1 Timothy 2
HOMÉLIE VI. JE VOUS CONJURE DONC QU’AVANT TOUT DES DEMANDES, DES PRIÈRES, DES SUPPLICATIONS, DES ACTIONS DE GRÂCES SE FASSENT POUR TOUS LES HOMMES, POUR LES ROIS ET TOUS CEUX QUI SONT ÉLEVÉS EN DIGNITÉ, AFIN QUE NOUS MENIONS UNE VIE PAISIBLE ET TRANQUILLE, EN TOUTE PIÉTÉ ET RETENUE. CAR VOILA CE QUI EST BEAU ET DIGNE, AUX YEUX DE DIEU NOTRE SAUVEUR, QUI VEUT QUE TOUS LES HOMMES SOIENT SAUVÉS, ET ARRIVENT A RECONNAÎTRE LA VÉRITÉ. (II, 1-4)
Analyse.
- 1. Le devoir du prêtre est de prier pour toute la terre. – Le chrétien doit avoir une élévation d’âme par laquelle il ne soit plus possible à rien de terrestre de l’atteindre et de le blesser.
- 2. Ne pas faire d’imprécation contre ses ennemis, ne pas prier contre eux.
- 3. Ne pas se contenter d’entendre la prédication, la mettre aussi en pratique.
1. Le prêtre, sur toute la terre, est comme un père commun. Il doit donc prendre soin de tous, comme le fait le Dieu dont il est le prêtre. C’est pour cela que l’apôtre dit : « Je vous conjure d’abord qu’avant tout des demandes, des prières se fassent ». Car il en résulte deux biens : l’inimitié que nous avons pour ceux qui sont étrangers à notre foi ▼▼Πρὸς τοὺσ ὲξω. On voit par la suite du passage que la pensée de l’orateur se reporte spécialement sur l’époque où vivait l’apôtre ; du reste, une partie de son auditoire avait vu Julien.
s’évanouit ; nul en effet ne pourra conserver de la haine envers celui pour qui il prie ; et eux-mêmes deviendront meilleurs par l’effet des prières adressées pour eux, et parce qu’ils cesseront d’être furieux contre nous. Il n’est rien qui persuade si bien de se laisser instruire que d’aimer et d’être aimé. Réfléchissez à ce que devaient ressentir des hommes qui machinaient contre nous, qui – nous livraient aux jouets, à l’exil, à la mort, en apprenant que ceux qui éprouvaient ces cruels traitements adressaient à Dieu des prières assidues pour leurs persécuteurs. Vous voyez combien l’apôtre veut que le chrétien soit élevé au-dessus de tout. Qu’un petit enfant sans raison, porté par son père, le frappe au visage, la tendresse du père envers lui n’en sera point diminuée ; de même, si nous sommes frappés par les païens, nous ne devons rien perdre de notre bienveillance pour eux. Et que veulent dire ces mots : « Avant tout ? » Ils veulent dire : Dans le culte rendu à Dieu chaque jour. Ceux qui sont initiés savent comment cette prière se fait tous les jours soir et matin ; comment nous adressons nos vœux pour le monde entier, pour les rois et tous ceux qui sont élevés en dignité. Mais peut-être on dira que par ces mots : « Pour tous les hommes », l’apôtre entend, non le genre humain, mais les fidèles. Comment disait-il donc : « Pour les rois », car alors il n’y avait pas de rois qui fussent chrétiens ; mais pendant longtemps ce furent des rois impies succédant à des rois impies. Et afin que sa parole fût exempte de flatteries, il a dit d’abord : « Pour tous les hommes », et ensuite : « Pour les rois ». Car s’il n’eût parlé que des rois, il aurait pu donner lieu à ce soupçon. Ensuite, parce qu’il était vraisemblable que l’âme d’un chrétien serait glacée à cette parole, et n’accueillerait pas l’avis qu’il faut offrir des prières pour un païen, au moment de la célébration des mystères, voyez ce qu’ajoute l’apôtre, et quel avantage il signale afin que son avis soit reçu. « Afin », dit-il, « que nous passions une vie paisible et tranquille ». C’est-à-dire que le salut de ceux-là, c’est pour nous le repos ; c’est ainsi que, dans l’épître aux Romains, les engageant à obéir aux princes, il dit qu’on le doit faire, non seulement par nécessité, mais aussi par conscience. Car c’est pour l’utilité commune que Dieu a établi les puissances. Ne serait-il donc pas déraisonnable qu’ils marchent à la guerre et dressent des armées, afin que nous vivions en sécurité et que nous – ne fassions pas même de prières pour ceux qui s’exposent aux périls et aux fatigues de la guerre ? Ce n’est donc point flatterie, mais justice. Car s’ils n’étaient point préservés dans les périls et n’acquéraient point d’honneur à là guerre, nous serions dans le trouble et les alarmes ; nous serions obligés, s’ils étaient massacrés par l’ennemi, ou de marcher nous-mêmes aux combats, ou de fuir et d’errer en tous lieux. Ils sont pour nous comme des remparts qui gardent en paix les habitants d’une ville. – « Des demandes, des prières, des supplications, des actions de grâces ». Nous devons en effet rendre grâces à Dieu, même pour le bien qui arrive aux autres ; de ce qu’il fait lever le soleil sur les méchants et les bons, et donne la pluie aux justes et aux injustes. Voyez-vous que ce n’est pas seulement par la prière, mais par les actions de grâces qu’il nous unit comme en un seul corps ? Car celui qui est obligé de remercier Dieu du bonheur de son prochain, est obligé de l’aimer, d’être, animé envers lui de sentiments de bienveillance. Et si nous devons rendre grâces pour le bien qui est fait au prochain, combien plus pour celui qui nous est fait, même à notre insu ; pour le bien qui nous est fait avec ou malgré notre volonté, et même pour ce qui nous paraît fâcheux, car Dieu dispose tout pour notre bien. 2. Que toute prière soit donc pour nous, accompagnée d’actions de grâces. Mais s’il nous est ordonné de prier pour notre prochain, non seulement fidèle, mais aussi infidèle, réfléchissez combien il est criminel de prononcer des imprécations contre nos frères. Que direz-vous ? L’apôtre vous a ordonné de prier pour vos ennemis et vous maudissez votre frère. Ce n’est pas lui, c’est vous une vous maudissez, car vous irritez Dieu en prononçant des paroles impies : Faites-lui sentir ceci, faites-lui cela, frappez-le, rendez-lui le mal qu’il me fait. Loin des disciples du Christ de telles paroles : ils sont faciles et doux ; loin d’une bouche qui est jugée digne de recevoir de tels mystères. Qu’elle ne prononce rien d’amer, rien de dur ; la langue sur laquelle vient reposer le corps divin, gardons-la pure, en ne lui faisant point proférer d’imprécations. Car, si les médisants n’hériteront point du royaume de Dieu, combien plus ceux qui maudissent. Celui qui maudit se rend nécessairement coupable d’offenses envers son prochain. Prier l’un pour l’autre et s’en rendre coupable sont choses incompatibles ; l’imprécation et la prière sont séparées par un abîme. Vous priez Dieu d’être miséricordieux envers vous et vous maudissez un autre homme ? Si vous ne pardonnez, il ne vous sera point pardonné ; et non seulement vous ne pardonnez pas, mais vous priez Dieu de ne pas pardonner. Comprenez-vous cet excès de malice ? S’il n’est point pardonné à celui qui ne pardonne pas, comment le serait-il à celui qui supplie le Maître commun de ne pas remettre la dette ? Ce n’est pas à votre ennemi que vous nuisez, mais à vous-même. Non, si Dieu allait vous exaucer priant pour vous-même, vous ne serez point exaucé, parce que vous priez d’une bouche criminelle ; cette bouche est vraiment criminelle et impure, pleine de toute infection et de toute impureté. Vous deviez trembler à cause de vos péchés, et ne faire effort que pour obtenir grâce, et vous venez vers Dieu pour l’exciter contre votre frère ? Ne craignez-vous donc point ? Ne vous inquiétez-vous point pour vous-même ? Ne voyez-vous pas à quelle issue vous arrivez ? Imitez au moins les enfants qui vont à l’école : lorsqu’on demande à leur division compte de ce qu’elle a appris, et que tous sont châtiés pour leur paresse, qu’ils sont l’un après l’autre examinés sévèrement et accablés de coups, chacun meurt de peur ; et quand un de ses condisciples l’aurait battu cent fois, l’élève n’a pas le loisir de se mettre en colère, mais la crainte l’occupe tout entier ; il ne s’adresse point à son maître, mais n’a qu’une seule chose en vue, c’est d’entrer et de sortir sans être frappé ; c’est là le seul point dont il s’occupe ; quand il est parti, il ne pense même pas, tant il est content, si son camarade l’a battu ou non. Et vous qui êtes là, songeant à vos péchés, vous ne frémissez pas, parce que vous vous rappelez les actions des autres ? Et comment implorez-vous Dieu ? En demandant qu’il