2 Timothy 2:11-13
HOMÉLIE V.
C’EST UNE VÉRITÉ TRÈS-ASSURÉE QUE, SI NOUS MOURONS AVEC JÉSUS-CHRIST, NOUS VIVRONS AUSSI AVEC LUI. SI NOUS SOUFFRONS AVEC LUI, NOUS RÉGNERONS AUSSI AVEC LUI. SI NOUS LE RENONÇONS, IL NOUS RENONCERA AUSSI. SI NOUS RESTONS INCRÉDULES, IL N’EN DEMEURE PAS MOINS FIDÈLE, CAR IL NE PEUT SE RENIER LUI-MÊME. DONNEZ CES AVERTISSEMENTS ET PRENEZ-EN LE SEIGNEUR A TÉMOIN. NE VOUS LIVREZ PAS A DE VAINES DISPUTES DE PAROLES, QUI NE SONT BONNES À RIEN QU’À PERVERTIR CEUX QUI LES ÉCOUTENT. (II, 11-14)Analyse.
- 1. Souffrir avec Jésus-Christ pour régner avec lui.
- 2. Conserver l’enseignement évangélique dans toute sa pureté ; n’y souffrir aucune nouveauté profane.
- 3. Quels sont les caractères qui distinguent les hommes fermement attachés à la foi.
- 4. Une mauvaise conscience ne connaît pas de repos. – Il n’est personne qui ne redoute le jugement. – Dieu punit quelquefois les méchants dès cette vie.
▼Ὀρθοτομοῦντα
signifie trancher selon la droiture. C’est comme si l’apôtre disait : Retranchez ce qu’il y a d’étranger, coupez-le, rejetez-le avec beaucoup de vigueur. Comme l’ouvrier qui taille une lanière, prenez le glaive du Saint-Esprit, et retranchez de toutes parts tout ce qu’il y a de trop, tout ce qu’il y a d’étranger dans la prédication. « Évitez les profanes nouveautés de paroles ». L’erreur ne sait pas s’arrêter. Dès qu’une nouveauté s’est introduite, elle en provoque toujours de nouvelles. Où voulez-vous que s’arrête l’égarement des esprits une fois sortis du port de l’immuable vérité ? – « Car, elles profitent beaucoup à l’impiété : et leurs discours, comme la gangrène, gagnent de proche en proche ». C’est un mal que rien ne peut contenir dans ses limites, qui avance toujours, et qui finit par tout perdre. L’apôtre montre donc la nouveauté comme une maladie, et quelque chose de pire. Il montre aussi que ces esprits sont d’autant plus incorrigibles que leurs erreurs sont volontaires. De ce nombre sont Hyménée et Philète, « qui se sont écartés de la vérité, disant que la résurrection est déjà arrivée, et qui ont renversé la foi de quelques-uns ». Il dit très justement : « Ils profiteront beaucoup à l’impiété ». Il semble d’abord que ce soit là le seul mal, mais voyez combien d’autres en naissent. Si la résurrection est déjà arrivée, nous voilà premièrement privés de cette grande gloire qui doit en être la conséquence, mais ensuite que devient le jugement, que devient la rétribution ? Voilà les bons frustrés du prix de leurs afflictions et de leurs douleurs ; voilà les méchants restés sans punition, et ceux qui vivent au sein des plaisirs ont bien raison il vaudrait mieux dire qu’il n’y a pas de résurrection que de prétendre qu’elle a déjà eu lieu. – « Et ils renversent », dit-il, « la foi de quelques-uns ». Non de tous, mais de quelques-uns. « S’il n’y a pas de résurrection, la foi ne se soutient plus. S’il n’y a pas de résurrection, notre prédication est vaine », et le Christ n’est pas ressuscité. (1Co 15,14) S’il n’est pas ressuscité, il n’est pas né non plus, ni il n’est pas monté au ciel. Voyez-vous que de ruines, bien qu’en apparence on ne s’attaque qu’au dogme de la Résurrection ? – Mais ne reste-t-il rien à faire pour ceux qui ont dévié de la foi ? Écoutez : « Mais le fondement de Dieu reste ferme ayant pour sceau cette parole : Le Seigneur connaît ceux qui sont à lui » ; et : « Que quiconque invoque le nom de Jésus-Christ, s’éloigne de l’iniquité ». 