ? Pourquoi ne puis-je les écouter sans heurter contre des difficultés ? Pourquoi même, après avoir entendu le psaume, n’en savoir pas davantage le puis souvent ? C’est là ce que je vous disais tout à l’heure : Laisse-toi guérir, c’est ainsi qu’il faut te soigner. Un malade est bien orgueilleux, bien impatient quand il donne des avis au médecin, ce médecin ne fût-il qu’un homme. Où est donc ce malade assez téméraire pour conseiller son médecin ? Quand le malade est l’homme, et Dieu le médecin, c’est une grande disposition à la guérison, que cette piété qui nous fait croire que Dieu a dû parler de la sorte, avant même que nous sachions ce qui est dit. Car cette piété te rendra capable de chercher le sens des paroles, de le trouver après l’avoir cherché, et de te réjouir de l’avoir trouvé. Que vos prières aient donc devant le Seigneur notre Dieu ce degré de ferveur, et si ce n’est pour nous, que du moins, en votre considération, il daigne nous découvrir ce qu’il y a de caché sous ces voiles. Supposez donc que je vous ai assigné un jour pour vous donner un spectacle tout divin, et qu’en prononçant ces versets sans les expliquer, je vous ai fait entrevoir seulement quelques richesses de celui qui nous donnera ces divins spectacles. Ces richesses nous sont montrées sous une enveloppe, afin de nous en faire désirer la découverte ; pour vous, tenez-vous prêts, non seulement à les regarder, mais encore à vous en revêtir. 3. Nous disions dimanche, et il doit vous en souvenir, vous qui étiez présents, que la lecture de l’Évangile, qui nous arrêta si longtemps, au point qu’il nous fallut remettre l’explication de notre psaume, avait beaucoup d’analogie avec le psaume lui-même. Nous l’avons dit alors, mais sans pouvoir le démontrer, puisqu’il fallut différer l’exposition du psaume. C’est aujourd’hui qu’il nous faut établir cette analogie. La lecture de l’Évangile nous effraya au sujet du dernier jour ; mais cette frayeur est la mère de la sécurité, car cette frayeur nous met sur nos gardes, et la sécurité vient de la vigilance. De même qu’une sécurité mal fondée nous jette en un plus grand effroi, de même une crainte sage amène la sécurité. La crainte qui nous saisit alors nous détourne de nous attacher à cette vie qui nous échappe, qui passe et s’évanouit, de l’aimer comme s’il n’y en avait point d’autre pour nous ; car s’il n’y en a point d’autre, aimons celle-ci. S’il n’est point d’autre vie, ceux qui ont passé la nuit à l’amphithéâtre sont plus heureux que nous. Que dit en effet l’Apôtre : « Si notre espérance dans le Christ n’est que pour cette vie, nous sommes les plus misérables de tous les hommes ». Il est donc une autre vie, Que chacun dans sa foi interroge le Christ ; mais la foi est endormie. Te voilà donc justement agité par les flots, parce que le Christ est endormi dans la barque. Car Jésus dormait dans la barque, et cette barque était battue par les flots, et par toutes sortes de tempêtes. Notre cœur est dans l’agitation quand le Christ dort. Et néanmoins le Christ veille toujours. Que signifie donc le sommeil du Christ ? Le sommeil de la foi. Pourquoi te laisser encore agiter par les flots du doute ? Éveille donc le Christ, éveille ta foi : envisage des yeux de la foi cette vie future pour laquelle tu as cru, pour laquelle tu as été marqué du signe de celui qui est venu en cette vie tout exprès, afin de te montrer combien est méprisable cette vie que tu aimes, combien il faut espérer l’autre vie en laquelle tu ne croyais point. Si donc tu éveilles ta foi, pour diriger ton regard sur tes fins dernières, sur ce siècle futur qui doit faire notre joie après l’autre avènement du Seigneur, après l’arrêt du jugement, après que les saints seront mis en possession du royaume des cieux ; si, dis-je, ta pensée s’arrête sur cette vie, sur le repos toujours agissant dont nous jouirons alors, et dont nous vous avons parlé souvent, mes bien-aimés, notre action ne sera plus agitée ; ce sera une et action dans un repos plein de douceur, une action que ne troublera aucune peine, que n’interrompra aucune fatigue, ni aucun nuage d’ennui. Quelle sera donc alors toute notre œuvre ? De louer Dieu, de l’aimer et de le louer ; de le louer en l’aimant, de l’aimer en le louant. « Bienheureux ceux qui habitent votre maison, ils vous loueront dans e les siècles des siècles e ». Pourquoi, sinon parce qu’ils vous aimeront aussi dans les siècles des siècles ? Pourquoi, sinon parce qu’ils vous verront dans les siècles des siècles ? Quel spectacle pour nous, mes frères, quel spectacle de voir Dieu ! Que les hommes voient un chasseur dans l’amphithéâtre, ils en tressaillent de joie. Malheur à ces misérables, s’ils ne se corrigent ! Ces mêmes hommes qui tressaillent de joie à la vue d’un chasseur, pâliront de tristesse à la vue du Sauveur. Quoi de plus misérable que ces hommes que le Sauveur ne sauvera point ? Rien donc d’étonnant qu’ils ne trouvent point leur salut dans un Dieu qui délivre, ceux qui mettent leurs délices dans un homme qui combat. Quant à nous, mes frères, s’il nous souvient que nous sommes ses membres, si nous l’aimions, si nous persévérons en lui, nous le verrons et il sera notre joie. Sa cité sera pure, et dans ses citoyens purifiés on ne trouvera ni séditieux, ni turbulent ; cet ennemi qui nous porte envie et nous barre le passage vers cette patrie bienheureuse, ne pourra plus nous y tendre des embûches ; on ne lui en permet pas même l’entrée. Si dès ici-bas il est banni du cœur des fidèles, comment ne serait-il point exclu de la terre des vivants ? Que sera-ce, mes frères, je vous le demande, que sera-ce d’habiter cette ville, quand en parler nous cause tant de joie ? Préparons nos cœurs pour cette vie future, et quiconque lui réserve son cœur, dédaigne tout ce qui est ici-bas ; et ce mépris lui fait attendre avec sécurité ce grand jour, dont l’expectative nous a effrayés dans la bouche du Seigneur. 4. Dès lors que notre psaume chante cette vie future dont il nous entretient, et que l’Évangile nous effraie au sujet de celle-ci, le psaume nous fait aimer l’avenir et l’Évangile haïr le présent. Le Nouveau Testament ne garde point le silence au sujet du bonheur à venir, et nous en parle d’autant mieux qu’il nous expose sans voile ce que nous devons comprendre ; mais il nous en parle clairement, afin de nous faire comprendre ce qui est dit ici en figures. L’Évangile donc nous disait : Prenez garde au dernier jour qui viendra, au jour de l’avènement du Fils de l’Homme f : parce qu’il surprendra dans leur malheur ceux qui sont aujourd’hui en sécurité, et précisément parce que c’est là une fausse sécurité, puisqu’ils se croient en sécurité dans les voluptés du siècle, tandis que leur sécurité devrait naître du silence de leurs convoitises du siècle. C’est à cette vie que nous prépare l’Apôtre dans ces paroles que j’ai citées alors : « Du reste, mes frères, le temps est court, il reste donc à ceux qui ont des femmes d’être comme s’ils n’en avaient point ; à ceux qui achètent, comme s’ils n’achetaient point ; à ceux qui se réjouissent, comme s’ils ne se réjouissaient point ; à ceux qui pleurent, comme s’ils ne pleuraient point ; à ceux qui usent des choses de ce monde, comme s’ils n’en usaient point ; car la figure du monde passe, et je désire que vous soyez sans inquiétudes g ». Quiconque a mis toute sa joie, toute sa félicité à manger, à boire, à se marier, à acheter, à vendre, à jouir du monde, est aussi sans inquiétude ; mais, comme tel, il est hors de l’arche, et malheur à lui, à cause du déluge. Quant à l’homme, qui mange, qui boit, qui fait toutes ses actions pour la gloire de Dieu h, s’il est triste pour quelque sujet du temps, il pleure, mais conserve au dedans la joie de l’espérance ; si les affaires du temps lui causent de la joie, il se réjouit, mais son cœur nourrit une crainte spirituelle, en sorte qu’il ne se laisse ni corrompre par la prospérité ni abattre par le malheur. C’est là, en effet, pleurer comme si l’on ne pleurait point, et se réjouir comme si l’on ne se réjouissait point. Quiconque a une femme, et, par compassion pour sa faiblesse, rend le devoir sans l’exiger, ou ne cherche dans le mariage qu’un remède à sa propre faiblesse, et pleure de n’avoir pu se passer d’une femme, plutôt qu’il ne met en elle sa complaisance ; quiconque vend son bien, parce qu’il sait que ce bien, même en lui demeurant, ne le rendrait pas heureux ; quiconque achète et sait bien que cela passera, qui ne met point sa confiance dans ses biens, quelle qu’en soit l’abondance, et même la surabondance, qui du bien qu’il a, fait l’aumône à, celui qui n’a pas, afin de recevoir ce qu’il n’a pas de celui à qui tout appartient ; quiconque en est là peut attendre avec sécurité le dernier jour, parce qu’il n’est point hors de l’arche ; mais il fait partie de ces bois incorruptibles dont l’arche est construite i1. Qu’il ne craigne donc point l’avènement du Sauveur, mais plutôt qu’il l’espère et le désire ; car il ne viendra point pour lui infliger un châtiment, mais pour mettre fin à ses misères. Or, tout cela se fait par le désir que nous avons de cette cité sainte. Les avertissements de l’Évangile se réalisent dès lors dans nos soupirs vers cette Jérusalem que chante notre psaume, et de là vient l’accord de l’Évangile avec ce chant du Prophète. 