sévisse contre votre frère, vous empirez votre situation, vous ne permettez pas que Dieu vous pardonne vos fautes. Comment, en effet, dit-il, si tu veux que je demande un compte sévère des torts qu’on a eus envers toi, comment me demandes-tu de te pardonner tes propres offenses envers moi ? Apprenons enfin à être chrétiens. Si nous ne savons pas prier, ce qui est doux et bien facile, comment saurons-nous le reste ? Apprenons à prier comme des chrétiens. Ce ne sont pas là des prières de chrétiens, mais de juifs ; celles du chrétien, tout au contraire, c’est de demander pardon et miséricorde pour les offenses commises envers lui. « Nous sommes maudits, et nous bénissons », dit l’apôtre ; « nous sommes persécutés, et nous le supportons ; nous sommes calomniés, et nous prions ». (1Co 4,12-13) Écoutez ce que dit Étienne : « Seigneur, ne leur imputez point ce péché ». (Act 7,59) non seulement il n’a point lancé d’imprécation contre ses bourreaux, mais il a prié pour eux ; et vous, non seulement vous ne priez pas pour vos ennemis, mais vous les maudissez. De même donc qu’il est digne d’admiration, vous, vous êtes un misérable. Qui admirons-nous, dites-moi ? Ceux pour qui Étienne priait, ou l’auteur de cette prière ? Celui-ci assurément. Et si nous pensons ainsi, combien plus Dieu lui-même. Tu veux que ton ennemi soit châtié ? Prie pour lui, mais non dans cette pensée, non pour l’atteindre ; cet effet sera produit, mais ne le fais pas dans ce but. Bien que ce saint personnage souffrit injustement cette persécution, il priait pour ses bourreaux ; tandis que nous souffrons souvent de la part de nos ennemis des maux que nous méritons. Et si, souffrant contre toute justice, il n’a point osé maudire ; bien plus, s’il n’a pas osé né point prier pour ses ennemis, nous qui soufrons avec justice et qui cependant, non seulement ne prions point pour les nôtres, mais les maudissons au contraire, de quel châtiment ne sommes-nous pas dignes ? Vous paraissez blesser votre ennemi, mais en réalité c’est en vous-même que vous enfoncez l’épée, puisque vous ne permettez point que le juge se montre miséricordieux pour vos péchés, en cherchant à l’irriter contre ceux des autres « On usera envers vous de la mesure dont vous aurez usé envers les autres, et vous serez jugés comme vous aurez jugé ». (Mat 7,2) Soyons miséricordieux, afin que nous obtenions de Dieu miséricorde. 3. Je voudrais que, ne vous bornant point à entendre ces paroles, vous fussiez fidèles à les observer. Maintenant elles ne vous laissent qu’un souvenir, et bientôt il sera lui-même effacé ; quand vous vous serez dispersés, si quelqu’un de ceux qui ne sont pas venus ici vous interroge sur ce que nous avons dit, les uns ne sauront que dire, d’autres sauront seulement répondre quel a été le sujet de l’homélie, savoir que le prédicateur a dit qu’il ne faut point avoir de ressentiment, mais au contraire prier pour ses ennemis ; ajoutant qu’ils ne chercheront point à reproduire toute la suite de mes paroles, car ils ne sauraient s’en souvenir ; d’autres se souviennent de quelques minces lambeaux. C’est pourquoi je vous invite, si vous ne tirez nul profit de mes discours, à ne point vous attacher à m’entendre. Car que vous en revient-il, sinon un jugement plus sévère, un châtiment plus rigoureux, pour demeurer dans le même état après tant d’avertissements ? Dieu nous a donné une formule de prière afin que nous ne demandions rien de terrestre et d’humain. Vous savez, vous qui êtes fidèles, ce qu’il faut demander, et dans quel sens est conçue toute la commune prière. Mais il n’est pas dit, dans cette prière, me répandrez-vous, que nous devons prier pour les infidèles. C’est que vous ne connaissez pas la force de cette prière, sa profondeur et le trésor qu’elle renferme ; si l’on y pénètre, on l’y trouvera. Car lorsque l’on dit dans sa prière : « Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel », c’est là le sens qui se trouve caché dans cette parole. Comment cela ? C’est qu’au ciel il ne se trouve ni infidèle ni prévaricateur. Si donc il n’était question que des fidèles, cette parole n’aurait pas de sens ; car si les fidèles devaient seuls accomplir la volonté de Dieu, et qu’elle fût enfreinte par les infidèles, elle ne serait point accomplie comme dans le ciel. Et quoi encore ? Au ciel, il n’est point de pervers ; qu’il n’en soit donc plus sur la terre ; attirez-les tous, mon Dieu, à votre crainte, faites des anges de tous les hommes, quand ils seraient nos ennemis et ceux de l’empire. Ne voyez-vous pas combien chaque jour Dieu est blasphémé ? - Combien il est outragé par les infidèles et par les chrétiens, en paroles et en actions ? Eh bien ! a-t-il pour cela éteint le soleil, voilé la lune, brisé le ciel, bouleversé la terre, desséché la mer, fait disparaître les sources des eaux, troublé les airs ? Nullement, mais il fait au contraire lever le soleil, tomber la pluie, pousser les fruits, et il nourrit chaque année les blasphémateurs, les insensés, les criminels, les persécuteurs, non un jour ni deux ou trois jours, mais durant toute leur vie. Imitez-le, efforcez-vous de le faire suivant l’humaine puissance. Vous ne pouvez pas faire lever le soleil ? Ne dites pas de mal de vos ennemis. Vous ne pouvez leur donner la pluie ? Ne les injuriez pas. Vous ne pouvez les nourrir ? Ne les insultez pas dans l’ivresse. De votre part ces bienfaits suffiront. En Dieu, la bienfaisance envers les ennemis se manifeste par des actes ; manifestez-la du moins par des paroles : priez pour votre ennemi, et ainsi vous serez semblable à votre Père qui est dans les cieux. Mille fois nous avons parlé de ce sujet, et nous ne cessons point de le faire ; que seulement il s’opère quelque progrès. Nous ne nous engourdissons point, nous ne nous lassons point de parler, nous ne nous décourageons point, vous seulement ne paraissez pas vous dégoûter de nous entendre. Or, on paraît se dégoûter quand, on ne tient nul compte des discours que l’on entend, car celui qui s’y conforme, veut les entendre encore, n’y trouvant point un sujet d’ennui, mais des éloges. Le dégoût ne vient que de ce qu’on n’observe point ce qu’on entend ; c’est ainsi que le prédicateur devient à charge. Dites-moi, si un homme fait l’aumône et entend un sermon sur l’aumône, non seulement il n’hésite pas à venir l’écouter, mais il s’y plaît comme si l’on racontait et publiait ses bonnes actions. De même, nous aussi, c’est parce que nous n’avons nulle patience, parce que nous ne pratiquons point cette vertu, que nous montrons de l’aversion pour de tels discours ; si notre pratique y était conforme, ne nous déplairaient pas. Si donc vous ne voulez pas que nous vous soyons à charge et odieux, conformez-vous à nos avis, montrer le par vos actions, car nous ne cesserons poil de revenir sur le même sujet jusqu’à ce que vous soyez convertis. Oui, c’est par zèle et te dresse pour vous que nous agissons ainsi c’est aussi à cause du péril qui nous mena nous-même. Le trompette doit sonner : quand nul ne marcherait à l’ennemi, il remplit son devoir. Ce n’est donc pas pour aggraver votre châtiment que nous agissons ainsi, mais pour dégager notre responsabilité. Ensuite notre charité pour vous nous anime ; nos entrailles sont saisies et déchirées, quand de tels péchés se produisent. Mais qu’il n’en soit point ainsi. Ce que nous vous demandons là n’exige ni dépense, ni longue route, ni sacrifice de richesses ; il ne faut que vouloir, qu’un mot, qu’un acte de volonté. Gardons notre bouche, mettons-y une porte et un verrou, afin de ne pas prononcer une parole qui déplaise à Dieu. C’est notre intérêt même plutôt que l’intérêt de ceux pour qui nous prions. Réfléchissons que celui qui bénit son ennemi se bénit lui-même, et que celui qui le maudit se maudit lui-même ; que celui qui prie pour son ennemi prie pour soi plutôt que pour lui (Luc 6,28). C’est ainsi que nous pourrons réaliser ce progrès et obtenir les biens promis, que je souhaite à tous, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec qui soient au Père et au Saint-Esprit, gloire, puissance, honneur, à présent et toujours, et aux siècles des siècles, Ainsi soit-il. HOMÉLIE VII.