3. Cela veut dire que même avant d’être renversés ils n’étaient pas fermes ; autrement ils n’auraient pu être renversés par un premier choc. Adam non plus n’était pas ferme avant sa chute. Ceux dont la foi est solidement plantée, excitent l’admiration des séducteurs, loin de subir leur mauvaise influence. Inébranlable comme un édifice assis sur un fondement solide, telle doit être la foi. « Ayant pour sceau cette parole : Le Seigneur connaît ceux qui sont à lui ». Que veut dire cette parole tirée du Deutéronome ? Elle veut dire que les âmes fermes sont si bien attachées à la foi, qu’elles ne peuvent être renversées ni même ébranlées. A quelles marques les reconnaît-on ? Elles ont ces paroles comme écrites sur leurs œuvres ; elles sont connues de Dieu ; elles ne se perdent pas avec la foule ; elles s’abstiennent de l’injustice. « Que quiconque invoque le nom du Seigneur, s’éloigne de l’iniquité ». Voilà quels sont les caractères d’une âme solidement fondée en la foi ; elle est comme un fondement solide. Elle est comme une pierre sur laquelle des lettres sont gravées, lettres pleines de sens, lettres qui sont des œuvres. Ayant encore pour sceau indélébile cette parole : « Que quiconque invoque le nom du Seigneur, s’éloigne de l’iniquité ». Donc tout homme qui est injuste n’adhère point au fondement. C’est donc une marque d’une foi solide, que de ne pas commettre d’injustice. Ne perdons point ce sceau et cette marque royale ; gardons notre caractère et notre beauté. Ne soyons pas comme une maison qui tombe en ruine, soyons ce fondement, ce fondement solide dont parle saint Paul, – lequel reste immobile dans la vérité. Cela montre que pour appartenir à Dieu, il faut s’éloigner de l’iniquité. Comment, en effet, serait-on à Dieu qui est le Juste par excellence, quand on fait ce qui est injuste, quand on combat Dieu par ses œuvres et qu’on l’outrages par ses actions ? Voilà que nous accusons encore une fois l’injustice, et qu’en l’accusant nous excitons contre nous l’inimitié d’un grand nombre. Ce mal est comme un tyran qui a subjugué toutes les âmes ; et ce qu’il y a de plus fâcheux, c’est qu’il se fait obéir non par la contrainte et la force, mais par la persuasion et la douceur ; on lui sait gré de l’esclavage dans lequel il réduit. C’est réellement là ce qu’il y a plus fâcheux, parce que s’il retenait par la violence et non par l’amour, on échapperait vite à son étreinte. D’où vient qu’on trouve donc une chose en soi si amère ? D’où vient au contraire que l’on trouve amère la justice qui est si douce ? Cela vient de l’état où sont nos sens. Il y en a de même qui trouvent le miel amer et qui goûtent avec plaisir des aliments nuisibles. La cause n’en est pas dans la nature des choses, mais dans la perversion du goût. Tout dépend de notre jugement. Une balance qui trébuche ne saurait peser juste. Il en est de même de notre âme. Si le jugement avec lequel elle balance et pèse toute chose n’est pas étroitement et solidement fixé à la loi de Dieu elle ne peut rien apprécier comme il faut, elle ne fait que vaciller et trébucher à l’aventure. Si l’on examinait bien exactement, on se convaincrait que l’injustice contient beaucoup d’amertume, non pas seulement pour ceux qui la souffrent, mais aussi pour ceux qui la font souffrir et surtout pour ceux-ci. Sans parler de l’avenir, à s’en tenir au présent, n’engendre-t-elle pas les querelles, les procès, les injures, l’envie et la médisance ? Et quoi de plus amer que tout cela ? N’est-ce pas aussi l’injustice qui produit les haines, les guerres, les délations ? N’est-ce pas elle qui cause le remords qui tourmente l’âme sans relâche ? Je voudrais, si c’était possible, tirer pour un instant l’âme injuste de son enveloppe corporelle, vous la verriez d’une pâleur livide, toute tremblante, couverte de confusion, anxieuse et se condamnant elle-même. Quand même nous serions tombés au fond de l’abîme du mal, la faculté de juger que possède notre raison n’en serait pas altérée, elle demeurerait intacte. Personne ne commet l’injustice, parce qu’il trouve beau de la commettre, mais on se forge des prétextes, et il n’est rien qu’on ne tente pour se disculper du moins en paroles. Mais grâce à la conscience on n’y peut jamais parvenir. En apparence, la pompe des paroles, la corruption des princes, la multitude des flatteurs obscurcissent la justice ; mais dans le fond de la conscience il n’y a rien de tout cela, il n’y a pas de flatteurs, il n’y a pas d’argent pour corrompre le juge. Nous avons en nous un jugement naturel que Dieu nous a donné et qui ne laisse pas obscurcir la justice. 