‏ 1 Corinthians 3

HOMÉLIE VIII.

AUSSI, MES FRÈRES, JE N’AI PU MOI-MÊME VOUS PARLER COMME À DES HOMMES SPIRITUELS, MAIS COMME À DES HOMMES CHARNELS, COMME À DE PETITS ENFANTS EN JÉSUS-CHRIST. JE VOUS AI NOURRIS DE LAIT, ET NON DE VIANDES SOLIDES, PARCE QUE VOUS N’EN ÉTIEZ PAS CAPABLES ; ET À PRÉSENT MÊME VOUS NE L’ÊTES PAS ENCORE, PARCE QUE VOUS ÊTES ENCORE CHARNELS. (CHAP. 3, VERS. 1, 2, JUSQU’AU VERS. 11)

ANALYSE.

  • 1. Que l’on peut encore n’être qu’un homme charnel tout en faisant des miracles.
  • 2. Qu’une vie vicieuse empêche de voir la vérité.
  • 3. Dans l’œuvre du salut les hommes ne sont rien, Dieu est tout.
  • 4. Nécessité de l’union immédiate avec Jésus-Christ. – Danger du désespoir qui est le propre de l’impie.
  • 5. Éviter avec soin les petites fautes, parce qu’elles conduisent aux grandes. – Combien la pénitence est rare.

1. Après avoir détruit la sagesse profane et abattu tout son orgueil, il passe à un autre sujet. Sans doute on lui aurait dit : Si nous prêchions la doctrine de Platon, de Pythagore ou de quelque autre philosophe, vous auriez raison de nous parler si longuement : mais comme nous annonçons celle de l’Esprit, pourquoi ces attaques acharnées contre la sagesse du dehors ? Écoutez comme il répond à ce reproche : « Aussi, mes frères, je n’ai pu moi-même vous parler comme à des hommes spirituels ». C’est-à-dire : quand vous seriez parfaits, même dans les choses spirituelles, il ne faudrait pas ainsi vous enorgueillir : car ce que vous annoncez n’est pas à vous, ni de votre invention ; vous ne le savez même pas comme il faut ; vous êtes des disciples et les derniers de tous. Si donc vous vous enflez de la sagesse profane, il est démontré qu’elle n’est rien, qu’elle nous est même contraire dans les choses spirituelles ; si vous vous enorgueillissez des choses spirituelles, vous n’en avez que la moindre partie et vous êtes au dernier rang. Aussi leur dit-il : « Je n’ai pu vous parler comme à des hommes spirituels ». Il ne dit pas : Je ne vous ai pas parlé de peur de paraître agir par jalousie ; mais il détruit de deux façons leur manière de penser : d’abord en leur prouvant qu’ils ne connaissent pas la perfection ; en second lieu, en leur montrant que c’est par leur faute ; et troisièmement, en leur faisant voir qu’ils n’en sont pas encore capables. Qu’ils ne l’aient d’abord pas pu, c’était peut-être dans la nature des choses ; quoique il ne leur laisse pas même ce moyen de défense. Car il ne leur dit pas qu’ils n’ont pas reçu ces enseignements sublimes parce qu’ils ne le pouvaient pas, mais parce qu’ils étaient charnels. Du reste, s’il s’agissait du commencement, il n’y aurait pas eu matière à grand reproche ; maïs après un si long espace de temps,.n’être pas encore arrivé à un état plus parfait, c’était l’indice d’une extrême lâcheté.

Il fait aussi ce même reproche aux Hébreux, mais non avec autant de force ; car il attribue chez eux le mal à la tribulation, et chez les autres au désir du mal ; deux choses fort différentes. Évidemment, il veut blâmer les Corinthiens, tandis qu’il ne cherche qu’à exciter les Hébreux en parlant selon la vérité. Aussi dit-il aux premiers : « À présent même vous n’en êtes pas capables » ; et aux seconds : « Laissant l’enseignement élémentaire sur le Christ, passons à ce qui est plus parfait » ; et encore : « Nous nous promettons de vous des choses meilleures et plus étroitement liées à votre salut, quoique nous vous parlions ainsi ». (Heb 6,1, 9) Et comment appelle-t-il charnels ceux qui avaient reçu un si grand Esprit, et qu’il avait d’abord comblés d’éloges ? Parce qu’ils étaient charnels aussi, ceux à qui le Seigneur disait : « Retirez-vous de moi ! Je ne vous connais pas, vous qui opérez l’iniquité » (Mat 7,23) ; et pourtant ils chassaient les démons, ressuscitaient les morts et démontraient les prophéties.

Ainsi on peut faire des miracles et être charnel. Ainsi Dieu a fait de Balaam son instrument, a révélé l’avenir à Pharaon et à Nabuchodonosor ; Caïphe a prophétisé, sans savoir ce qu’il disait ; quelques-uns ont même chassé les démons au nom du Christ, bien qu’ils ne fussent pas avec lui ; parce que ces prodiges se font pour les autres, et non pourl eurs auteurs. Souvent même ils se sont opérés par des instruments indignes. Et pourquoi s’étonner qu’ils s’opèrent pour les autres par des instruments indignes, quand ils se font aussi pour les autres par le moyen des saints ? « Tout est à vous », dit l’apôtre, « soit Paul, soit Apollon, soit Céphas, soit la vie, soit la mort ». (1Co 3,22) Et encore : « C’est lui qui a fait les uns apôtres, les autres prophètes, les autres pasteurs et docteurs pour la perfection des saints, pour l’œuvre du ministère ». (Eph 4,11-12) Autrement tous seraient perdus sans ressource. Car il arrive que les chefs sont mauvais et pervers, tandis que les sujets sont bons et sages ; que les laïques vivent dans la piété, tandis que les prêtres vivent dans la corruption ; et il n’y aurait eu ni baptême, ni corps du Christ, ni oblation par les mains de ceux-ci, si la grâce eût toujours dû les trouver, dignes. Mais maintenant encore Dieu agit par le moyen des indignes, et la grâce du baptême ne souffre point de la conduite du prêtre : autrement celui qui la reçoit, ne l’aurait pas tout entière. Bien que cela soit rare, cela arrive pourtant.

Je dis ces choses de peur que quelqu’un de ceux qui sont ici, s’informant trop curieusement de la vie d’un prêtre, ne se scandalise à l’occasion des mystères. Car l’homme n’y met rien ; tout est l’effet de la vertu de Dieu, et c’est lui qui vous initie. « Aussi, mes frères, je n’ai pas pu moi-même vous parler comme à des hommes spirituels, mais comme à des hommes charnels. Je vous ai nourris de lait ; mais non de viandes solides, car vous n’en étiez pas capables ». Pour ne pas paraître avoir parlé par ambition, quand il disait : « L’homme spirituel juge de toutes choses », et : « Il n’est jugé par personne », et encore : « Nous avons la pensée du Christ », comme aussi pour abattre leur orgueil, voyez ce qu’il dit : « Je ne me suis pas tu parce que je n’avais plus rien à vous dire, mais parce que vous êtes charnels. À présent même vous ne le pouvez pas encore ».

2. Pourquoi n’a-t-il pas dit : Vous ne voulez pas, mais : « Vous ne pouvez pas ? » C’est qu’il a mis l’un pour l’autre. En effet, on ne peut pas parce qu’on ne veut pas : c’est ce qui les accuse et excuse leur maître. Car si par nature ils n’eussent pas pu, peut-être auraient-ils été excusables ; mais ils agissent volontairement, ils sont donc inexcusables. Il indique ensuite de quelle manière ils sont charnels : « Car, puisqu’il y a parmi vous jalousie et esprit de contention, n’êtes-vous pas charnels, et ne marchez-vous pas selon l’homme ? » Bien qu’il eût pu leur parler de fornication et de libertinage, c’est cependant cet autre péché qu’il met en avant, celui qu’il a jusqu’alors cherché à corriger. Que si la jalousie rend charnel, nous n’avons tous qu’à pousser des cris, à revêtir le sac et à nous rouler dans la cendre. Car, si je juge des autres par moi-même ; qui est exempt de ce vice ? Si la jalousie rend charnel et ne permet pas d’être spirituel, quand même on prophétiserait où qu’on ferait d’autres miracles : que penser de nous qui ne sommes point honorés de telles grâces, alors que nous sommes convaincus d’avoir ce défaut et de plus grands encore ? Nous apprenons par là combien le Christ avait raison de dire : que celui qui fait le mal ne vient pas à la lumière (Jn 3,20) ; qu’une vie impure est un obstacle à la connaissance des vérités élevées, et obscurcit la vue de l’âme. De même qu’il n’est pas possible que celui qui est dans l’erreur et mène une conduite régulière, reste dans cette erreur ; ainsi celui qui vit dans le mal ne peut pas facilement s’élever à la hauteur de nos dogmes, et celui qui est à la recherche de la vérité doit être exempt de tout vice. En effet, celui qui est délivré de ses vices, le sera aussi de l’erreur et parviendra à la vérité. Ne vous imaginez pas qu’il suffise pour cela de n’être pas avare ou fornicateur ; il faut que tout se réunisse dans celui qui cherche la vérité. Aussi Pierre dit : « En vérité, je vois que Dieu n’a point fait acception de personne, mais qu’en toute nation celui qui le craint et pratique la justice lui est agréable » (Act 10,34-35). C’est-à-dire, que Dieu l’appelle et l’attire à la vérité. Ne voyez-vous pas Paul, le plus ardent des ennemis, le plus violent des persécuteurs ? Et pourtant comme il menait une vie irréprochable et qu’il n’agissait point par un motif humain, il a trouvé grâce et il a surpassé tous les autres.

