Acts 13
HOMÉLIE XXVII.
LORSQUE LE JOUR FUT VENU, L’AGITATION N’ÉTAIT PAS PETITE PARMI LES SOLDATS. QU’ÉTAIT DONC DEVENU PIERRE ? HÉRODE L’AVANT DEMANDÉ, ET NE LE TROUVANT PAS, FIT FAIRE UNE ENQUÊTE CONTRE LES GARDES, ET ORDONNA DE LE FAIRE MOURIR ; ET S’ÉLOIGNANT DE LA JUDÉE, IL ALLA DEMEURER A CÉSARÉE. (CHAP. 12, VERS. 18 ET 19, JUSQU’AU VERS. 4 DU CHAP. XIII)ANALYSE.
- 1 et 2. Mort et châtiment d’Hérode, le persécuteur de saint Pierre.
- 2 et 3. Avantage du jeûne. – Rien n’est plus douteux qu’une femme qui n’est pas sobre. – Honteux effets de l’intempérance.
HOMÉLIE XXVIII.
CEUX-CI DONC ENVOYÉS PAR L’ESPRIT-SAINT, DESCENDIRENT A SÉLEUCIE, ET DE LÀ ILS NAVIGUÈRENT VERS CHYPRE. ÉTANT ARRIVÉS À SALAMINE, ILS ANNONÇAIENT LA PAROLE DE DIEU DANS LES SYNAGOGUES DES JUIFS. ILS AVAIENT AUSSI JEAN POUR MINISTRE. (CHAP. 13,4, 5, JUSQU’AU VERS. 16)ANALYSE.
- 1 et 2. Discours de saint Paul aux habitants d’Antioche de Pisidie. – Commentaire sur la véritable mission de Jésus comme Messie : Témoignage de David, de Jean-Baptiste. – Vanité de la loi Mosaïque depuis la venue de Jésus.
- 3. De la piété. – Inutilité d’écouter les instructions si on n’en profite pas pour avancer dans la vertu.
- 4. Remèdes contre les vices, tirés de l’Écriture sainte : Contre la colère, l’orgueil. – L’Écriture fournit des exemples de toutes les vertus. – Un seul vice suffit pour se perdre. – Manière de dompter ses passions en s’y exerçant.
▼C’est-à-dire, si je ne me trompe, Dieu les tira de l’Égypte pour les conduire dans la terre promise ; mais le contraire arriva à cause de leur iniquité, car ils périrent presque tous dans le désert.
, mais ils devinrent nombreux, et des prodiges furent faits en leur, faveur. Les prophètes rappellent toujours le souvenir de ce qui s’est passé en Égypte. Remarquez que Paul passe sous silence les événements malheureux, ne parle point des sujets de plainte de Dieu, mais seulement des bienfaits de la bonté divine, les laissant réfléchir sur les autres événements. « Et pendant quarante années il les nourrit dans le désert ». Et ensuite il aborde le sujet de la terre promise, et il dit : « Et ayant détruit sept peuples dans la terre de Chanaan, il leur donna en héritage la terre de ces peuples (19) ». Puis un longtemps, quatre cent cinquante ans s’écoulèrent : « Et ensuite pendant quatre cent cinquante ans il leur donna des juges jusqu’au prophète Samuel (20) ». Il leur montre par là que Dieu a pourvu de diverses manières à leur gouvernement. « Ensuite ils demandèrent des rois ». Il ne parle pas de leur ingratitude ; mais partout de la bonté de Dieu. « Et Dieu leur donna Saül, fils de Cis, homme de la tribu de Benjamin, pendant quarante ans (21). Et après l’avoir rejeté, il suscita pour roi, David, fils de Jessé, à qui il rendit ce témoignage : J’ai trouvé David, fils de Jessé, homme selon mon cœur, qui accomplira mes volontés (22) ». Cela est important, puisque le Christ sortait de David. Puis il montre Jean rendant témoignage au Christ, et il dit : « De sa race, Dieu a suscité suivant sa promesse le sauveur d’Israël, Jésus ; et Jean a prêché, en vue de sa venue, le baptême de la pénitence à, tout le peuple d’Israël. Lorsque Jean remplissait sa course, il disait : Qui croyez-vous que je sois ? Je ne suis pas celui que vous pensez, mais voici qu’il vient après moi celui dont Je ne suis pas digne de dénouer les souliers (23-26) ». Et Jean ne rend pas simplement témoignage, mais il éloigne de lui la gloire, quoique tous la lui attribuent. Ce n’est pas la même chose de