4. Des sommeils pénibles, des images importunes, le souvenir sans cesse renaissant du mal qu’on a fait viennent toujours troubler notre repos. Par exemple, on s’est emparé injustement de la maison d’autrui ; la victime de l’injustice n’est pas seule à gémir, l’auteur du vol gémit aussi pour peu qu’il croie au jugement dernier. Celui qui a cette croyance est dans une cuisante inquiétude. Celui même qui ne l’a point n’est pas pour cela exempt de honte et de confusion. Ou pour dire la vérité, il n’est personne soit grec, soit juif, soit hérétique qui ne redoute le jugement. Si ce n’est pas la pensée d’un avenir qui l’inquiète, il tremble encore à l’idée des châtiments de la vie présente ; il craint d’être frappé dans ses biens, dans ses enfants, dans ses proches, dans son âme et sa vie ; car ce sont là de ces coups que Dieu frappe. Parce que le dogme de la résurrection ne suffit pas pour nous rendre tous sages, Dieu donne dès ici-bas des preuves et des marques signalées de la justice de ses jugements. Un tel qui s’est enrichi en violant la justice, n’a pas d’enfant, un tel périt à la guerre ; un autre perd un membre, un autre se voit enlever son fils. Ces peines, il y songe, il se les représente, il vit dans de perpétuelles alarmes. Voyez-vous ce que souffrent ceux qui commettent l’injustice ? Croyez-vous que l’amertume manque à leur vie ? Supposez qu’il ne leur arrive rien de semblable, est-ce qu’il ne leur reste pas pour les punir le blâme, la haine, et l’aversion de tous les hommes ? Tous s’accordent, ceux mêmes qui leur ressemblent, pour les mettre au-dessous des bêtes féroces. Si chacun se condamne soi-même, à plus forte raison condamne-t-on les autres et les appelle-t-on ravisseurs, voleurs, fléaux du genre humain. Quel agrément procure donc la pratique de l’injustice ? Aucun, si ce n’est le souci qu’elle donne pour conserver ce qu’elle a fait acquérir ; elle ajoute à nos inquiétudes, voilà tout. Plus en effet on amasse de richesses, plus on augmente la cause de ses insomnies. Que dirai-je des malédictions de ceux qui ont été lésés, de leurs supplications ? Et si la maladie survient ? L’impie le plus déterminé, dès qu’il se sent malade, s’inquiète nécessairement de ses injustices en se voyant réduit à l’impuissance. Tant qu’on est plein de santé, une âme adonnée aux voluptés ne sent pas beaucoup ce que la vie a d’amer. Mais lorsqu’elle est sur le point de sortir du corps, lorsqu’elle se voit déjà comme dans le vestibule du redoutable tribunal, alors elle est saisie d’un effroi qui domine tout autre sentiment. Tant que les voleurs sont dans la prison, ils ne tremblent point ; mais dès qu’on les amène devant le voile qui cache le tribunal du juge, ils meurent de frayeur. La crainte d’une mort prochaine est comme un feu qui détruit dans l’âme toutes les pensées mauvaises, qui oblige l’homme à devenir sage et à réfléchir sérieusement à l’autre vie ; elle exclut l’amour de l’argent, la passion des richesses et tous les désirs charnels. Les fumées de la concupiscence et de la cupidité une fois dissipées, le jugement reprend toute sa clarté et sa pureté. La dureté même du cœur s’amollit sous la pression de la douleur. La sagesse n’a pas de plus grand ennemi que