5. Écoutons quelle est la cité que chante le psaume. Écoutons et chantons ; notre joie, en l’écoutant, est elle-même un cantique en l’honneur de notre Dieu. Car chanter n’est pas seulement répéter un cantique avec le bruit de la voix et des lèvres ; il est aussi un chant intérieur, parce qu’un autre a l’oreille dans notre intérieur. Chantons de la voix pour nous stimuler, chantons du cœur afin de lui plaire. Ce psaume est intitulé : « Psaume d’Aggée et de Zacharie j ». Or, Aggée et Zacharie furent des Prophètes, et ces Prophètes vivaient au temps de la captivité de cette Jérusalem qui était la figure de la Jérusalem du ciel. Or, pendant la captivité de cette ville, comme ils étaient à Babylone, ils prophétisèrent au sujet de Jérusalem, annonçant que le peuple sortirait de la captivité k, que sur les ruines de l’ancienne serait bâtie une cité nouvelle. Or, nous connaissons cette captivité, si nous connaissons véritablement la nôtre. Dans ce monde, en effet, dans ces tribulations du siècle, au milieu de ces scandales sans nombre, nous sommes dans une sorte de captivité, mais nous en serons délivrés ; on nous prédit une vie nouvelle semblable à celle-ci. Après la promesse des Prophètes s’accomplit d’une manière visible tout ce qui devait faire de cette cité une image de la cité invisible. Jérusalem fut rebâtie après soixante et dix ans de captivité. Ce nombre de soixante et dix était précisé par Jérémie, qui nous montre, sous la figure du nombre septénaire, le temps présent qui s’écoule ; puisque nos jours, vous le savez, s’écoulent sept par sept, nombre qui passe pour revenir invariablement. Or, Jérémie, en prophétisant que Jérusalem serait rebâtie après soixante et dix ans, couvrait sous cette image une prophétie de l’avenir ; car il veut nous faire entendre qu’après l’écoulement de ces jours qui se comptent par sept, notre ville sera construite pour l’éternité, qui n’est qu’un aujourd’hui, puisque dans cette demeure le temps ne passe plus, parce que ses citoyens ne meurent point. Telle est la cité que les Prophètes voyaient en esprit ; c’est elle qu’ils voyaient quand ils parlaient de la cité d’ici-bas. Mais ils disaient au sujet de celle d’ici-bas ce qu’ils rapportaient à celle d’en haut : et tout ce qui se faisait dans le temps par le mouvement des corps et par les actions des hommes, devenait autant de signes et de prédictions pour l’avenir. l 6. Écoutons donc ce que l’on dit de cette ville ; élevons-nous jusqu’à elle. C’est elle que nous fait estimer l’Esprit-Saint, en répandant l’amour de cette cité dans nos cœurs, afin d’y faire monter nos soupirs, et que gémissant dans cet exil, nous ayons hâte d’arriver en la ville sainte. Aimons-la, mes frères, l’aimer c’est y aller. Aimons-la d’après cette bouche sacrée, cette bouche prophétique de l’Esprit de Dieu qui nous dit : « Jérusalem loue le Seigneur m ». Dans cette captivité les Prophètes voient ces troupeaux ou plutôt l’unique troupeau de tous les citoyens rassemblés de toutes les contrées, pour former la cité sainte. Ils voient la joie de cette masse qui ne craint plus rien, qui n’a rien à souffrir, puisqu’elle est dans le grenier céleste après avoir été foulée et vannée ; et comme ils sont encore sur cette terre au milieu de tant d’afflictions, ils se font précéder par la joie de l’espérance, ils soupirent après cette patrie, s’unissant ainsi de cœur aux anges de Dieu, et à ce peuple qui doit demeurer avec eux dans une sainte joie : « Loue le Seigneur, Jérusalem ». Quelle sera ton occupation, ô Jérusalem ? Car tout labeur, tout gémissement passera. Quelle sera donc ton occupation ? De labourer, de semer, de planter, de naviguer, de faire le négoce ? Quelle sera ton occupation ? Te faudra-t-il encore t’exercer dans ces œuvres, quelque bonnes qu’elles soient, et qui viennent de la miséricorde ? Considère le nombre de tes enfants, vois de toutes parts ceux qui forment la société : vois s’il en est un homme qui ait faim et à qui tu donnes du pain, qui ait soif et à qui tu puisses donner un verre d’eau froide ; vois s’il est un étranger à qui tu puisses donner l’hospitalité, s’il est un malade à visiter, s’il y a des plaideurs que tu puisses concilier n ; s’il est un moribond que tu puisses ensevelir. Que feras-tu donc ? « Jérusalem, loue le Seigneur ». Voilà quelle sera ton occupation. De même que l’on écrit sur un titre : Fais-en bon profit, je te répéterai « Jérusalem, loue le Seigneur ». 7. Soyez tous Jérusalem ; souvenez-vous de ce qu’il est dit : « Seigneur, vous réduirez leur image au néant dans votre ville o ». Ce sont les hommes qui maintenant font leurs délices de ces vaines pompes, ceux qui ne sont point venus aujourd’hui parce qu’on leur fait une largesse. À qui profite cette largesse ? Qui en supporte le contre-coup ? D’où vient la libéralité ? D’où vient le dommage ? Ce n’est point seulement à ceux qui donnent ces spectacles, qu’ils sont coûteux, mais ils le sont bien plus à ceux qui y mettent leur joie. Aux uns ils coûtent l’or de leurs coffres, aux autres les richesses de justice qui ornaient leurs cœurs. Ceux qui donnent ces spectacles pleurent bien souvent quand il faut vendre leurs terres, et combien doivent pleurer des pécheurs qui perdent leurs âmes ? Quand le Seigneur nous criait dimanche : « Veillez », était-ce donc pour que l’on veillât ainsi aujourd’hui ? Je vous en supplie, ô vous citoyens de Jérusalem, je vous en conjure par la voix de Jérusalem, par celui qui est le Rédempteur, l’architecte, le directeur de Jérusalem, offrez à Dieu pour eux vos supplications. Qu’ils voient, qu’ils comprennent la futilité de ces divertissements, et qu’après avoir été attentifs à ces sortes de spectacles qui font leurs délices, ils soient à eux-mêmes leurs spectacles, et spectacles de tristesse. C’est ce qui est arrivé pour beaucoup, à notre grande joie ; nous-mêmes avons jadis pris part à ces assemblées, à ces folies, Et combien de ceux qu’on voit maintenant, seront un jour chrétiens, et même évêques ? Le passé nous est une garantie de l’avenir : et ce que Dieu a déjà fait nous dit ce qu’il doit faire encore. Que vos prières veillent donc, mes frères, ce n’est pas inutilement que vous gémissez. Ils sont exaucés ceux qui, ayant échappé au péril, implorent le Seigneur en laveur de ceux qui y sont encore engagés, parce qu’ils ont couru les mêmes dangers, et Dieu tirera son peuple de la captivité de Babylone, et il le rachètera, le sauvera, et alors sera parfait le nombre des élus qui portent son image. Mais ils n’y seront point ceux dont le Seigneur doit mépriser et anéantir l’image dans sa ville sainte, parce qu’eux-mêmes ont anéanti son image dans leur cité, c’est-à-dire dans Babylone. Tel est le peuple qui louera Dieu, le peuple qu’annonce par avance son esprit prophétique ; il nous dit de tressaillir dans l’espérance, d’aspirer à la réalité. « Loue de concert le Seigneur, ô Jérusalem ; Sion, bénis ton Dieu ». « Loue de concert », parce que tu es formée d’un grand nombre de citoyens ; « bénis », parce que tu n’es qu’une seule ville. « Nous sommes plusieurs », dit l’Apôtre, « et néanmoins nous sommes un en Jésus-Christ p ». Louons donc de concert, parce que nous sommes plusieurs, et louons parce que nous ne sommes qu’un. Nous sommes à la fois, et plusieurs et un seul, parce que celui en qui nous avons l’unité, est toujours un. 8. Pourquoi, dira cette Jérusalem, louer de concert le Seigneur, et moi Sion, pourquoi louer mon Dieu ? Sion n’est qu’une avec Jérusalem. Ces deux noms tiennent à deux causes différentes : Jérusalem signifie vision de la paix, et Sion contemplation. Voyez si ces deux noms désignent autre chose que des spectacles ; que les païens ne s’applaudissent point alors de leurs spectacles, comme si nous n’avions point les nôtres. Quelquefois, quand on ferme le théâtre ou l’amphithéâtre, et qu’il sort de ces gouffres une foule d’hommes corrompus qui ont l’esprit tout occupé de vains fantômes, repaissant leur mémoire de souvenirs non seulement inutiles, mais pernicieux, s’applaudissant de ces plaisirs qui ont une douceur, mais douceur empoisonnée ; ils voient, et même souvent, passer les serviteurs de Dieu qu’ils reconnaissent ou bien à leurs vêtements, ou bien à leur maintien, ou même à leur figure, et ils disent en eux-mêmes : Combien ces gens sont malheureux ! que n’ont-ils pas perdu aujourd’hui ! Prions Dieu, mes frères, de récompenser leur bienveillance ; car ils prennent cela pour un bien. C’est par bonté qu’ils nous plaignent ; mais celui qui aime l’iniquité, hait son âme q. Et s’il hait son âme, comment pourrait-il aimer la mienne ? Toutefois, c’est par une bienveillance et perverse, et vaine, et futile, si l’on peut appeler cela bienveillance, qu’ils nous plaignent de perdre ce qu’ils aiment. Prions à notre tour, afin qu’ils ne perdent point ce que nous aimons. Voyez quelle est cette Jérusalem que le Prophète exhorte à louer Dieu, ou plutôt dont il prédit la louange. Ce ne sera point quand nous verrons Dieu, et quand nous l’aimerons, quand nous le louerons, que le Prophète aura besoin d’en gager, de stimuler cette ville à louer le Seigneur ; mais les Prophètes nous parlent de la sorte, afin de nous porter à goûter, autant que possible, en cette chair fragile, ces joies futures des bienheureux, et en jetant dans nos oreilles le trop plein de leur âme, d’allumer en nous l’amour de cette cité divine. Que nos désirs soient donc fervents ; loin de nous tout cœur tiède. 9. Mais voyez quelle est cette Jérusalem que le Prophète invite à louer Dieu, et pourquoi elle doit le louer. C’est parce que son bonheur sera parfait. « Loue de concert le Seigneur, ô Jérusalem ; ô Sion, loue ton Dieu ». Et comme si Jérusalem demandait : Comment louer Dieu avec une telle sécurité ? « C’est », dit le Prophète, « parce qu’il a fortifié les barrières de tes portes r ». Redoublez d’attention, mes frères. « Il a fortifié les barrières de tes portes ». On affermit les barrières non des portes ouvertes, mais des portes closes. De là vient qu’on lit dans plusieurs exemplaires : « Il a fortifié les serrures de tes portes ». Que votre charité comprenne ceci. Le Prophète dit que c’est une Jérusalem bien fermée qui loue le Seigneur. « Loue de concert le Seigneur, Ô Jérusalem ; Sion, loue ton Dieu ». Nous louons maintenant le Seigneur, nous le louons de concert, mais au milieu des scandales. Beaucoup entrent parmi nous contre notre volonté, beaucoup s’en vont, en dépit de nos efforts ; de là tant de scandales. « Et comme l’iniquité abonde », a dit la Vérité, « la charité refroidit chez plusieurs s », à cause de ceux qui entrent et que nous ne saurions juger, et de ceux qui sortent sans que nous puissions les retenir. Pourquoi ? parce que la perfection n’est point d’ici-bas, ni le bonheur d’ici-bas. Pourquoi encore ? Parce que nous sommes dans l’aire et non dans le grenier. Que faire alors, sinon d’être sans crainte pour l’avenir ? « Loue de concert le Seigneur, ô Jérusalem ; loue ton Dieu, ô Sion : parce qu’il a fortifié les barrières de tes portes ». « Il a fortifié », dit le Prophète, et non seulement il a mis des barrières. Que nul ne sorte plus, que nul n’entre plus. Que nul ne sorte, c’est ce qui nous réjouit ; que nul n’entre plus, c’est ce qu’il nous faut craindre. Mais sois sans crainte, on ne parlera de la sorte que quand tu seras entré. Sois seulement au nombre de ces vierges qui prirent avec elles de l’huile t. 10. Ces vierges, en effet, désignent les âmes. Elles n’étaient pas seulement au nombre de cinq, mais ces cinq marquent des milliers. Dans ce nombre cinq sont donc renfermés des milliers non de femmes seulement, mais d’hommes aussi ; car ce mot de femme désigne les deux sexes à cause de, l’Église ; puisque l’Église, qui renferme les deux sexes, est appelée