Mais, dira-t-on, pourquoi tel et tel païen qui est bon, bienfaisant, plein d’humanité, reste-t-il dans l’erreur ? Je réponds : C’est qu’il a quelque autre vice, la passion de la vaine gloire, la lâcheté, ou qu’il ne s’inquiète point de son salut, mais se figure que toute sa destinée est1ivrée au hasard. Paul appelle irréprochable en tout, celui qui opère la justice ; « qui est conforme à la justice selon la loi » (Phi 3,6) ; et encore : « Je rends grâce à Dieu qu’à l’exemple de mes ancêtres, je le sers avec une conscience pure. ». (2Ti 1,3) Mais comment, direz-vous, ceux qui étaient impurs ont-ils été jugés dignes de la prédication ? Parce qu’ils ont voulu, parce qu’ils ont désiré. Dieu attire ceux qui sont dans l’erreur quand ils sont exempts de passions ; il ne repousse point ceux qui viennent d’eux-mêmes ; et beaucoup ont reçu de leurs ancêtres des traditions de piété. « Puisqu’il y a parmi vous jalousie et esprit de contention ». Il commence enfin à attaquer les inférieurs. Plus haut il a abattu les chefs en disant que la sagesse du langage n’a aucun prix ; maintenant il gourmande les inférieurs en disant : « Puisque l’un dit Moi je suis à Paul ; et l’autre : Moi je suis à Apollon, n’êtes-vous pas charnels ? » Il leur fait voir que par là, non seulement ils n’ont fait aucun profit, n’ont retiré aucun avantage, mais qu’ils ont au contraire retardé leurs progrès.

Et c’est là la source de la jalousie ; or, la jalousie les a rendus charnels ; et en devenant charnels, ils n’ont pu entendre de plus hautes vérités. « Qu’est donc Paul ? – Qu’est donc Apollon ? » Après les preuves et les démonstrations, ses reproches deviennent plus clairs et plus formels ; il se nomme lui-même, pour prévenir toute aigreur et les empêcher de se fâcher de ses paroles. Car si Paul n’est rien et ne se fâche pas, beaucoup moins doivent-ils s’irriter. Il les console de deux manières d’abord en se mettant lui-même en scène, ensuite en ne les dépouillant point absolument comme s’ils n’eussent contribué en rien ; il leur donne peu, mais enfin il leur donne quelque chose ; car après avoir dit : « Qu’est donc Paul ? Qu’est donc Apollon ? » il ajoute : « Des ministres par qui vous avez reçu la foi ». En soi, c’est quelque chose de grand, et qui mérite une grande récompense ; mais par rapport à l’archétype, à la racine de tout bien, ce n’est rien… Car le véritable bienfaiteur est celui qui accorde le bienfait, et non le ministre par qui il arrive. Il ne dit pas ; « Des évangélistes », mais : « Des ministres », ce qui dit davantage. Car ils ne nous ont pas seulement évangélisés, mais servis ; l’un consiste en paroles et l’autre en action. Or, si le Christ n’est simplement que le ministre du bien, et non sa racine et sa source, en qualité de Fils, voyez jusqu’où cela nous conduit.

3. Comment donc, direz-vous, Paul le nomme-t-il ministre de la circoncision ? (Rom 15,8) Il parle là, de dispensation selon la chair
Ou du mystère de l’Incarnation.
, et non dans le sens que nous venons d’exposer ; par ministre, il entend celui qui a complété le bienfait, et non celui qui l’a accordé de son fonds. Il ne dit pas : « Qui vous amènent à la foi, mais : « Par qui vous avez reçu la foi » ; leur accordant par là davantage, et faisant voir que les prédicateurs sont des ministres. Mais s’ils n’ont été que des ministres, comment s’attribuent-ils l’autorité ? Considérez qu’il ne les accuse point d’avoir usurpé l’autorité, mais de l’avoir cédée ; car la cause de la faute était dans le peuple ; si les uns se fussent tenus à l’écart, les autres se seraient désistés. Il prend donc, deux sages mesures pénètre là où il fallait détruire le mal, et il agit sans animosité, sans exciter davantage leur jalousie. « Selon le don que le Seigneur a départi à chacun ». Car ce faible avantage ne vient pas d’eux ; mais c’est un don de Dieu. De peur qu’ils ne disent : Quoi ! nous n’aimerons pas ceux qui nous servent ? vous les aimerez, répond-il, mais il faut savoir jusqu’à quel point : car ils n’ont rien d’eux-mêmes, tout leur vient de Dieu. « Moi, j’ai planté, Apollon a arrosé, mais Dieu a donné la croissance ». C’est-à-dire : J’ai le premier semé la parole ; de peur que la semence ne fût desséchée par les tentations, Apollon y a mis du sien, mais le tout a été l’œuvre de Dieu.

« C’est pourquoi ni celui qui plante n’est quelque chose, ni celui qui arrose ; mais « celui qui donne la croissance, Dieu ». Voyez comme il les console, de peur qu’ils ne s’aigrissent, en entendant dire : Qui est celui-ci ? qui est celui-là ? Car il ne leur était pas moins pénible d’entendre dire : Ni celui qui plante, ni celui qui arrose n’est quelque chose, que d’entendre dire : Qui est celui-ci ? qui est celui-là ? Mais comment les console-t-il ? En ce qu’il attire le mépris sur sa propre personne, quand il dit : « En effet, qu’est-ce que Paul ? qu’est-ce qu’Apollon ? » et aussi en ce qu’il rapporte tout au don de Dieu. Car après avoir dit qu’un tel a planté, et que celui qui plante n’est rien, il ajoute : « Mais celui qui donné la croissance, Dieu ». Il ne s’arrête même pas là ; il applique encore un autre remède en disant : « Or, celui qui planté et celui qui arrose sont une seule chose ». Son but est d’empêcher que l’un se glorifie vis-à-vis de l’autre. Il dit qu’ils sont une même chose, en ce sens qu’ils ne peuvent rien sans Dieu qui donne la croissance : Après avoir dit cela ; il ne permet pas même que ceux qui ont beaucoup travaillé se pavanent devant ceux qui ont moins travaillé, ni qu’ils aient de la jalousie les uns envers les autres. Et comme cette conviction que ceux qui avaient beaucoup travaillé ire faisaient qu’une seule chose avec ceux qui avaient moins travaillé, pouvait amener le relâchement, voyez quel correctif il y met, en disant : « Mais chacun recevra sa propre récompense selon son travail ». Comme s’il disait : Ne craignez point parce que j’ai dit qu’ils sont une seule chose : cela est vrai, si on les compare à l’œuvre de Dieu ; cela ne l’est plus, si on les juge d’après leurs travaux mais chacun d’eux recevra son propre salaire. Il prend même encore un largage plus doux, dès l’instant qu’il a atteint son but ; il est généreux là où il est permis de l’être : « Car nous sommes les coopérateurs de Dieu ; vous êtes le champ que Dieu cultive, l’édifice que Dieu bâtit ».

Voyez-vous quelle œuvre considérable il leur attribue, après avoir d’abord établi que tout appartient à Dieu ? Comme il recommande toujours d’obéir aux chefs, il ne les rabaisse pas trop. « Vous êtes le champ que Dieu cultive ». Ayant d’abord dit : « J’ai planté », il persiste dans sa métaphore. Or, si vous êtes le champ de Dieu, il est juste que vous portiez son nom, et non celui des laboureurs. En effet, un champ porte le nom de son propriétaire et non de celui qui le laboure. « Vous êtes l’édifice que Dieu bâtit ». La maison appartient au propriétaire, et non à l’ouvrier. Que si vous êtes un édifice, il ne faut pas vous diviser, mais vous faire un rempart de la concorde. « Selon la grâce que Dieu m’a donnée, j’ai, comme un sage architecte, posé le fondement ». Ici il s’appelle sage, non par vaine gloire, mais pour leur donner un modèle et leur montrer qu’il est d’un sage de ne poser qu’un seul fondement. Du reste, voyez sa modestie. S’il se dit sage, il ne permet pas qu’on le lui attribue ; il ne se donne ce nom qu’après s’être rapporté à Dieu tout entier : « Selon là grâce que Dieu m’a donnée, j’ai, comme un sage architecte, posé le fondement ». Il fait voir en même temps que tout appartient à Dieu, et que la grâce consiste surtout en ce qu’il n’y a pas de division, mais que tout reposé sur un seul fondement. « Un autre a bâti dessus ; que chacun donc regarde comment il y bâtira encore » Ici il me semble les engager à combattre pour régler leur conduite, puisqu’il les a unis en un seul corps. « Car personne ne peut poser d’autre fondement que celui qui a été posé, lequel est le Christ Jésus ». On ne peut poser le fondement qu’il n’y ait un architecte ; une fois le fondement posé, l’architecte disparaît.