repousser la gloire que nul ne vous donne, et de la repousser quand tous vous la décernent ; et cela non pas par un simple refus, mais avec une si grande humilité. « Hommes, mes frères, fils de la race d’Abraham, et ceux qui parmi vous craignent Dieu, le Verbe du salut vous a été envoyé. Ceux qui habitaient Jérusalem, et leurs princes, ne l’ont pas reconnu ; et les paroles des prophètes qu’on lit tous les jours de sabbat, en le condamnant, ils les ont accomplies. Et ne trouvant aucune cause de mort contre lui, ils ont demandé à Pilate de le faire mourir (26-28) ». Partout les apôtres s’appliquent à montrer que le Christ est leur bien particulier, dupeur que, le considérant comme un objet étranger, ils ne s’éloignent de lui, surtout après qu’ils l’ont crucifié. « Ne l’ayant pas reconnu » ; dit-il, de sorte que c’était un péché d’ignorance. Voyez comme il les excuse avec douceur. Mais cela ne suffit pas, il établit encore qu’il devait en être ainsi. Et pour que personne ne dise : Comment est-il prouvé qu’il est ressuscité ? Paul dit encore : « Ils sont ses témoins ». Il le prouve ensuite, par les Écritures : « Lorsqu’ils eurent accompli tout ce qui a été écrit de lui, on le descendit de la croix, et on le mit dans un tombeau. Mais bien l’a ressuscité d’entre les morts le troisième jour, et il a été vu pendant un grand nombre de jours par ceux qui étaient venus avec lui de la Galilée à Jérusalem ; ils sont ses témoins devant le peuple. Et nous, nous vous annonçons la promesse quia été faite à nos pères car Dieu l’a accompli pour nous, leurs fils, et il a ressuscité Jésus, suivant qu’il est écrit dans le psaume deuxième : Vous êtes mon Fils, je vous ai engendré aujourd’hui. Et pour montrer qu’il l’a ressuscité d’entre les morts, et qu’il ne doit, point retourner dans la corruption ; il dit : J’accomplirai les saintes promesses que j’ai faites à David. C’est pour cela aussi qu’il est dit dans un autre endroit : Vous ne permettrez pas que votre saint voie la corruption. David, après avoir établi la volonté de Dieu dans sa propre génération, s’est endormi, et a été réuni à ses pères, et a vu la corruption ; mais celui que le Seigneur a ressuscité n’a point vu la corruption ». Voyez avec quelle hardiesse Paul parle. Pierre n’a jamais dit cela. « Sachez donc, hommes mes frères, que par ce Jésus nous est annoncée la rémission de nos péchés, et quiconque croit en lui est justifié de tout ce dont vous n’avez pu être justifiés dans la loi de Moïse ». Ensuite il ajoute cette terrible parole : « Prenez donc garde qu’il ne vous arrive ce qui est dit dans les prophètes : Voyez, contempteurs, considérez, admirez et disparaissez, car je fais en vos jours une œuvre que vous ne voudrez pas croire, si quelqu’un vous la raconte (29-41) ». 2. Voyez comme Paul compose le tissu de son discours avec les faits actuels, les prophéties et la race de promission. Mais reprenons ce qui a été dit plus haut : « Hommes mes frères, fils de la race d’Abraham ». Il les appelle par le nom de leur père. « La parole du salut vous a été envoyée ». Ce mot : « à vous », il ne le dit pas aux Juifs à l’exclusion des autres peuples, mais pour donner à ses auditeurs le moyen de se séparer de ceux qui ont osé faire mourir le Christ. Et cela est éclairci par ce qui suit : « En effet, ceux qui habitaient Jérusalem ne l’ont pas reconnu, et n’ayant point entendu les paroles des prophètes, lues tous les jours de sabbat dans les synagogues, ils les ont accomplies en le jugeant ». C’est une circonstance qui aggrave la faute