vierge. « Je vous ai fiancée à l’unique Époux, pour vous présenter à Jésus-Christ comme une Épouse chaste u ». Peu sont vierges de corps, mais tous doivent l’être de cœur. La virginité du corps consiste dans une chair intacte, la virginité du cœur, dans une foi pure. On dit de toute l’Église qu’elle est vierge, et au masculin on la nomme peuple de Dieu : or, les deux sexes forment le peuple de Dieu, un seul peuple, un peuple unique ; de même qu’il n’y a qu’une seule Église, une seule colombe ; et dans cette virginité, des saints par milliers. Ces cinq vierges dès lors désignent toutes les âmes qui doivent entrer dans le ciel : et le nombre cinq n’est point employé sans raison, puisque le corps est doué de cinq sens, comme chacun sait. Rien ne passe du corps dans l’âme que par ces cinq portes, car toute convoitise mauvaise nous vient soit des yeux, soit de l’odorat, soit du goût, soit des oreilles, soit du tact. Quiconque n’a point laissé entrer la corruption par ces cinq portes, est mis au nombre des cinq vierges. Or, la corruption est la fille des désirs illicites ; et l’Écriture nous fait voir de toutes parts ce qui est permis ou ce qui ne l’est point. Il est donc nécessaire que tu sois au nombre de ces cinq vierges, et tu n’auras pas à craindre cette parole : Que nul n’ose entrer. C’est en effet ce qui est écrit et ce qui sera exécuté ; à ton entrée, toutefois, nul ne viendra te barrer le passage ; mais quand tu seras entré, on fermera les portes de Jérusalem, et l’on en fortifiera les barrières, si tu ne veux pas être vierge de cœur, ou si, quoique vierge, tu prends place parmi les vierges folles, pour demeurer au-dehors et frapper vainement à la porte. 11. Quelles sont ces vierges folles ? Elles aussi sont au nombre de cinq ; et quelles sont ces vierges, sinon les âmes qui gardent la continence de la chair, afin d’éviter la corruption qui nous vient par tous les sens que nous énumérions tout à l’heure ? Elles évitent la corruption, n’importe d’où elle vienne, sans porter dans leur conscience et sous les yeux de Dieu seul, le bien qu’elles font ; elles veulent plaire aux hommes et s’arrêter à leur jugement. En quête des faveurs vulgaires, elles s’avilissent en voulant plaire à ceux qui les voient ; leur conscience ne leur suffit point. C’est donc avec raison que, selon l’Évangile, elles ne portent pas d’huile avec elles ; car l’huile, à cause de son éclat, de sa netteté, signifie la gloire. Mais que dit l’Apôtre ? Vois dons sa parole ces vierges sages qui portent l’huile avec elles. « Que chacun éprouve son œuvre, et il aura de quoi se glorifier en lui-même et non dans un autre v ». Voilà les vierges sages. Quant aux vierges folles, elles allument leurs lampes à la vérité, leurs œuvres paraissent avec éclat ; mais elles doivent mourir et s’éteindre, parce qu’elles n’ont point d’huile intérieure. Les voilà qui s’endorment toutes parce que l’Époux tarde à venir ; quelle que soit en effet celle de ces deux catégories que choisissent les hommes, ils s’endorment du sommeil de la mort ; et les vierges sages et les vierges folles, en attentant l’avènement du Seigneur, passent par cette mort du corps, mort visible, que l’Écriture appelle un sommeil, comme tout chrétien le sait. L’Apôtre dit en effet : « C’est pourquoi, parmi vous, beaucoup sont infirmes, languissants, et beaucoup sont endormis w » ; endormis, dit-il, ou plutôt morts. Mais voilà que l’Époux va venir, et tous vont se lever, mais non tous entrer. Voilà que s’évanouiront les œuvres de ces vierges folles, qui n’ont point l’huile de la bonne conscience. Elles ne trouveront plus, pour leur en acheter, ces flatteurs qui leur vendaient la louange. Car il y a de l’ironie plutôt que de la jalousie dans cette parole « Allez en acheter ». Ces vierges folles en avaient demandé aux vierges sages, et leur avaient dit : « Donnez-nous de votre huile, parce que nos lampes s’éteignent ». Que répondent les vierges sages ? « Non, de peur que nous n’en ayons pas suffisamment pour vous et pour nous ; allez plutôt à ceux qui en vendent, et achetez-en pour vous ». C’était leur dire sous la forme d’un avis : De quoi vous servent maintenant ceux dont vous achetez la louange ? « Et pendant qu’elles y allaient », dit l’Évangile, « voilà que les autres « entrèrent, et la porte fut close x ». Pendant qu’elles y vont de cœur, pendant qu’elles s’occupent de ces pensées, qu’elles s’éloignent dans ce dessein, qu’elles se ressouviennent de leur vie passée, elles vont en quelque sorte vers ceux qui vendent l’huile, et ne les trouvent plus favorables ; elles ne trouvent plus d’applaudissements chez ceux qui les flattaient, elles qui s’excitaient au bien, non par le mouvement d’une bonne conscience, mais par le stimulant des langues étrangères. 12. Cette réponse des vierges sages : « De peur qu’il n’y en ait pas suffisamment pour nous », témoigne aussi d’un grand sentiment d’humilité. Car l’huile que nous portons dans notre conscience, c’est le jugement que nous portons sur nous-mêmes, et qui nous fait voir tels que nous sommes ; or, il est difficile de se juger, de juger parfaitement de son état. Mes frères, quels que soient les progrès d’un homme dans la vertu ; tant qu’il se jette en avant et oublie ce qui est derrière y ; s’il se dit : c’est bien ; Dieu aussitôt tire de ses trésors la règle inflexible, et procède à un sévère examen. Or, qui se glorifiera d’avoir un cœur pur ? Qui osera dire qu’il est sans péché z ? Mais que dit l’Écriture ? « Il y aura un jugement sans miséricorde pour celui qui n’a pas fait miséricorde aa ». Quels que soient tes progrès, tu espéreras donc dans la miséricorde. Car si la miséricorde ne vient tempérer la justice, tout homme se trouvera condamnable en quelque point. Or, quel passage de l’Écriture va nous consoler ? Celui-là même qui nous exhorte à la miséricorde, afin que nous nous appliquions à donner notre superflu. Car nous avons beaucoup de superflu, si nous nous en tenons au strict nécessaire ; mais rien ne nons suffira, si nous recherchons ce qui est futile. Cherchez donc, mes frères, ce qui suffit à l’œuvre de Dieu, et non ce qui suffit à vos désirs ; car votre désir n’est point l’œuvre de Dieu ; mais votre forme, votre âme, votre corps, voilà toute l’œuvre de Dieu. Cherche donc ce qui suffit pour cela, et tu verras qu’il faut peu de chose. Il ne fallut à la veuve de l’Évangile que deux deniers, pour faire une œuvre de miséricorde ab, deux deniers pour acheter le royaume de Dieu. Pour habiller des acteurs, quelle dépense ne fait point un donneur de spectacles ? Voyez non seulement qu’il faut peu pour vous suffire, mais aussi combien peu vous demande le Seigneur. Cherche avec soin ce qu’il t’a donné, prends-en ce qui te suffit ; quant au reste, qui est superflu pour toi, c’est le nécessaire des autres ; le superflu du riche est le nécessaire du pauvre. C’est posséder le bien d’autrui que posséder du superflu. 13. C’est quand tu feras miséricorde, et particulièrement celle-ci que l’on fait gratuitement : « Remettez-nous, comme nous remettons ac » ; et où l’on ne fait d’autre dépense que celle de la charité, laquelle s’accroît à proportion qu’on la dépense ; c’est, dis-je, quand tu feras avec ferveur des œuvres de miséricorde, bonnes œuvres, avons-nous dit, qui ne seront plus nécessaires dans l’autre vie, puisqu’il n’y aura plus aucun malheureux à qui l’on puisse faire miséricorde ▼, c’est alors que tu attendras en toute sécurité le jugement, non pas dans la sécurité de la justice, mais dans la sécurité de la divine miséricorde, puisque toi-même auras été miséricordieux. « Le jugement sera sans miséricorde pour celui qui n’aura point fait miséricorde. Et la miséricorde », ajoute le même Apôtre, « l’emporte sur le jugement ae ». Gardez-vous de croire, mes frères, que le Seigneur n’est point juste, ou qu’il s’écarte de la justice, quand il n’a point pitié de nous. Il est juste quand il nous damne, et juste encore quand il nous prend en pitié. Quoi de plus juste de faire miséricorde à celui qui l’implore ? Quoi de plus juste aussi, que d’user envers nous de la mesure dont nous nous serons servis af ? Donne à ton frère qui a faim. À quel frère ? Au Christ. Si donc faire la charité à ton frère c’est la faire au Christ, et si le Christ est Dieu béni par-dessus tout dans les siècles ag, c’est un Dieu qui a voulu avoir besoin de toi, et ta main se retire ? Tu tends la main à Dieu pour lui demander : écoute l’Écriture : « Que ta main ne soit point ouverte pour recevoir, et fermée pour donner ah ». Dieu veut qu’on lui donne de ce qu’il a donné. Que pourrais-tu donner, en effet, qu’il ne t’ait point donné ? « Qu’as-tu, que tu n’aies point reçu ai ? » Et même, sans parler de Dieu, à qui pourrais-tu donner de ce qui est à toi ? Tu donnes de ce qui appartient à celui qui te commande de donner. Sois donc véritablement dispensateur, et non usurpateur. C’est en agissant de la sorte, et en disant avec humilité de cette huile : « De peur qu’il n’y en ait pas suffisamment pour nous aj », que tu entreras, et que la porte ne te sera point fermée. Écoute ce mot de l’Apôtre : « Peu m’importe d’être jugé par vous ak ». Comment pourriez-vous, en effet, juger ma conscience ? Comment verriez-vous l’intention qui me dirige dans toutes mes actions ? Quel jugement les hommes peuvent-ils porter sur un autre homme ? L’homme peut beaucoup mieux se juger, mais Dieu peut mieux encore juger l’homme, que l’homme ne peut se juger lui-même. Si donc tu es tel que nous disons, tu entreras, tu seras au nombre de ces cinq vierges, et les vierges folles seront exclues. C’est ce que nous dit l’Évangile ; la porte sera fermée, elles seront là, heurtant à cette porte et criant : « Ouvre-nous al » ; et on ne leur ouvrira point, parce « que le Seigneur a fortifié les barres de vos portes ». Oui, dit le Prophète, il a fortifié les barres de tes portes, sois en toute sécurité, chante avec assurance, et chante sans fin. Tes portes sont solidement closes, nul ami ne sort, nul ennemi ne peut entrer. « Il a consolidé les barrières de tes portes ». 