AFIN QUE NOUS MENIONS UNE VIE PAISIBLE ET TRANQUILLE, EN TOUTE PIÉTÉ ET RETENUE. CAR VOILÀ CE QUI EST BEAU ET DIGNE, AUX YEUX DE DIEU NOTRE SAUVEUR, QUI VEUT QUE TOUS LES HOMMES SOIENT SAUVÉS ET ARRIVENT A RECONNAÎTRE LA VÉRITÉ. (II, 2-4 JUSQU’À 7) Analyse.
- 1. II y a trois sortes de guerres, celle que nous font les étrangers, celle que les concitoyens se font entre eux, celle que nées nous faisons à nous-même : celle-ci est la pire des trois.
- 2. il n’y a qu’un Dieu et qu’un médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ.
- 3. Exhortation à l’aumône. – Néant des richesses.
1. Si l’apôtre veut que les guerres des nations, les combats et les troubles s’apaisent, et s’il exhorte, pour ce motif, le prêtre à faire des prières pour les rois et les princes, à bien plus forte raison les simples fidèles doivent le faire. En effet, il y a trois sortes de guerres qui sont cruellement douloureuses : la première, quand nos soldats sont combattus par les Barbares ; la seconde, quand, pendant la paix, nous combattons les uns contre les autres ; la troisième enfin, quand chacun combat contre lui-même ; et celle-ci est la plus douloureuse de toutes. Celle des Barbares ne saurait nous nuire beaucoup. Que vous feraient-ils ? Ils égorgent, ils tuent ; mais ils ne nuisent point à l’âme. La seconde même, si nous le voulons, ne nous fera point de mal. Quand d’autres nous attaqueraient, nous pouvons demeurer en paix, car écoutez ce que dit le Prophète : « Au lieu de m’aimer, ils me calomniaient, mais moi je priais » (Psa 109,4) ; et encore : « Avec ceux qui haïssaient la paix, j’étais pacifique » (Psa 120,7) ; et : « Ils m’attaquaient gratuitement ». Mais pour la troisième, on ne peut échapper au péril. Car lorsque le corps est en lutte contre l’âme, lorsqu’il éveille de fâcheuses passions, arme les voluptés, suscite l’entraînement de la colère ou de l’envie, il est impossible, si cette guerre n’est réprimée, d’obtenir les biens promis ; mais nécessairement celui qui laisse durer ce trouble, tombe, reçoit des blessures, et cette guerre enfante la mort de l’enfer. Il nous faut donc chaque jour vivre dans la sollicitude et la vigilance, afin que cette guerre ne naisse point en nous, ou, si elle naît, qu’elle ne persiste point, mais soit apaisée et assoupie. Car quel avantage auriez-vous, si, la terre jouissant d’une paix profonde, vous étiez en guerre contre vous-même ? C’est la paix avec nous-même qu’il est nécessaire d’avoir ; si nous la possédons, rien du dehors ne pourra nous nuire. Mais la paix du pays y contribue notablement ; c’est pourquoi le texte dit : « Afin que nous menions une vie paisible et tranquille ». Mais celui qui est troublé pendant la paix est bien malheureux. Voyez-vous que l’apôtre parle de cette sorte de paix, de la troisième ? C’est pour cela qu’en disant : « Afin que nous menions une vie paisible et tranquille », il ne s’arrête pas là, mais ajoute : « En toute piété et retenue ». Or, on ne peut vivre dans la piété et la retenue sans jouir de cette paix. Car lorsque des raisonnements inquiets troublent notre foi, quelle paix pouvons-nous avoir ? Lorsque nous sommes agités par le souffle du libertinage, quelle paix pouvons-nous avoir ? Il veut donc prévenir la pensée qu’il parle d’une paix terrestre, quand il dit : « Afin que nous menions une vie paisible et tranquille » ; car, en ce sens, une vie paisible et tranquille peut être menée par les gentils, les gens déréglés, ceux qui se livrent à la mollesse et aux plaisirs. Sachez donc qu’il ne parle point de celle-là, mais de celle que l’on trouve dans la piété et la retenue. Car cette autre vie est pleine d’embûches et de combats, l’âme étant chaque jour atteinte par le trouble des raisonnements ; ce n’est donc point d’elle qu’il parle, mais de celle qui réside en toute piété. « En toute piété », dit-il, pour que l’on ne pense pas qu’il s’agit seulement de la croyance, mais aussi de la conduite ; car c’est là qu’il faut chercher la piété. Que gagnent ceux qui, pieux quant à leur foi, sont impies dans leur conduite ? Et pour ne pas douter qu’il y ait aussi là de l’impiété, écoutez ce bienheureux dire autre part : « Ils avouent connaître Dieu, et ils le nient par leurs actes » (Tit 1,16) ; et aussi : « Il a nié sa foi et est pire qu’un infidèle » (1Ti 5,8) ; ailleurs : « Si quelqu’un est nommé frère et est impudique, ou avare, ou idolâtre » (1Co 5,11), celui-là n’honore pas Dieu. L’Écriture dit aussi que « Celui qui hait son frère ne connaît pas Dieu ». (1Jn 2,9) Vous voyez combien il y a de sortes d’impiété. C’est pourquoi l’apôtre dit : « En toute piété et retenue ». Car ce n’est pas l’impudique seul qui manque de retenue ; mais l’homme cupide, l’homme sans frein méritent le même reproche ; il y a là une passion non moindre que la volupté. Celui donc qui ne la réprime pas est un homme sans frein, car on appelle ainsi celui qui ne refrène pas ses passions. Je donnerai donc ce nom à l’homme colère, à l’envieux, à l’avare, au perfide, à tous ceux qui vivent dans le péché ; tous sont sans retenue ni modération. « Car voilà ce qui est beau et digne aux yeux de Dieu notre Sauveur ». Et qu’est-ce ? C’est de prier pour tous ; voilà ce que Dieu accueille, voilà ce qu’il veut, lui « qui veut que tous les hommes soient sauvés et arrivent à reconnaître la vérité ». 2. Imitez Dieu puisqu’il veut que tous soient sauvés, vous devez apparemment prier pour tous ; s’il a souhaité que tous le fussent, souhaitez-le aussi. Et s’il en est ainsi, priez, car c’est pour de tels objets qu’il faut prier. Voyez-vous comment l’apôtre a de toutes parts fait pénétrer dans nos âmes le devoir de prier même pour les païens ? Il nous montre l’avantage immense que nous en retirons, en disant « Afin que nous menions une vie paisible « et tranquille » ; il nous montre aussi ce motif bien supérieur, que cela plaît à Dieu et que nous devenons ainsi semblables à lui, en ayant le même vouloir que lui. Cela devrait suffire pour faire honte même à une bête féroce. Ne craignez donc pas de prier pour les païens, Dieu lui-même le veut ; craignez seulement de maudire, car c’est là ce qu’il ne veut pas. Et s’il faut prier pour les païens, il est clair qu’il faut aussi prier pour les hérétiques, car nous devons le faire pour tous les hommes, et non les persécuter. Oui, il est beau de prier pour eux : n’ont-ils pas avec nous une même nature ? Dieu loue et agrée l’amour et la tendresse que nous avons les uns pour les autres. Mais, dira-t-on, si le Seigneur a cette volonté, qu’a-t-il besoin de nos prières ? Il est fort utile aux païens et aux hérétiques que nous les fassions ; elles les entraînent à nous aimer et vous empêchent vous-mêmes de vous aigrir tout cela est propre à les attirer à la foi. Car beaucoup d’hommes se sont éloignés de Dieu par animosité contre les hommes. C’est là le salut dont parle l’apôtre, quand il dit : « Notre Sauveur qui veut que tous les hommes soient sauvés » : c’est là le salut véritable ; tout autre est peu de chose et n’a que le nom et le titre de salut. – « Et arrivent à reconnaître la vérité ». La vérité, c’est la foi en lui. L’apôtre, en effet, a d’abord averti Timothée d’exhorter les hommes à ne point enseigner de nouvelles doctrines. Et pour qu’il ne trouve pas en eux des ennemis, pour qu’il n’engage pas de luttes contre eux, que lui dit-il encore ? Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et arrivent à reconnaître la vérité. Il ajoute : « Il n’y a qu’un seul Dieu, et qu’un seul médiateur entre Dieu et les hommes (5) ». Il a dit : « Arrivent à te connaître la vérité », montrant ainsi que terre n’en est point en possession ; puis : « il n’y a qu’un seul Dieu », et non plusieurs comme le croient les gentils. Pour montre que Dieu veut que tous soient sauvés, il ajout qu’il a envoyé son Fils comme médiateur. El quoi, le Fils n’est-il pas Dieu ? Oui, certes Pourquoi donc l’apôtre dit-il : Un seul ? Par opposition aux idoles et non au Fils, car il parle à la fois ici de la vérité et de l’erreur. Mais le médiateur doit participer à ceux don il est le médiateur ; l’essence de la médiation est de tenir et de participer à tous deux ; s’il tient à l’un et est séparé de l’autre, il n’est pas médiateur. Si donc il ne participe pas à la nature du Père, il n’est point médiateur, mais séparé. Car de même qu’il participe à la nature humaine, parce qu’il est venu parmi les hommes, il participe à celle de Dieu, parce qu’il est venu de Dieu. Puisqu’il est le médiateur de deux natures, il ne peut en être isolé. Comme un lieu intermédiaire entre deux autres les a tous deux pour voisins, de même en doit-il être pour celui qui est le lien entre deux natures. S’il s’est fait homme, il n’en était pas moins Dieu. Simplement homme, il n’aurait pu être médiateur, car il fallait qu’il traitât avec Dieu même ; simplement Dieu, il ne l’aurait pu encore, car ceux pour qui il se faisait médiateur ne l’auraient pas reçu. Car de même que dans un autre endroit l’apôtre dit : « Il n’y a qu’un Dieu le Père… et un Seigneur Jésus-Christ » (1Co 8,6), ainsi en ce passage même, il dit un Dieu et un médiateur. Il ne met pas « deux », car il parlait ici du polythéisme et ne voulait pas que personne abusât du mot « deux » pour supposer deux dieux ; il a dit « un » et puis encore il dit « un ». Voyez-vous quelle précision de langage on trouve dans l’Écriture ! Un et un sont deux, mais nous ne prononcerons pas ce mot, bien que le raisonnement nous y invite. Ici vous ne dites pas : Un et un, deux. Vous dites ce que le raisonnement ne vous suggère pas. S’il est né, il a souffert. « Il n’y a », dit-il, « qu’un seul Dieu et qu’un seul médiateur entre Dieu et les hommes, c’est Jésus-Christ, qui est homme, qui s’est donné comme rançon pour tous ». (1Ti 2,5-6) Eh quoi ? pour les païens aussi ? Il est le Christ et il est mort pour eux, et vous, vous ne consentez pas à prier pour eux ! Comment donc, me dira-t-on, n’ont-ils pas cru ? Parce qu’ils ne l’ont pas voulu, mais, ce qu’il avait à faire, il l’a fait. Le « témoignage » dont parle l’apôtre (Id), c’est sa passion. Car il est venu rendre témoignage à la vérité du Père, et il a été égorgé. En sorte que non seulement le Père lui rend témoignage, mais lui aussi au Père. « Pour moi », dit-il, « je suis venu au nom de mon Père ». (Jn 5,43) Et ailleurs : « Nul n’a jamais vu Dieu ». (Jn 1, 18) Et encore : « Afin qu’ils vous connaissent, vous le seul Dieu véritable » (Jn 17, 3) ; et : « Dieu est esprit ». (Jn 6, 24) Il a donc rendu témoignage jusqu’à la mort « en son temps », c’est-à-dire au temps opportun. 3. « C’est pourquoi j’ai été placé comme prédicateur et apôtre (je dis la vérité, je ne ments point) ; docteur des nations dans la foi et la vérité (7) ». Puis donc que le Sauveur a souffert pour les nations, et que c’est aussi pour être docteur des nations que j’ai été mis à part, pourquoi ne priez-vous pas pour les gentils ? Il réclame la confiance, comme ayant été mis à part pour être le docteur des nations ; car les apôtres s’étaient montrés bien lents à cet égard. Il ajoute « docteur des nations, dans la foi et la vérité ». – « Dans la foi » ; ne pensez pas que ce soit un leurre, car il dit aussi : « Dans la vérité » ; ce n’est point une fraude. Vous voyez que la grâce s’étend ; chez les juifs on ne faisait point de prières pour un tel but ; mais maintenant la grâce s’est étendue. « Docteur des nations dans la foi et la vérité ». – « Qui s’est donné comme rançon ». Comment a-t-il été livré par son Père ? C’est que sa bonté l’a voulu. Qu’est-ce que cette rançon ? Il devait punir ces hommes ; ils devaient périr ; mais à leur place il a livré son propre fils, afin que la croix fût prêchée. C’en est assez pour attirer tous les hommes et pour faire connaître la charité du Christ ; carde tels bienfaits sont immenses et inénarrables. Il s’est immolé lui-même pour ses ennemis, pour ceux qui le haïssent et se détournent de lui. Ce qu’un homme ne ferait pas pour ses amis, pour ses enfants, pour ses frères, le Maître l’a fait pour ses serviteurs ; et non un maître de la même espèce qu’eux, mais un Dieu pour des hommes et pour des hommes coupables. Ce qui ne se fait pas pour ses semblables, s’est fait alors, et nous, objets d’une telle charité, nous semblons nous y refuser, nous n’aimons pas le Christ. Il s’est immolé pour nous, et nous le voyons d’un œil distrait privé de nourriture ; il est malade, il manque de vêtements et nous n’y prenons pas garde. Quelle colère, quels châtiments, quel enfer ne mérite pas une telle conduite ? Quand il n’eût rien fait que daigner s’approprier les souffrances des hommes, que nous dire : J’ai faim, j’ai soif, n’était-ce pas assez pour nous entraîner tous ? Mais, ô tyrannie des richesses, ou plutôt, ô perversité de leurs esclaves volontaires, de telles pensées ont peu de pouvoir ; nous sommes lâches et dissolus, abjects et terrestres, charnels et insensés ; car ce ne sont pas les richesses qui ont cette puissance. Que peuvent-elles ? Dites-le-moi ; elles sont muettes et inanimées. Si le diable, si le mauvais génie ne peut rien sur nous, malgré toute sa malice et bien qu’il trouble tout, quelle force possèdent les richesses ? Quand vous voyez de l’argent, pensez que c’est de l’étain, Mais vous ne le pensez pas ? Pensez alors, ce qui est vrai, que n’est de la terre, car il fait partie de la terre. Mais ce raisonnement ne fait point impression sur vous ? Pensez donc que nous mourrons, nous aussi ; que beaucoup de ceux qui l’ont possédé n’en ont tiré presque nul profit ; qu’un grand nombre de ceux qui s’en sont enorgueillis sont devenus cendre et poussière, qu’ils subissent aujourd’hui les plus rigoureux châtiments, et que bien des hommes qui reposaient sur des lits d’ivoire sont maintenant beaucoup plus misérables que ceux qui avaient des vases de terre et de verre, plus dénués que ceux qui vivaient dans la fange. Mais cela réjouit la vue ? Il est bien d’autres objets qui le peuvent davantage. Les fleurs, l’air pur, le ciel, le soleil la réjouissent bien plus. L’argent se rouille au point que quelques-uns ont montré qu’il est noir, comme on le voit, puisqu’il noircit la serviette qui l’essuie : rien de semblable dans le soleil, dans le ciel et dans les étoiles. Les fleurs ont un aspect bien plus agréable que la couleur de l’argent. Ce n’est donc pas son éclat qui vous enchante, c’est la cupidité, c’est l’injustice ; c’est là ce qui séduit les âmes et non l’argent lui-même. Chassez la cupidité de votre âme, et vous verrez que ce qui vous paraît si digne d’estime, est plus méprisable que la boue. Chassez la passion : quand ceux qui ont la fièvre aperçoivent une eau bourbeuse, ils désirent s’en abreuver, comme si c’était une source ; ceux dont la santé est bonne ne désirent de l’eau que par intervalles. Éloignez la maladie, et vous verrez les choses comme elles sont réellement ; et pour vous prouver que je ne ment point, je puis en produire beaucoup d’exemples. Éteignez le feu qui vous brûle, et vous verrez que tout cela est moins précieux que des fleurs. L’or est beau ; oui, mais dans l’aumône, pour le soulagement des malheureux, et non pour un vain usage, non pour être enfoui dans un coffre ou dans la terre, non pour être étalé sur les mains, les pieds et la tête. S’il a été découvert, ce n’est point pour en lier l’image de Dieu, mais pour délivrer les captifs ; c’est ainsi que vous en ferez vraiment usage ; délivrez le captif au lieu d’en lier cette image libre de ses mouvements. Car pourquoi, s’il vous plaît, préférer à tout un objet de si peu de valeur ? Si c’est de l’or, en forme-t-il moins une chaîne ? est-ce donc dans le choix de la matière que consiste le lien ? D’or ou de fer, c’est toujours une chaîne, si ce n’est que l’une est encore plus lourde que l’autre. Mais pourquoi vous paraît-elle légère ? C’est à cause de votre cupidité, du désir d’attirer tous les regards, ce dont une femme devrait plutôt rougir. Comme preuve de cette parole, chargez-la de chaînes d’or et envoyez-la dans un désert, où elle ne