de n’avoir pas fait attention à des paroles qu’ils entendaient souvent. Mais cela ne doit pas surprendre ; ce que l’apôtre a dit de la conduite de leurs pères en Égypte et au désert, était suffisant pour montrer l’ingratitude de ce peuple. Mais comment, dira-t-on, le méconnurent-ils, puisque Jean le leur signalait ? Faut-il s’en étonner, puisqu’ils l’ont méconnu malgré toutes les prophéties qui l’avaient si clairement et si hautement désigné. Ensuite vient une autre accusation : « Et n’ayant trouvé aucune cause de mort » ; ceci n’était pas le fait de l’ignorance. Admettons, en effet, qu’ils ne l’aient pas considéré comme le Christ, pourquoi le mettaient-ils à mort ? « Et ils demandèrent à Pilate de le faire mourir. Lorsqu’ils eurent accompli tout ce qui avait été écrit de lui, on le descendit de la croix et on le mit dans un tombeau ». Voyez le zèle que les Juifs déploient dans toute cette affaire. Paul indique le genre de mort, et introduit Pilate en cause, pour prouver clairement la passion du Christ par le tribunal qui la décida, et pour accuser en même temps plus fortement les Juifs qui ont livré Jésus à un étranger. Paul ne dit pas : ils l’accusèrent ; mais « ils demandèrent » qu’on le mît à mort, sans qu’on eût trouvé de crime de mort en lui, pour montrer qu’ils obtinrent cela comme une grâce de Pilate, qui ne voulait pas le faire mourir ; Pierre le dit plus ouvertement encore par ces paroles : « Pilate, jugeant qu’il devait être relâché ». (Act 3,13) Paul aimait beaucoup les Juifs. Remarquez qu’il ne s’arrête pas à l’ingratitude de leurs pères, mais il leur inspire la crainte à eux-mêmes. Étienne, au contraire, s’y arrête comme il lui convenait, à qui allait être mis à mort, qui ne voulait pas tant instruire les Juifs que leur montrer que la loi était abrogée. Mais Paul ne parle pas de même, il se contente de les menacer et de les épouvanter. « Mais Dieu l’a ressuscité d’entre les morts. Il a été vu pendant un très-grand nombre de jours par ceux qui étaient venus avec lui de la Galilée à Jérusalem ». Voyez comment Paul, poussé par l’Esprit-Saint, leur rappelle à tout propos la passion et le tombeau du Christ. « Et nous vous annonçons, leur dit-il, la promesse qui a été faite à nos pères » ; c’est-à-dire : Nos pères ont reçu la promesse, vous, vous, en avez vu l’accomplissement. Ensuite, il appelle Jean en témoignage par ces paroles « De cette race, suivant la promesse, Dieu a suscité un Sauveur à Israël, et avant sa venue, Jean prêchait le baptême de la pénitence à Israël ». Puis il le cite de nouveau en témoignage lorsqu’il disait : « Je ne suis pas celui que vous pensez ». Ensuite il donne le témoignage des apôtres en faveur de la résurrection : « Ceux-ci sont ses témoins auprès du peuple ». Enfin il termine par cette parole de David : « Vous ne permettrez pas que votre saint voie la corruption ». Les paroles prises dans les anciens n’avaient pas assez de force par elles-mêmes, et les paroles de Jean et des apôtres ne prouvaient pas assez non plus sans les prophètes, c’est pour cela que Paul se sert des uns et des autres pour rendre sa prédication persuasive. Comme les Juifs étaient retenus par la crainte, vu qu’ils avaient, mis le Christ à mort, comme d’ailleurs leur conscience les éloignait, les apôtres ne leur parlent pas comme à des membres du Christ, ni comme à des hommes qui auraient livré un bien qui ne leur appartenait pas, mais comme à ceux qui auraient livré leur propre bien. Le nom de David était cher aux Juifs, aussi met-il ses paroles en avant