4. Voyez comme il emploie des notions vulgaires pour démontrer son sujet. Voici ce qu’il veut dire : J’ai annoncé le Christ, je vous ai donné 1e fondement : voyez comment vous bâtissez dessus, si c’est pour la vaine gloire, pour attirer des disciples à des hommes. Ne faisons donc aucune attention aux hérésies car personne ne peut poser d’autre fondement que celui qui a été posé. Bâtissons donc sur lui, attachons-nous-y comme à un fondement, comme le sarment à la vigne, et qu’il n’y ait point d’intermédiaire entre le Christ et nous car, s’il s’en trouve un, notre ruine est immédiate. Le sarment tire de la sève parce qu’il tient au tronc ; un bâtiment reste debout parce que ses parties sont unies ; si elles viennent à se disjoindre, il tombe, faute d’appui. Ne tenons pas seulement au Christ, mais collons-nous à lui, en quelque sorte ; si une fois nous nous en, séparons, nous sommes perdus. Il est écrit : « En vérité, ceux qui s’éloignent de vous, périront ». (Psa 73,27) Collons-nous donc au Christ, mais par les œuvres : il nous dit lui-même : « Celui qui garde mes commandements, demeure en moi ». (Jn 14,21) Il emploie une foule de comparaisons peur nous prouver la nécessité de l’union. Voyez : il est la tête, et nous les membres ; or, peut-il y avoir un espace vide entre la tête et le reste du corps ? Il est le fondement, et nous l’édifice ; il est la vigne et nous les sarments ; il est l’époux, et nous l’épouse ; il est le berger, et nous les brebis ; il est la route, et nous les voyageurs ; nous sommes le temple, il en est l’habitant ; il est le premier-né, nous sommes les frères ; il est l’héritier, nous sommes les cohéritiers ; il est la vie, et c’est nous qui vivons ; il est la résurrection, et c’est nous qui ressuscitons ; il est la lumière, et c’est nous qui sommes éclairés.

Tout cela nous représente l’unité et n’admet aucun intermédiaire, aucun vide, si petit qu’il soit. Car celui qui est quelque peu séparé, le sera bientôt beaucoup. Si peu que le corps soit divisé par le glaive, il périt ; si peu que l’édifice se crevasse, il tombe en ruine : si peu que le sarment soit séparé de la racine, il devient inutile. Ainsi, ce peu n’est pas peu, mais presque tout. Donc, quand nous avons un peu péché, ou été un peu lâches, ne négligeons pas ce peu ; autrement il deviendra beaucoup. Ainsi, un manteau qui commence à se déchirer et qu’on néglige de réparer, se déchire en entier ; ainsi un toit dont quelques tuiles sont tombées sans qu’on se donne la peine de les remettre, détruit toute, la maison. Songeons à tout cela et ne négligeons jamais les petites fautes, pour ne pas tomber dans les grandes ; mais si nous les avons négligées et que nous soyons tombés au fond de l’abîme, ne désespérons cependant pas encore, de peur que notre tête ne s’appesantisse. Car, à moins d’une extrême vigilance, il sera bien difficile de remonter de là, non seulement à cause de la longueur de l’espace, mais à raison de la situation même. En effet, le péché est un abîme profond, où l’on est entraîné et brisé dans la chute. Comme ceux qui tombent dans un puits ont de la peine à en sortir et ont besoin que d’autres les retirent, ainsi en est-il de ceux qui s’enfoncent dans l’abîme du péché.

Jetons-leur donc des cordes et retirons-les ; non seulement il en faut pour les autres, mais aussi pour nous-mêmes, afin de nous lier et de remonter, non seulement de tout ce que nous sommes descendus, mais de beaucoup plus si nous voulons. Dieu nous aide ; lui « qui ne veut pas 1a mort du pécheur, mais qu’il se convertisse ». (Eze 23,3) Que personne donc ne désespère, que personne ne se laisse atteindre par le vice des impies : car, « quand l’impie est descendu au fond de l’abîme, il méprise ». (Pro 18,3) Ainsi ce n’est pas la multitude des péchés ; mais le sentiment de l’impiété, qui produit le désespoir. Eussiez-vous commis tous les crimes possibles, dites-vous à vous-mêmes : Dieu est bon et il désire notre salut. « Car quand vos péchés seraient rouges comme l’écarlate », nous dit-il, « je les rendrai blancs comme la neige » (Isa 1,13) ; je les changerai en un état contraire. Donc ne désespérons pas ; car tomber n’est pas aussi grave que de persévérer dans sa chute ; être blessé est moins terrible que de ne pas vouloir laisser guérir sa blessure. Et « qui se vantera d’avoir le cœur pur ? Qui osera se dire exempt de péchés ? » (Pro 20,9) Je dis cela, non pour favoriser votre négligence, mais pour vous empêcher de tomber dans le désespoir.

5. Voulez-vous savoir combien notre maître, est bon ? Un publicain chargé d’iniquités, monte au temple, et pour avoir dit ces simples mots : « Ayez pitié de moi ! » (Luc 18,13), il en sort justifié. Et Dieu nous dit, par la bouche du prophète : « Je l’ai un peu contristé à cause de son péché, et voyant qu’il s’en allait affligé et triste, j’ai corrigé ses voies ». (Isa 57,17-18) Quelle charité égale celle-là ? Parce qu’il était triste, nous dit-il, j’ai remis son péché. Pour nous, nous n’agissons pas ainsi ; et c’est par là que nous provoquons surtout la colère de Dieu. Celui que la moindre chose rend propice, a raison de s’irriter quand il ne rencontre pas cette disposition, et de tirer de nous la plus dure vengeance : car c’est le signe d’un extrême mépris. Mais qui s’attriste du péché ? qui en gémit ? Qui s’en frappe la poitrine ? qui s’en inquiète ? Personne, ce me semble. On pleure très longtemps la mort d’un serviteur, une perte d’argent ; et quand tous les jours nous donnons la mort à notre âme, nous n’en avons pas le moindre souci. Comment vous rendrez-vous Dieu propice, si vous ne savez pas même que vous avez péché ? Mais, dites-vous ; j’en conviens, j’ai péché. Oui, c’est un aveu de votre bouche ; mais faites-le aussi de cœur, et après l’avoir fait, gémissez, afin d’avoir toujours bon courage. En effet, si nous nous affligions de nos péchés, si nous gémissions de nos fautes, nous n’éprouverions aucune autre douleur, car celle-là écarterait toutes les autres. En sorte que nous retirerions encore de la confession ce nouvel avantage de n’être jamais absorbés par les calamités de la vie présente, ni enflés par le succès et la prospérité : et par là nous nous rendrions Dieu plus propice, au lieu de l’irriter par notre conduite, comme nous le faisons maintenant.

Dites-moi : si vous aviez un serviteur qui eût éprouvé beaucoup de mauvais traitements de la part de ses compagnons et n’en tînt aucun compte, uniquement occupé à ne pas irriter son maître, cela ne suffirait-il pas à apaiser votre colère ? Mais si, au contraire, sans s’inquiéter de ses torts à votre égard, il ne s’occupait que de ceux qu’il a eus envers ses compagnons, ne le puniriez-vous pas avec plus de sévérité ? C’est ainsi que Dieu se conduit quand nous nous soucions peu de son courroux, nous l’augmentons ; quand nous nous en inquiétons, nous l’adoucissons. Nous l’apaisons même entièrement : car il veut que nous nous punissions nous-mêmes de nos péchés, et, dans ce cas, il renonce à nous en punir lui-même. C’est dans cette vue qu’il nous menace, afin que la crainte nous empêche de le mépriser. Quand la menace suffit à nous détourner du mal, il ne permet pas qu’elle s’accomplisse. Voyez ce qu’il dit à Jérémie : « Ne voyez-vous pas ce qu’ils font ? « Leurs pères allument le feu ; leurs fils apportent du bois ; leurs femmes pétrissent la farine ». (Jer 7,17-18) Il est fort à craindre qu’on n’en dise autant de nous. Personne ne cherche les intérêts de Jésus-Christ ; chacun cherche les siens propres. (Phi 2,21) Leurs fils courent au libertinage ; leurs pères à l’avarice et à la rapine ; leurs femmes aux caprices du siècle ; elles excitent leurs époux, bien loin de les retenir. Tenez-vous sur la place publique ; interrogez les allants et les venants, vous n’en verrez pas un montrer de l’empressement pour des choses spirituelles, mais tous s’agitent pour des intérêts matériels.

Quand deviendrons-nous sages ? Combien de temps resterons-nous dans notre sommeil léthargique ? Ne sommes-nous pas rassasiés de maux ? À défaut de paroles, l’expérience nous apprend assez que tout est vanité et affliction ici-bas. Des hommes qui n’avaient que la sagesse du dehors et ne savaient rien de l’avenir, ont pu se convaincre du peu de valeur des choses présentes et par cela seul s’en détacher. Quel pardon pouvez-vous espérer, vous qui rampez à terre, qui n’avez pas la force de mépriser des biens futiles et passagers, et de les abandonner pour un bonheur immense et éternel ; vous qui êtes instruit et éclairé là-dessus par Dieu lui-même et avez reçu de lui de si grandes promesses ? Ceux qui, en dehors de ces promesses, ont su s’abstenir des biens de ce monde, nous prouvent assez par leurs exemples qu’il n’y a pas là de quoi enchaîner nos affections. En effet, quelles richesses espéraient-ils, en embrassant la pauvreté ? Aucune. Ils savaient seulement que la pauvreté est préférable aux richesses. Quelle vie espéraient-ils en renonçant aux plaisirs, en menant une existence austère ? Aucune. Mais pénétrant la nature des choses, ils sentaient que cela rendait l’âme plus sage et le corps plus sain. Animés donc des mêmes pensées ; et portant toujours en nous l’espérance des biens futurs, détachons-nous du présent, afin d’obtenir ces biens à venir par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, en qui appartiennent, au Père et au Saint-Esprit, la gloire, l’empire, l’honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

HOMÉLIE IX.

