‏ Genesis 29:20-23

CINQUANTE-SIXIÈME HOMÉLIE.

Et Jacob dit à Laban ; « Donnez-moi ma femme, car les jours sont accomplis où je dois être admis auprès d’elle. » (Gen 29,21)

ANALYSE. 1et 2. Explication des versets 20, 28 du chapitre XXIX. Sortie véhémente contre les pompes sataniques en usage dans les noces. – 3. Explication des versets 29, 33. La polygamie autrefois tolérée, ne l’est plus aujourd’hui, pourquoi ? – 4. Explication de la suite du texte jusqu’au verset 13 du chapitre XXX. – 5. Explication des versets 14, 24. – 6. Exhortation. Ne pas rechercher le secours des hommes

1. Hier nous avons passé de l’amour que Jacob montra pour Rachel, à celui que Paul montra pour Jésus-Christ, et considérant l’admirable charité de l’Apôtre, nous avons été comme entraîné par un torrent impétueux, et nous n’avons pas eu la force de reprendre la suite de notre discours. Aujourd’hui donc, s’il vous plaît, reprenant notre marche, nous achèverons ce qui nous reste encore à parcourir, afin que nous puissions recueillir encore de cette homélie un suffisant avantage avant de rentrer dans nos demeures. Lorsque le nombre des sept années fut accompli, et, dit l’Écriture, ce long temps, n’était, aux yeux de que pets de jours, à cause de l’amour qu’il avait pour Rachel, il dit à Laban : Ne me retenez plus ma femme, car les jours sont accomplis où je dois être admis auprès d’elle. Et Laban rassembla tous les hommes de la contrée et célébra les noces. Et le soir étant venu, Laban prit Lia, sa fille, et l’introduisit auprès de Jacob. (Gen 29,20-23)