trouvera personne pour la regarder : bientôt ce lien lui paraîtra pesant et insupportable. Redoutons, mes bien-aimés, d’entendre ces redoutables paroles : « Liez-lui les mains et les pieds ». (Mat 22,13) Pourquoi dès ce monde vous lier ainsi vous-mêmes ? Un prisonnier n’est pas enchaîné, des mains et des pieds. Et cela ne vous suffit donc pas ? Pourquoi lier votre tête, pourquoi environner votre cou de tant de liens ? J’omets les soucis qui en résultent, la crainte, les tourments, les querelles avec son mari pour de pareils objets, quand on les demande, le supplice que l’on éprouve, si l’on en perd quelqu’un. C’est donc là le bonheur, dites-le-moi ? Afin de plaire aux yeux d’un autre, vous subissez volontairement les liens, les soucis, les périls, les chagrins, les querelles de chaque jour, N’est-ce pas là un sort digne à tous égards de blâme et de réprobation ? Je vous en conjure, n’agissons point ainsi, mais dégageons-nous de tout lien d’iniquité ; rompons le pain à celui qui a faim, accomplissons toutes les œuvres qui peuvent nous donner assurance en présence de Dieu, afin d’obtenir les biens promis, en le Christ Jésus Notre-Seigneur, avec qui soient au Père et au Saint-Esprit, gloire, puissance, honneur, à présent et toujours, et aux siècles des siècles. Ainsi soit-il. HOMÉLIE VIII.
JE VEUX DONC QUE LES HOMMES PRIENT EN TOUT LIEU, EN ÉLEVANT DES MAINS INNOCENTES, SANS COLÈRE NI DISCUSSION ; ET DE MÊME AUSSI LES FEMMES, VÊTUES AVEC CONVENANCE, SE PARANT AVEC PUDEUR ET RETENUE, SANS FRISURES, SANS OR, SANS PERLES NI HABITS LUXUEUX, MAIS COMME IL SIED A DES FEMMES QUI ANNONCENT LA PIÉTÉ PAR LEURS BONNES ŒUVRES. (II, 8-10) Analyse.
- 1. On peut prier partout sous la loi de grâce, contrairement à ce qui avait lieu sous la loi de Moise. – Contre le luxe des femmes.
- 2 et 3. Contre les vierges dont la mise est trop étudiée.
1. « Lorsque vous prierez », dit le Seigneur, « ne soyez pas comme les hypocrites, qui aiment à prier debout dans les synagogues et aux angles des places publiques, afin d’être vus par les hommes. En vérité, je vous le dis, ils reçoivent ici leur récompense. Mais vous, lorsque vous priez, entrez dans votre chambre, fermez la porte et priez votre « Père dans le secret ; il vous le rendra publiquement ». (Mat 6,5-6) Pourquoi donc Paul dit-il : « Je veux que les hommes prient « en tout lieu, en élevant des mains pures, sans « colère ni discussion ? » N’y a-t-il pas contradiction entre ces deux textes ? À Dieu ne plaise ; mais plutôt parfaite conformité. Et comment donc ? D’abord il faut expliquer ce que veulent dire ces mots : « Entrez dans votre chambre », et ce que prescrit l’apôtre ; s’il faut prier en tout lieu, ou s’il ne faut pas prier à l’église, ni dans aucune autre partie de sa maison que celle-là. Que signifie ce texte ? Le Christ nous enseignant ici à fuir la vanité, ne nous dit pas absolument de prier dans un lieu secret ; mais de faire nos prières sans ostentation. De même que, lorsqu’il dit : « Que votre main gauche ne sache pas ce que fait votre main droite » (Id. 3), il ne parle pas de nos mains, mais il exprime l’humilité par une hyperbole ; de même il enseigne ici la même chose dans un langage figuré. Par là donc, il n’a pas limité la prière à un lieu déterminé, mais il nous a enseigné une seule chose : à fuir l’ostentation. Et Paul dit ceci pour distinguer la prière des chrétiens de celle des juifs. Voyez en effet comment il s’exprime : « En tout lieu, élevant des mains innocentes » ; ce qui n’était point permis aux juifs. Car il ne leur, était point permis de se présenter devant Dieu, pour offrir des sacrifices et accomplir les cérémonies du culte, ailleurs que dans un lieu unique, où de toutes les contrées de la terre chacun devait accourir pour accomplir dans le temple des cérémonies saintes. Paul nous donne un conseil tout différent, et nous délivre de cette contrainte ; car notre loi n’est point telle que la loi des juifs. De même qu’il nous prescrit de prier pour tous, puisque le Christ a souffert pour tous et que l’apôtre prêche pour tous ; de même il est bonde prier partout ; et désormais ce n’est plus au lieu, mais à la manière dont on prie qu’il faut prendre garde. Priez partout, dit-il, partout élevez des mains innocentes ; voilà ce qui vous est demandé. Qu’est-ce que des mains innocentes ? des mains pures ; et qu’est-ce que des mains pures ? non pas celles qui sont lavées avec de l’eau, mais celles qui sont pures d’avarice, de rapine, de meurtres, de violences. – « Sans colère ni discussion » : Que veut dire cela ? Qui donc se met en colère quand il prie ? L’apôtre veut dire sans animosité. Que la pensée de celui qui prie soit pure, dégagée de toute passion ; que personne ne se présente devant Dieu avec de la haine dans le cœur, avec un esprit chagrin et discutant avec, soi-même. Que veulent dire ces derniers mots ? Écoutons-le : c’est qu’il né faut point mettre en doute si nous serons exaucés : « Tout ce que vous demanderez avec foi », dit le Seigneur, « vous le recevrez » (Mat 21,22) ; et ailleurs : « Lorsque vous serez debout pour prier, pardonnez et il vous sera pardonné ». (Mrc 11,25) Voilà ce qu’est une prière faite sans discussion. Et comment, me direz-vous, pourrai-je croire que j’obtiendrai l’objet de ma demande ? Oui, vous l’obtiendrez si vous ne demandez rien qui soit contraire, à ce que Dieu est résolu d’accorder, rien qui soit indigne de sa royauté, rien de temporel, mais seulement des choses spirituelles, et si vous vous présentez devant lui sans colère, avec des mains pures et innocentes. Des mains innocentes sont celles qui pratiquent les œuvres de miséricorde. Si vous vous présentez ainsi devant Dieu, vous obtiendrez toutes vos demandes. « Si vous », dit le Seigneur, « tout méchants que vous êtes, savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus votre Père qui est dans les cieux ». (Mat 7,11) La discussion dont parle l’apôtre, c’est le doute. « Et de même aussi les femmes », ajoute l’apôtre ; je veux, dit-il, que, sans colère et sans discussion, elles conservent leurs mains innocentes, ne cèdent point à leurs désirs, à la rapacité, à l’avarice. Et que penser de celles qui, ne se livrant pas elles-mêmes aux rapines, en font commettre par leurs maris ? Mais Paul demande des femmes quelque chose de plus. « Qu’elles se parent », dit-il, « avec pudeur et retenue, d’une façon convenable, sans frisures, sans or, sans perles, mais comme il sied à des femmes qui annoncent la piété par leurs bonnes œuvres ». De quelle parure veut-il parler ? D’une toilette honorable, convenable, exempte de superfluité ; car c’est ainsi qu’elles observeront la loi de la réserve. Quoi donc ! vous venez prier Dieu et vous vous couvrez de bijoux et de frisures ! allez-vous donc danser ? vous rendez-vous donc à des noces ? ou assistez-vous à une fête mondaine ? C’est là que les bijoux, les frisures, les riches vêtements ont leur place ; maintenant il n’en est nul besoin. Vous êtes venue pour supplier, pour demander le pardon de vos fautes, la miséricorde pour vos offenses, pour fléchir votre Maître par vos prières. Pourquoi donc vous parer ? Tel n’est point l’appareil d’une suppliante. Comment pouvez-vous gémir et pleurer, persévérer dans votre prière, quand vous êtes ainsi chargée d’ornements ? Si vous pleurez, vos larmes feront rire ceux qui vous verront, car les bijoux d’or ne conviennent point à celle qui pleure ; n’est-ce pas comédie et spectacle que de faire sortir des larmes d’un cœur où réside tant d’amour du luxe et tant de vanité ? Mettez de côté toute cette comédie : on ne se joue point de Dieu. Tout cela convient aux mimes et aux danseurs qui figurent sur la scène, mais nullement à une femme pudique. 2. « Avec pudeur et retenue ». N’imitez donc pas les femmes perdues, car c’est par de telles parures qu’elles séduisent leurs amants ; c’est là ce qui fait naître tant de soupçons contre tant de femmes et sans nul avantage, car cette mauvaise renommée n’engendre pour autrui que du mal. La femme impudique, eût-elle bonne renommée, n’en tirera aucun avantage, quand celui qui juge les actions cachées produira tout au grand jour ; de même la femme honnête, si elle acquiert la réputation d’adultère par les soins qu’elle donne à son extérieur, ne tirera point avantage de son honnêteté, car sa renommée a perdu des âmes. Que puis-je faire, direz-vous, si un autre me soupçonne ? C’est que vous y donnez occasion par votre parure, par vos regards et par votre tenue. C’est pour cela que Paul insiste sur la toilette et sur la pudeur. Mais s’il retranche ainsi ce qui n’est que marque d’opulence, l’or, les perles, les vêtements somptueux, combien plus les artifices de la coquetterie, le fard, la peinture des yeux ▼▼Cet usage existe encore chez les femmes turques.