QUE SI ON ÉLÈVE SUR CE FONDEMENT UN ÉDIFICE D’OR, D’ARGENT, DE PIERRES PRÉCIEUSES, DE BOIS, DE FOIN, DE CHAUME, L’OUVRAGE DE CHACUN SERA MANIFESTÉ. CAR LE JOUR DU SEIGNEUR LE METTRA EN LUMIÈRE, ET IL SERA RÉVÉLÉ PAR LE FEU ; AINSI LE FEU ÉPROUVERA L’ŒUVRE DE CHACUN. SI L’OUVRAGE DE CELUI QUI À BÂTI SUR LE FONDEMENT DEMEURE, CELUI-CI RECEVRA SA RÉCOMPENSE. SI L’ŒUVRE DE QUELQU’UN BRÛLE, IL EN SOUFFRIRA LA PERTE ; CEPENDANT IL SERA SAUVÉ, MAIS COMME PAR LE FEU. (IBID. 12, 13, 14, 15, JUSQU’À 17)

ANALYSE.

  • 1. Le supplice qui attend les pécheurs, c’est le feu éternel.
  • 2. Que les préceptes de Dieu sont faciles à pratiquer ; qu’il est plus pénible de faire le mal que de s’en abstenir.
  • 3. Si quelqu’un, possédant la vraie foi, mène une vie coupable, il ne sera point sauvé du supplice par sa foi, puisque ses œuvres seront livrées au feu.
  • 4. Exhortation pour inspirer l’horreur du péché. – Contre les avares. – Qu’ils sont pires que les bêtes et que les démons.

1. La question qui nous est ici proposée n’est pas d’une mince importance ; elle touche, aux intérêts les plus graves, à ce qui préoccupe tous les hommes, à savoir si le feu de l’enfer doit avoir une fin. Le Christ a déclaré que non, en disant : « Leur feu ne s’éteindra point ; leur ver ne mourra point ». (Mrc 9,45) Je sais que vous écoutez cela avec indifférence : qu’en faire ? Dieu nous ordonne de faire souvent retentir cette vérité quand il nous dit : « Fais entendre à ce peuple ». Nous avons été ordonnés pour le ministère de la parole ; et je dois, bien malgré moi ; être importun à mes auditeurs. Du reste, si vous le voulez ; nous ne serons pas importuns ; car il est écrit : « Si tu fais le bien, ne crains pas ». (Rom 13,3) Il dépend donc de vous de nous écouter, non seulement sans peine, mais avec plaisir. Le Christ lui-même a déclaré que ce feu n’aura point de fin ; Paul, à son tour, affirme que le supplice sera immortel, et que les pécheurs subiront des tourments affreux et éternels. (2Th 1,9) Il dit encore : « Ne vous abusez point : ni les fornicateurs, ni les adultères, ni les efféminés ne posséderont le royaume de Dieu ». (1Co 6,9, 10) Il disait aussi aux Hébreux : « Recherchez la paix avec tous et la sainteté, sans laquelle nul ne verra Dieu ». (Heb 12,14) Et à ceux qui disaient ; « Nous avons fait beaucoup de miracles », le Christ a répondu : « Retirez-vous de moi, vous qui opérez l’iniquité ; je ne vous ai pas connus ». (Mat 7,22, 23) Et les vierges ont été exclues, elles ne sont point entrées ; et de ceux qui ne l’auront point nourri, il dit : « Et ceux-ci s’en iront au supplice éternel ». (Id 25,46)

Ne me dites pas : Si le supplice n’a pas de fin, où est l’iniquité ? Quand Dieu fait quelque chose, soumettez-vous à son autorité, et ne soumettez point sa parole aux raisonnements humains. Et d’ailleurs comment ne serait-il pas juste que celui qui a d’abord été comblé de bienfaits, qui a ensuite commis des fautes dignes de punition et n’a été corrigé ni par les menaces ni par les bienfaits, que celui-là, dis-je, subisse le châtiment ? Si vous voulez consulter la justice et l’équité, c’était tout d’abord que nous devions être perdus ; et ce n’était pas seulement la justice, mais la charité envers nous qui le demandait. Celui qui injurie quelqu’un qui ne lui a point fait de mal, est puni selon toute justice, mais quand on injurie un bienfaiteur qui a accordé mille faveurs sans en avoir reçu aucune, à qui seul on doit l’existence, qui est Dieu ; qui a donné la vie, qui a comblé de bienfaits, qui veut mener au ciel, et que non seulement on l’injurie, mais qu’on répète chaque jour l’outrage par ses œuvres, quel pardon méritera-t-on ? Ne voyez-vous pas comme Adam, a été puni pour un seul péché ? Oui, direz-vous ; mais Dieu lui avait donné le paradis, et lui avait montré une extrême bienveillance. Or ce n’est pas la même chose de pécher quand on vit dans la sécurité et l’abondance, ou de pécher quand on est au milieu des afflictions. Eh ! c’est précisément là qu’est le mal : vous ne péchez pas au paradis, mais au sein des mille misères de cette vie, et ces misères ne vous rendent pas plus sages ; n’est comme si un homme enchaîné se montrait méchant. Mais Dieu vous a promis bien plus que le paradis terrestre ; S’il n’a pas encore réalisé sa promesse, c’est pour ne pas vous amollir au milieu des combats, et s’il vous l’a faite, c’est pour ne pas vous décourager au sein des épreuves. Pour un seul péché, Adam a attiré sur lui toute mort : et nous, nous péchons mille fois tous les jours. Mais si, pour une seule faute, Adam s’est attiré tant de maux et a introduit la mort dans le monde, quel sera notre châtiment, à nous, qui attendant le ciel au lieu du paradis terrestre, vivons constamment dans le péché ?

Ce langage est pénible et affligeant pour l’auditeur ; j’en juge par ce que j’éprouve moi-même ; mais mon cœur est troublé et palpitant ; et plus ce que l’on dit de l’enfer m’est démontré, plus je tremble et recule de frayeur. Mais il faut en parler, de peur que nous n’y tombions. Ce n’est pas le paradis, ni des arbres, ni des plantes qu’on, vous a promis ; mais le ciel et tous ses biens. Si donc celui qui a moins reçu, a été condamné sans rémission, à plus forte raison nous, qui avons commis bien plus de péchés et sommes appelés à de plus, grands biens, serons-nous punis sans remède. Songez depuis combien de temps notre race est sujette à la mort à cause d’un seul péché. Cinq mille ans et plus se sont passés, et la mort, fruit d’un seul péché, n’est pas encore détruite. Et nous ne pouvons pas dire qu’Adam avait entendu les prophètes, qu’il avait vu d’autres hommes punis pour leurs péchés, en sorte qu’il eût pu en concevoir de la terreur et devenir sage par leur exemple ; il était le premier homme, il était seul, et pourtant il fut puni. Or vous n’avez aucune de ces excuses à présenter, vous qui, après tant d’exemples, êtes devenu pire, vous qui avez reçu un Esprit si, grand et qui pourtant avez commis, non un ou deux péchés, mais des péchés sans nombre. Et parce qu’il ne faut qu’un instant pour commettre le péché, n’allez pas vous imaginer que la punition sera passagère. Ne voyez-vous, pas des hommes qui souvent ne sont coupables que d’un seul vol ou d’un seul adultère commis en un instant, passer toute leur vie dans les prisons ou dans les mines, et lutter perpétuellement avec la faire ou mille genres de mort ? Et personne ne les en tire, personne ne dit que la faute n’ayant duré qu’un instant, la punition ne, doit pas durer davantage.

2. Mais, dira-t-on, ce sont les hommes qui se conduisent ainsi, et Dieu est bon. D’abord ce n’est point par cruauté, mais par charité, que les hommes agissent ainsi ; et Dieu se venge aussi, précisément parce qu’il est bon ; sa vengeance même est la preuve de sa miséricorde. Quand donc vous dites que Dieu est bon, vous me fournissez un argument plus puissant en faveur de la punition, puisque nous offensons un être si parfait. Aussi Paul nous dit-il : « Il est terrible de tomber entre les mains du Dieu vivant ». (Heb 10,31) Supportez, je vous en prie, us paroles brûlantes ; peut-être, oui peut-être, y trouverez-vous quelque consolation. Quel mortel peut punir comme Dieu qui a perdu par un déluge toute la race humaine déjà si nombreuse, et qui ; peu après, a fait descendre une pluie de feu et opéré une destruction complète ? Quelle punition humaine égalera jamais celles-là ? Ne voyez-vous pas que c’est – là, en un sens, un supplice immortel ? Quatre mille ans se sont écoulés, et la punition des habitants de Sodome subsiste encore dans son intégrité. Ainsi le supplice se trouve proportionné à la bonté de Dieu. S’il eût commandé des choses difficiles, impossibles, peut-être pourrait-on objecter la difficulté de ces lois ; mais quand il ne commande que des choses très faciles, que pouvons-nous dire, nous qui n’en tenons pas même compte ?

Vous ne pouvez pas jeûner, ni garder la virginité ? Vous le pourriez si vous le vouliez, et ceux qui le peuvent sont une accusation contre nous, Mais Dieu n’a point usé envers nous d’une si grande sévérité, il n’a pas exigé ces choses, il n’en a point fait une loi ; il les a laissées au libre arbitré, à la bonne volonté de chacun ; mais tout au moins vous pouvez être chaste dans le mariage, vous pouvez ne pas vous livrer à l’ivrognerie. Vous ne pouvez pas vous dépouiller de toutes vos richesses ? Vous le pourriez certainement, comme le prouvent ceux qui le font ; mais Dieu ne vous en a point fait un commandement : il vous a seulement ordonné de vous abstenir du vol et de soulager les pauvres. Que si quelqu’un dit qu’il ne peut se contenter de sa femme, il se trompe lui-même et se fait illusion, comme le prouvent ceux qui pratiquent, la continence en dehors du mariage. Quoi donc ! je vous prie, vous ne pouvez vous dispenser d’injurier et, de maudire ? Mais le pénible, c’est de faire ces choses, ce n’est pas de s’en abstenir. Quelle sera notre excuse, à nous qui n’observons pas des commandements si faciles et si légers ? Nous n’en aurons aucune. De tout cela il résulte évidemment que le châtiment n’aura pas de fin. Et comme quelques-uns pensent que le texte de l’apôtre dit le contraire, reproduisons-le et étudions-le. Après avoir dit : « Si l’ouvrage de celui qui a bâti sur le fondement, demeure, celui-ci recevra sa récompense ; si l’œuvre de quelqu’un brûle, il en souffrira la perte » il ajoute : « Cependant il sera sauvé, mais comme par le feu ». Que répondre à cela ?

