1 Timothy 4
HOMÉLIE XII. L’ESPRIT DIT EXPRESSÉMENT QUE, DANS LES TEMPS ULTÉRIEURS, DES HOMMES S’ÉLOIGNERONT DE LA FOI, S’ATTACHANT A DES ESPRITS D’ERREUR ET AUX ENSEIGNEMENTS DES DÉMONS, AVEC L’HYPOCRISIE DE CEUX QUI PROFÈRENT LE MENSONGE, QUI ONT CAUTÉRISÉ LEUR CONSCIENCE, PROHIBENT LE MARIAGE, ENSEIGNENT L’ABSTINENCE DES ALIMENTS QUE DIEU A CRÉÉS, POUR QUE LES FIDÈLES QUI RECONNAISSENT LA VÉRITÉ, EN USENT AVEC ACTIONS DE GRÂCES. EN EFFET, TOUTE CRÉATURE DE DIEU EST BONNE, ET L’ON NE DOIT REJETER RIEN DE CE QU’ON REÇOIT AVEC ACTIONS DE GRÂCES, CAR TOUT OBJET EST SANCTIFIÉ PAR LA PAROLE DE DIEU ET L’ORAISON. (IV, 1-5 JUSQU’À 10)
Analyse.
- 1. L’hérésie demeure en une fluctuation perpétuelle. – Les manichéens, les encratites, les marcionites.
- 2, 3. Les observances judaïques ont fait leur temps. – La foi et la piété, tout est là.
- 4. Contre les avares.
▼On lit à la fin du verset précédent : La piété est utile à tout, elle contient la promesse de la vie présente et de la vie future.
. Considérez comment Paul ramène partout cette pensée ; il n’a pas besoin de prouver, mais seulement d’affirmer, parce que c’est à Timothée qu’il s’adresse. Oui, nous vivons ici dans d’heureuses espérances. Celui dont la conscience est sans reproche, qui sans cesse agit avec droiture, se sent heureux, même en ce monde ; de même que le méchant est châtié non seulement dans la vie future, mais dans celle-ci, vivant sans cesse dans la crainte, n’osant regarder personne avec aisance, tremblant, pâlissant, tourmenté. N’est-il pas vrai que les hommes cupides et voleurs ne sont jamais rassurés sur ce qu’ils possèdent ? Que les adultères, les meurtriers mènent une vie fort misérable, n’osant lever les yeux sans inquiétude même sur le soleil ? Est-ce là vivre ? Non certes ; c’est une mort douloureuse. « C’est pour cela », dit l’apôtre, « que nous supportons les fatigues et les outrages, parce que nous avons mis notre espérance au Dieu vivant, qui est Sauveur de tous les hommes et surtout des fidèles (40) ». Comme s’il disait Pourquoi nous imposer tant de peines, si nous n’attendons pas les biens futurs ? Pourquoi tous les hommes nous outragent-ils ? Tout ce que nous avons souffert n’est-il pas terrible ? Et avons-nous souffert en vain tant d’injures, d’outrages et de maux de toute sorte ? Si nous n’avons pas mis notre espérance dans le Dieu vivant, pourquoi les avons-nous supportés ? S’il sauve les infidèles en ce monde, combien plus les fidèles dans l’autre ? De quel salut veut-il parler ? De celui de l’autre vie. – « Qui est le Sauveur de tous les hommes et « surtout des fidèles n, ce qui signifie qu’il leur témoigne un soin plus grand. Il a d’abord parlé de cette vie. Et comment, dira-t-on, Dieu est-il le Sauveur des fidèles ? S’il ne l’était pas, il ne les eût pas garantis de leur perte, quand ils sont attaqués de toutes parts. En cette vie il exhorte le fidèle à affronter les dangers, à ne pas se laisser abattre, quand il a un Dieu si bon, à ne pas réclamer une assistance étrangère, mais à tout supporter de bon cœur et avec générosité. Ceux, en effet, qui aspirent aux biens de la vie affrontent les soucis, lorsqu’ils aperçoivent l’espoir d’un gain. Enfin viendront les derniers temps : « Dans les temps ultérieurs », a dit l’apôtre, « des hommes s’éloigneront de la foi, s’attachant à des esprits d’erreur et aux enseignements des démons, avec l’hypocrisie de ceux qui profèrent des mensonges, qui ont cautérisé leur conscience, prohibent le mariage ». Mais quoi, dira-t-on, ne prohibons-nous pas nous-mêmes le mariage ? Non certes, à Dieu ne plaise, nous ne le défendons pas à ceux qui le désirent, mais ceux qui ne le désirent pas, nous les exhortons à la virginité. Autre chose est prohiber, autre chose est laisser maître de son choix : celui qui impose une prohibition le fait d’une manière absolue ; celui qui exhorte à la virginité comme à quelque chose de plus grand ne prohibe point le mariage ; il s’en tient au conseil. « Prohibent le mariage, enseignent l’abstinence des aliments que Dieu a créés, pour que les fidèles, qui reconnaissent la vérité, en usent avec actions de grâces ». L’apôtre a bien dit : Qui « reconnaissent » la vérité. L’état ancien n’était qu’une figure : il n’y a pas de viande impure par elle-même ; elle ne le devient que par rapport à la conscience de celui qui en use. Pourquoi Dieu a-t-il interdit aux Juifs tant d’aliments ? Pour réprimer leur grande sensualité. S’il leur eût dit : Ne faites pas de repas sensuels, ils ne se fussent abstenus de rien ; il a donc renfermé cette règle sous l’obligation de la loi, afin de les contenir par une crainte plus grande. Il est évident que le poisson est plus impur que le porc ; cependant Dieu ne l’a pas interdit. Pour savoir combien ils étaient en proie à la sensualité, écoutez ce que dit Moïse « Le bien-aimé a mangé, il s’est engraissé, il s’est épaissi, il a regimbé ». (Deu 32,15) Il y a aussi une autre cause. Dieu défendait aux Juifs, qui allaient vivre dans un pays resserré, d’user des autres animaux, afin qu’ils fussent contraints de se nourrir de bœufs et d’égorger des brebis, prescription sage à cause d’Apis et du veau ; car Apis était impur, odieux à Dieu, souillé, profane. 3. Mettez ces objets sous vos yeux, méditez-les ; car c’est ce que l’apôtre fait entendre par ces mots : « Nourri des paroles de la foi ». Ne vous bornez pas à exhorter les autres, mais méditez-les vous-même. « Nourri des paroles de la foi et de la bonne doctrine que vous avez suivie. Éloignez-vous des fables profanes et dignes de vieilles femmes ». Pourquoi Paul n’a-t-il pas dit : Abstenez-vous, mais : Éloignez-vous ? Ne descendez point à disputer contre ces hommes, mais exhortez ceux qui vous sont confiés à repousser ces doctrines. Car on ne saurait rien gagner à lutter ainsi contre ceux qui se sont détournés de la voie de Dieu, sauf le cas où nous penserions qu’il y eût scandale, parce que nous paraîtrions nous refuser à la discussion, faute de bonnes raisons. « Exercez-vous à la piété u ; or la piété a pour objet une vie pure, une conduite excellente. Celui qui s’exerce aux luttes gymnastiques, se conduit en tout comme un athlète, même en dehors du temps destiné aux combats ; il supporte les abstinences prescrites et des sueurs fréquentes. « Exercez-vous à la piété », dit le texte ; « car l’exercice corporel n’a qu’une mince utilité ; mais la piété est utile à tout, ayant les promesses de la vie présente et de la vie future ». Pourquoi a-t-il rappelé ici l’exercice corporel ? Pour montrer, par la comparaison, la supériorité de l’autre, parce que le premier exige de nombreuses fatigues, sans apporter d’avantage qui mérite qu’on en tienne compte, tandis que l’exercice de l’âme en apporte de perpétuels et d’immenses. De même il dit aux femmes de se parer, non avec des frisures, de l’or, des perles et de somptueux vêtements, mais comme il convient à des femmes qui enseignent la piété par leurs bonnes œuvres. « Cette parole est fidèle et digne d’être reçue par tous. C’est pour cela que nous supportons les fatigues et les outrages ». Paul supportait les outrages, et vous les trouvez insupportables ? Paul supportait les fatigues et vous voulez vivre dans la mollesse ? S’il y eût vécu, il n’eût pas obtenu ces grands biens. Car si les biens précaires et corruptibles de cette vie ne s’acquièrent jamais sans travaux et sans sueurs, à combien plus forte raison les biens spirituels ! – Mais, dira-t-on, il en est beaucoup qui reçoivent ceux de cette vie par héritage. – Dans ce cas même, la garde et la conservation des richesses n’est pas dépourvue de peines, et le riche n’éprouve pas moins de fatigues et de chagrins que les autres. Et d’ailleurs combien, après mille fatigues et mille soucis, ont vu s’évanouir leur fortune, assaillis à l’entrée du port par un coup de vent subit et faisant naufrage au plus beau de leurs espérances. Pour nous, rien de semblable : c’est Dieu qui est l’auteur de la promesse et « l’espérance ne et confond point ». (Rom 5,5) Ne savez-vous pas, vous aussi, qui vous agitez dans les affaires de la vie, combien, après d’innombrables travaux, n’en ont point recueilli le fruit, soit parce que la mort les a enlevés auparavant, soit parce qu’un revers est survenu, une maladie les a atteints, des calomniateurs les ont attaqués, soit que toute autre cause des