, la démarche molle, la voix énervée ▼▼Comme les « incroyables » du Directoire, qui avaient horreur des consonnes.
, un œil langoureux et impudique, les voiles, les tuniques d’une forme si étudiée, et les ceintures d’un travail encore plus exquis, les chaussures faites avec tant d’art. Il a entendu bannir tout cela, quand il a dit : « Vêtues avec convenance », et : « Avec pudeur » ; car ce sont là des parures qui conviennent à l’impudeur et à l’effronterie. Supportez ce discours, je vous prie, car le prédicateur énonce des reproches sans déguisement, non pour blesser et faire souffrir, mais pour éloigner du troupeau tout ce qui lui est contraire. Et si l’apôtre défend tout cela aux femmes mariées et riches qui vivent dans l’opulence, combien plus à celles qui ont adopté la virginité. Mais, dira-t-on, quelle vierge porte des bijoux et des frisures ? Elles apportent tant de recherches dans leurs simples vêtements que la parure n’est rien auprès. On peut, avec des vêtements peu coûteux, avoir plus de recherche qu’une femme couverte de bijoux. Une robe d’un beau bleu, serrée avec soin par la ceinture, comme celles des danseuses du théâtre, en sorte qu’elle ne soit ni gonflée à droite ni retirée à gauche, mais que les deux côtés de la taille soient parfaitement symétriques, avec des plis nombreux sur la poitrine, ne charmera-t-elle pas plus que des vêtements de soie ? La chaussure d’un noir bien brillant, terminée en pointe, sera d’une perfection artistique et aura peine à contenir le pied ? Le visage ne sera pas fardé, mais lavé bien à loisir et l’on couvrira le front d’un voile plus blanc que le visage lui-même, puis par dessus on jettera un voile flottant dont la couleur noire ressortira sur le blanc. Et que dirait l’apôtre de ces yeux roulant sans cesse, de ce nœud de la ceinture qui tantôt se cache et tantôt se découvre, de manière à faire ressortir l’art avec lequel la ceinture est enlacée, tandis que le voile est relevé autour de la tête ? Les mains, comme celles des acteurs tragiques, sont gantées avec tant de soins, que le gant ne semble faire qu’un à la main. Que dirait-il encore de cette démarche et de ces manières plus capables que tous les bijoux de séduire ceux qui les voient ? Craignons, mes biens-aimés, d’entendre aussi, nous, ce que le Prophète disait aux femmes des Hébreux préoccupées de leur parure extérieure. « Au lieu d’une ceinture vous vous ceindrez d’une corde, et votre tête, aujourd’hui parée, sera chauve ». (Isa 3,24) Ainsi, cette toilette est plus dangereuse que les bijoux ; bien d’autres s’y sont étudiées pour être vues et captiver ceux qui les regardaient. Ce n’est point là une faute légère, mais une arme capable d’irriter Dieu et de corrompre les vierges. 3. Vous avez le Christ pour époux, pourquoi voulez-vous gagner des amants parmi les hommes ? Le Christ vous condamnera comme adultères. Pourquoi n’adoptez-vous pas la parure qui lui convient, celle qu’il aime : la pudeur, la retenue, la décence, un vêtement modeste ? le vôtre est celui d’une femme déshonorée. On ne reconnaît plus les femmes impudiques et les vierges ; voyez à quelle inconvenance celles-ci sont arrivées. Une vierge doit être dépourvue de recherche, simple et sans art, et celle-ci invente mille artifices pour parer son extérieur. Laisse là cette folie, femme, donne tes soins à la parure intérieure de ton âme, car cette parure extérieure est opposée à la parure intérieure. Celui qui se préoccupe du dehors dédaigne ce qui est intérieur, comme celui qui dédaigne le dehors met tous ses soins à parer son âme. Ne me dites pas : Ah ! je ne porte qu’un vêtement usé, une chaussure de vil prix, un voile sans valeur ; quelle est donc cette parure ? Ne vous trompez point vous-même. On peut, je vous l’ai dit, se parer ainsi plus qu’avec une toilette somptueuse ; on le peut fort bien avec une étoffe usée, mais aux formes élégantes et taillées pour séduire, auxquelles s’adapte une chaussure noire et brillante. – Mais je ne le fais point dans une pensée impudique. Vous pouvez me le dire, mais que direz-vous à Dieu qui pénètre au fond de votre pensée même ? Vous ne le faites pas dans une pensée impudique ? Mais pourquoi ? Le faites-vous pour être admirée ? Et vous n’avez pas honte, vous ne rougissez pas de vouloir être admirée pour un tel motif. Mais non, direz-vous encore, je le fais tout simplement et non dans ce but. Dieu connaît la vérité de ce que vous nous dites. Ce n’est pas à moi que vous avez à rendre compte, c’est à Dieu présent partout, Dieu qui a scruté votre action, Dieu devant qui tout est à découvert et au grand jour. C’est pour cela que nous vous parlons ainsi, afin de vous dérober à ce compte redoutable. Craignez le reproche adressé par le Prophète aux femmes d’Israël : « Les filles de Sion ont étudié leur démarche et mesuré leurs pas ». (Isa 3,16) Vous avez un grand combat pour lequel il faut des exercices d’athlète et non le soin de sa parure, la force du pugiliste et non une vie efféminée. Ne voyez-vous pas les pugilistes, les athlètes ? s’occupent-ils de leur démarche et de leur toilette ? Nullement ; mais négligeant tout cela, couverts d’un vêtement imbibé d’huile, ils ne songent qu’à une chose : frapper et ne pas être atteints. Le démon est là, grinçant des dents, cherchant de tous côtés à vous perdre, et vous demeurez embarrassée dans cette parure satanique. Je ne veux rien dire de cette voix étudiée qu’affectent un si grand nombre, ni de leurs parfums et de leurs molles recherches. C’est pour cela que les mondaines vous raillent. La dignité de la virginité est perdue ; personne ne considère une vierge avec l’honneur qui lui est dû, car elles-mêmes se sont exposées au mépris. Ne fallait-il pas qu’elles fussent admirées dans l’Église de Dieu comme des êtres descendus du ciel ? Et maintenant elles sont méprisées par leur faute et non par celle des vierges sages. Car vous, qui deviez être crucifiée, lorsqu’une femme qui a un mari et des enfants, qui est à la tête d’une maison, vous verra plus avide de parure qu’elle-même, comment échapperez-vous à ses railleries et à son dédain ? Quel soin, quel empressement ! Avec vos vêtements peu coûteux vous l’emportez sur l’opulence, vous êtes mieux parée qu’une femme couverte de bijoux. Vous ne cherchez pas ce qui vous convient, vous poursuivez avec ardeur ce qui vous messied, quand vous devriez produire des bonnes œuvres. C’est pour cela que les vierges sont moins honorées que les femmes mondaines, car elles ne produisent pas d’œuvres dignes de leur virginité. Nous ne parlons point ainsi à toutes, ou plutôt nous parlons à toutes : à celles qui méritent des reproches, afin qu’elles deviennent sages, et aux autres pour qu’elles leur inspirent la sagesse. Mais prenez garde qu’après le blâme ne vienne le châtiment, car nous n’avons point parlé dans le but de vous faire de la peine, mais pour vous redresser et pouvoir nous glorifier en vous. Puissiez-vous tous faire ce qui plaît à Dieu et vivre pour sa gloire ; de telle sorte que vous obteniez les biens promis par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec qui soient au Père et au Saint-Esprit, gloire, puissance, honneur, maintenant et toujours, et aux siècles des siècles. Ainsi soit-il. HOMÉLIE IX.