Examinons d’abord ce que c’est que le fondement, puis ce que c’est que l’or, les pierres précieuses, le foin et la paille. – Par le fondement il entend évidemment le Christ, puisqu’il dit : « Car personne ne peut poser d’autre fondement que celui qui a été posé, lequel est le Christ Jésus ». L’édifice, ce sont, d’après moi, nos actions. Quelques-uns pensent que cela se rapporte aux maîtres, aux disciples et aux perverses hérésies ; mais le sujet ne s’accommode pas de cette interprétation. Dans ce cas, en effet, comment l’œuvre serait-elle détruite, et l’ouvrier sauvé, même parle feu ? Car c’est surtout l’auteur qui devrait périr, et ici ce serait celui qui aurait été construit qui subirait le principal châtiment. En effet, si le maître est l’auteur du mal, il doit être le plus puni ; comment donc serait-il sauvé ? D’autre part, s’il n’est pas coupable, et que ses disciples se soient pervertis par leur propre malice, il n’est pas juste que celui qui a construit selon les règles, soit puni et subisse un dommage. Comment donc Paul dit-il : « Il en souffrira la perte ? » Évidemment cela s’applique aux actions : Comme l’apôtre doit bientôt s’attaquer au fornicateur, il pose ici longtemps d’avance la base de son argumentation. Car son usage est, quand il se dispose à traiter une question, d’en donner les prémisses et les preuves dans un autre sujet, avant d’arriver à son but. En effet, quand il voulait les blâmer de ce qu’ils ne s’attendaient pas les unis les autres dans les festins, il leur a d’abord parlé des mystères : Pressé donc d’en venir au fornicateur, il parle d’abord du fondement de l’édifice, et ajoute : «. Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? Si donc quelqu’un profane le temple de Dieu, Dieu le perdra ». Déjà, en disant cela, il ébranle par la crainte l’esprit du fornicateur. « Que si on élève sur ce fondement un édifice d’or, d’argent, de pierres précieuses, de bois, de foin, de paille ». Après avoir reçu la foi, il faut bâtir ; c’est pourquoi il dit ailleurs : « Édifiez-vous les uns les autres par ces paroles ». (1Th 5,11) En effet, le maître et le disciple concourent à la formation de l’édifice ; ce qui fait dire à Paul : « Que chacun donc regarde comment il bâtira dessus ».

3. Or, s’il s’agissait ici de la foi, le langage ne serait pas juste. Car tous doivent être égaux dans la foi, puisque elle est une ; mais dans la vertu tous ne peuvent pas l’être. La foi n’est pis ici plus petite, là plus grande ; elle est la même chez tous les vrais croyants ; dans la conduite, au contraire, les uns sont plus diligents, les autres plus lâches ; les uns plus exacts, les autres moins ; les uns font de plus grands progrès, les autres de plus petits ; les uns commettent des fautes plus graves, les autres de plus légères. Voilà pourquoi Paul parle d’or, d’argent, de pierres précieuses, de bois, de foin, de paille. « L’ouvrage de chacun sera manifesté ». Il s’agit ici d’actions. « Si l’ouvrage de celui qui a bâti sur le fondement, demeure, celui-ci recevra sa récompense ; si l’œuvre de quelqu’un brûle, il en souffrira la perte ». S’il était question de disciples et de maîtres, ceux-ci ne devraient pas être punis parce que les autres n’auraient pas écouté. Aussi dit-il : « Chacun recevra son propre salaire selon son travail » ; non pas selon le résultat, mais selon le travail. Et si les auditeurs ne prêtaient aucune attention ? Il est donc clair qu’il s’agit ici des œuvres. Voici ce qu’il veut dire : Si quelqu’un, possédant la vraie foi, mène une vie coupable, il ne sera point sauvé du supplice par sa foi, puisque ses œuvres seront livrées au feu. Ce mot : « Brûle », signifie : Qui ne résistera pas au feu. Mais si un homme qui a des armes d’or doit traverser un fleuve de feu, il n’en sortira que plus éclatant ; s’il n’est revêtu que de foin, non seulement il n’opérera pas son trajet, mais il périra. Ainsi en est-il des œuvres. Paul ne parle pas de personnages réels et vraiment brûlés ; mais il veut simplement inspirer de la terreur et montrer qu’il n’y a pas de sécurité pour celui qui vit dans le péché. Aussi dit-il : « En souffrira la perte ». Voilà le premier supplice. « Cependant il sera sauvé, mais comme par le feu
Le feu du purgatoire, interprétation plus naturelle donnée par les autres Pères, et admise par le concile de Florence (dernière session).
 ». Voilà le second. Et le sens est : Il ne périra pas comme ses œuvres, il ne sera pas anéanti ; mais il subsistera dans le feu.

Il appelle cela « être sauvé », direz-vous ; cela est vrai, mais non dans la signification ordinaire du mot, puisqu’il ajoute : « Comme par le feu ». Nous aussi nous avons l’habitude de dire : Il est sauvé du feu, en parlant des objets qui n’ont pas été immédiatement brûlés et réduits en cendre. Mais à ce mot de feu n’allez pas vous imaginer que ceux qui y brûlent sont anéantis. Ne vous étonnez pas non plus de ce que l’apôtre appelle ce châtiment être sauvé, car c’est son habitude d’user d’expressions adoucies dans les sujets pénibles, et vice versa. Par exemple le mot de servitude présente une idée désagréable ; mais Paul s’en sert dans un bon sens, quand il dit : « Réduisant en servitude toute intelligence sous l’obéissance du Christ ». (2Co 10,5) Et en retour il se sert d’un terme honorable pour un sujet odieux, en disant : « Le péché a régné » (Rom 5,21), bien que le mot régner s’applique mieux à un objet plus digne. De même ici le mot : « Sera sauvé » ne signifie pas autre chose que l’intensité et la durée du supplice, comme s’il disait : Il sera tourmenté à jamais.

Il continue et dit : « Ne savez-vous pas que à vous êtes le temple de Dieu ? » Après avoir d’abord parlé de ceux qui déchirent l’Église, il s’adresse maintenant à l’incestueux, non ouvertement, mais vaguement, en faisant allusion à sa coupable conduite et faisant ressortir sa faute par le don qu’il a reçu. Il fait également rougir les autres, en rappelant ce qu’ils ont reçu. C’est ce qu’il ne manque jamais de faire, en tirant ses motifs, ou de l’avenir, ou du passé, ou du mal ou du bien ; de l’avenir, en disant : « Le jour du Seigneur mettra en lumière ce qui sera révélé par le feu » ; du passé : « Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? Si quelqu’un pro« fane le temple de Dieu, Dieu le perdra ». Voyez-vous la force de ces paroles ? Cependant tant que la personne est inconnue, le langage est moins pénible à supporter, parce que la crainte du blâme est partagée entre tous. « Dieu le perdra », c’est-à-dire, le fera périr. Ce n’est point une malédiction, mais une prédiction. « Car le temple de Dieu est saint ». Or le fornicateur est souillé. Après avoir dit, pour éviter une allusion personnelle : « Car le temple de Dieu est saint », il ajoute : « Et vous êtes ce temple. Que personne ne s’abuse ». Ceci s’adresse encore au coupable, qui se croyait quelque chose et se glorifiait de sa sagesse. Mais pour ne pas paraître l’attaquer hors ale propos et trop longtemps, après l’avoir jeté clans l’angoisse et dans l’épouvante, il revient à l’accusation générale, en disant : « Si quelqu’un d’entre vous paraît sage selon ce siècle, qu’il devienne fou pour être sage ». Du reste, il use ensuite d’une grande liberté de langage, vu qu’il les a assez vivement attaqués. Quelqu’un fût-il riche, fût-il noble, il est le plus vil de tous, s’il est esclave du péché. Il en est du pécheur comme d’un roi qui serait prisonnier des barbares et se trouverait par là le plus misérable des hommes. Car le péché est un véritable barbare qui n’épargne point l’âme assujettie à son joug et exerce sa tyrannie envers ses victimes.