accidents humains sont nombreux) les ait entraînés les mains vides ? – Mais, me répondra-t-on, ne voyez-vous pas ceux qui réussissent, ceux qui, avec peu de peine, se procurent de grands biens ? – Et quels biens ? Des richesses, des maisons, tant et tant d’arpents de terre, des troupeaux d’esclaves, un grand poids d’argent et d’or ? C’est là ce que vous appelez des biens ? Et vous ne vous couvrez pas le visage ? Et vous ne vous cachez pas sous terre, homme instruit dans la philosophie du ciel et qui aspirez aux choses terrestres, qui appelez biens ce qui ne mérite pas qu’on en parle ? Suce sont des biens, il faut donc appeler bons ceux qui les possèdent ; car celui qui possède le bien, comment ne serait-il pas bon ? Eh ! dites-moi : lorsque ces riches sont injustes et voleurs, dirons-nous qu’ils sont bons ? Car, si la richesse amassée par la fraude est un bien, plus elle s’accroît plus on devra juger bon celui qui la possède. L’homme d’une cupidité sans frein est donc un homme de bien, et, si la richesse est bonne, celui qui l’augmente ainsi sera d’autant meilleur qu’il aura fraudé davantage. Voyez-vous la contradiction ? – Mais, répondra-t-on, s’il n’a dépouillé personne ? – Comment cela se peut-il ? la passion est funeste – mais on le peut – non, non cela n’est pas ; le Christ l’a témoigné en disant : Faites-vous des amis des richesses d’iniquité. (Luc 16,9) – Mais quoi, si on a reçu l’héritage de son père ? – Eh bien, on a reçu le fruit de l’iniquité. Ce n’est pas depuis Adam que sa famille est riche ; il est probable que beaucoup de ses ancêtres ont vécu obscurs et qu’il s’en est trouvé un qui s’est enrichi en usurpant le bien d’autrui. – Mais Abraham possédait-il des richesses injustes ? et Job. l’homme sans reproche, juste, véridique, pieux, qui s’abstenait de tout mal ? Leurs richesses ne consistaient pas dans l’or, dans l’argent ni dans les édifices, mais en troupeaux, et celui-ci fut enrichi par Dieu ▼. Qu’il fût riche en troupeaux, cela résulte manifestement du texte où l’écrivain, énumérant ce qui arriva à ce saint personnage, dit que ses chameaux, ses cavales et ses ânes périrent, mais ne dit pas que l’on vint lui enlever son or. Abraham était riche en serviteurs. Quoi donc, les avait-il achetés ? Nullement ; c’est pourquoi l’Écriture dit que ses trois cent dix-huit serviteurs étaient nés chez lui. Il avait aussi des brebis et des bœufs. Comment donc put-il envoyer des bijoux d’or à Rébecca ? C’est qu’il avait reçu des présents de l’Égypte, mais il n’avait commis ni violence ni fraude. 4. Et vous, dites-moi, comment êtes-vous riche ? – J’ai hérité de mes biens. – Et de qui cet autre les a-t-il reçus ? – De mon aïeul. – Et de qui celui-là ? – De son père. – Pourrez-vous, en remontant à plusieurs générations, me montrer que vos richesses sont légitimes ? Non, vous ne le pourrez pas ; il, faut que la racine et l’origine soient entachées d’injustice. Et comment ? Parce que Dieu, à l’origine, n’a point créé de riche ni de pauvre ; il n’a pas non plus amené l’un en présence d’une masse d’or, empêchant l’autre de le découvrir, mais il a livré à tous la même terre. Comment donc, lorsqu’elle est commune, l’un en possède-t-il tant et tant d’arpents et l’autre pas une motte ? – C’est mon père, répondez-vous, qui me les a transmis. – Mais de qui les avait-il reçus ? – De ses ancêtres. – Il faut pourtant arriver à un premier terme. Jacob est devenu riche, mais en recevant la récompense de ses peines. Pourtant je ne veux pas creuser cette difficulté ; soit : il y a une richesse légitime, pure de toute rapine ; vous n’êtes pas responsable des gains illicites de votre père ; vous possédez le fruit de la rapine, mais vous n’avez pas volé vous-même. Je vous accorderai même que votre père n’a pas volé non plus, mais qu’il s’est trouvé en possession de cet or, qui a jailli du sein de la terre. Eh bien, la richesse est-elle bonne à cause de cela ? – Non, sans doute, direz-vous, mais elle n’est pas non plus mauvaise. – Elle ne l’est pas, si le riche n’a pas commis de rapines et en a fait part à ceux qui sont dans le besoin ; mais s’il a refusé de le faire, elle est mauvaise et pleine d’embûches. – Mais, tant