QUE LA FEMME SE LAISSE INSTRUIRE EN SILENCE ET EN TOUTE SOUMISSION. JE NE PERMETS POINT A LA FEMME D’ENSEIGNER, NI D’AVOIR AUTORITÉ SUR L’HOMME ; MAIS QU’ELLE DEMEURE DANS LE SILENCE. CAR ADAM A ÉTÉ FORMÉ LE PREMIER, ÈVE ENSUITE ; ET CE NE FUT POINT ADAM QUI FUT SÉDUIT, CHRIST. LA FEMME QUI FUT SÉDUITE ET PRÉVARIQUA ; MAIS ELLE SERA SAUVÉE PAR SA MATERNITÉ, SI ELLES DEMEURENT DANS LA FOI, LA CHARITÉ ET LA SANCTIFICATION, AVEC TEMPÉRANCE. (II, 11-15) Analyse.
- 1. Profitant du texte de l’apôtre qui défend aux femmes de parler dans l’église, l’orateur blâme vivement les conversations auxquelles les femmes se livraient de son temps pendant le service divin et pendant le sermon.
- 2. Importance de la bonne éducation des enfants.
1. Le bienheureux Paul demande aux femmes une grande pudeur, une grande réserve, non seulement dans la tenue et les vêtements, mais jusque dans la voix. Qu’une femme, dit-il, n’élève pas la voix dans l’église ; ce qu’il exprime dans l’épître aux Corinthiens, quand il dit : « Il est honteux qu’une femme parle dans l’église » (1Co 14,35) ; et aussi : « La loi dit qu’elles doivent être soumises. Si elles veulent apprendre quelque chose, qu’elles interrogent leurs maris chez elles ». (Id 35) Aujourd’hui au contraire, quel trouble, quelles clameurs, quelles conversations ! Nulle part on n’en entend de si bruyantes ; on les voit causer comme elles ne le font pas sur une place publique, ni dans les bains ; on dirait qu’elles viennent à l’église pour se récréer, tant elles s’y livrent toutes à des conversations inutiles. Aussi tout est-il bouleversé ; elles ne songent pas que, si elles ne gardent le silence, elles n’apprendront point ce qu’elles ont besoin de savoir. Si, en effet, le sermon vient au travers d’une conversation engagée et que personne n’écoute l’orateur, quel profit en peut-on tirer ? La femme doit si bien être silencieuse que, comme l’enseigne le texte, elle ne doit parler dans l’église ni des choses temporelles, ni même des choses spirituelles. Voilà sa gloire, voilà sa pudeur, voilà ce qui la parera mieux que ses vêtements ; si elle se revêt de cette parure, elle pourra faire ses prières avec une parfaite décence. – « Je ne permets point à la femme d’enseigner », dit-il. Quelle conséquence a cette parole ? une grande assurément. L’apôtre parlait du silence, de la réserve, de la pudeur ; il ne veut pas, dit-il, que les femmes bavardent ; et, voulant leur enlever toute occasion de le faire, il leur défend d’enseigner, mais leur assigne le rôle de disciples ; ainsi par leur silence elles témoigneront de leur soumission. Leur nature est parleuse ; il la réprime ainsi de toute façon. « Adam », dit-il, « a été formé le premier, Eve ensuite ; et ce ne fut point Adam qui fut trompé ; c’est la femme qui fut trompée et prévariqua ». Mais cela concerne-t-il donc les femmes d’aujourd’hui ? Oui, l’homme jouit d’un plus grand honneur ; il a été formé le premier ; et ailleurs l’apôtre a montré cette supériorité quand il a dit : « L’homme n’a point été formé pour la femme, mais la femme pour l’homme ». (1Co 11,9). Et pourquoi dit-il cela ? c’est que l’homme doit tenir le premier rang, pour ce motif d’abord, puis à cause de ce qui s’est passé. La femme un jour enseigna l’homme, elle bouleversa tout et le rendit coupable de désobéissance, aussi Dieu l’a-t-il assujettie, parce qu’elle avait fait mauvais usage de son autorité ou plutôt de l’égalité des rangs. « Tu seras soumise à ton mari », dit l’Écriture (Gen 3,16) ; parole qui n’avait point été dite avant le péché. Mais peut-on dire qu’Adam ne fut pas trompé ? car autrement il n’eût pas désobéi. La femme dit : Le serpent m’a trompée (Id 13) ; mais Adam ne dit pas : « La femme m’a trompé » ; il dit : « Elle m’a donné de ce fruit et j’en ai mangé ».(Id 12) Ce n’est point un crime semblable d’être séduit par un être de même nature et de même race, ou de l’être par un animal, un esclave, un être inférieur par sa nature ; c’est là être vraiment trompé. L’apôtre dit donc qu’Adam ne fut pas trompé, par comparaison avec la femme, parce qu’elle se laissa tromper par un esclave, un être d’une nature inférieure, et qu’il le fut par un être libre. Et ce n’est point d’Adam qu’il est écrit : « Elle considéra que ce fruit était bon à manger ; mais c’est la femme qui en mangea et en donna à son mari » (Ib, 6) ; en sorte qu’il ne prévariquât point par mauvais désir, mais seulement par complaisance pour sa femme. La femme a enseigné une fois et a tout bouleversé ; aussi l’apôtre dit-il « Qu’elle n’enseigne point ». Mais quelle conséquence tirer pour les autres femmes, s’il en fut ainsi d’Eve ? Une grande conséquence, c’est que leur nature est faible et légère. Et ici il est question de leur nature, car le texte ne dit pas : Eve fut trompée, mais : « La « femme », ce qui est une désignation générale. Quoi donc ! Toute nature féminine a-t-elle prévariqué par elle ? De même que l’apôtre a dit : « Dans la similitude du péché d’Adam, qui est le type de l’avenir » (Rom 5,14) ; de même ici il faut entendre que c’est la nature féminine qui a prévariqué. Mais n’y a-t-il point de salut pour elle ? Certes, il y en a. Et comment ? Par sa postérité, car ce n’est pas d’Eve que le texte dit : « Si elles demeurent dans la foi, la charité et la sanctification, avec tempérance ». Quelle foi ? quelle charité ? quelle sanctification ? C’est comme s’il eût dit : Ne soyez point abattues, ô femmes, si vous êtes ainsi blâmées ; Dieu vous a donné une autre occasion de salut, l’éducation de vos enfants ; en sorte que les femmes peuvent obtenir le salut, non seulement par elles, mais par autrui. Considérez quelles grandes questions sont ici soulevées. La femme trompée prévariqua. Quelle femme ? Eve. Est-ce donc elle seule qui sera sauvée par la maternité ? Non, mais ce moyen de salut appartient à toutes. La femme a prévariqué ; mais, si Eve pécha, tout son sexe sera sauvé par la maternité. Pourquoi, dira-t-on, n’est-ce pas par sa propre vertu ; car Eve n’a point fermé la voie aux autres femmes ? Et qu’en sera-t-il des vierges ? qu’en sera-t-il des femmes stériles ? qu’en sera-t-il des veuves qui ont perdu leurs maris avant d’être mères ? sont-elles perdues ? n’ont-elles plus d’espérance ? Et pourtant ce sont les vierges qui sont le plus en honneur. Que veut donc dire l’apôtre ? 