14. « Il a béni tes enfants en toi ». Ils ne sont ni vagabonds au-dehors, ni exilés ; ils s’applaudissent dans ton enceinte, c’est là qu’ils chantent le Seigneur, là qu’ils sont bénis ils n’endurent plus les douleurs de l’enfantement, parce qu’ils n’ont plus à enfanter. Ils sont vos enfants, vos saints ; et ces enfants, ces saints, sont dans l’allégresse, dans la louange ; la charité à ressenti pour eux les douleurs de l’enfantement, et les a enfantés ; la charité les renferme dans son giron. Écoute la charité qui les enfante : c’est elle qui donnait à Paul non seulement un cœur de père, mais un cœur de mère, pour ses enfants : « Mes petits enfants », dit-il, « que j’enfante une seconde fois am ». Or, Paul qui enfante, c’est la charité qui enfante ; et la charité qui enfante, c’est l’Esprit de Dieu qui enfante. « La charité, en effet, est répandue dans nos cœurs par l’Esprit-Saint qui nous a été donné an ». Qu’elle rassemble donc ceux qu’elle a enfantés avec douleur, ceux qu’elle a mis au monde. Ils sont déjà dans l’intérieur, ils sont en sûreté. Ils ont pris leur essor du nid de la crainte, ils ont pris leur essor pour les cieux, pour les tabernacles éternels ; rien de temporel n’est à redouter pour eux. 15. « Il a béni tes fils en toi ». Qui a béni ? « Celui qui a mis la paix sur tes frontières ao ». Quelle n’est point la joie universelle à cette parole ? Aimez-la, mes frères. Nous éprouvons une grande joie quand l’amour de la paix éclate ainsi du fond de vos cœurs. Quelle joie cette parole a suscitée ! Je n’avais rien dit encore, je n’avais rien expliqué, je prononce le verset et vos cris partent. Qu’est-ce qui a crié en vous ? L’amour de la paix. Qu’ai-je mis sous vos yeux ? Pourquoi ces cris, si vous ne ressentez cet amour ? D’où vient cet amour, si vous ne voyez rien ? La paix est invisible. Où est l’œil qui l’a vue pour l’aimer ? Et toutefois, on ne pousserait aucun cri si on ne l’aimait. Ce sont là, mes frères, les spectacles invisibles que Dieu nous présente. De quelle beauté l’idée seule de la paix n’a-t-elle point frappé vos cœurs ? Que dire encore dola paix, et comment la louer ? Votre allégresse a dépassé toutes mes paroles. Je n’achève point, je ne saurais, je suis trop faible. Remettons donc l’éloge de la paix, jusqu’à ce que nous soyons dans la patrie de la paix. C’est là que nous pourrons la louer plus pleinement, en jouir plus pleinement. Si nous l’aurions ainsi quand elle commence, quelles louanges lui donner quand elle sera parfaite ? Jugez-en vous-mêmes, ô fils bien-aimés, fils de la paix, citoyens de Jérusalem, car Jérusalem est la vision de la paix ; et tous ceux qui aiment la paix sont bénis dans son enceinte, ils peuvent y entrer et les portes se ferment, et les barrières sont consolidées. Cette paix dont le nom seul fait éclater votre amour, cultivez-la, recherchez-la sincèrement ; aimez-la dans vos maisons, aimez-la dans vos affaires, aimez-la dans vos Épouses, aimez-la dans vos enfants, aimez-la dans vos serviteurs, aimez-la dans vos amis, aimez-la dans vos ennemis. 16. Telle est la paix que n’ont point les hérétiques. Quelle est l’œuvre de cette paix, dans les perplexités de ce monde, dans l’exil de notre mortalité, où nul n’est connu d’un autre, ou nul ne connaît le cœur de son voisin ? Que fait la paix ? Elle ne juge pas de ce qui est incertain, et n’affirme rien d’inconnu. Elle est plus inclinée à croire le bien d’un homme, qu’à en soupçonner le mal. Elle ne s’afflige point de s’être trompée en croyant bon l’homme qui est méchant ; mais elle se croit coupable d’avoir cru au mal chez l’homme de bien. Je ne le connais point, dit-elle, que perdrai-je à croire qu’il est bon ? Si cela est incertain, il est permis d’agir avec précaution, car peut-être n’est-ce pas vrai ; mais garde-toi de condamner comme si tu étais certain. C’est le précepte de la paix. « Cherche la paix », dit le Prophète, « et poursuis-la ap ». Que dit l’hérésie au contraire ? Elle condamne sans connaître, et condamne le monde entier ; tout le monde a péri, il n’y a plus un seul chrétien, l’Afrique seule est demeurée. Bien jugé. Mais de quel tribunal peux-tu condamner le monde entier ? Sur quel forum le monde a-t-il comparu devant toi ? Que l’on ait s’en rapporte pas à moi, j’y consens ; mais pas à toi non plus. Qu’on en croie au Christ, à l’Esprit de Dieu, qui a parlé par les Prophètes, qu’on en croie à la loi de Moïse. Qu’a dit Moïse des temps futurs qui sont les nôtres ? « En ta postérité », fut-il dit à Abraham, « toutes les nations seront bénies aq ». As-tu des doutes sur cette race d’Abraham ? Il n’y a plus de doute à conserver quand l’Apôtre a parlé ; ou si tu n’en crois point à l’Apôtre, pourquoi dire : La paix, la paix, quand il n’y a point de paix ar ? Que dit l’Apôtre ? « Les promesses de Dieu sont faites à Abraham et à sa postérité. L’Écriture ne dit point : « Et à ceux qui naîtront de lui, comme s’ils eussent dû être plusieurs ; mais comme en parlant d’un seul, elle dit : Et à celui qui naîtra de toi, qui est le Christ as ». Il y a des milliers d’années qu’il fut dit à Abraham : « Les nations seront bénies en ta postérité ». Or, ce qui a été prédit il y a tant de siècles, et ce qu’un seul a cru, nous le voyons accompli aujourd’hui. D’un côté nous lisons la promesse, de l’autre nous voyons l’accomplissement, et tu viens à la traverse résister à la vérité ? Que vas-tu dire ? Garde-toi de croire. De croire à qui ? À l’esprit de Dieu ? A Dieu qui parle à Abraham ? À qui croirai-je alors ? À toi ? Ce n’est point là ce que je dis, répondras-tu. Tu ne le dis point ? Comment, tu ne dis pas : Crois-en plutôt à moi qu’à l’Esprit. Saint, qu’à Dieu qui s’adresse à Abraham ? Que viens-tu me dire alors ? Tel a livré les livres saints, tel autre encore les a livrés. Est-ce un passage de l’Évangile que tu rapportes là, ou des Apôtres, ou des Prophètes ? Examine toutes les Écritures, et lis-moi cette parole, dans ceux en qui repose ma foi ; car je ne crois pas en toi. Où donc liras-tu cela ? C’est ce que m’a dit mon père, me répond-il, ce que m’a dit mon aïeul, mon frère, mon évêque. Mais voici la parole du Seigneur à Abraham : « Les nations seront bénies en celui qui naîtra de toi ». Un seul homme entendit cette parole et y crut, et après de longs siècles, elle s’accomplit dans des millions d’hommes. On croit à cette promesse, quand elle se fait, et on en doute quand elle s’accomplit ? Voilà donc ce qu’a dit Moïse ; donnons maintenant la parole aux Prophètes. Vois le prix de notre rédemption : le Christ suspendu à la croix. Considère le prix qu’il donne, et tu comprendras ce qu’il achète. Il veut faire un achat, et tu ne sais encore quel achat ; vois alors, vois la grandeur du prix, et tu comprendras l’importance de l’achat. Il répand tout son sang, c’est au prix de son sang qu’il achète, du sang de l’Agneau sans tache, du sang du Fils unique de Dieu. Que peut-on donc acheter au prix du sang du Fils unique de Dieu ? Encore une fois, considère à quel prix. Longtemps avant l’accomplissement, le Prophète a dit : « Ils ont percé mes « mains et mes pieds, ils ont compté tous mes os ». Je vois la grandeur du prix, ô Christ, faites que je voie aussi ce que vous avez acheté : « Toutes les extrémités de la terre s’en souviendront, et se tourneront vers le Seigneur ». Dans le même psaume, je vois tout ensemble et l’acheteur, et le prix, et la possession. Cet acheteur c’est le Christ, le prix est son Sang, et la possession, l’univers entier. Écoutons les paroles du Prophète, qui contredisent les chicanes des hérétiques. Voilà ce que possède mon Dieu. Je lis son droit dans le psaume : « Ils en garderont la mémoire, et tous les confins de la terre se tourneront vers le Seigneur, toutes les familles de la terre se prosterneront en sa présence at ». L’Acheteur est donc le Christ, et non l’apostat Donat. « Ils l’adoreront ». Très-bien : « Toutes les familles de la terre se prosterneront en sa présence ». Pourquoi très bien ? « Parce que l’empire est au Seigneur, et il dominera sur toutes les nations ». Voilà ce qu’on lit dans Moïse, dans les Prophètes, et mille autres témoignages semblables. Qui pourrait compter les passages de l’Écriture au sujet de l’Église qui sera répandue dans toute la terre ? Qui les comptera ? Il y a moins d’hérésies contre l’Église, que la loi n’a de témoignages en sa faveur. Quelle page ne dit point son triomphe ? Quel verset ne l’a point consigné ? Tout parle de concert en faveur de cette unité, qui est au Seigneur, parce qu’il a mis la paix dans les confins de Jérusalem. Et c’est contre tout cela que tu viens aboyer, ô hérétique ? C’est avec raison que l’on applique à cette cité sainte ce mot consigné dans l’Apocalypse : « Loin d’ici les chiens au ». C’est contre tout cela que tu viens aboyer. Comme je le disais tout à l’heure, oses-tu bien condamner le monde entier ? Quel est ton tribunal, sinon la présomption de ton cœur ? Tribunal bien haut sans doute, mais ruineux. Voilà ce qu’a dit Moïse, ce qu’ont dit les Prophètes ; et des hommes qui veulent passer pour chrétiens ne le croient pas encore. 17. Le mauvais riche était dans les tourments de l’enfer, et l’ardeur des flammes lui fit désirer qu’une goutte d’eau tombât du doigt du pauvre qu’il avait autrefois méprisé à sa porte. Comme ce rafraîchissement lui était refusé, puisqu’on doit « juger sans miséricorde celui qui n’aura point fait miséricorde av », comme donc on le lui refusait « Père Abraham », s’écrie-t-il, « envoyez Lazare dans la maison de mon père, où j’ai cinq autres frères ; qu’il leur dise combien je souffre, afin qu’ils ne viennent point aussi dans ce lieu de tourments ». Que répond Abraham ? « Ils ont Moïse et les Prophètes ». Et celui-ci : « Mon père Abraham, mais si quelqu’un ressuscitait d’entre les morts, ils le croiraient ». Et Abraham : « S’ils n’écoutent ni Moïse, ni les Prophètes ils ne croiront pas quand même quelqu’un ressusciterait d’entre les morts aw ». De qui dit-il, qu’« ils ont Moïse et les Prophètes ? » De ces frères assurément qui vivaient encore, qui avaient pour se corriger un long espace de temps, qui n’étaient point encore dans ces lieux de tourments. « Ils ont Moïse et les Prophètes, qu’ils les écoutent », dit Abraham. Ils ne croient point en eux, « mais ils croiraient si quelqu’un ressuscitait d’entre les morts. S’ils n’écoutent ni Moïse, mi les Prophètes, ils ne croiront pas même mi celui qui ressusciterait d’entre les morts ». C’est la décision d’Abraham. En quel endroit et de quel endroit Abraham l’a-t-il prononcée ? D’un certain lieu élevé, d’un lieu plein de repos et de joie. Que voyait en élevant les yeux cet infortuné qui souffrait dans l’enfer ? Il voyait aussi dans son sein, c’est-à-dire dans son secret, le pauvre qui tressaillait de joie. Voilà quel est ce tribunal. C’est là qu’habite le Seigneur, puisque Dieu habite dans les saints. Delà vient ce désir que l’Apôtre nous exprime ainsi : « Mourir pour être avec le Christ serait de beaucoup préférable ax ». Il fut dit aussi au