qu’elle ne cause pas de mal, elle n’est pas mauvaise, quand même elle n’opérerait pas de bien. – Soit ; mais n’est-ce pas un mal que de retenir seul ce qui appartient au Seigneur, que de jouir seul du bien qui est à tous ? et la terre n’est-elle pas à Dieu, avec tout ce qu’elle renferme ? Si donc nos richesses appartiennent au Seigneur du monde, elles sont aux hommes qui sont ses serviteurs comme nous ; car tout ce qui appartient au Seigneur est pour l’usage de tous. Ne voyons-nous pas que, dans les grandes maisons, les choses sont ainsi réglées, c’est-à-dire que la nourriture est également partagée à tous, comme sortant de la provision du maître, et sa maison étant destinée à l’entretien de tous ? Ce qui appartient à l’État, les villes, les places, les promenades sont communes à tous ; nous y avons tous part également. Considérez l’économie divine : Dieu, pour faire rougir les hommes, a mis en commun certains objets, tels que l’air, le soleil, l’eau, la terre, le ciel, la mer, la lumière, les astres, et nous en a fait part également comme à des frères ; le Créateur a donné semblablement à tous des yeux, un corps, une âme, la même nature ; tout provient de la terre, tous proviennent d’un seul homme, tous ont une même demeure. Mais rien de tout cela ne fait honte à notre avarice. Il a mis encore en commun d’autres objets, les bains, les villes, les places, les promenades. Voyez, rien de tout cela n’engendre de luttes, et l’on en jouit en paix ; c’est quand un homme essaie de tirer à lui et de s’approprier un objet que la querelle commence ; comme si la nature elle-même s’indignait de ce que Dieu nous ayant réunis pour vivre en société, nous nous querellons pour nous diviser, et dépeçons ces objets pour nous les approprier, pour user des mots le tien et le mien. C’est alors qu’ont lieu la lutte et la souffrance. Mais, pour les biens communs, ce fait ne se produit pas ; on ne voit ni lutte ni querelle. C’est donc là notre destinée la plus réelle et la plus conforme à la nature. Pourquoi jamais personne n’a-t-il un procès au sujet d’une place publique ? C’est parce qu’elle est commune à tous ; tandis qu’à chaque instant nous en voyons pour une maison ou pour de l’argent. Ce qui est nécessaire nous est offert en commun, mais nous ne savons pas maintenir là communauté dans les objets de mince importance. Dieu nous a livré ceux-là en commun, pour nous apprendre ainsi à jouir en commun des autres ; mais cela même ne suffit point à nous instruire. Et, comme je le disais, comment celui qui possède la richesse serait-il bon ? C’est impossible ; il ne le devient que s’il en fait part à d’autres ; s’il s’en dépouille, c’est alors qu’il est bon ; tant qu’il la retient, il ne l’est pas. Est-ce donc un bien, ce qui nous fait méchants quand on le conserve, et bons quand on s’en dépouille ? Ce n’est donc pas posséder des trésors, qui est un bien ; c’est quand il ne les a plus qu’un homme se montre bon. La richesse n’est donc pas un bien, si la refuser, quand vous pouvez la recevoir, vous fait homme de bien. Si donc nous le sommes, en faisant part à d’autres de la richesse, quand nous la possédons, et en ne l’acceptant pas, quand on nous la donne ; si nous ne le sommes pas, quand nous la recevons ou l’acquérons, comment serait-elle un bien ? Ne l’appelez donc point ainsi. Vous n’êtes pas le maître de votre or, parce que vous le regardez comme un bien, parce que vous vous laissez enchanter par lui. Purifiez votre entendement, ayez un jugement sain, et vous deviendrez alors un homme vertueux ; apprenez à connaître les vrais biens. Et quels sont-ils ? La vertu, la bonté, voilà les biens ; ce n’est pas la richesse. Suivant cette règle, plus vous serez généreux en aumônes, plus vous serez homme de Dieu, en réalité et dans l’estime des hommes ; mais non, si vous gardez vos richesses. Devenons vertueux, et afin de l’être et afin d’obtenir les biens futurs en le Christ Jésus, Notre-Seigneur, avec qui soient au Père et au Saint-Esprit, gloire, puissance, honneur, maintenant et toujours, et aux siècles des siècles. Ainsi soit-il. Voir le début du chapitre 5.
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