les délices, ni de meilleur auxiliaire que la douleur. Considérez quel peut être à son heure dernière l’état d’un avare enrichi du bien d’autrui. « Une heure d’affliction », dit le sage, « fait oublier tous les plaisirs dont on a joui ». (Sir 11,27) Quel sera donc l’état de son âme, lorsqu’il songera à ceux qu’il a lésés, volés, frustrés ? lorsqu’il verra que d’autres vont profiter de ses injustices, et qu’il va, lui, en rendre compte ? Il n’est pas possible que ces réflexions ne se présentent pas à la pensée avec la maladie qui survient : l’âme alors en est bouleversée, tourmentée, épouvantée. Songez quelle amertume ! Or cela arrive nécessairement à chaque maladie. Si avec cela il en voit d’autres punis et emportés par la mort, quel surcroît d’angoisses pour lui ? Voilà pour cette vie ; mais qui dira les châtiments de l’autre vie, ses vengeances, ses supplices et ses tortures ? Nous vous le disons : « Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende ». (Luc 8,8) Nous revenons souvent là-dessus, non que ce sujet nous plaise, mais parce que nous y sommes forcés. Nous voudrions pouvoir nous dispenser de vous parler jamais de ces choses ; nous désirerions du moins qu’il suffît d’une légère application de ce remède pour guérir vos âmes de la maladie du péché ; mais puisque vous demeurez dans votre infirmité, il y aurait de ma part lâcheté et bassesse à ne pas user de ce moyen de guérison, ce serait même de la cruauté et de la barbarie. Si, lorsque les médecins désespèrent de guérir nos corps, nous ne laissons pas que de les encourager et de leur dire : Ne vous rebutez point, jusqu’à ce que le malade ait rendu le dernier soupir faites ce qui dépendra de vous, usez de tous les moyens ; ne devons-nous pas à plus forte raison faire de même pour les âmes malades ? Une âme peut aller jusqu’aux portes de l’enfer, jusqu’aux dernières limites du vice, et revenir après à résipiscence, se corriger, revenir au bien et acquérir la vie éternelle. Combien en a-t-on vus que dix sermons n’ont pu toucher, et que le onzième a convertis ? Ou plutôt, ce n’est pas le onzième tout seul qui a opéré leur conversion, les dix premiers, sans les toucher visiblement, avaient déposé dans leurs âmes une semence qui a enfin porté son fruit. C’est ainsi qu’un arbre recevra dix coups de hache sans branler, et qu’un onzième coup le fera tomber. Cependant ce n’est pas le dernier coup qui a tout fait ; s’il a réussi, c’est grâce aux dix premiers. En regardant à la racine on se rend compte de ce fait, mais on ne s’en rend pas compte en regardant le sommet ou même le tronc de l’arbre. C’est la même chose ici. Les médecins appliquent quelquefois de nombreux remèdes sans arriver à aucun résultat, puis un dernier qu’ils emploient amène enfin la guérison. Ce n’est pas cependant le dernier remède qui a tout fait, les autres avaient déjà préparé l’œuvre qu’il a enfin accomplie. Donc si les instructions que nous entendons ne donnent pas immédiatement leur fruit, elles le donneront plus tard ; j’en ai la ferme confiance. Le désir que vous témoignez d’entendre la parole de Dieu ne tombera pas en pure perte, ce n’est pas possible. Puissions-nous, nous tous qui avons été jugés dignes d’entendre les enseignements de Jésus-Christ, obtenir les biens éternels ! Ainsi soit-il. HOMÉLIE VI.
OR, DANS UNE GRANDE MAISON IL N’Y A PAS SEULEMENT DES VASES D’OR ET D’ARGENT, MAIS AUSSI DE BOIS ET DE TERRE ; ET LES UNS SONT POUR DES USAGES HONNÊTES, LES AUTRES POUR DES USAGES HONTEUX. SI QUELQU’UN DONC SE GARDE DE TOUT CE QUI EST IMPUR, IL SERA UN VASE D’HONNEUR SANCTIFIÉ ET PROPRE, AU SERVICE DU SEIGNEUR, PRÉPARÉ POUR TOUTES SORTES DE BONNES ŒUVRES. (II, 20, 21, JUSQU’À LA FIN DU CHAPITRE).
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