2. S’il a prescrit la soumission à tout le sexe féminin, par suite de son origine, à cause de l’histoire de la première femme, quand il dit qu’Eve a été formée la seconde et que désormais son sexe doit être soumis ; est-ce par une raison toute semblable qu’il enseigne que parce qu’elle a prévariqué, tout son sexe est sous la prévarication ? Cela n’est point admissible ; car l’un de ces faits est simplement un don de Dieu, l’autre une faute de la femme. Mais il dit que tous sont morts à cause de la faute d’un seul, et qu’il en est de même pour la femme. Qu’elle ne se désole donc point, car Dieu lui a donné une grande consolation, celle de devenir mère. – Mais c’est un fait de l’ordre naturel. – L’autre aussi ; mais ce n’est pas seulement l’enfantement naturel, c’est l’éducation de ses enfants qui lui est accordée. – « Si elles demeurent dans la foi, la charité et la sanctification, avec tempérance ». C’est-à-dire que, si, après leur avoir donné la vie, la femme les forme à ces vertus, elle en recevra une large récompense, parce qu’elle aura formé des athlètes pour le Christ. « Si elles demeurent dans la foi et la charité ». C’est la vie, telle qu’elle doit être ; et il mentionne aussi la tempérance et la régularité. « Cette parole est fidèle ». (3, 4) C’est à cela que se rapportent ces mots, et non à ce qui suit : « Si quelqu’un désire l’épiscopat ». On doutait de ce que l’apôtre vient de dire ; aussi ajoute-t-il : « Cette parole est fidèle » ; que les pères jouissent de la vertu des enfants, ainsi que les mères, quand ils les ont élevés comme ils le doivent. Mais qu’arrivera-t-il si la mère est perverse et pleine de vices ? tirera-t-elle profit de l’éducation de ses enfants ? N’est-il pas vraisemblable qu’elle les élèvera semblables à elle-même ? L’apôtre parle ici de la femme vertueuse ; et ce qu’il en dit, c’est qu’elle sera largement récompensée et rémunérée de ce qu’elle fait pour ses enfants. Prêtez donc l’oreille, pères et mères ; l’éducation de vos enfants ne sera point pour vous-mêmes une œuvre stérile. L’apôtre dit plus loin : « Elle rend témoignage par ses bonnes œuvres, si elle a élevé ses enfants » ; et il joint cette vertu aux autres. Car ce n’est pas une petite chose que de consacrer au service de Dieu les enfants que l’on a reçus de Dieu. Si les parents jettent une base et un fondement solide, ils recevront une grande récompense, parce qu’ils ne négligent point de corriger leurs enfants. Car Héli a péri à cause des siens, qu’il devait réprimander. Il le faisait, mais non comme il l’aurait dû ; ne voulant point leur faire de peine, il les a perdus et lui avec eux. Pères, prêtez donc l’oreille, instruisez vos enfants dans la discipline et l’admonition du Seigneur, avec un soin sévère et vigilant. La jeunesse est difficile à dompter ; elle a besoin de beaucoup de surveillants, de précepteurs, d’instituteurs, de gardiens, de gouverneurs ; et, avec tout cela, on doit s’estimer heureux de pouvoir la contenir. Elle est semblable à un cheval indompté, à un animal sauvage. Si donc de bonne heure et dès le premier âge, nous lui avons donné de fortes barrières, nous ne serons point pour cela exempts par la suite de nombreuses peines ; mais l’habitude prise deviendra désormais une loi. Ne leur permettons donc point de rien faire de séduisant et de pernicieux ; ne les flattons point comme des enfants ; prenons soin surtout de les maintenir dans la tempérance, car c’est par le vice opposé que la plupart du temps la jeunesse se corrompt. Là nous avons beaucoup à lutter, beaucoup à veiller. Marions-les de bonne heure, en sorte que leurs épouses les reçoivent chastes et purs ; ce seront là les amours les plus vives. Celui qui est plein de réserve avant le mariage le sera bien davantage après ; et celui qui, avant le mariage, a fréquenté les courtisanes, en fera de même quand il sera marié : « A l’homme débauché tout aliment est bon ». (Sir 23,17) Les mariés portent des couronnes, symboles de la victoire, pour signifier qu’ils s’approchent du lit nuptial sans avoir été vaincus, et n’ont point cédé à la volupté. Mais celui qui s’y est lâchement abandonné, pourquoi porte-t-il une couronne, quand il est vaincu ? Que les enfants donc soient exhortés, réprimandés, effrayés, menacés ; employons avec eux tantôt un procédé, tantôt un autre. Nous avons en eux un grand dépôt. Pensons donc à eux et faisons tout pour que le démon ne nous les ravisse pas. Aujourd’hui nous faisons tout le contraire. Nous n’épargnons rien pour embellir un domaine et pour le confier à un homme fidèle ; nous cherchons l’ânier, le muletier, le gérant, l’intendant le plus dévoué ; mais, ce qui pour nous est le plus précieux, confier notre fils à un homme qui saura garder ses mœurs, nous ne nous en inquiétons point ; pourtant c’est là ce que nous avons de plus précieux ; c’est pour cela que nous avons reçu tout le reste. Nous pensons aux biens à acquérir pour nos enfants, et nous ne songeons point à eux-mêmes : comprenez donc quelle déraison ? Formez l’âme de votre enfant, et le reste vous sera donné par surcroît, tandis que, si son âme n’est pas vertueuse, vos richesses ne lui serviront de rien ; si au contraire elle est ce qu’elle doit être, la pauvreté ne lui portera nul préjudice. Voulez-vous le laisser riche après vous ? Apprenez-lui à être honnête ; car c’est ainsi qu’il pourra faire sa fortune, et s’il ne s’enrichit pas, il n’aura rien à envier aux riches. Mais, s’il est vicieux, quand vous laisseriez des millions, vous ne laisserez point un homme capable d’en être dépositaire, mais il resterait au-dessous de ceux qui sont descendus au dernier degré de la misère : pour des enfants sans frein, mieux vaut pauvreté que richesse. La pauvreté défendrait leurs mœurs, même malgré eux ; la richesse, le voulussent-ils, ne leur permet point d’être sages, mais les entraîne, les fait tomber, les précipite dans un abîme de maux. Mères, dirigez avec grand soin vos filles, la garde vous en est facile ; veillez à ce qu’elles restent chez elles ; avant tout apprenez-leur à être prudentes, retenues, à mépriser les richesses, à ne point aimer la parure, et préparez-les ainsi au mariage. Vous serez ainsi non seulement leurs protectrices, mais celles des hommes qui doivent les épouser, et non seulement d’eux, mais de leurs enfants, et même de leurs descendants. Si la racine est saine, les rameaux se développeront, comme ils le doivent, et de tout ce bien vous recevrez la récompense. Agissons donc ainsi toujours pour sauver non pas seulement une âme, mais plusieurs âmes par une seule. La jeune fille doit sortir de la maison paternelle pour se marier, comme un athlète sort de la palestre, formée et exercée ; il faut que, par sa vertu, elle puisse transformer tout ce qui l’entoure, de même que le levain transforme toute la masse à laquelle on le mêle. Que ses enfants, encore une fois, méritent le respect par leur conduite régulière et sage, en sorte qu’ils soient loués de Dieu et des hommes. Qu’ils apprennent à dompter la gourmandise, à s’abstenir du luxe, à être économes et affectueux ; qu’ils apprennent à obéir. C’est ainsi qu’ils pourront procurer une grande récompense à leurs parents ; c’est ainsi que tout sera pour la gloire de Dieu et le salut de nos âmes, en Jésus-Christ Notre Seigneur, à qui gloire aux siècles des siècles. Ainsi soit-il.