bon larron : « Aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis ay ». C’est le Seigneur qui est avec Abraham et en Abraham qui a porté cette sentence : « Ils ont Moïse et es Prophètes ; s’ils ne les écoutent point, ils n’écouteraient point non plus celui qui ressusciterait d’entre les morts ». O hérétiques, vous avez ici Moïse et les Prophètes, et vous vivez encore, et vous pouvez encore écouter, et vous pouvez encore vous corriger, dompter votre fureur, et embrasser la vérité : examinez avec vous-mêmes s’il faut en croire Moïse et les Prophètes, qui ont rendu à leur foi de si grands témoignages, quand nous voyons les événements du monde arriver selon leurs prédictions. Pourquoi hésiter encore à en croire à Moïse et aux Prophètes ? Pourquoi cette hésitation ? Attendriez-vous par hasard qu’un homme ressuscité d’entre les morts s’en vienne vous parler de son Église ? C’est ce que voulait le mauvais riche dans l’enfer ; il voulait que l’on envoyât vers ses frères az quelqu’un d’entre les morts ; on le reprend de cette exigence parce que Moïse et les Prophètes devaient suffire à ses frères. Sa prière fut vaine, afin que cet exemple vous profitât, et que vous ne fussiez point tourmenté comme lui, pour avoir fait trop tard de vaines prières. Écoutez Moïse et les Prophètes. Que dit Moïse ? « Dans ta postérité seront bénies toutes les nations ba ». Qu’ont dit les Prophètes ? « Tous les confins de la terre se souviendront, et se tourneront vers le Seigneur bb ». Et tu viendras me dire encore qu’un homme se lève d’entre les morts, je ne croirai que quand on viendra de là me parler ! Bénie soit votre miséricorde, ô mon Dieu ! vous avez voulu mourir, afin qu’un homme se levât des morts, et cet homme n’est point un homme quelconque, mais c’est la Vérité qui est sortie des enfers. Il pourrait dire la vérité sur les effets, sans être sorti des enfers ; et néanmoins, à cause de ces voix méchantes et ignorantes, il a voulu mourir et se lever d’entre les morts. Que dis-tu, ô hérétique, que dis-tu ? J’écouterai tes raisons, tu n’a plus d’excuses ; quand tu aurais les exigences du riche dans les enfers, voilà que le Christ est ressuscité d’entre les morts ; daigneras-tu l’écouter lui-même ? Tu as conçu en ta vie le désir de ce riche après sa mort, et voilà que le Christ est revenu des enfers ; ce n’est ni ton père, ni ton aïeul, ils ne sont point ressuscités des morts, ceux qui ont accusé je ne sais qui d’entre nous d’avoir livré les saints livres. Mais accordons qu’ils n’aient point calomnié, qu’ils aient dit vrai. Veux-tu savoir combien cela m’importe peu ? Écoutons ensemble ce qu’a dit celui qui est ressuscité d’entre les morts. À quoi bon tant discourir ? Écoutons, ouvrons l’Évangile, lisons ce qui s’est fait comme s’il s’accomplissait maintenant : remettons sous nos yeux le passé afin de nous mettre en mesure contre l’avenir. Voilà que le Christ ressuscité d’entre les morts se montre à ses disciples. Voici ses noces, il est l’Époux, l’Église et l’Épouse. Cet Époux que l’on disait mort, exterminé, anéanti, est ressuscité plein de vie, le voilà qui se montre aux yeux des disciples, qui se laisse toucher de leurs mains, ils touchent en effet ses plaies, ses meurtrissures qui leur avaient fait perdre l’espérance. Il se fait voir à leurs yeux, et en le touchant des mains ils le prennent pour un esprit, car ils ont perdu tout espoir qu’il pût être sauvé. Il les exhorte, les affermit dans la foi « Touchez et voyez, car un esprit n’a ni chair, ni os, comme vous voyez que j’en ai » bc. Ils le touchent, ils sont dans la joie, dans l’étonnement. « Comme ils étaient encore dans le trouble de la joie », est-il écrit dans l’Évangile. Quelquefois on ne croit que difficilement ce qui donne de la joie, quelle qu’en soit la certitude. Un certain doute qui nous rend tardifs à croire assaisonne le bonheur qui nous vient alors. Plus nous avons désespéré de ce qui nous arrive, plus notre bonheur est grand ; et ce fut pour rendre leur bonheur plus doux et plus grand que le Sauveur ne voulut pas être connu tout d’abord. Il ferma les yeux de ces deux disciples qu’il rencontra parlant ensemble de leur peu d’espérance et se disant : « Nous espérions qu’il serait le Rédempteur d’Israël ». Ils l’avaient pensé, et ne le pensaient déjà plus. L’espérance n’était plus en eux, et le Christ était avec eux ; mais pour se rendre à eux, et leur ramener l’espérance. Ce fut donc seulement après, et quand ils l’eurent reconnu à la fraction du pain, qu’il se montra aux autres disciples qui le prenaient pour un esprit, qu’il leur dit : « Touchez et voyez, car un esprit n’a pas de chair et d’os, comme vous voyez que j’en ai ». Et comme la joie les troublait : « Avez-vous, ajouta-t-il, quelque chose à manger ? Il prit ce qu’ils présentèrent, le bénit, en mangea, et leur en donna ». Il parut alors qu’il avait réellement un corps, et toute crainte d’erreur disparut aussitôt. Que fit-il ensuite ? « Ne saviez-vous donc pas qu’il fallait que s’accomplît en moi tout ce qui est écrit à mon sujet dans la loi de Moïse, dans les Prophètes et dans les Psaumes ? » Or, comme ils croyaient aux Prophètes et à Moïse ; car il est vrai de dire avec Abraham : « S’ils n’en croient point à Moïse et aux Prophètes, ils n’en croiront point à celui qui ressusciterait d’entre les morts » ; comme ils en croyaient à Moïse et aux Prophètes, et n’étaient point de ceux que reprend Abraham, ils écoutèrent ce que dit le Seigneur : « Ne saviez-vous pas qu’il fallait que s’accomplît en moi ce qui est écrit à mon sujet dans la loi de Moïse, dans les Prophètes et dans les Psaumes ? » Les voilà qui en croient à Moïse et aux Prophètes, voyez comment sur leur témoignage ils croient à celui qui est ressuscité d’entre les morts. « Alors il leur ouvrit l’intelligence, afin qu’ils comprissent les Écritures, et il leur dit : Il fallait, selon qu’il est écrit, que le Christ souffrit et qu’il ressuscitât d’entre les morts le troisième jour ». 18. Tu vois déjà l’Époux de l’Église. Ni Moïse, ni les Prophètes, n’ont gardé le silence à propos du Christ qui devait ressusciter le troisième jour, qui devait souffrir. On nous a décrit l’Époux afin de nous faire éviter toute erreur. Mais parce que nous n’avons aucune erreur à propos de l’Époux, il s’est trouvé certains hommes qui semblent croire ce que nous croyons au sujet de l’Époux, et qui nous viennent dire, pour nous séparer de ses membres : Sans doute, le même Époux que vous croyez est le même que nous croyons ; mais l’Épouse n’est point cette Église dont vous êtes les membres. Quelle est donc cette Épouse ? C’est le parti de Donat. Voilà ton affirmation, mais est-ce bien toi qui parles, ou bien est-ce l’Époux ? Est-ce toi qui le dis, ou Dieu qui l’a dit par Moïse ? Moïse me montre l’Église ; car Moïse a dit : « Toutes les nations seront bénies en ta postérité ». Est-ce toi qui le dis, ou l’Esprit de Dieu par les Prophètes ? Les Prophètes me montrent l’Église, car un Prophète m’a dit : « Toutes les nations de la terre se souviendront du Seigneur, et se tourneront vers lui ». J’ai donc pour moi le témoignage de la loi et des Prophètes ; écoutons encore celui qui est ressuscité d’entre les morts. Il montre qu’il est l’Époux, nous en avons la certitude. Il nous en a convaincus par des témoignages visibles. Car Moïse et les Prophètes avaient dit que de « Christ devait souffrir, et se lever d’entre les morts ». Ces paroles nous indiquent l’Époux à vous et à moi ; et dès lors ces paroles t’amèneront à croire à Moïse et aux Prophètes : croyons de même en celui qui est ressuscité d’entre les morts. Qu’il continue donc et dise : Seigneur, c’en est fait, je crois que le Christ est l’Époux. Que nul ne me sépare des membres de votre Épouse, car si je ne faisais partie de ses membres vous ne seriez point ma tête, Parlez-moi aussi de votre Épouse ; car je ne doute plus de l’Époux. Écoute ce qui est dit de l’Église ; voilà que l’Époux continue en disant que l’on doit « prêcher en son nom la pénitence et la rémission des péchés ». Rien de plus vrai ; la pénitence et la rémission des péchés sont prêchées en son nom. Mais où ? Ici, disent les uns ; là, disent les autres. Mais lui, que dit-il ? « Ne les croyez point : il s’élèvera de faux Christs et de faux Prophètes, qui diront : C’est ici, c’est là bd ». Ce n’est point du chef qu’ils disent : « c’est ici, c’est là » ; on sait que le Christ est dans le ciel, mais c’est de l’Église en laquelle est le Christ qui a dit : « Voilà, je suis avec vous jusqu’à la consommation des siècles be ». Or, le Seigneur a dit : « Ne les croyez point ». Dire en effet : « C’est ici, c’est là », c’est vous montrer des parties ; or, j’ai acheté le tout. Que l’Évangile me tienne encore ce langage : Dites cela vous-mêmes dans l’Évangile, vous Seigneur, qui êtes ressuscité d’entre les morts, afin qu’ils croient aussi en vous, ceux qui croient à Moïse et aux Prophètes ; dites-moi cela vous-même. Je vous écoute. « Il fallait que le Christ souffrît et ressuscitât le troisième jour, et qu’en son nom la pénitence et la rémission des péchés fussent prêchées parmi toutes les nations, en commençant par Jérusalem bf ». Que vas-tu répondre, ô hérétique ? Quand je citais Moïse, quand je citais les Prophètes, tu en appelais à celui qui devait ressusciter d’entre les morts. Voilà qu’il est ressuscité, qu’il a parlé ; l’Église du Christ, l’Épouse du Christ n’est pas plus douteuse que n’est douteux le corps du Christ que voyaient, que touchaient ses disciples. Celui qui est ressuscité d’entre les morts nous a montré l’un et l’autre ; il nous a montré la tête, montré les membres, montré l’Époux et montré l’Épouse. Ou crois ces deux articles avec moi, ou n’en crois qu’un seul, mais pour ta damnation. Crois-tu, en effet, qu’il se soit levé d’entre les morts, et levé dans le même corps ? C’est bien ; puisqu’il a montré ses meurtrissures, puisqu’il s’est montré tel qu’il a été à la croix, et au sépulcre, tu as raison de croire ; écoute la parole de celui en qui tu as mis ta foi : « Il faut que la pénitence et la rémission des péchés soient prêchées en son nom ». Où prêchées ? Dans l’étendue des terres. Si je parlais ainsi moi-même, dans ma polémique, dans ma lutte contre les hérétiques, dans mes conflits sur une telle question, je ne pourrais parler contre les hérétiques d’aujourd’hui avec autant de précision que le Christ contre ceux de l’avenir. Que veux-tu de plus ? Où prêche-t-on la rémission des péchés au nom du Christ ? Où ? « Dans toutes les nations ». À Partir d’où ? « A partir de Jérusalem ». Entre dans la communion de cette Église. Pourquoi disputer encore ? C’est dans la Jérusalem de la terre que l’Église a pris naissance, afin de se réjouir en Dieu dans la Jérusalem céleste. Elle commence à l’une pour se terminer à l’autre. Elle sera tout entière dans la Jérusalem du ciel, mais c’est dans celle de la terre qu’elle a commencée à croire. 