Avez-vous vu avec quelle gravité l’antiquité célébrait les noces ? Écoutez, vous qui vous laissez éblouir par les pompes de Satan, et qui, par les préludes des noces, en déshonorez le caractère auguste. Y a-t-il là des flûtes, des cymbales, des danses sataniques ? Pourquoi donc, dites-moi, introduisez-vous si vite, dans votre maison, une telle peste ? Pourquoi la transporter chez vous de la scène et de l’orchestre, pour que cette prodigalité intempestive altère la réserve de la jeune fille et rende le jeune homme plus effronté ? On devrait s’estimer heureux que cet âge pût, même en l’absence de ces causes de désordre, résister à la tempête des passions ; mais lorsque tant de choses viennent par la vue et par l’ouïe rendre par l’embrasement plus intense et plus ardente la fournaise des passions, comment l’âme du jeune homme pourrait-elle échapper à sa ruine ? C’est là ce qui perd et détruit tout ; c’est parce que la modestie de ceux qui doivent s’unir est violemment déracinée dès l’origine ; et en effet souvent, dès le premier jour, ce jeune homme a reçu dans son âme un trait satanique ; atteinte par les yeux et les oreilles, la jeune fille a succombé, et à partir de ce jour, les blessures s’accroissent et causent un mal de plus en plus profond. D’abord, en effet, la concorde mutuelle est ruinée, l’amour dépérit. Car lorsque l’époux attache sa pensée à une autre, son esprit se partage, et vaincu par les stratagèmes du démon, il remplira bientôt sa maison de tristesse. Si l’épouse aussi est trouvée coupable d’une faute de même sorte, tout sera pour ainsi dire, ruiné par la base, et désormais, pleins de dissimulation l’un pour l’autre, la femme sera en butte aux soupçons de son mari, le mari aux soupçons de sa femme. Et ceux entre lesquels devait subsister indissoluble le lien de la concorde, ceux qui doivent être une seule chair (car, dit l’Écriture, ils seront deux en une seule chair Gen 2,2), seront divisés comme s’ils étaient séparés par le fer. Le démon, entrant chez eux, y exerce de tels ravages, que des guerres et des combats journaliers s’ensuivent, et que leurs maux ne trouvent aucune trêve. Et qui pourrait exprimer les mépris des serviteurs, le rire des voisins, les indignités qui se produisent. Comme dans la discorde des pilotes, les passagers partagent les périls, et le navire doit sombrer avec tous ceux qu’il porte, de même ici, lorsque l’époux et l’épouse sont en lutte, le reste de la maison doit partager leurs maux. Ces maux, je vous conjure donc de les prévoir, afin de ne pas vous laisser conduire par la coutume ; car je sais que beaucoup s’en font une excuse contre nous et ne peuvent supporter nos discours ; mais nous devons pourtant vous dire ce qui est salutaire, pour vous sauver des châtiments à venir. Là où l’âme éprouve un tel dommage pourquoi m’objecter la coutume ? Et moi aussi je vous objecte une coutume meilleure, celle des temps primitifs, où pourtant la vraie religion était moins répandue. Et ne croyez pas que je parle du juste Jacob ; pensez à Laban encore adonné au culte des idoles, ignorant la religion, et qui cependant montre une telle sagesse. Cette louable conduite, en effet, n’est pas celle du futur époux, mais du père qui lui donne sa fille. Aussi en abordant ce discours, ai-je voulu m’adresser moins aux époux qu’aux parents, au père de l’époux et à celui qui lui donne sa fille. N’est-il pas absurde que nous, chrétiens, objets d’une telle bonté de la part de Dieu, nous, appelés à des mystères redoutables et ineffables, nous soyons au-dessous de Laban, qui servait encore les idoles ? N’entendez-vous pas Paul nous dire que le mariage est un mystère et l’image de la charité que le Christ a témoignée à son Église ? Ne nous dégradons pas nous-mêmes et ne flétrissons pas la dignité du mariage. Si mon conseil est bon et utile, fût-il contraire à la coutume, suivez-le ; si ce que vous pratiquez est nuisible et désastreux, fût-ce la coutume, qu’il disparaisse. Si nous cédions à l’autorité de la coutume, le voleur, le plus infâme débauché, celui qui fait profession d’un vice quelconque nous alléguerait cette autorité. Mais l’on n’en tirera nul avantage et l’on n’obtiendra nulle indulgence ; on sera sévèrement repris de n’avoir pas su s’élever au-dessus d’une coutume perverse.

2. Si nous voulons veiller sur nous-mêmes et nous préoccuper grandement de notre salut, nous saurons nous tenir éloignés des mauvaises coutumes et en acquérir de bonnes. Nous léguerons ainsi à ceux qui nous suivront une grande facilité pour entrer dans la même voie, et nous-mêmes nous recevrons une récompense pour leurs bonnes actions. Car – celui qui ouvre l’entrée de la bonne voie sera la cause du bien accompli par d’autres, et il recevra double récompense pour le bien qu’il aura fait lui-même et pour avoir conduit les autres à la pratique de la vertu. Ne m’opposez pas ces froids et ridicules discours, que telle est la loi du monde et qu’il faut la suivre. Ce n’est point la ce qui fait un mariage légitime ; ce qui le fait, c’est de s’unir, conformément aux lois divines, avec modestie et dignité ; c’est de se tenir attachés 'par la concorde. Les lois humaines ne l’ignorent pas ; écoutez ceux qui sont versés dans cette science vous dire que c’est la communauté habituelle de vie qui constitue le mariage. Ne violons donc pas à la fois les lois de Dieu et celles des hommes ; ne leur préférons pas ces lois diaboliques et cette coutume funeste ; car cette loi a pour auteur celui qui se réjouit toujours de notre perte. Quoi de plus ridicule que cette coutume de soumettre le mari et sa femme aux quolibets, aux railleries sans fin de serviteurs et de misérables, sans que personne les reprenne, mais de donner pleine licence à chacun, durant la soirée des noces, de tout dire et d’accabler d’indécentes plaisanteries les nouveaux époux ? Un autre jour, si quelqu’un tentait de les injurier, il y aurait pour lui des tribunaux, des prisons, des jugements ; mais dans un moment où la pudeur, la décence, la pureté devraient surtout être respectées, c’est alors que l’impudeur règne partout ; ce, sont bien les ruses du démon qui ont produit cette coutume. Mais ne vous offensez pas, je vous en conjure. Ce n’est pas sans motif que j’ai fait cette digression, c’est par zèle pour votre salut, et pour la décence ; je veux que vous soyez les auteurs d’une heureuse révolution, les introducteurs d’une noble coutume, Que l’on donne seulement l’impulsion et que la voie soit ouverte ; peu à peu, l’un étant noblement et louablement jaloux de l’autre, vous deviendrez l’objet des éloges de chacun, et non seulement les habitants de la ville imiteront cette heureuse nouveauté, mais vous attirerez à votre suite ceux qui habitent au loin, vous leur inspirerez le zèle de vous imiter, et vous obtiendrez de Dieu de nombreuses couronnes, parce que, par la crainte et l’obéissance à ses commandements, vous aurez triomphé de cette coutume satanique. Oui, vous embrasserez avec ardeur ce conseil que je vous donne et vous le mettrez en pratique, j’en ai la ferme conviction. Quand en effet je vous vois écouter avec tant de plaisir mes paroles, je conjecture, d’après vos applaudissements et vos louanges, que vous poursuivrez une réforme effective. Je n’en dirai pas sur ce point davantage et je reprends mon sujet. Et le soir étant venu, Laban prit Lia sa fille et l’introduisit auprès de Jacob.