4. En effet, rien n’est aussi déraisonnable, aussi insensé, aussi fou, aussi violent que le péché ; partout où il entre, il renverse, il confond, il perd tout ; il est hideux à voir, odieux et lourd à porter. Si un peintre le représentait, il ne serait, je crois, pas loin de la vérité, en lui donnant les traits d’une femme, ayant la forme d’une bête sauvage, barbare, respirant le feu, laide, noire, telle que les poètes païens nous dépeignent Scylla. Car il saisit nos pensées par des mains sans nombre, attaque à l’improviste et déchire tout, comme les chiens qui mordent à la dérobée. Mais à quoi bon le peindre lui-même, quand nous pouvons faire paraître ses victimes ? Laquelle décrions-nous d’abord ? L’avare ? Qu’y a-t-il de plus impudent que ce regard ? Qu’y a-t-il de plus déshonnête et de plus cynique ? Un chien n’est pas aussi insolent que ce ravisseur du bien d’autrui. Quoi de plus abominable que ses mains ? Quoi de plus avide que, cette bouche qui avale tout sans se rassasier ? Ne prenez pas ses traits, ses yeux pour ceux d’un homme ; ce n’est pas là un regard humain. Pour lui, les hommes ne sont pas des hommes, le ciel n’est pas le ciel ; il n’a pas un signe de respect pour le Maître : l’argent est tout pour lui. Les yeux de l’homme ont l’habitude de se fixer sur ceux que la pauvreté afflige, et d’exprimer des sentiments de pitié ; ceux du voleur voient les pauvres et prennent une expression sauvage. Les yeux de l’homme ne considèrent pas le bien d’autrui comme le leur propre, mais leur bien propre comme celui d’autrui ; ils ne convoitent pas ce qui est donné aux autres, mais se dépouillent plutôt en leur faveur de ce qu’ils ont eux-mêmes ; ceux de l’avare, au contraire, ne sont point satisfaits qu’ils n’aient enlevé le bien de tout le monde ; car ils n’ont pas le regard de l’homme, mais celui de la bête fauve.

Les yeux de l’homme ne peuvent supporter de voir un pauvre nu, car le corps humain est le leur, bien qu’il appartienne à d’autres personnes ; mais ceux des avares ne sont jamais rassasiés, jamais assouvis, s’ils n’ont tout dépouillé et tout caché dans leur domicile. En sorte qu’on peut dire de leurs mains qu’elles n’appartiennent pas seulement à des bêtes fauves, mais aux bêtes fauves les plus féroces et les plus cruelles. En effet ; les ours et les loups laissent leur proie quand – ils sont rassasiés ; mais eux ne se rassasient jamais. Cependant Dieu nous a donné des mains pour secourir notre prochain, et non pour lui tendre des embûches. Il vaudrait mieux les couper et en être privé, que d’en faire un pareil usage. Vous souffririez de voir un loup déchirer une brebis ; et vous ne pensez pas commettre un grand crime en en faisant autant à votre frère ? Comment seriez-vous encore un homme ? Ne voyez-vous pas que nous appelons humaine, toute action qui respire la compassion et la bonté ? et que nous appelons inhumain, tout homme qui commet un acte de dureté et de cruauté ? La pitié est donc pour nous le cachet de la nature humaine, le défaut de pitié celui de l’animal sauvage. Aussi disons-nous : Est-ce un homme, ou un animal, ou un chien ? Les hommes, en effet, soulagent la pauvreté, au lieu de l’aggraver. La bouche des avares est une gueule de bêtes sauvages ; elle est même plus féroce : car elle prononce des paroles dont le venin, plus terrible que la dent des animaux, donne la mort. En poussant le tableau jusqu’au bout, on verrait clairement comment l’inhumanité rend les hommes qu’elle domine, semblables aux bêtes sauvages. À examiner même le fond de leur pensée, on les nommera moins des bêtes que des démons. Car ils sont pleins de cruauté et de haine pour leurs semblables ; on ne trouvera chez eux ni désir du ciel, ni crainte de l’enfer, ni respect pour les hommes, ni pitié, ni sympathie ; mais impudence, audace, mépris de l’avenir ; les paroles de Dieu relatives au châtiment leur semblent une fable, et ses menaces les font rire.. Telle est la pensée de l’avare.

Mais puisqu’au dedans ce sont des démons, au-dehors des bêtes sauvages, et pires que des bêtes sauvages, dites-moi : où les placerons-nous ? Or, qu’ils soient pires que des bêtes féroces, cela est évident : car celles-ci sont féroces par nature ; tandis qu’eux, naturellement portés à la douceur, ont forcé les lois dé la nature pour se transformer en bêtes fauves. Les démons ont pour auxiliaires les hommes qui se tendent à eux-mêmes des pièges ; et les démons verraient échouer tous leurs pièges, si les hommes ne secondaient leurs desseins. Les avares s’irritent même contre ceux qui veulent les aider à repousser les insultes des démons. De plus, le démon combat contre l’homme, mais non contre les autres démons ; l’avare vexe en tout sens ses parents, ses proches, et ne respecte point les lois de la nature. Je sais que mes paroles en blessent un grand nombre d’entre vous ; pour moi, je ne les hais pas, mais j’ai pitié de ceux qui sont dans ces dispositions, et je verse sur eux des larmes ; voulussent-ils m’accabler de coups, je le supporterais volontiers, pourvu qu’ils se corrigeassent de leur inhumanité. Je ne suis pas le seul à retrancher de tels hommes de l’espèce humaine ; le prophète le fait avec moi, quand il dit : « L’homme étant en honneur, n’a pas compris, mais il s’est ravalé au niveau des animaux sans raison ». (Psa 38) Soyons donc enfin des hommes, levons les yeux vers le ciel, et recevons de là ce qui nous renouvellera selon l’image de Dieu (Col 3,10), et recouvrons-nous nous-mêmes, afin d’obtenir les biens futurs, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, en qui appartiennent, au Père, en union avec le Saint-Esprit, la gloire, la force, l’honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

HOMÉLIE X.

QUE PERSONNE NE S’ABUSE. SI QUELQU’UN D’ENTRE VOUS PARAÎT SAGE SELON CE SIÈCLE, QU’IL DEVIENNE FOU POUR ÊTRE SAGE ; VU QUE LA SAGESSE. DE CE SIÈCLE EST FOLIE DEVANT DIEU. (I COR. 3,18, 19, JUSQU’À LA FIN DU CHAPITRE)

ANALYSE.

  • 1. L’Apôtre reprend t’attaque Contre la sagesse profane.
  • 2. Paul, après avoir foulé aux pieds la sagesse humaine, s’adresse aux Corinthiens qui divisaient l’Église en se disant disciples et sectateurs de tel et tel maître et docteur.
  • 3 et 4. Que (homme doit tout à Dieu ; et qu’il lui doit rendre tout. – Qu’il faut être prêt à quitter la vie de bon cœur quand il y a quelque engagement de le faire. – Avis aux dignitaires ecclésiastiques, qu’ils ne sont que des dispensateurs. – Sentiments que doivent avoir les pères et, mères à qui Dieu reprend les enfants qu’il leur avait donnés. – Du bon usage des biens. – Que la société civile est prospère, ainsi que le corps humain, lorsque chaque membre donne de ce qu’il a aux autres.

1. Comme je l’ai déjà dit : Ayant été amené à accuser le fornicateur avant le moment favorable, après l’avoir attaqué en peu de mots par des allusions voilées et avoir troublé sa conscience, il recommence le combat contre la sagesse du dehors et s’en prend à ceux qui s’en glorifient et déchirent l’Église, afin qu’ayant épuisé ce sujet et traité dans tous ses détails ce point capital, il porte ensuite tolite la vivacité de son langage sur le coupable contre lequel il n’a encore fait qu’escarmoucher jusque-là. Car c’est à celui-ci surtout que s’adressent ces paroles : « Que personne ne s’abuse ». Il le frappe d’épouvante tout en usant de douceur ; il l’a encore principalement en vue quand il parle de « paille », et quand il dit : « Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu et que l’Esprit de « Dieu habite en vous ? » En effet, les deux motifs qui.. nous retirent ordinairement du péché sont le souvenir du supplice qui lui est réservé, et la considération de notre propre dignité. En parlant de foin et de paille, il a jeté la terreur ; en rappelant notre dignité et notre noblesse, il a fait rougir ; par le premier de ces motifs, il corrige les plus insensibles, par le second il excite les plus sages à devenir meilleurs. « Que personne ne s’abuse. Si quelqu’un d’entre vous paraît sage selon ce siècle, qu’il devienne fou ». Il veut que l’on meure au monde ; et cette mort n’est point nuisible, mais utile, puisqu’elle est le principe de la vie. De même, il veut qu’on devienne fou selon ce siècle, afin de se procurer la vraie sagesse. Or, devenir fou selon le monde, c’est mépriser la sagesse du dehors, et se convaincre qu’elle ne sert à rien pour acquérir la foi. Comme donc la pauvreté selon Dieu est la source de la richesse, l’humilité de l’élévation, le mépris de la gloire le principe même de la gloire ; ainsi, devenir fou c’est se procurer la plus haute sagesse. En effet, tout chez nous repose sur les contraires.

Et pourquoi l’apôtre ne dit-il pas : Qu’il dépouille la sagesse, mais : « Qu’il devienne fou ? » Afin de déshonorer au dernier point l’enseignement profane. Car dire. Déposez votre sagesse, et dire. Devenez fou, ce n’est point la même chose, quant à l’énergie de l’expression. D’autre part, il nous apprend à ne point rougir de notre simplicité ; car il se moque absolument des choses profanes. C’est pourquoi il ne recule pas devant les mots, parce qu’il compte sur la force des choses. De même donc que la croix, qui semble un objet méprisable, est devenue pour nous la source de biens sans nombre, le sujet et la racine d’une gloire ineffable ; ainsi, une folie apparente devient pour nous le principe de la sagesse. Et comme celui quia mal appris ne saura jamais rien de clair et de sain, à moins qu’il ne se dépouille de tout et ne présente une intelligence pure et nette au maître qui veut y imprimer quelque chose ; ainsi, en fait de sagesse extérieure, vous ne saurez rien de bon, rien d’exact, à moins que vous n’enleviez tout, que vous ne balayiez tout, et ne vous présentiez comme un homme complètement ignorant pour recevoir la foi. Ainsi, ceux qui voient de travers s’égareront beaucoup plus que les aveugles mêmes, s’ils veulent s’en rapporter à leur vue défectueuse, au lieu de se livrer à un guide, les yeux fermés.