19. Vois dans les Actes des Apôtres, si je ne me trompe, comment les disciples étaient assemblés à Jérusalem, quand le Saint-Esprit descendit. Tu comprendras alors le sens de cette parole : « A partir de Jérusalem », quand tu verras ces mêmes hommes sur qui le Saint-Esprit est descendu bg parlant toutes les langues. Pourquoi ne veux-tu point parler la langue de tous les peuples ? Voilà bien que toutes les langues se font entendre, ô Jérusalem. Pourquoi celui qui reçoit maintenant le Saint-Esprit ne parle-t-il point toutes les langues ? C’était alors le signe que le Saint-Esprit descendrait sur les hommes, et qu’ils parleraient la langue de tous. Que vas-tu répondre, ô hérétique ? Que l’on ne donne plus l’Esprit-Saint. Je ne demande pas où on le donne, mais le donne-t-on ? Si on ne le donne point, que prétendez-vous faire, en parlant, en baptisant, en bénissant ? Que faites-vous ? d’inutiles cérémonies ? Diras-tu qu’on le donne ? Alors pourquoi ceux qui le reçoivent ne parlent-ils point toutes les langues ? Le don de Dieu est-il en défaut, son fruit a-t-il diminué ? L’ivraie a poussé sans doute, mais aussi le froment. « Laissez croître l’une et l’autre jusqu’à la moisson bh ». Le Sauveur n’a point dit : Que l’ivraie croisse, et que le froment diminue ; ils croissent l’un et l’autre. Pourquoi le Saint-Esprit ne se fait-il point voir dans le don des langues ? Que dis-je ? il se montre maintenant dans toutes les langues ; l’Église alors n’était point répandue par toute la terre, de manière que ses membres pussent parler chez tous les peuples. Dieu alors accomplissait dans un seul homme ce qui était annoncé pour tous. Aujourd’hui le corps du Christ parle toutes les langues, et il parlera celles qu’il ne parle pas encore ; car l’Église croîtra jusqu’à ce qu’elle occupe toutes les langues du monde. Quel n’est point l’accroissement de cette Église que vous avez abandonnée ! Possédez avec nous ce qu’elle possède, afin d’arriver avec nous jusqu’où elle doit s’étendre. Je parle toutes les langues, et j’ose bien vous dire : Je suis parmi les membres du Christ, dans l’Église du Christ ; si le corps de Jésus-Christ parle toutes les langues, je suis aussi dans toutes les langues ; je parle grec, je parle syriaque, je parle hébreux, je parle la langue de tous les peuples, parce que je suis dans l’unité de tous les peuples. 20. L’Église donc, mes frères, a commencé par Jérusalem, pour se répandre dans toutes les contrées. Qu’y a-t-il de plus clair que ces témoignages de la loi, des Prophètes, et du Seigneur lui-même ? Partout retentissent les voix des Apôtres qui rendent témoignage à notre espérance dans l’unité du corps de Jésus-Christ. Tressaillez d’être parmi le froment, supportez l’ivraie, gémissez sous le fléau, aspirez au grenier. Viendra le temps où nous nous réjouirons dans Jérusalem, dont Dieu aura fortifié les barrières. Qu’il entre, celui qui doit y entrer. Quiconque doit y entrer au grand jour, n’entre point ici sous un déguisement. Celui qui entre ici à la dérobée, demeure au-dehors ; le voilà dehors, sans le savoir : le van le lui montrera, les serrures le lui apprendront. Quiconque est maintenant à l’intérieur, vraiment à l’intérieur, y sera là d’une manière inébranlable ; celui qui est ici-bas à l’intérieur, et en souffrance, y sera là dans la joie. Car les confins de Jérusalem sont la paix, puisque Dieu u a établi la paix « sur ses frontières ». Nous aspirons maintenant à la paix que nous ne possédons qu’en espérance. Qu’est-ce, en effet, que cette paix que nous avons en nous-mêmes ? « La chair conspire contre l’esprit, et l’esprit contre la chair bi ». Est-il un seul homme pour jouir d’une paix parfaite ? Or, quand un seul homme aura la paix parfaite, elle sera parfaite aussi pour tous les citoyens de Jérusalem. Or, quand sera-t-elle parfaite ? Quand ce corps corruptible sera revêtu d’incorruption, ce corps mortel, revêtu d’immortalité bj ; nous aurons alors une paix entière, une paix parfaite ; rien dans l’homme ne se soulèvera contre l’âme, ni elle-même contre elle-même, puisqu’elle ne sera plus meurtrie ; elle ne souffrira ni de la fragilité de la chair, ni des nécessités du corps, ni de la faim, ni de la soif, ni du froid, ni de la chaleur, ni de la fatigue, ni de l’indigence, ni d’aucune querelle, ni même des soucieuses précautions d’éviter un ennemi et de l’aimer. Tout cela, en effet, mes frères, conspire contre nous-mêmes ; la paix est loin d’être entière, d’être parfaite. Ces cris que vous poussiez tout à l’heure, au nom de la paix, viennent du désir que vous en avez : c’est le cri d’une âme qui a besoin, mais non qui est satisfaite ; car la justice ne sera parfaite qu’avec la paix parfaite. Maintenant nous avons faim et soif de la justice « Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, parce qu’ils seront rassasiés bk ». Comment seront-ils rassasiés ? Quand nous jouirons de la paix. C’est pourquoi, après ces paroles : « Il a établi la paix dans tes confins » ; le Prophète ajoute : « Et il te rassasie de froment », parce que nous serons rassasiés sans éprouver aucun besoin. 21. Comme cette paix dont nous parlons, mes frères, n’est pas complètement en nous, c’est-à-dire n’est point parfaite en chacun de nous, peut-être votre âme se plaît-elle à nous écouter encore ; et pourtant, bien que le corps ne s’y refuse point, nous finirons le psaume. Je ne vous vois jamais fatigués, et néanmoins, Dieu le sait, je crains de vous être à charge ou à quelques-uns de nos frères : j’en vois plusieurs d’entre vous qui exigent de moi ce travail, et j’ai cette confiance dans le Seigneur, que mes sueurs ne seront point sans fruit. J’éprouve une grande joie, en vous voyant goûter dans la parole de Dieu un tel plaisir, que cette ardeur louable du bien, et qu’enfante le bien, l’emporte sur l’ardeur des insensés qui sont dans – l’amphithéâtre. Y pourraient-ils demeurer debout aussi longtemps ? Écoutons donc le reste, mes frères, puisque tel est votre désir. Que le Seigneur me vienne en aide, qu’il soutienne mon esprit et mes forces. Le Prophète, s’adressant à la Jérusalem du ciel, lui dit : « Il a établi la paix dans tes confins, et il te rassasie de la moelle du froment ». La faim et la soif de la justice passeront, et nous serons rassasiés. Quelle sera en effet la moelle du froment, sinon le pain qui est descendu du ciel vers nous bl ? Comment nous rassasiera-t-il dans la patrie, celui qui nous a ainsi nourris dans notre exil ? 22. Le Prophète va nous entretenir de cet exil, d’où nous passons à cette Jérusalem, où nous chanterons le Seigneur tous ensemble, où nous bénirons le Seigneur notre Dieu, nous qui serons Jérusalem et Sion, quand les serrures de nos portes seront consolidées. Que fait pour nous, dans cet exil, celui qui nous rassasiera de la moelle du froment ? Il fait ce qui suit : « Il envoie son Verbe à la terre ». Nous sommes ici-bas dans le labeur, en butte à la fatigue, à la langueur, à la mollesse, à la tiédeur : quand nous serait-il possible de nous élever, jusqu’à nous rassasier de la moelle du froment, si Dieu n’envoyait son Verbe à cette terre, dont le poids nous accable, à cette terre qui nous empêche de retourner à la patrie ? Loin de nous abandonner au désert, il nous a envoyé son Verbe, il a fait pleuvoir la manne du ciel. « C’est lui qui a envoyé son Verbe à la terre ». Comment l’a-t-il envoyé ? quel est ce Verbe ? « Son Verbe court jusqu’à la rapidité ». Il ne dit point que ce Verbe est rapide, mais « qu’il court jusqu’à la vitesse même ». Comprenons, mes frères ; le Prophète ne pouvait choisir un terme plus propre. Avoir chaud, c’est l’effet de la chaleur ; avoir froid, l’effet du froid, et marcher rapidement, un effet de la rapidité. Mais qu’y a-t-il de plus chaud que la chaleur, qui échauffe tout ce qui est chaud, de plus froid que ce même froid que subit tout ce qui se refroidit, de plus rapide que cette rapidité que subit tout ce qui va rapidement ? On peut dire de beaucoup de choses qu’elles vont rapidement, les unes plus, les autres moins ; et une chose est plus rapide à mesure qu’elle participe plus à la rapidité. Plus sa part est grande, plus grande est sa rapidité ; moins sa part est grande, moins grande est sa rapidité. Dès lors, quoi de plus rapide que la rapidité elle-même ? Comment donc se répand cette parole : « Jusqu’à la rapidité ? » Renchéris autant qu’il te plaira sur la rapidité du Verbe ; dis, si tu le veux, qu’il est plus rapide que tel ou tel objet, plus rapide que les oiseaux, que les vents, que les anges. Y a-t-il rien qui s’élance avec rapidité, comme la rapidité elle-même ? « Jusqu’à la rapidité », dit le Prophète. Qu’est-ce, mes frères, que la vitesse ? Elle est partout, et n’est point dans quelque partie séparée. Or, c’est le propre du Verbe de Dieu, de n’être point dans quelque partie séparée, d’être partout le Verbe et par lui-même, d’être le vertu de Dieu et la sagesse de Dieu bm avant d’avoir pris notre chair. Si nous nous représentons Dieu dans la forme de Dieu, le Verbe est égal au Père ; il est cette sagesse dont il est dit : « La sagesse atteint d’une extrémité à l’autre avec force bn ». Quelle vitesse ! « Elle atteint d’une extrémité à l’autre avec force ». Mais c’est peut-être sans se mouvoir qu’elle y atteint. Si elle ressemblait à un vaste bloc de pierre qui occupe un espace, on dirait qu’elle atteint d’une extrémité à l’autre de cet espace, et sans mouvement. Que disons-nous donc ? Ce Verbe est-il sans mouvement, et cette sagesse est-elle stupide ? Que devient alors ce qui est dit de l’Esprit de sagesse ? Car au nombre des qualités qu’on lui donne, il est écrit qu’il est « délié, mobile, certain, incorruptible bo ». Donc la sagesse de Dieu est mobile. Si donc elle a de la mobilité, quand elle touche un objet, n’en touche-t-elle pas un autre ? ou abandonne-t-elle celui-là pour toucher celui-ci ? Où serait alors la vitesse ? Car telle est la vitesse, qu’elle est partout en tout lieu, et renfermée nulle part. Mais pour élever jusque-là nos pensées, nous avons trop de lenteur dans l’esprit. Qui peut concevoir ces choses ? J’en ai dit, mes frères, ce que j’ai pu, si tant est que j’y aie pu comprendre quelque chose, et vous avez compris comme vous l’avez pu. Mais que dit l’Apôtre ? « Gloire à celui qui peut faire au-delà de ce que nous demandons, ou de ce que nous pouvons comprendre bp ». Que veut-il nous montrer par là ? Que toutes les fois que nous comprenons une chose, nous ne la comprenons pas telle qu’elle est. Pourquoi ? C’est que « le corps corruptible appesantit l’âme bq ». Donc sur la terre nous demeurons froids, tandis que la vitesse n’est que chaleur ; que tout ce qui a plus de chaleur a plus de vitesse, comme tout ce qui est plus froid est aussi plus pesant. Nous sommes lents, donc nous sommes froids. Quant à la sagesse, elle court jusqu’à la rapidité. Elle est donc toute de feu, et « nul ne se dérobe à sa chaleur br ». 