pour leur faire accepter le Christ ; comme si David leur disait : C’est mon fils qui sera votre roi, ne rejetez donc pas son joug. Que veut dire : « J’accomplirai mes saints engagements avec David ? » C’est-à-dire, les engagements sûrs, les engagements qui ne doivent jamais être brisés. Il ne s’arrête pas à cela, vu qu’ils ont foi en cette parole. Mais il les menace du châtiment, et passant à ce qui était désirable pour eux, il leur montre que la loi est abrogée ; puis il s’arrête à ce qui importe surtout et leur montre que de grands biens sont promis à ceux qui seront fidèles, et que de grands maux attendent les transgresseurs. Ensuite, il parle avec louange de David : « David dans sa génération accomplit la volonté de Dieu, et fut réuni à ses pères ». Ainsi Pierre, en rappelant David, disait : « On peut, parler avec confiance du patriarche David ». Paul ne dit pas qu’il est mort, mais « qu’il a été réuni à ses pères », ce qui était plus doux à dire. Remarquez que nulle part il ne parle de leurs bonnes œuvres, mais seulement de ce qui les accuse. Il énumère les bienfaits de Dieu, en disant : « Il a choisi, il a élevé, il a nourri ». C’est là un éloge, mais celui de Dieu. II ne donne de louanges qu’à David, parce que le Christ vient de lui. Jean appelle l’entrée du Christ, « avant l’entrée du Christ », son incarnation, sa manifestation dans la chair. Ainsi Jean en écrivant l’Évangile, en appelle souvent à Jean-Baptiste, car son nom était célèbre dans toute la terre. Remarquez enfin que Paul ne parle pas d’après lui-même, niais d’après le témoignage de Jean. 3. Remarquez-vous comme Paul montre avec soin que Dieu a tout conduit ? Mais écoutons ce que les apôtres ont persuadé aux hommes, en prêchant le Christ crucifié. Qu’y a-t-il de plus incroyable, qu’il ait été mis dans le tombeau par ceux à qui il annonçait le salut ; et que cet homme enseveli remette les péchés, et mieux que la loi ? Aussi Paul ne dit-il pas : Dont vous n’avez pas voulu, mais bien : « Quiconque croit en Jésus est justifié de ce dont vous n’avez pu être justifié dans la loi de Moïse ». Et il montre par là la faiblesse de la loi. Il dit avec raison : « Quiconque », pour déclarer que cela s’applique à tout croyant. Mais à quoi bon toute cette doctrine, s’il n’en résultait quelque bien ? Aussi met-il en dernier lien la rémission des péchés, avantage dont il fait ressortir la grandeur, en montrant que ce qui était impossible à la loi, Jésus crucifié l’a fait par sa mort. Paul disait donc avec raison : « Ils sont ses témoins devant le peuple », qui l’a mis à mort. Ils ne le seraient pas s’ils n’étaient fortifiés par la puissance divine. Ils n’attesteraient pas de telles choses à des hommes qui ne respirent que le meurtre, à ceux mêmes qui ont mis le Christ à mort. Il dit cette parole : « Je vous ai engendré aujourd’hui » ; car il sait que tout le reste suit de là. Mais pourquoi Paul n’apporte-t-il pas de témoignage qui puisse les convaincre que la rémission des péchés vient de : Jésus ? Parce qu’il ne voulait que démontrer clairement aux Juifs que Jésus était ressuscité ; ceci prouvé, il était indubitable par là que la rémission des péchés vient par lui. D’ailleurs il voulait les amener au désir de ce grand bien. La mort de Jésus n’était donc pas un abandon de Dieu, mais l’accomplissement des prophéties. Il rapporte les faits historiques dont l’ignorance fut pour les Juifs la source de tant de maux. Paul insinue ce sens à la fin de son discours, en disant : « Voyez, contempteurs, et faites attention ». Remarquez comme il coupe court à cette parole dure, en ajoutant : « Pour qu’il ne vous arrive pas ce qui a été dit aux autres : j’accomplis une œuvre que vous ne croirez pas, si quelqu’un vous la raconte ». Ne vous étonnez pas, cette incrédulité semble inconcevable, mais elle avait été prédite. On pourrait aussi à bon droit nous dire à nous : « Voyez, contempteurs », en parlant de ceux qui ne croient pas à la résurrection. Les affaires de l’Église sont en souffrance, quoique vous pensiez que tout soit en paix. Et c’est un grand malheur de ne pas savoir que nous sommes dans le malheur, lorsque nous sommes plongés dans des maux sans nombre. Que dites-vous ? Nous avons des églises, des biens, et le reste, les collectes se font, chaque jour le peuple assiste à l’office divin, et nous méprisons. La prospérité de l’Église ne se reconnaît pas à ces signes. Mais à quel signe, direz-vous, la reconnaîtra-t-on ? Ce sera si nous avons de la piété, si nous rentrons dans nos demeures chaque jour avec un gain spirituel nouveau, si nous avons fait quelque fruit grand ou petit ; si nous n’accomplissons pas la loi d’une façon quelconque et connue pour l’acquit de notre conscience. Qui est sorti meilleur des assemblées de tout un mois ? C’est là la question : car souvent ce qui nous semble bien se trouve être mal, parce que nous n’en retirons aucun profit pour notre avancement spirituel. Et encore plût à Dieu que nous fussions toujours au même point ; mais hélas ! vous rétrogradez. Quel fruit avez-vous retiré des assemblées ? Si vous en avez retiré quelque fruit, vous devriez tous mener depuis longtemps une vie sage, car tant de prophètes vous parlent deux fois la semaine, tant d’apôtres, tant d’évangélistes vous entretiennent, qui tous vous exposent les dogmes du salut, et les préceptes qui peuvent amener à mieux régler vos mœurs. Le soldat qui va à l’exercice devient plus habile dans la tactique ; l’athlète qui fréquente la Palestre est plus exercé à combattre ; le médecin qui suit les cours d’un maître devient plus judicieux, il sait et apprend de plus en plus : Vous, qu’avez-vous gagné ? Je ne parle pas à ceux qui ont fréquenté les assemblées pendant un an, mais bien à ceux qui y viennent depuis leur première jeunesse. Croyez-vous que ce soit toute la piété de venir exactement à l’assemblée ? Ce n’est rien, si l’on n’en retire pas de fruit ; si nous ne recueillons rien, il vaut mieux rester à la maison. Si nos ancêtres nous ont construit des églises, ce n’est pas pour que nous venions nous y montrer en public : cela se ferait aussi bien dans la place publique, aux bains et dans les pompes publiques. Mais ils ont voulu réunir les disciples et les docteurs, afin que, par le soin de ceux-ci, ceux-là devinssent meilleurs. Ce que nous faisons maintenant n’est que l’accomplissement d’une loi et une sorte de décorum ; du reste, c’est affaire de pure coutume. Vienne Pâques, il se fait beaucoup de bruit, de grands rassemblements ; je ne dirai pas : il vient beaucoup d’hommes ; car ce qui se fait n’est pas œuvre d’hommes. La fête est passée, le bruit cesse, et l’on rentre dans un calme infructueux. Combien de veilles de nuit ne fait-on pas ? Combien ne chante-t-on pas de cantiques ? En devient-on meilleur ? Que dis-je ? on en devient pire ; beaucoup en effet font tout cela par vaine gloire. À quel point pensez-vous que j’aie les entrailles déchirées en voyant tout s’en aller comme dans un tonneau percé ? Mais vous me direz sans cloute : Nous savons les Écritures. Qu’est-ce que cela ? Montrez votre science dans les Écritures, par vos œuvres : là est le gain, là est l’utilité. L’église est un atelier de teinture : si vous en sortez toujours sans avoir reçu aucune teinture, à quoi sert d’y aller souvent ? Le dommage en est plus grand. Qui de vous ajoute quoi que ce soit aux coutumes qu’il a reçues de ses ancêtres ? Par exemple. Tel a accoutumé de faire mémoire de sa mère, de sa femme, de son enfant : Il le fait, soit qu’il l’apprenne ou ne l’apprenne pas de nous, poussé qu’il y est par la coutume et la conscience. Vous indignez-vous donc de cela, direz-vous ? Loin de là, je m’en réjouis fort, mais je voudrais (lue cet homme retirât quelque fruit de notre allocution ; et ce que la coutume lui fait faire, je voudrais qu’il le fît par notre exhortation, et que de nouvelles habitudes s’ajoutassent aux habitudes déjà prises. Pourquoi travaillerai-je et radoterai-je en vain, si vous devez rester dans vos habitudes, si les assemblées ne vous font aucun bien ? 4. Certes, dit-on, nous prions. Qu’est-ce que cela sans les œuvres ? Écoutez la parole du Christ : « Tous ceux qui me disent : Seigneur, Seigneur, n’entreront pas dans le royaume des cieux, mais celui qui accomplit la volonté de mon Père qui est dans les cieux ». (Mat 7,21) Souvent j’ai résolu de me taire, en voyant qu’il ne se faisait parmi vous aucun progrès à ta suite de mes discours ; peut-être ce progrès se fait-il, mais telle est l’impatience et l’ardeur de mon désir, qu’il m’arrive d’éprouver ce qu’éprouvent les hommes qui ont la folie des richesses. De même, en effet, que ceux-ci, quelque grands biens qu’ils amassent, pensent ne rien avoir ; de même aussi moi, par le désir de votre salut qui m’anime, tant que je ne vous verrai pas atteindre le but, je penserai n’avoir rien fait, parce que j’ambitionne de vous voir parvenir au sommet même de la perfection. Je voudrais qu’il fût ainsi : je voudrais que ce que j’éprouve fût l’effet de mon impatience, et non de votre mollesse : je crains fort de mal conjecturer. Il y a tout lieu de croire, en effet, que si vous aviez fait chaque jour quelque progrès, depuis si longtemps que nous parlons, nous n’aurions plus besoin de parler aujourd’hui. Car nous vous avons assez parlé, non seulement pour vous instruire vous-mêmes, mais encore pour vous mettre à même d’instruire, si vous aviez le moins du monde profité de chacun de nos discours. Puisque nous avons toujours besoin de vous avertir, cela ne prouve pas autre chose, si ce n’est que votre conduite n’est pas parfaite. Que faut-il donc faire ? Car il ne faut pas seulement vous adresser des reproches. Je vous prie et vous conjure de ne pas seulement sous occuper de venir à l’église, mais aussi de remporter, en vous retirant dans vos maisons, quelque remède contre vos passions ; de la sorte vous serez bientôt munis, non par nous, mais par les divines Écritures, de tous les remèdes propres à toutes les maladies de vos âmes. Par exemple, est-on colère, qu’on fasse attention aux lectures des Écritures, et on trouvera certainement, soit dans les histoires, soit dans les conseils, quelque chose qui conviendra. Ainsi dans le conseil il est dit : « Le moment de sa fureur est devenu sa ruine ». (Sir 1,28) Et ailleurs : « L’homme colère n’est pas modéré » (Pro 11,25) ; et mille choses semblables. Ailleurs on lit encore : « L’homme qui n’est pas maître de sa langue ne prospérera pas ». (Psa 140,12) Le Christ a dit : « Celui qui se met sans raison en colère contre son frère »… (Mat 5,22) Le prophète dit aussi : « Mettez-vous en colère, mais ne péchez pas ». (Psa 4,5) Et ailleurs : « Maudite soit leur colère, parce qu’elle est implacable ». (Gen 49,7) Dans les histoires, ce sera pour vous un exemple, lorsque vous lirez que Pharaon et l’Assyrien, enflammés de colère, ont péri par cette cause. Un autre est-il épris de l’amour des richesses, qu’il entende cette parole : « Rien de plus injuste que l’avare, car cet homme met son âme en vente ». (Sir 10,9) Et cette autre du Christ : « Vous ne pouvez servir Dieu et l’argent » (Mat 6,24) ; et l’apôtre, lorsqu’il dit : « L’avarice est la racine de tous les vices ». (1Ti 6,10) Le prophète dit : « Si vos richesses sont abondantes, n’y attachez pas, votre cœur ». (Psa 62,10) Et beaucoup de textes semblables. Par les histoires vous connaîtrez Giézi, Juda, les princes des prêtres, les scribes, et vous saurez « que les présents aveuglent les yeux des sages ». Un autre est-il orgueilleux ? qu’il écoute cette parole : « Dieu résiste aux superbes » (Pro 3,34) ; « le principe du péché est l’orgueil » (Sir 10,14) ; et aussi : « Tout homme au cœur hautain est impur devant Dieu ». (Pro 16,5) Dans les histoires vous lirez ce qui est arrivé au démon et à tous les autres. En somme, car nous ne pouvons tout énumérer, que chacun choisisse dans les divines Écritures le remède à ses propres blessures. Si vous ne pouvez guérir le tout, guérissez déjà une partie aujourd’hui, demain une autre, ensuite le tout. Vous trouverez dans les Écritures de nombreux exemples sur la pénitence et sur la confession, sur l’aumône et sur la justice, sur la sagesse et sur toutes choses. « Toutes ces choses ont été écrites », dit saint Paul, « pour notre instruction ». (Rom 15,4) Si donc c’est pour notre instruction que l’Écriture traite toutes sortes de sujets, prêtons notre attention à l’Écriture. Pourquoi nous faisons-nous de vaines illusions ? Je crains qu’il ne soit dit de nous : « Nos jours se sont écoulés dans la vanité, et nos années ont passé avec rapidité ». (Psa 68,33) Qui de nos auditeurs s’est éloigné du théâtre ? Qui a abandonné l’avarice ? Qui est devenu plus zélé pour l’aumône ? Je voudrais le savoir, non par vaine gloire, mais pour devenir plus ardent à la vue du fruit évident de mes travaux. Mais comment m’appliquerai-je à mon œuvre, en voyant des pluies si abondantes de doctrines tombées inutilement, et notre semence toujours à la même mesure, et les fruits toujours aussi maigres ? Enfin le temps de l’aire, où l’on emploie le van, est arrivé. Je crains qu’il n’y ait que de l’herbe ; je crains que tous nous ne soyons jetés dans la fournaise. L’été est passé ; l’hiver est venu ; nous sommes assis, jeunes et vieux, enchaînés par nos propres vices. Ne me dites pas : Je ne commets pas la fornication. Quelle utilité pour vous de n’être pas fornicateur, si vous êtes avare ? Le passereau, quoiqu’il ne soit pas pris de toutes parts, s’il est seulement retenu par le pied, périt cependant, arrêté dans le filet, et ses ailes ne lui servent à rien, vu qu’il est pris par le pied. Ainsi, vous qui n’êtes pas pris par la fornication, mais qui aimez l’argent, vous êtes pris cependant ; la question n’est pas de savoir comment vous êtes pris, mais si vous l’êtes. Que le jeune homme ne dise pas : Je ne suis point avare ; peut-être êtes-vous fornicateur. Encore une fois, quel gain à cela ? Tous les vices ne peuvent pas être réunis chez nous dans un même âge de la vie, mais ils sont partagés entre tous les âges, et cela par la miséricorde de Dieu, de peur qu’ils ne devinssent