Et comment, direz-vous, peut-on dépouiller cette sagesse ? En n’usant pas de ses enseignements. Après avoir insisté si vivement pour qu’on l’abandonne, l’apôtre en donne la raison : « La sagesse de ce monde est folie devant Dieu ». non seulement elle ne sert à rien, mais elle est un obstacle. Il faut donc s’en détacher, puisqu’elle nuit. Voyez-vous comme son triomphe est complet, puisqu’il démontre qu’elle est non seulement inutile, mais-nuisible ? Et il ne se contente pas de ses propres arguments, mais il invoque des témoignages, en disant : « Car il est écrit : qui enlace les sages dans leurs propres ruses ». – « Dans leurs ruses », c’est-à-dire, les prend par leurs propres armes. En effet, comme ils s’étaient servis de cette philosophie – pour se passer de Dieu, il s’en est servi pour leur prouver, qu’ils avaient besoin de Dieu. Comment ? de quelle manière ? En – ce que devenus insensés par elle, ils ont été justement pris dans ses filets ; s’imaginant qu’ils n’avaient pas besoin de Dieu, ils ont été réduits à une telle pauvreté, qu’ils ont paru inférieurs à des pêcheurs, à des illettrés, et qu’ils ont fini par en avoir besoin. Voilà ce qui fait dire à Paul qu’il les a pris dans leurs propres ruses. Ces paroles : « Je perdrai la sagesse » (1Co 1,19), signifient que cette sagesse ne mène à rien d’utile ; et celles-ci : « Qui enlace les sages dans leurs propres ruses », ont pour but de montrer la puissance de Dieu.

2. Il indique ensuite comment cela s’est fait, en invoquant un autre témoignage : « Le Seigneur sait que les pensées des sages sont vaines ». Mais quand la sagesse infinie a prononcé sur eux cet arrêt et les a montrés tels, quelle autre preuve de leur extrême folie demanderez-vous encore ? Les jugements des hommes sont souvent erronés ; mais les arrêts de Dieu sont irréprochables et impartiaux. Après cette victoire brillante qu’il a remportée sur la sagesse profane avec le secours de la sagesse de Dieu, l’apôtre prend un langage violent à l’égard de ceux qui se soumettaient à ces chefs illégitimes, et leur dit : « Que personne donc ne se glorifie dans les hommes ; car tout est à vous ». Il revient à son premier sujet, en leur faisant voir qu’ils ne doivent point s’enorgueillir même dès choses spirituelles, puisqu’ils n’ont rien d’eux-mêmes. Si donc la sagesse du dehors est nuisible, et s’ils n’ont point d’eux-mêmes les avantages spirituels, de quoi peuvent-ils se glorifier ? À propos de la sagesse du dehors, il dit : « Que personne ne s’abuse », parce qu’on se glorifiait d’une chose nuisible ; mais, à propos des dons spirituels, il dit : « Que personne ne se glorifie », parce que ces dons étaient avantageux. Puis son langage s’adoucit : « Car tout est à vous, soit Paul, soit Apollon, soit Céphas, soit monde, soit vie, soit mort, soit choses présentes, soit choses futures, tout est à vous ; et vous êtes au Christ, et le Christ est à Dieu ».

Après les avoir vivement blessés, il leur rend du courage. Plus haut il avait dit : « Nous sommes les coopérateurs de Dieu. », et les avait longuement consolés ; ici il leur dit : « Tout est à vous », afin de détruire l’orgueil des maîtres, en montrant que non seulement ils ne donnent rien à leurs disciples, mais qu’ils leur doivent au contraire de la reconnaissance, puisque c’est pour eux qu’ils ont été faits docteurs et qu’ils ont reçu la grâce. Et parce qu’ils pouvaient se glorifier, il prévient le mal, en disant : « À chacun suivant le don de Dieu », et encore : « Dieu a donné la croissance », afin que les maîtres ne s’enflent pas, comme s’ils donnaient quelque chose de grand ; ni les disciples, parce qu’on leur a dit : « Tout est à vous ». Car bien que tout soit pour vous, tout cependant a été fait par Dieu. Remarquez comme il persiste jusqu’à la fin à prononcer son nom et celui de Pierre. Que veulent dire ces mots : « Sois mort ? » Cela veut dire : quand même ils mourraient, ils mourraient pour vous, c’est pour votre ; salut qu’ils s’exposent aux dangers. Voyez-vous maintenant comment il rabat l’orgueil des disciples et relève les maîtres ? Il leur parle comme à des enfants nobles qui ont des précepteurs, et doivent un jour hériter de tout. On peut aussi interpréter en ce, sens qu’Adam est mort pour nous, afin de nous rendre sages, et le Christ afin de nous sauver.

« Mais vous au Christ, et le Christ à Dieu ». Ce n’est pas de la même manière que nous sommes au Christ, que le Christ est à Dieu, et que le monde est à nous. Nous sommes au Christ, comme son ouvrage ; le Christ est à Dieu comme son Fils légitime, non comme son ouvrage ; et, dans le même sens, le monde n’est pas à nous. En sorte que si l’expression est une, la signification est différente. En effet, le monde est à nous, en ce sens qu’il a été fait peur nous ; mais le Christ est à Dieu, en tant qu’il l’a pour auteur et pour Père ; et nous sommes au Christ parce qu’il nous a créés. Que si ces maîtres sont à vous, pourquoi agissez-vous en sens contraire, en adoptant leur nom, et non celui du Christ et de Dieu ?

« Que les hommes nous regardent, comme ministres du Christ et dispensateurs des mystères de Dieu ». (1Co 4,1) Après avoir abattu leur présomption, voyez comme il les console, en disant :. « Comme ministres du Christ ». Ne rejetez donc pas le nom du maître, pour prendre celui des ministres et des serviteurs. « Les dispensateurs », ajoute-t-il, pour montrer qu’on ne doit point donner les mystères à tout le monde, mais à ceux à qui ils sont nécessaires, et à ceux à qui ils doivent être dispensés. « Or, ce qu’on demande dans les dispensateurs, c’est que chacun soit trouvé fidèle » (1Co 4,2), c’est-à-dire, qu’il ne s’attribue point les droits du Seigneur, qu’il ne dispose pas en maître, mais en simple dispensateur. Car le devoir du dispensateur est de bien administrer les biens qui lui sont confiés, et de ne pas s’approprier ce qui appartient au maître, mais au contraire d’attribuer à son maître ce qu’il a lui-même en propre.

Que chacun, réfléchissant à cela, ne se réserve donc point, ne s’attribue point ce qu’il peut avoir, soit l’éloquence, soit la richesse, avantages que le maître lui a confiés, et qui ne sont point à lui ; mais qu’il les rapporte à Dieu, l’auteur de tout don. Voulez-vous voir des dispensateurs fidèles ? Écoutez ce que dit Pierre : « Pourquoi nous regardez-vous comme si c’était par notre propre vertu » ou par notre piété « que nous avons fait marcher cet homme ? » Le même disait à Corneille
Les paroles de cette citation n’ont pas été dites pu l’apôtre Pierre au centurion Corneille, mais par saint Paul aux habitants de Lystre. Il y a donc ici un lapsus memoriae ou bien une lacune dans le texte.
 : « Et nous aussi nous sommes des hommes sujets aux mêmes passions » (Act 14,15) ; et au Christ : « Voici que nous avons tout quitté pour vous suivre ». (Mat 19,27) Et Paul, après avoir dit : « J’ai travaillé plus qu’eux tous », ajoute : « Non pas moi cependant, mais la grâce de Dieu avec moi ». (1Co 15,10) Et ailleurs, s’adressant aux mêmes Corinthiens, il leur disait : « Qu’avez-vous que vous n’ayez reçu ? » Vous n’avez rien à vous, ni l’argent, ni l’éloquence, ni la vie même : car elle est à Dieu.

3. Au besoin, sachez la perdre. Mais si vous aimez la vie et refusez de la dépouiller quand on vous la demande, vous n’êtes plus un dispensateur fidèle. Comment serait-il permis de résister à l’appel, de Dieu ? Et c’est en cela que je reconnais et admire la bonté de Dieu ; en ce que pouvant prendre malgré vous ce que vous possédez, il ne veut cependant que des dons volontaires, afin que vous méritiez une récompense.

Il pourrait, par exemple, vous enlever la vie malgré vous ; il demande que vous la lui donniez, pour que vous puissiez dire avec Paul : « Je meurs tous les jours ». (1Co 15,31) Il pourrait, malgré vous, vous dépouiller de la gloire et vous humilier ; il vous en demande le sacrifice volontaire, pour que vous obteniez la récompense. Il pourrait vous appauvrir malgré vous ; il désire vous voir pauvre volontaire, afin de vous tresser une couronne. Comprenez-vous la bonté de Dieu ? Voyez-vous notre lâcheté ?