23. Pour nous que le froid du corps a ralentis, qui ployons sous la chaîne de cette vie corruptible, n’avons-nous donc nulle espérance d’avoir notre part à ce Verbe qui court jusqu’à la vitesse ? Ou même nous aurait-il délaissés, quand le poids du corps nous entraîne si bas ? N’est-ce point ce même Verbe qui nous a prédestinés avant notre naissance en un corps lourd et mortel ? C’est donc celui qui nous a prédestinés qui a donné à la terre la neige, ou nous-mêmes. Arrivons à ces versets obscurs du psaume ; déroulons ces voiles qui les couvrent, puisque votre avidité pour la parole de Dieu s’accroît à mesure que nous vous parlons. Nous voici donc lents sur la terre, et en quelque sorte gelés ici-bas. Il en est de nous comme de la neige, qui gèle dans les hauteurs et descend en bas ; de même, à mesure que la charité se refroidit bs, la nature humaine descend sur cette terre, et sous l’enveloppe d’un corps tardif devient semblable à la neige. Mais dans cette neige il y a des fils prédestinés de Dieu. Car Dieu « donne la neige comme la laine ». Qu’est-ce à dire : comme la laine ? C’est-à-dire qu’il doit tirer parti de cette neige qu’il a donnée, de ces hommes froids et lents d’esprit qu’il a prédestinés. La laine est la matière d’un vêtement ; en voyant la laine on comprend qu’elle est destinée à vêtir. Donc parce que Dieu a prédestiné ceux qui pour un temps sont froids et rampent sur la terre, qui n’ont point encore la ferveur de l’esprit de charité (car le Prophète encore ici parle de prédestination), Dieu a fait de ces hommes une laine dont il se fera un vêtement C’est donc avec raison que, sur la montagne, les vêtements du Christ brillèrent comme la neige bt. La robe du Christ devint blanche comme la neige, comme si déjà il se fût fait une robe de cette neige qu’il a donnée comme la laine, ou de ceux qui languissaient encore, quoique prédestinés. Mais attendez quelque peu ; vois ce qui suit : Parce qu’il les a donnés comme la laine, il s’en fait un vêtement. On dit en effet de l’Église qu’elle est la robe du Christ, comme on dit qu’elle est le corps du Christ ; de là cette parole de l’Apôtre : « Afin de faire paraître devant lui une Église pleine de gloire, sans tache et sans ride bu ». Oui, qu’il montre devant lui une Église pleine de gloire, sans tache et sans ride ; qu’il se fasse une robe de cette laine, qu’il a prédestinée quand elle était neige encore. De ces hommes encore incrédules, froids et pesants, qu’il se fasse un vêtement, un vêtement de cette laine ; afin qu’il en lave les taches et la purifie par la foi ; et pour en effacer les rides, qu’il l’étende sur la croix. « Il donne la neige comme la laine ». 24. S’ils sont prédestinés, il faut qu’ils soient appelés. « Car il a appelé ceux qu’il a prédestinés bv ». Comment sont-ils appelés, et tirés de la langueur de ce corps dont ils font partie, pour recouvrer la santé ? Comment sont-ils appelés ? Écoute l’Évangile : « Ce ne sont point « les justes, mais les pécheurs, que je suis venu appeler à la pénitence bw ». Cette prédestination, quand il est neige encore, porte l’homme à connaître sa torpeur, à confesser son péché ; cette vocation l’amène à la pénitence. Dieu dès lors, « qui donne la laine comme la neige », pour s’en faire un vêtement, appelle aussi à la pénitence, et « répand les frimas comme la cendre ». Qui donc répand les frimas comme la cendre ? Celui qui donne la neige comme la laine. Il appelle à la pénitence les prédestinés, car ceux qu’il a prédestinés, dit l’Apôtre, il les a aussi appelés. Or, la cendre est le symbole de la pénitence. Écoute celui qui appelle à la pénitence, dans les, reproches qu’il fait à quelques villes : « Malheur à toi, Corozaïn ! « Malheur à toi, Bethsaïda ! Car si les prodiges accomplis au milieu de vous avaient été accomplis autrefois dans Tyr et dans Sidon, elles auraient fait pénitence dans le cilice et dans la cendre bx ». C’est donc lui qui répand les frimas comme la cendre. Qu’est-ce à dire, qu’il répand les frimas comme la cendre ? Quand on appelle un homme à connaître Dieu, et qu’on lui dit : Goûte la vérité, il commence à vouloir goûter cette vérité, mais il n’y suffit point, il se voit dans une obscurité qu’il ne remarquait point auparavant. Ce frimas ou brouillard t’apprend d’abord que tu ne sais rien, afin de t’apprendre ce qu’il faut savoir, et de te montrer que tu es trop faible pour comprendre ce qu’il est nécessaire de connaître. Car si, nonobstant ce brouillard, tu as la présomption de croire que tu sois quelque chose, l’Apôtre te dira : « Quiconque se flatte de savoir quelque chose, ne sait pas même comment il doit savoir by » Tu n’as donc rien compris encore, tu es encore dans le brouillard. Mais il ne t’abandonne pas, celui qui allume pour toi le flambeau de sa chair. Pour ne pas errer dans le brouillard, suis-le par la foi. Mais parce que tu essaies de voir sans en être capable encore, repens-toi de tes péchés ; voilà que le brouillard est répandu comme la cendre. Conçois enfin un repentir de ton obstination coutre Dieu, conçois un vif regret d’avoir suivi tes voies dépravées. Tu sens combien il est difficile d’arriver à la vision bienheureuse ; et il te deviendra salutaire, ce brouillard que Dieu répand comme la cendre. Tu es encore un brouillard, mais comme la cendre ; car les pénitents se roulent dans la cendre, témoignant ainsi, mes frères, qu’ils ressemblent à cette poussière, et disant à leur Dieu : « Je ne suis que cendre ». On lit en effet quelque part dans l’Écriture : « Je me suis méprisé, et j’ai rougi de moi, en me comparant à la boue et à la cendre bz ». Telle est l’humilité du pénitent. Quand Abraham parle à son Dieu, et qu’il veut qu’on lui découvre l’embrasement de Sodome : « Je ne suis », dit-il, « que terre et que cendre ca ». N’est-ce point toujours cette humilité que l’on retrouve dans les grandes âmes et dans les saints ? Donc le Seigneur répand le brouillard comme la cendre ; pourquoi ? « Parce qu’il appelle ceux qu’il a prédestinés cb, lui qui n’est point « venu pour appeler à la pénitence les justes, mais les pécheurs cc ». 25. « Il envoie son cristal comme des morceaux de pain ». Il n’est pas besoin de nous fatiguer encore à expliquer ce qu’est le cristal. Nous en avons dit un mot, que sans doute votre charité n’a point oublié. Que signifie donc : « Il envoie son cristal comme des morceaux de pain cd ? » De même que la neige vient de lui parce qu’elle désigne les prédestinés ; de même que le brouillard vient de lui, parce qu’il désigne ceux qu’il appelle à la pénitence après les avoir prédestinés ; ainsi le cristal lui appartient en quelque sorte. Qu’est-ce que le cristal ? Un corps très dur, fortement congelé, et qu’on ne saurait dissoudre facilement comme la neige. Cette neige de plusieurs années, durcie pendant de longs siècles, prend le nom de cristal ; et voilà ce que Dieu envoie comme des morceaux de pain. Que veut dire tout ceci ? Des pécheurs très endurcis ne sauraient plus être comparés à la neige, mais bien au cristal ; et toutefois ils sont prédestinés et appelés, quelques-uns même l’ont été de manière à nourrir les autres, à leur être utiles. Et qu’est-il besoin de vous citer ici tel ou tel que nous connaissons ? Chacun de vous peut se rappeler combien étaient endurcis, et se roidissaient contre la vérité quelques hommes qu’il a connus, et qui prêchent aujourd’hui cette même vérité ; les voilà devenus des morceaux de pain. Quel est ce pain unique ? « Quoique nous soyons plusieurs », dit l’Apôtre, « nous ne sommes qu’un en Jésus-Christ ce. Nous ne sommes tous qu’un seul pain, un seul corps cf ». Si donc le corps du Christ est un seul pain, ses membres sont des morceaux de pain. Il change en ses membres quelques cœurs endurcis, qu’il fait servir à la nourriture des autres. Pourquoi chercher si loin des exemples ? Il en est un bien connu, celui de l’apôtre saint Paul. Rien n’est plus connu que ce grand homme, rien de plus doux, rien de plus familier dans les saintes Écritures. S’il en est d’autres qui soient devenus du pain après avoir été endurcis comme lui, qu’au nom de saint Paul ils vous reviennent à la mémoire comme des exemples, afin d’expliquer le sens de cette parole : « Il envoie son cristal comme des morceaux de pain ». L’apôtre saint Paul était donc un cristal, un cristal dur, rebelle à la vérité, déclamant contre l’Évangile, comme pour s’endurcir contre le soleil. Il était dur ce nourrisson de la loi, disciple du docteur de la loi Gamaliel cg. Il n’écoutait ni Moïse, ni les Prophètes, qui annonçaient le Christ. Quelle dureté ! Les nations, il est vrai, n’écoutaient point les Prophètes, n’écoutaient point Moïse, elles étaient froides, mais n’étaient pas un cristal. Il était bien plus endurci, cet homme croyant aux paroles qui annoncent le Christ, et ne croyant point au Christ qu’il avait devant lui. Donc, parce qu’il était un cristal, il paraissait net et brillant, mais il était dur et fortement congelé. Comment paraissait-il net et brillant ? « Hébreu, et fils d’Hébreux, et Pharisien en ce qui regarde la loi ». C’est l’éclat du cristal. Vois maintenant combien il est dur « Quant au zèle pour le judaïsme, persécuteur de l’Église du Christ ch ». Il était, cet homme endurci, et plus endurci peut-être que tous les autres, il était parmi ceux qui lapidaient le martyr saint Étienne. Il gardait les habits de ceux qui le lapidaient, le lapidant ainsi par les mains de tous. 26. Nous comprenons donc, et la neige, et le brouillard, et le cristal : Dieu veuille souffler et les dissoudre. S’il ne le fait, s’il ne dissout lui-même une glace si dure, « qui pourra subsister sous la rigueur de son froid ? » En face de son froid ; du froid de qui ? de Dieu. D’où vient qu’il est le froid de Dieu ? Qu’il abandonne le pécheur, qu’il ne