indomptables, s’il, s’emparaient de nous tous à la fois ; de peur aussi que la lutte contre eux ne fût trop difficile. Quelle paresse n’y aurait-il donc pas de notre part, à ne pouvoir triompher des passions ainsi divisées, à nous laisser vaincre dans chaque saison de la vie, et à nous prévaloir fièrement des qualités qui nous viennent, non de la vertu, mais de l’âge. Ne remarquez-vous pas les cochers, qui usent de toutes sortes de soins, d’exercices et de travaux, de certaines nourritures mêmes, et de bien d’autres moyens pour n’être pas renversés de leur char ? Voyez ce que peut l’art ! Un homme même courageux ne peut souvent modérer un seul cheval ; et un tout jeune homme, par son art, en prend deux souvent, et les dirige et les conduit avec facilité. Chez les Indiens, dit-on, l’éléphant, cette bête énorme et redoutable, se laisse mener avec plaisir par un enfant de quinze ans. Pourquoi parlé-je ainsi ? Parce que si, par notre art et notre vigilance, nous domptons les éléphants et les chevaux, bien plus pourrons-nous dompter nos passions. D’où vient que nous sommes sans force pendant notre vie entière-? Jamais nous ne nous sommes appliqués à cet art ; jamais aux jours de loisir, libres de toutes luttes, nous ne nous sommes entretenus avec nous-mêmes sur ce qui était bon à faire. Nous ne songeons à mettre le pied sur notre char que lorsqu’il faut combattre ; c’est pour cela que nous devenons un objet de risée. N’ai-je pas dit souvent : Exerçons-nous en notre intérieur avant la tentation ? Souvent nous nous exaspérons à la maison contre nos serviteurs ; apaisons alors notre colère pour apparaître calmes au milieu de nos amis ; si nous nous exercions en toute autre chose, nous ne serions pas un objet de risée au jour du combat. Mais maintenant on a des armes, des exercices, des études pour toute autre chose, comme pour les arts et la lutte ; nullement pour la vertu. L’agriculteur n’oserait cultiver une vigne, si d’abord il ne s’était convenablement exercé à la culture ; le pilote ne s’assiérait pas au gouvernail, s’il ne s’était préalablement instruit ; et nous, avec notre inexpérience, nous voulons tenir la première place. On devrait se taire ; on ne devrait rien dire ni rien faire avant d’avoir pu apprivoiser la bête féroce qui est en nous. Est-ce que la fureur et la concupiscence ne combattent pas plus violemment contre nous que toute bête féroce ? Ne vous lancez pas sur la place publique avec ces bêtes féroces avant de les avoir domptées et apprivoisées. Ne savez-vous pas combien gagnent et sont admirés ces hommes qui conduisent à travers le cirque les lions apprivoisés, parce qu’ils ont dressé à la douceur une bête sans raison ? Mais si tout à coup le lion devient féroce, il chasse tout le monde de la place, son conducteur lui-même est en péril, et de plus, il peut causer la perte des autres. Vous donc, apprivoisez d’abord le lion, et conduisez-le seulement alors, non pour gagner quelque argent, mais pour faire un bénéfice auquel rien n’est comparable, car rien n’est comparable à la douceur ; elle est bonne à ceux qui la possèdent et à ceux qui en profitent. Courons donc après elle, afin qu’après avoir suivi avec soin la route de la vertu, nous acquérions les biens éternels, par la grâce et la bienveillance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec qui appartiennent, au Père et à l’Esprit-Saint, gloire, puissance, honneur, maintenant et toujours, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
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