Ne passons pas non plus légèrement sur ces paroles ; elles nous enseignent plusieurs choses : d’abord la bonne foi de et comment, étranger à toute malice, il fut lésé par Laban ; puis, que tout se passa avec une grande décence, sans flambeaux, ni chœurs de danse, ni luxe de lumière, en sorte que la ruse de Laban put réussir. On y peut aussi reconnaître l’attachement de Laban pour Jacob ; car il machina cette ruse pour retenir ce juste plus longtemps auprès de lui. Sachant qu’il brûlait pour Rachel et que, s’il obtenait l’objet de ses vœux, il ne consentirait pas à servir ensuite pour Lia et à demeurer pour ce motif auprès de lui, Laban, qui considérait la vertu de cet homme et comprenait qu’il ne réussirait pas autrement à le dominer et à le persuader, employa la ruse et lui donna Lia, avec Zelpha pour servante. Lorsque le juste lui fit ensuite des reproches et lui demanda pourquoi il l’avait trompé ainsi, il lui donna une excuse spécieuse. Car Jacob lui ayant dit : Pourquoi m’avez-vous fait cela ? n’est-ce pas pour Rachel que je vous ai servi ? pourquoi m’avez-vous trompé? (29,25) Que lui répondit Laban ? Ce n’est pas la règle dans cette contrée de marier la cadette avant l’aînée. Accomplissez donc aussi sept années pour elle, et je vous la donnerai pour récompense des travaux que vous aurez encore accomplis pendant sept ans. (26-27) Vous le voyez, sa ruse lui réussit. Voyant l’amour de Jacob pour cette jeune fille, il lui dit : Ne pensez pas que je vous aie fait tort. C’est, dans notre pays, la coutume de marier d’abord l’aînée ; c’est pourquoi la chose s’est passée ainsi. Vous obtiendrez celle que vous souhaitez, si vous me servez pour elle le même nombre d’années. Le juste ayant entendu ce langage accepta tout de bon cœur, et, après ces sept années
Il semble que l’orateur ait été trompé par sa mémoire, lorsqu’il dit que Laban ne donna Rachel à Jacob qu’après les sept autres années de service. Le texte hébreu, la Vulgate et les Septante, portent que Rachel fut donnée pour épouse à Jacob sept jours après sa sœur Lia, à la condition qu’il servirait son beau-père pendant encore sept ans.
, Laban lui donna sa fille Rachel pour femme
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