Êtes-vous parvenu à une plus grande dignité, honoré d’une haute charge dans l’Église ? Né vous enorgueillissez pas ; ce n’est point vous qui avez acquis cette gloire, c’est Dieu qui vous en a revêtu. Usez-en comme d’une chose étrangère ; n’en abusez pas, ne l’employez pas à des objets peu convenables, ne vous en enflez pas, ne vous l’appropriez pas ; regardez-vous toujours comme un homme pauvre et obscur. Si l’on vous avait confié la garde de la pourpre royale, vous ne devriez pas la revêtir et la souiller, mais la conserver soigneusement pour celui qui vous l’aurait remise. Vous avez reçu le don de la parole ? Ne vous en glorifiez pas, ne vous en vantez pas ; car cette faveur n’est point à vous. Ne vous montrez point ingrat en tout ce qui appartient au maître ; mais faites en part à vos frères, n’en soyez pas fier comme d’un bien propre, et ne le ménagez pas dans la distribution. Si vous avez des enfants, ils sont à Dieu ; dans cette conviction, vous le remercierez tant que vous les posséderez ; quand ils vous seront enlevés, vous ne vous affligerez pas. Tel était job quand il disait :. « Dieu me les avait donnés, Dieu me les a enlevés ». (Job 1,21) Car nous tenons du Christ tout ce que nous avons ; l’existence même, la vie, la respiration, la lumière, l’air, la terre ; et s’il nous soustrait une seule de ces choses, c’en est fait de nous, nous périssons ; car nous sommes des étrangers et des voyageurs. Le « tien » et le « mien » sont de simples expressions qui n’ont pas d’objet. Si vous dites que cette maison est à vous, vous prononcez un mot vide de sens. En effet, l’air, la terre, la matière, appartiennent au Créateur, aussi bien que vous qui l’avez construite, et que tout ce qui existe. Que si vous en avez l’usufruit, il est bien précaire, non seulement, à cause de la mort, mais à raison de l’instabilité des choses.

Gravons ces vérités en nous, et devenons sages ; par là nous ferons double profit : nous serons reconnaissants dans la jouissance et dans la privation, et nous ne serons pas esclaves de biens passagers qui ne sont point à nous. En vous enlevant la richesse, l’honneur, la gloire, votre corps, votre vie même, Dieu a repris son bien ; en vous enlevant votre fils, ce n’est point votre fils, mais son serviteur qu’il reprend. Ce n’était point vous qui l’aviez formé, mais lui ; vous n’aviez été qu’un moyen, qu’un instrument ; Dieu a tout fait. Soyons donc reconnaissants d’avoir été jugés dignes d’être ministres de l’œuvre. Quoi ! vous auriez voulu le conserver toujours ? Mais c’est le fait d’un homme ingrat et qui ne comprend pas que le bien qu’il possède est à un autre et non à lui. Ceux qui sont toujours prêts à la séparation, sentent qu’ils ne sont point propriétaires ; mais ceux qui s’affligent, usurpent tes droits du roi. Si nous ne nous appartenons pas même, comment les autres nous appartiendraient-ils ? Nous sommes doublement à Dieu : et par la création et par la foi. C’est ce qui fait dire à David : « Ma substance est en vous » (Psa 38) ; et à Paul : « C’est en lui que nous vivons, que nous nous mouvons ; et que nous sommes » (Act 18,28) ; et encore, à propos de la foi : « Vous n’êtes plus à vous-mêmes ; et vous avez été achetés à un grand prix ». (1Co 6,19, 20) Car tout est à Dieu.

Quand donc il nous appelle, quand il veut reprendre, ne raisonnons pas à la façon des serviteurs ingrats, n’usurpons pas les droits du maître. Votre vie n’est pas à vous : comment vos biens y seraient-ils ? Pourquoi donc abusez-vous de ce qui ne vous appartient pas ? Ne savez-vous pas que cet abus vous sera un jour reproché ? Donc, puisqu’ils ne sont pas à nous, mais au maître, nous devions en faire des largesses à nos frères. C’est pour ne l’avoir pas fait que le mauvais riche fut accusé ; il en sera ainsi de ceux qui n’auront pas nourri te Seigneur. Ne dites donc pas : Je ne dépense que le mien, je jouis de mes biens propres ; non, ils ne sont pas à vous, mais aux autres ; et je dis aux autres, parce que vous le voulez : parce que Dieu veut que ce qu’il vous a donné pour vos frères soit à vous. Or, le bien d’autrui devient le vôtre, si vous l’employez au service du prochain ; mais si vous le dépensez pour vous avec profusion, de propre qu’il vous était, il vous devient étranger. Oui ; si vous en usez avec inhumanité ; si vous dites : Il est juste que je me serve de ce que j’ai ; je dis que votre bien vous devient étranger. Car il est commun entre vous et votre frère, comme le soleil, l’air, la terre et tout le reste. Et comme dans le corps humain, le service est commun au corps entier et à chaque membre, et quand il se concentre sur un seul membre, il n’y atteint pas même son effet : ainsi en est-il de l’argent.

4. Rendons cela plus sensible par un exemple. Si la nourriture corporelle destinée à tous les membres se dirige vers un seul, elle lui devient étrangère, puisqu’elle ne peut être digérée, ni le nourrir ; si, au contraire, elle se répartit entre tous les membres, elle lui devient propre comme à tous les autres. De même, si vous jouissez seul de vos richesses, vous les perdrez : car vous n’en recevrez pas la récompense ; mais si vous les partagez avec les autres, alors elles seront vraiment à vous, et vous en retirerez du profit ! Ne voyez-vous pas que les mains présentent la nourriture, que la bouche la triture, que l’estomac la reçoit ? L’estomac dit-il : Comme je l’ai reçue, je dois la retenir toute ? Ne le dites donc pas non plus de vos richesses ; c’est à celui qui les a reçues de les partager. De même que c’est un vice dans l’estomac de retenir toute la nourriture et de ne pas la distribuer, car par là il détruit le corps entier ; ainsi c’est un vice chez les riches de retenir ce qu’ils possèdent : car par là ils font leur malheur et celui des autres. L’œil aussi reçoit toute la lumière ; mais il ne la retient pas pour lui seul, et éclaire le corps entier. Tant qu’il est œil, il n’est pas dans sa nature de la retenir. Les narines respirent aussi les bonnes odeurs ; mais elles ne les conservent pas ; elles les transmettent au cerveau, les communiquent à l’estomac et réjouissent par elles l’homme tout entier. Les pieds seuls marchent ; mais ils ne se transportent pas seuls ; car ils mettent en mouvement le corps entier.

De même ne gardez point pour vous seul ce qui vous a été confié ; autrement vous nuiriez, à tous, à vous surtout. Cette observation ne s’applique pas seulement aux membres. Un ouvrier en fer, par exemple, en refusant de travailler pour les autres, se ruine lui-même et rend les autres arts impossibles. Semblablement, si un cordonnier, un laboureur, un boulanger, tout homme exerçant un métier nécessaire, refuse d’en faire jouir les autres, il les perd et se perd lui-même. Et que parlé-je des riches ? Les pauvres eux-mêmes, s’ils imitaient la méchanceté des riches et des avares, vous uniraient considérablement, vous appauvriraient, vous détruiraient même bientôt, s’ils refusaient de se prêter quand vous avez besoin d’eux : comme si, par exemple, un laboureur refusait le travail de ses mains, un pilote la faculté de commercer, sur mer, un soldat son habileté dans les combats. N’y eût-il pas d’autre raison, rougissez et imitez leur bienveillance. Vous ne faites part de vos richesses à personne ? Alors ne recevez rien de personne, et tout sera renversé de fond en comble. Car donner et recevoir est partout la source de beaucoup d’avantages, en agriculture, dans l’instruction, dans les arts. Quiconque garde son art pour lui seul, se perd et met le monde sens dessus dessous. En enfouissant la semence chez toi, le laboureur causera une affreuse disette ; ainsi le riche en enfouissant son argent, se nuit plus qu’aux pauvres, puisqu’il appelle sur sa tête la flamme terrible de l’enfer.

De même que les martres communiquent leurs connaissances à tous leurs élèves, quel qu’en soit le nombre ; ainsi faites-vous beaucoup d’obligés par vos bienfaits. Que tous disent : Il a délivré celui-ci de ta pauvreté, celui-là du péril ; un tel eût péri, si, avec la grâce de Dieu, vous ne l’aviez sauvé par votre patronage ; vous avez arraché celui-ci à la maladie, cet autre à la calomnie ; l’un était étranger, vous l’avez accueilli ; l’autre était nu, vous l’avez revêtu. De telles paroles valent mieux qu’une immense richesse et que de nombreux trésors ; elles attirent plutôt l’attention du public que des vêtements d’or, des chevaux et des esclaves. Par ceci on paraît ennuyeux, à charge, on est haï, comme l’ennemi de tous ; par cela, on est proclamé le père et le bienfaiteur universel, et, ce qui est bien au-dessus de tout le reste, on est accompagné dans toutes ses actions par la bienveillance de Dieu. Que l’un dise donc : Il a marié et doté ma fille ; l’autre : Il a fait prendre placé à mon fils parmi les hommes ; celui-ci : Il m’a tiré du malheur ; celui-là : Il m’a sauvé du péril. Ces paroles sont préférables à des couronnes d’or ; ce sont des milliers de hérauts qui proclament dans la ville les fruits de votre charité ; voix bien plus agréables, bien plus douces que celles des hérauts qui précèdent les magistrats, elles vous appellent sauveur, bienfaiteur, protecteur (les noms de Dieu même), et non avare, orgueilleux, insatiable, mesquin. Je vous en prie, n’ambitionnez pas de telles dénominations, mais celles qui leur sont contraires. Et si ces éloges, proférés sur la terre, rendent déjà si illustre et si glorieux, pensez de quel éclat, de quelle gloire vous jouirez quand ils auront été écrits dans le ciel, et que Dieu les proclamera au jour à venir. Puissions-nous obtenir tous ce bonheur, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, en qui appartiennent, au Père, en union avec le Saint-Esprit, la gloire, la force, l’honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
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