l’appelle point, qu’il ne lui ouvre point l’esprit, qu’il ne répande pas en lui sa grâce, que l’homme dissolve, s’il le peut, les glaces de sa folie. Il ne le peut. Pourquoi ne le peut-il ? « Qui pourra se maintenir en présence de son froid ? » Vois-le se durcir comme une glace, et dire : « Je sens dans mes membres une autre loi qui est contraire à la loi de l’esprit, et qui me retient captif sous la loi des péchés qui est dans mes membres. Malheureux homme que je suis, qui me délivrera du corps de cette mort ? » Voilà que le froid me saisit et me glace ; quelle chaleur viendra me délier, afin de prendre ma cause ? « Qui me délivrera du corps de cette mort ? Qui pourra se maintenir en présence de son froid ? » Qui pourra se délivrer si Dieu ne le délivre ? D’où vient la délivrance ? « De la grâce de Dieu par Notre-Seigneur Jésus-Christ ci ». Écoute la grâce de Dieu, dans notre psaume : « Il envoie son cristal comme des morceaux de pain : qui pourra se maintenir en présence de son froid ? » Faut-il donc désespérer ? Loin de là. Car le Prophète continue : « Il enverra son Verbe, qui va les dissoudre cj ». Arrière donc tout désespoir, et pour la neige, et pour le brouillard, et pour le cristal. La neige est en effet comme la laine dont on fait un vêtement. Le brouillard trouve le salut dans la pénitence ; puisque « Dieu appelle ceux qu’il a prédestinés ck ». Quel que soit l’endurcissement des prédestinés, bien que le temps ait endurci leur glace, et les ait changés en cristal, ils ne seront point trop durs pour la divine miséricorde. « Dieu enverra son Verbe, qui va les dissoudre ». Qu’est-ce à dire, « les dissoudre ? » Ne donnons pas à cette expression une interprétation défavorable, elle signifie que Dieu les fondra, les rendra liquides. C’est en effet l’orgueil qui les endurcit ; et l’on donne avec raison à l’orgueil le nom d’engourdissement ; car tout ce qui est engourdi est froid. Or, les hommes qui ont ressenti un froid vif nous disent tous les jours : Je suis engourdi. Donc l’orgueil est un engourdissement. « Dieu enverra son Verbe et les fera couler ». Et de fait, des amas de neige se liquéfient et s’abaissent sous l’action de la chaleur. Le froid donc élève un monceau de neige, et l’orgueil élève les insensés. « Dieu enverra son Verbe, et les rendra liquides ». Voilà donc Saul qui est un cristal endurci après la mort et la lapidation d’Étienne ; son endurcissement le rendit insensible contre le Christ, et il vient demander aux prêtres des lettres contre les chrétiens, ne respirant que le meurtre. Le voilà endurci, c’est un glaçon en face du feu de Dieu. Quels que soient néanmoins son endurcissement et sa glace, voilà que celui qui envoie son Verbe, et qui les rend liquides, s’écrie avec feu du haut du ciel : « Saul, Saul, pourquoi me persécuter cl ? » Parole unique, et néanmoins ce cristal si dur est dissous. « Il enverra son Verbe, et les rendra liquides ». Ne désespérons pas du cristal, encore moins de la neige, ou du brouillard, Non, que le cristal ne nous désespère point. Écoutez une parole de ce même cristal : « J’ai été d’abord blasphémateur, persécuteur, insulteur ». Mais pourquoi Dieu a-t-il liquéfié ce cristal ? Pour que la neige ne désespère point d’elle-même. Car le même cristal ajoute : « J’ai obtenu miséricorde, afin que le Christ fît éclater en moi toute sa patience, et que je servisse d’exemple à ceux qui doivent croire en lui pour la vie éternelle cm ». Tel est donc le cri de Dieu aux nations : J’ai fondu le cristal, venez, ô vous qui êtes la neige. « Il enverra son Verbe, et les rendra liquides, son esprit soufflera, et les eaux couleront ». Voilà que le cristal et les neiges se dissolvent, et s’en vont en eaux ; qu’ils viennent, ceux qui ont soif, et qu’ils boivent. Saul était dur comme le cristal, et il persécuta Étienne jusqu’à la mort ; et voilà que Paul, devenu eau vive, invite les nations aux véritables sources. « Son esprit soufflera, elles eaux couleront. C’est un esprit de chaleur, et de là vient cette parole d’un autre psaume : « Seigneur, changez notre captivité, comme les torrents au souffle du Midi cn ». Jérusalem captive à Babylone était gelée en quelque sorte au souffle du Midi ; cette glace de la captivité s’est fondue, et la ferveur de la charité s’est élancée vers Dieu. « Son esprit soufflera et les eaux couleront. Il se formera en eux une source d’eau qui jaillira jusqu’à la vie éternelle co ». 27. « Il annonce sa parole à Jacob, ses décrets et ses jugements à Israël cp ». Quels décrets et quels jugements ? Il déclare que toutes les douleurs endurées par les hommes, quand ils n’étaient que neige, ou frimas, ou cristal, est le juste châtiment de leur orgueil et de leur révolte contre Dieu, Remontons à l’origine de notre chute, et voyons combien le psaume a dit vrai quand il chante : « J’ai péché avant d’être humilié cq ». Mais celui qui dit : « J’ai péché avant d’être humilié », dit aussi « C’est pour mon bien que vous m’avez humilié, afin que j’apprenne les moyens de votre justice cr ». Ces moyens de justice, Dieu les a enseignés à Jacob, en mettant Jacob en lutte avec un ange ; et dans la personne de cet ange le Seigneur luttait lui-même. Jacob le retint, lui fit violence pour le retenir, et parvint à le retenir en effet. Dieu se laissa retenir par miséricorde, et non par faiblesse. Jacob lutta donc, et prévalut, et retint le Seigneur : et il pria celui qu’il semblait avoir vaincu, de le bénir cs. Quelle idée se faisait-il de cet adversaire contre qui il luttait, et qu’il retenait ? Pourquoi le retenir, et user ainsi de violence ? « C’est que le royaume des cieux souffre violence, et que les violents seuls peuvent le ravir ct ». Pourquoi donc lutter, sinon parce qu’il faut de grands efforts ? Pourquoi ne recouvrons-nous qu’avec peine ce que nous perdons si facilement ? C’est afin que cette peine à le recouvrer nous apprenne à ne point le perdre. Que l’homme donc s’efforce de conserver ; et il sera plus ferme à conserver ce qu’il n’aura recouvré qu’avec peine. Donc le Seigneur manifesta ses desseins à Jacob, à Israël ; et pour parler plus clairement, c’est par un juste décret du Seigneur que les justes doivent subir ici-bas les fatigues, les dangers, les chagrins et les douleurs. Celui-là seul peut dire qu’il a souffert sans sujet, bien que ce ne soit pas absolument sans sujet, puisque c’était pour nous, qui seul peut dire aussi : « Je payais ce que je n’avais point enlevé cu », qui seul peut dire : « Voici venir le prince de ce monde, et il ne trouvera rien en moi ». Comme si quelqu’un lui disait : Pourquoi donc souffrez-vous ? il ajoute : « Mais afin que tous comprennent que j’accomplis là volonté de mon Père, levez-vous, sortons d’ici cv ». Quant aux autres, qui souffrent tous pour leurs péchés, par un juste jugement de Dieu, et quand même ils souffriraient pour la justice, qu’ils ne s’arrogent pas l’honneur de souffrir innocemment comme le Christ. Écoute l’apôtre saint Pierre « Il est temps que le jugement commence par la maison du Seigneur ». Quand il exhorte les martyrs, les témoins de Dieu, à supporter avec patience les menaces et les fureurs du monde, il leur dit : « Il est temps que le jugement commence par la maison du Seigneur ; si donc il commence par nous quelle sera la fin de ceux qui ne croient point à l’Évangile ? Si le juste est à peine sauvé, où paraîtront le pécheur et l’impie cw ? Le Seigneur annonce à Jacob sa parole, ses décrets et ses justices à Israël ». 28. « Il n’a point traité ainsi toutes les nations ». Que nul ne vienne vous tromper ; on n’a prêché à aucun peuple ce secret de Dieu’ qui condamne à la douleur le juste et l’injuste, ni comment tous l’ont mérité, ni comment la grâce de Dieu délivre le juste, et non pas ses mérites. Que faisons-nous donc, si ce décret n’a été prêché à aucun peuple, mais seulement à Jacob, seulement à Israël ? Où serons-nous ? Dans Jacob, dans Israël. « Il ne leur a point manifesté ses jugements ». À qui ? À tous les peuples. Pourquoi toutes les neiges ont-elles été appelées après que le cristal a été fondu ? Comment toutes les nations ont-elles été appelées après que Paul a été justifié ? Comment, sinon afin qu’elles fussent dans Jacob ? On a coupé l’olivier sauvage pour le greffer sur l’olivier franc cx. Ils appartiennent maintenant à l’olivier ; on ne doit plus les nommer les nations, mais une seule nation en Jésus-Christ, la nation de Jacob, le peuple d’Israël. Pourquoi la nation de Jacob, la nation d’Israël ? Parce que Jacob est issu d’Isaac, et Isaac d’Abraham. Or, que fut-il dit à Abraham ? « En ta postérité seront bénies toutes les nations cy ». Cette même parole a été répétée à Isaac et à Jacob. Nous appartenons donc à Jacob, puisque nous appartenons à Isaac, nous appartenons à Abraham. Car la postérité d’Abraham, ce n’est ni moi qui le dis, ni aucun autre homme, c’est saint Paul qui le dit, cette postérité c’est le Christ. Et il ajoute : « L’Écriture ne dit point : Et dans ceux qui naîtront de vous, comme s’il y avait plusieurs ; mais elle dit, comme en parlant d’un seul : En celui qui naîtra de vous, et c’est le Christ cz ». Si donc il n’y a qu’une seule postérité, qu’un seul Jacob, qu’un seul Israël, tous les peuples ne sont qu’un seul peuple en Jésus-Christ. Ce que Dieu a révélé à Jacob et à Israël appartient donc aux nations : et l’on doit regarder comme appartenant aux autres peuples ceux-là seulement qui refusent de croire au Christ, refusent d’abandonner l’olivier sauvage et d’être entés sur l’olivier franc. Elles demeureront dans les forêts, ces branches amères et stériles. Mais que Jacob soit dans la joie. Qu’est-ce que Jacob ? Le supplantateur, car Jacob supplanta son frère da. « Une partie d’Israël est tombée dans l’aveuglement, jusqu’à ce que soit entrée la plénitude des nations db ». Jacob est donc devenu Israël. Qu’est-ce à dire Israël ? Écoutons ceci, nous tous qui sommes Israël, écoutons ; soit vous qui êtes ici parmi les membres du Christ, soit ceux qui sont au-dehors, sans être dehors néanmoins, soit ceux qui sont parmi les peuples, partout au-dehors et partout à l’intérieur. Qu’Israël écoute lui-même ce Jacob devenu Israël, Que signifie Israël ? Qui voit Dieu. Où verra-t-il Dieu ? Dans la paix. Dans quelle paix ? La paix de Jérusalem ; car c’est Dieu qui a établi tes confins dans la paix. C’est là que nous louerons le Seigneur, nous tous qui ne serons qu’un seul dans un seul et pour un seul, puisque désormais nous ne serons plus dispersés.
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